vendredi 14 octobre 2022

De choses et d’autres - Recettes picturales

Des goûts et des couleurs. Des œuvres et des recettes. C’est la nouvelle mode chez les écolos radicaux qui cherchent à interpeller l’opinion publique sur les ravages du réchauffement climatique : jeter, sur une œuvre d’art, un plat comestible. Les premières, deux gamines, ont jeté de la soupe de tomate sur le tableau de Van Gogh Les Tournesols. Quel rapport entre tomate et tournesols ?

Certains y ont vu une interaction entre l’art moderne d’Andy Warhol et les trésors du peintre néerlandais installé en France. D’autres pensent que c’est le symbole de l’huile qui est visé. L’huile de tournesol qui a déserté les rayons des supermarchés depuis longtemps. Bref, c’est peu explicite. Et de toute manière, le tableau n’a rien, parfaitement protégé derrière une vitre blindée.


Quelques jours plus tard, c’est un Monet qui est attaqué. Les Meules est aspergé de purée. De la paille, du blé, submergé par une préparation à base de pommes de terre… Y a-t-il une signification sur l’invasion commerciale de l’Europe (blé) par les USA (la pomme de terre ramenée par Parmentier) ? Là encore, mystère et boule de gomme.

Dernière action d’éclat, l’entartage de la statue de cire du nouveau roi d’Angleterre, Charles III. De la crème sur une statue. Moins marrant que les tirs originaux de Noël Godin sur cible réelle.

Si la mode se prolonge, on peut prévoir un lancer de cassoulet sur Femmes de Tahiti de Gauguin (dénonciation de la colonisation occidentale des peuples primitifs) ; l’arrivée d’une pizza Hut sur le sourire de la Joconde (malbouffe contre tradition) ; et, pour le plus tordu des symboles, de pieds de cochons à la vinaigrette, sur la Vénus de Milo. Comprenne qui pourra !

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 25 octobre 2022

jeudi 13 octobre 2022

De choses et d’autres - Festival de compromissions

L’avantage de la crise énergétique (après la crise sanitaire), c’est qu’elle prend toute la place dans l’actualité. Conséquence, de nombreux scandales ou affaires judiciaires qui d’ordinaire auraient fait les gros titres passent complètement inaperçus.

Qui sait par exemple que Valérie Pécresse est suspectée de « détournement de fonds » dans le financement de sa campagne électorale de la dernière présidentielle ? À part les écolos (qui ont dénoncé les faits à la justice), personne n’est au courant. Vous me direz, la majorité des Français ne savent même plus qui est Valérie Pécresse…


Dans le camp des Républicains, un autre leader est chahuté. Médiapart a révélé que Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, organise des dîners de galas pour des personnalités qu’il choisit personnellement. Ils ont de la chance car c’est le grand luxe : chaque invité représente un coût de 1 100 €. S’il payait de sa poche, personne n’aurait rien à redire, mais ce sont les contribuables de la région qui financent ces agapes au coût exorbitant.

Or, dans le même temps, Laurent Wauquiez a décidé, officiellement pour ménager les finances locales, de retirer de nombreuses subventions aux festivals de littérature de la vaste région. 4 millions aux oubliettes.

Quelle idée aussi de vouloir cultiver et par là même faire réfléchir les simples gens ? Wauquiez préfère flatter les décideurs en leur offrant des menus de prestige.

Pourtant il existe une solution toute simple pour conserver ses subventions. On en a eu l’exemple récemment quand le président d’un festival a rejoint très officiellement l’équipe municipale de la ville qui finance en partie sa manifestation. Dans les deux cas, cela s’apparente à « manger à tous les râteliers ».

Billet paru en dernière page de l’Indépendant du lundi 24 octobre 2022

Cinéma - Pouvoir et religion au Caire

Première rencontre entre le jeune Adam (Tawfeek Barhom) et l’intrigant colonel Ibrahim (Fares Fares). Atmo

Un thriller politique au cœur d’une université musulmane. Telle est la formule magique qui a permis à Tarik Saleh de décrocher le prix du scénario au dernier festival de Cannes. Ce film, s’il se déroule en Égypte et porte le nom sans équivoque de La conspiration du Caire, est en réalité une coproduction franco suédoise tournée en Turquie. Le réalisateur, avant même qu’il ne débute le tournage de son précédent film, Le Caire confidentiel, a reçu la visite des services de sécurité égyptiens. Avec l’ordre de quitter immédiatement le pays et de ne plus y remettre les pieds au risque d’y être emprisonné. C’est donc un cinéaste en exil, un de plus, qui réalise ce thriller édifiant sur les pratiques d’un pays où la corruption est omniprésente.

Loin de la capitale grouillante d’agitation, dans un petit village en bord de mer, Adam (Tawfeek Barhom) aide son père à ramener tous les jours quelques poissons pour assurer leur subsistance. Adam, très religieux, avec l’appui de l’imam du village, a déposé une demande pour intégrer l’université Al-Azhar. Cette institution religieuse a toujours su rester indépendante du pouvoir. Du temps de Sadate, des Anglais auparavant et même aujourd’hui du général al-Sissi. Adam découvre un monde nouveau. Les étudiants sont placés sous la responsabilité de cheiks qui délivrent parfois des enseignements très différents. Si dans l’ensemble la ligne est très modérée, certains sont des défenseurs des Frères musulmans, considérés comme terroristes par le pouvoir en place.  Quelques jours après son arrivée, le grand cheikh meurt. Commence le processus de succession. Qui va l’emporter ? Dans l’université la compétition fait rage. En coulisse aussi. Les services de sécurité ont des espions dans la place pour savoir ce qui se trame et tenter d’influencer le vote. Adam va se retrouver au centre de cette partie d’échecs qui fera beaucoup de victimes. 

Le film, entre fable religieuse et dénonciation de la manipulation des pouvoirs occultes, permet au public occidental de mieux comprendre le fonctionnement de cette institution musulmane, la plus renommée et respectée du monde sunnite. Loin de l’obscurantisme caricatural, Al-Azhar fait figure de phare intellectuel et culturel dans un pays bouillonnant. Par contre la description des pratiques de la police secrète de l’État égyptien est beaucoup plus sombre. Manipulation, chantage, arrestations arbitraires, torture : tout est bon pour maintenir le pouvoir en place. Dans ce rôle, le général Ibrahim, vieux de la vieille, est le plus grand, le meilleur. Interprété par Fares Fares, acteur fétiche de Tarik Saleh, il signe une performance qui aurait pu lui permettre de prétendre à un prix d’interprétation au festival.

Film de Tarik Saleh avec Tawfeek Barhom, Fares Fares, Mohammad Bakri



mercredi 12 octobre 2022

Cinéma - “Plancha”, suite de “Barbecue”, en Bretagne


Petite interrogation culinaire. Des merguez, cuites sur un barbecue, peuvent-elles être réchauffées sur une plancha ? La réponse est oui. Sauf si, comme pour le nouveau film d’Éric Lavaine, c’est huit ans plus tard. Plancha sort donc huit ans après Barbecue. 

On retrouve la même bande de copains, une nouvelle fois réunie pour fêter les 50 ans d’un des leurs. Après Antoine (Lambert Wilson) dans le premier opus, c’est Yves (Guillaume De Tonquédec) qui passe le demi-siècle. Normalement, tous auraient dû se retrouver, au soleil, en bord de Méditerranée, mais finalement, les bougies seront soufflées dans le manoir breton d’Yves. Une plancha au pays de la pluie ? Première dissonance dans ce film choral qui a un peu perdu de sa fraîcheur. 

Bloquée à l’intérieur des murs froids et humides, la petite bande rumine, se lance des vannes et se délite, lentement mais sûrement. D’autant que quelques secrets seront révélés et que les couples semblent au bout du rouleau. La comédie prend, alors, des airs aigres-doux. Jusqu’à l’arrivée de Jean-Mich (Jérôme Commandeur). L

’idiot du groupe (après Franck Dubosc), a finalement tout réussi. Il a trouvé l’amour, à l’étranger, a sa propre boîte et brille en société. Il va même débloquer une situation inextricable, à la fin. Plancha peut dire merci à Jean-Mich !

Film d’Éric Lavaine avec Lambert Wilson, Franck Dubosc, Guillaume De Tonquédec, Jérôme Commandeur

De choses et d’autres - Des espions sur LeBonCoin ?

Les services secrets russes auraient tenté de recruter des espions, en France, par l’intermédiaire du site de petites annonce LeBonCoin. C’est le journal Le Monde qui raconte cette histoire hallucinante. Ne croyez cependant pas que le SVR (Service russe des renseignements extérieurs), a posté une offre d’emploi explicite qui aurait dit en l’occurrence : « Puissante dictature d’Europe de l’Est cherche jeunes diplômés acceptant de trahir leur patrie en échange de grosses sommes d’argent. Discrétion assurée. »

Non, c’était un peu plus subtil, mais malgré tout assez visible. Les agents russes listaient, dans un premier temps, les meilleurs des grandes écoles françaises. Ceux qui, selon toute vraisemblance, allaient intégrer l’administration d’État française. Souvent des étudiants qui, pour financer une partie de leurs études, proposent des cours particuliers… par l’intermédiaire du BonCoin.


C’est là que les espions russes tentaient de ferrer leur proie. Ils se présentaient comme des étrangers désireux de se perfectionner dans la matière enseignée (une langue, l’économie, les mathématiques) et une fois le contact établi, ils proposaient, progressivement, de travailler pour la Russie, en échange de jolies sommes d’argent.

Quelques jeunes patriotes ont dénoncé ces pratiques et la DGSE a démasqué les espions, généralement des diplomates russes habitués aux coups fourrés. Cette petite histoire nous renseigne, cependant, sur la supposée « 5e colonne » qui œuvrerait dans l’ombre pour Poutine.

On comprend mieux pourquoi quelques politiques ont tant de difficultés à dénoncer les exactions de Poutine. Et pour découvrir s’ils sont sincères ou achetés, il suffit de regarder s’ils ont déjà proposé quelque chose à la vente sur LeBonCoin.

Billet paru en dernière page de L’Indépendant le samedi 22 octobre 2022

mardi 11 octobre 2022

Polar historique - Intrigues napoléoniennes

Été 1800. Paris bruisse de rumeurs. Napoléon, en campagne en Italie, aurait été défait. Immédiatement les intrigues se nouent pour récupérer le pouvoir tel un fruit mûr. Dans ce marigot, quelques têtes émergent. Talleyrand et Fouché en premier lieu. Le premier a tout connu, du sacre de Louis XVI à la révolution et l’avènement du Premier consul. Il est dans la place et manigance pour accroître sa fortune et son pouvoir. 

Fouché est l’homme de l’ombre, le chef de la police qui sait tout sur tout le monde. Ils vont s’affronter tout en déjouant les intrigues de Lucien, le frère de Napoléon et de Joséphine, la belle créole, femme du futur empereur. Tristan Mathieu, dans ce premier roman policier historique, déploie tout son savoir d’historien. Mais aussi de feuilletoniste puisque ces complots à tiroirs sont découverts par Armand de Calvimont, noble de Dordogne, revenu en France après quantité d’aventures aux quatre coins du monde. 

Fier et impétueux, il est au service de Talleyrand, surnommé le diable boiteux, et va croiser la route de la belle et tout aussi intrigante Julie de Swarte. 

Un roman enlevé, instructif, bourré d’action, d’énigmes, de combats et qui sera suivi d’une suite car cette partie de l’Histoire de France est riche de péripéties.

« 1800 » de Tristan Mathieu, Presses de la Cité, 21 €

De choses et d’autres - Le paresseux du jour


Le jeudi 20 octobre, c’était la journée internationale des paresseux. D’ordinaire, je regarde avec beaucoup de scepticisme et de circonspection ces dates symboliques décidées on ne sait jamais par qui pour célébrer telle catégorie ou action.

Mais hier, en découvrant le thème du jour sur France Info, je me suis dit que finalement, la meilleure façon de rendre hommage aux paresseux serait de me glisser, le temps d’un billet, dans leur peau. Voilà pourquoi je vous dis à demain avec un peu d’avance, bien décidé à profiter pleinement de cette journée internationale des paresseux.

 


 

 

SILENCE

 

 

 


PS : Après recherche, je m’aperçois, rempli de honte, que cette journée ne concerne pas les humains fainéants mais les animaux, les paresseux, qui seraient gravement en danger sur la planète.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 21 octobre 2022
 

lundi 10 octobre 2022

Nucléaire - Philippe Ségur imagine le pire

Texte coup de poing, radical et sans concession pour Philippe Ségur, universitaire perpignanais. Dans La nuit nous sauvera, il raconte le début de la fin. La fin de notre civilisation, du capitalisme et de la domination de l’homme moderne sur la planète. Un texte très court (40 pages de fiction, une dizaine de postface explicative), un peu comme un manifeste à prendre avec des pincettes. Car les conséquences de l’action terroriste du narrateur et de ses complices sont irrémédiables. Après une enfance heureuse dans la communauté écolo de ses parents dans l’Aude, le narrateur devient anarchiste puis se radicalise face à l’inertie des pouvoirs publics en matière de dérèglement climatique. Il va patiemment s’infiltrer dans le personnel d’une centrale nucléaire française, pour, le moment venu, faire imploser le réacteur et saboter toute la distribution d’électricité du pays. Une plongée dans la nuit provoquée qui pourrait permettre à la planète d’enfin respirer, l’effondrement de la civilisation humaine marquant un nouveau départ, une renaissance. A méditer. « La nuit nous sauvera » de Philippe Ségur, Buchet Chastel, 4,90 €

De choses et d’autres - Le naufrage de Condamnator

Au vu des réactions, en direct, sur les réseaux sociaux, mardi soir, je m’attendais au pire. Sur France 3, en prime time, Stéphane Bern était de retour comme comédien.

Un premier rôle dans un téléfilm de terroir dans la Drome. Sévères critiques, sur le moment, mais quand les audiences ont été révélées, hier, un succès incontestable. Plus de 4 millions devant le poste pour la première enquête du procureur de la République Bellefond.

Le replay m’a permis de me faire mon avis. Sur les 20 premières minutes, je me suis félicité de la lettre de Bruno Le Maire m’annonçant que, dorénavant, je n’aurai plus à payer les 138 euros de la redevance télé. Financer ce genre de téléfilm, c’est vraiment jeter l’argent par les fenêtres. Stéphane Bern, en plus d’être un piètre acteur, porte très mal la robe. De procureur s’entend…

Pas du tout crédible quand il prend sa grosse voix pour condamner un innocent. Dans le film, la presse le surnomme Condamnator (petit clin d’œil au garde des sceaux, Acquitator). Du coup, sa brillante carrière est compromise. Il devient prof et répond à l’appel à l’aide de sa nièce dont le père est accusé de meurtre.

Avec trois étudiants, il va se transformer en enquêteur amateur. Une fois en tenue décontractée au milieu des oliviers, Stéphane Bern est un petit peu plus à l’aise, même si sa palette d’expression reste limitée.

Par contre, les trois jeunes comédiens sont brillants, notamment Julia Oberlinkels dans le rôle de Farima. Vu le succès du ballon d’essai, il devrait y avoir d’autres épisodes de Bellefond.

Petite suggestion aux scénaristes, réduire la contribution de Stéphane Bern et développer celle du trio. La série y perdra sans doute un peu en audience, mais côté cinématographique cela ne pourra que faire du bien à la création française.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 20 octobre 2022

dimanche 9 octobre 2022

BD - Amitié en couleurs au front

Suite et fin des aventures de Virgil (le Noir) et Jared (le Blanc), soldats américains engagés dans la libération de l’Europe en 1945. Dans les Ardennes belges enneigées, ils vont apprendre à mieux se connaître, se comprendre et même devenir amis. 

Pas évident tant le racisme est prégnant chez les jeunes soldats blancs. Au point que les Noirs ne sont que rarement acceptés en première ligne. Virgil, pour sauver et aider son ami, va se lancer dans la bataille. Nouvel album humain et de toute beauté de Jarbinet, présent ce dimanche à Gruissan pour dédicacer cette nouveauté très attendue.

« Air Borne 44 » (tome 10), Casterman, 14,95 €