Depuis trop longtemps la Sicile est l’exemple parfait de la corruption élevée au rang de mode de vie et de gouvernement. Cela fait le jeu de tous les politiques et de l’ensemble de la mafia. Les perdants, comme toujours, ce sont les honnêtes gens, ceux qui ont un honneur et des convictions. C’était le cas du père de Teresa. Il a été abattu par des gamins. Il avait refusé de payer le racket réclamé par la pègre.
Dix ans plus tard, Teresa vivote à Rome. Elle est chargée par une association de rencontrer et de remonter le moral à des malades du cancer en phase terminale. La mort elle connaît bien. Au point que chaque jour elle a de plus en plus envie de tuer l’homme responsable de l’exécution de son père.
La vengeance de Teresa (Métailié, 160 pages, 18 €) de Claudia Fava prend aux tripes. On comprend la rage de Teresa. Ses doutes aussi. Mais finalement, pour alléger sa peine, elle ne voit pas d’autres solutions. À moins que ses amis (un Chilien étudiant en médecine, la responsable de l’association et un malade moribond récemment sorti de prison), ne parviennent à la raisonner. Un roman témoignage sur la gangrène de la violence qui se transforme en cancer de la vengeance.
Si certains auteurs refusent que l’on touche à leur création, ce n’est pas l’état d’esprit de Van Hamme et Rosinski pour Thorgal. Après plusieurs déclinaisons de l’univers du Viking venu des étoiles, place à une suite encore plus ambitieuse avec le premier tome de la Saga Thorgal par Robin Recht. Adieu Aaricia (Le Lombard, 112 pages, 24,50 €) débute par une séquence d’une grande tristesse.
Thorgal, très vieux, conduit la dépouille de sa femme à sa dernière demeure. Une fois la crémation achevée, Nidhogg, le serpent-dieu, apparaît et propose un marché à Thorgal : la possibilité de revoir et de parler avec Aaricia. Désespéré, le vieux héros accepte et se retrouve dans le village viking de Gandalf le fou. Aaricia n’a que 8 ans et vient d’être enlevée par une horde de Baalds. Thorgal va tenter de la sauver avec l’aide de son double, encore enfant et en colère. Superbe variation sur la confrontation d’un même homme à deux époques de sa vie.
L’ancien, sage et devenu raisonnable, le jeune, fougueux et rêvant de combats et d’aventures.
Une histoire compliquée à souhait, magnifiée par un dessin digne de Rosinski, mais avec une touche personnelle, notamment dans les cadrages et les gros plans. Une excellente surprise de cette année 2023.
Tourné en six jours et en salles depuis le 2 août, « Yannick », le nouveau film de Quentin Dupieux est une déflagration d’humour intelligent.
Méfiez-vous de l’effet miroir. Si vous allez voir Yannick au cinéma à partir de ce mercredi (on ne peut que vous le conseiller !), attendez-vous à vous retrouver dans une salle remplie de rires. Mais pas forcément là où vous allez rigoler. C’est la force de Quentin Dupieux : son cinéma est tellement original et imprévisible que tout le monde peut y trouver de quoi se gondoler à tout moment. Le miroir serait qu’un spectateur se lève et interrompe la projection. Mais ne rêvons pas, des situations aussi improbables il n’y en a que dans les films de ce réalisateur iconoclaste.
Tout en étant dans une salle de théâtre, le spectateur de Yannick se retrouve également au théâtre. Sur scène, Pio Marmaï et Blanche Gardin tentent de donner un peu de rythme à un vaudeville poussif. Une pièce intitulée Le cocu, avec le beau Pio dans le rôle principal (mais rendu ridicule avec une moustache de beauf et une mèche bouclée indomptable) et la caustique Blanche dans celui de la traîtresse. Le public, clairsemé, ne rit pas beaucoup malgré l’abattage du Cocu.
Rien que ce début est captivant. Les deux comédiens parviennent à mal interpréter leur texte avec une dextérité qui en dit long sur leur talent. Tout bascule quand Yannick (Raphaël Quenard), spectateur, se lève et proteste. Il ne trouve pas cela drôle. Or il est venu de Melun pour se distraire, oublier ses soucis de gardien de nuit. Cette pièce lui file carrément le bourdon.
Alors, pour ne pas gâcher sa soirée de congé, il demande gentiment aux comédiens d’arrêter cette idiotie et d’interpréter à la place une autre pièce. Ce dialogue, surréaliste, est porté par un Raphaël Quenard au sommet de sa coolitude. Son débit traînant et populaire apporte un degré de réalisme rarement atteint. Sur scène, les comédiens ne comprennent pas. C’est une première pour eux et ils mettront de longues minutes à se débarrasser de cet olibrius qui n’a que peu de respect pour leur travail. Mais ce n’est que le début de la confrontation entre des artistes et leur public. Et cela va saigner.
Ce projet secret de Quentin Dupieux, mené en six jours seulement, est sans doute son meilleur film. Écriture au cordeau, interprètes géniaux, ellipses vertigineuses (le public devient auteur, les comédiens ne jouent plus…), laissez-vous gagner par la folie à la Yannick.
26e adaptation au cinéma du manga publié en France par Kana : « Détective Conan – Le sous-marin noir »
Alors que va sortir le 18 août prochain aux éditions Kana le 102e tome du manga Détective Conan, vous pouvez retrouver de héros au cinéma dans la 26e adaptation sur grand écran des aventures de ce mini-enquêteur.
Pour ceux qui auraient raté le début de l’histoire, Conan est un lycéen par ailleurs très bon enquêteur. Mais il absorbe un poison qui le transforme. S’il a toujours son intelligence et son célèbre esprit de déduction, son corps a régressé.
Conan se retrouve avec le physique d’un enfant de 7 ans.
Il poursuit cependant son action contre le mal avec l’aide de quelques adultes dans la confidence. Les autres sont persuadés avoir affaire à un gamin. Cela peut simplifier ses missions d’infiltration. Par contre dès qu’il y a de la castagne, c’est moins évident. Dans Détective Conan - Le sous-marin noir, notre jeune héros va tenter de sauver une installation technologique japonaise : la bouée du Pacifique. Une base qui connecte toutes les caméras de surveillance de la planète.
Un mystérieux sous-marin noir veut la détruire. Conan va tout faire pour l’en empêcher, se battant contre nombre de méchants qui ont tous pour nom un alcool fort, de Rhum à Gin en passant par Kir. Fidèle au manga original, ce film est un savant mélange d’action, d’espionnage et de résolution d’énigmes.
Pathé propose un film des années 70 avec Alain Delon en vedette (et producteur) : "Big guns", une histoire de vengeance de gangster impitoyable.
Alors qu’Alain Delon est toujours au centre d’une sinistre histoire de famille, preuve une nouvelle fois que la vieillesse est trop souvent un long naufrage pathétique, on peut zapper cette séquence d’actualité et retrouver le comédien français dans un de ces rôles qu’il affectionnait tant quand il était au sommet de la célébrité.
Sicilien, tueur à gages impitoyable mais aussi mari aimant et papa poule : tel est le rôle de composition au centre du film italien Big guns(Pathé vidéo) réalisé par Duccio Tessari. Dans une version restaurée, ce coffret offre le DVD mais aussi le blu-ray et un long bonus de 38 minutes constitué d’entretiens autour du film avec Nicolas Pariser, Jean-François Rauger et Laurent Chollet.
Sorti en 1973, Big guns raconte la vengeance implacable de Tony Arzenta interprété par Alain Delon, par ailleurs producteur. Tony est l’employé modèle d’une mafia internationale. Mais il a décidé de prendre sa retraite pour offrir un avenir plus serein à son fils. Une décision qui n’est pas au goût des grands pontes qui décident de l’éliminer. Mais la bombe placée sous sa voiture explose quand sa femme et son fils montent à bord.
Le tueur à gages décide de se venger. Le film nous le montre sillonnant l’Europe (Rome, Paris, Copenhague), flingue à la main, exécutant sans le moindre haussement de sourcil ses anciens chefs.
Un film de gangsters bourré de testostérone où l’on croise parmi les seconds rôles français Roger Hanin ou Marc Porel.
La nature est parfois étonnante. Voire surnaturelle en lisant ces 20 histoires collectées par Gregory Roeder et illustrées de photographies de Stéphane Hette.
Ces Histoires surnaturelles, ouvrage sous-titré « Alliances, ruses et stratagèmes entre plantes et insectes » raconte par exemple comment un insecte utilise une plante aquatique comme scaphandres pour vivre sous l’eau. Autre cas de symbiose surprenante, ce coléoptère qui se nourrit de poison pour se rendre indigeste. Après avoir découvert ces étranges associations, vous ne regarderez plus araignées, fleurs ou papillons de la même façon. « Histoires surnaturelles », Salamandre, 39 €
Machiavélique et intrigant. Le nouveau thriller d’Alafair Burke devrait vous permettre de vous déconnecter complètement du quotidien et même des vacances si par bonheur vous bronzez actuellement au bord de la Méditerranée.
Sans passé (Presses de la Cité, 336 pages, 22 €), débute par un simple appel à témoin de la police du New Jersey près de New York. Une jeune femme est retrouvée blessée éjectée d’une voiture accidentée. Et volée. Elle ne se souvient plus de rien. Amnésie totale. Secourue par Lindsay, étudiante en droit, l’inconnue deviendra sa meilleure amie sous le prénom de Hope.
Des années plus tard, Hope va s’installer dans les Hamptons et disparaît au bout d’un mois. Lindsay va tenter de la retrouver et de découvrir enfin son passé si profondément enfoui dans sa mémoire cassée. Une enquête palpitante, sur l’oubli, le déni, les secrets et les mensonges. Hope est-elle véritablement amnésique ? Que cherche exactement Linday ? Et pourquoi Ellie Hatcher, la policière déjà vue dans les précédents romans d’Alafair Burke, est-elle concernée ? Hope aurait-elle un lien avec le suicide du père d’Ellie ?
Le genre de thriller qu’on ne peut plus lâcher une fois passé la 10e page.
La fin du monde, de notre monde, est un classique de la BD. Depuis l’Étoile mystérieuse et les prophéties du fou, des milliers de variations ont été proposées aux lecteurs. En attendant la vraie, à cause de notre propension à épuiser la planète, notre planète.
Avec Les mondes électriques (Glénat, 72 pages, 15,95 €), Christophe Alliel propose sa vision cauchemardesque. L’action se déroule à Londres. Des éclairs perturbent tout et des boules noires prennent le contrôle des humains les transformant en monstres assoiffés de sang. Mais que les adultes. Les enfants, épargnés, tentent de survivre face aux attaques.
Le second tome suit Jason, frère de Louise au centre du premier album. Avec quelques amis il tente de comprendre et surtout de retrouver la trace de sa sœur et de sa mère. Une seconde partie très mouvementée, pleine de fureur et de morts, de peur et de courage. Pour son premier projet en solo, ce dessinateur confirmé (Les chiens de Pripyat ou Maïdan Love chez Bamboo), offre une série palpitante, efficace dans ses rebondissements et véritablement inquiétante quand les envahisseurs montrent le bout de leurs griffes.
Premier roman pour Jean-Claude Bartoll, jusqu’ici connu pour ses nombreux scénarios de BD. Tuez Skripal !(Gallimard Espionnage, 470 pages, 22 €) est un subtil mélange de faits avérés, la tentative d’assassinat en Angleterre de Skripal, ancien espion russe passé à l’Ouest, et de spéculations sur les véritables commanditaires et motifs de cette opération secrète.
Pour comprendre les enjeux, l’auteur se place du côté européen. D’anciens espions ont préféré rejoindre la toute nouvelle structure dépendant de Bruxelles. Parmi ces derniers, Ava Garnier, jeune, Française, impétueuse, belle et dure à cuire. Elle va tenter de démonter les nombreux mensonges d’État distillés par de hauts responsables (Boris Johnson, Vladimir Poutine…) tout en se lançant sur les traces du tueur. Un redoutable Albanais, adepte du tatouage, de la violence gratuite et du sado-masochisme.
Un triste sire mais qui par ailleurs adore la musique classique et se relaxe, après avoir assassiné trois de ses complices, en écoutant la suite N° 1 pour violoncelle de Bach, interprétée par Pablo Casals. « Un pur génie qui avait attendu la maturité, dans sa carrière et sa vie, pour s’attaquer à ce monument », selon Bartoll qui se souvient de ses origines catalanes.
Peut-on rire de l’autofiction ? Et d’une façon plus générale, l’autofiction est-elle l’expression ultime de l’humour contemporain ? Manu Boisteau, auteur complet de cette BD, n’a pas la réponse, mais il ne se prive pas de faire rire le lecteur en déroulant les états d’âme de son héros, romancier en mal d’inspiration depuis qu’il se gave d’antidépresseurs et voit la vie en rose.
Ce roman graphique intitulé De l’amour et du hasard (Casterman, 200 pages 26 €), est la suite directe de Partir un jour. On y découvrait cet homme de 40 ans, décidé à prendre son destin en mains en devenant écrivain. Une fois son premier roman publié (et oublié au bout d’une semaine, 250 exemplaires vendus…), il doit se remettre à la tâche et pondre le second. Mais il n’a plus d’idée et passe son temps à rechercher l’amour, le bon, sur les applis de rencontre. On rit beaucoup face à ses errements de petit Occidental privilégié.
Il multiplie les aventures, tente toujours de séduire son éditrice, est jaloux quand son ex rencontre un Suédois et se retrouve rapidement enceinte. Mais la lumière va venir très tôt un matin (lui qui aime tant faire la grasse matinée). Et si @cherryblossom était la bonne ?