mercredi 6 juillet 2022

BD - Monstres scolaires


Les Beka, scénaristes de la région (Caroline Roque est originaire de Perpignan), ont imaginé un monde où tout se fait à l’envers. Le jour de la rentrée des classes, pas un élève n’est à l’heure. Pour la plus grande joie des profs qui sont ainsi dispensés de cours. Cette école bizarre est celle des petits monstres.

Littéralement, des monstres qui doivent apprendre à être méchants et à faire peur. Dessinée par Bob dans un style rondouillard et inspiré de l’animation, cette série qui s’adresse aux plus jeunes met en vedette Boloss, le seul enfant monstre qui aimerait être instruit, qui n’est pas dissipé et aime les belles choses.

Le premier album regroupe quatre histoires complètes, pour un total d’une centaine de pages. On y croise quelques horreurs vraiment effrayantes, mais surtout, on comprend que, finalement, la gentillesse et l’harmonie sont plus épanouissantes que ce besoin impérieux des monstres de mettre le bazar et de ne jamais obéir.

«L’école des petits monstres» (tome 1), Dupuis, 9,90 €

mardi 5 juillet 2022

Thriller - Dédale démentiel

Pour bien occuper votre temps libre de cet été, faisons confiance à un spécialiste du suspense. Franck Thilliez est devenu un des auteurs français actuels le plus lu de ces dernières années. Dans Labyrinthes, il délaisse son héros flic Sharko (bientôt adapté en série télé), pour revenir dans le dédale constitué de deux autres de ses thrillers : Le manuscrit inachevé et Il était deux fois.

Au début, rien ne permet de relier ce roman aux autres. On suit les aventures de plusieurs jeunes femmes. Une adolescente enlevée et torturée ; une journaliste qui enquête sur des disparus et une psychiatre recluse dans un village de montagne en pleine tempête de neige. S’y ajoutent une mystérieuse romancière et une policière dépressive.

Avec un machiavélisme et une virtuosité indéniables, Franck Thilliez va perdre le lecteur dans ces récits parallèles. Finalement, on retrouve son chemin dans ce labyrinthe truffé de faux-semblants et on comprend, dans les dernières pages, le fin mot de cette histoire extraordinaire.

«Labyrinthes» de Franck Thilliez, Fleuve Noir, 384 pages, 21,90 €

lundi 4 juillet 2022

BD - La Kahina, Reine magique

La riche collection des Reines de sang permet au lecteur curieux de découvrir une autre facette de l’Histoire du monde. En racontant l’épopée de la Kahina, la reine berbère, Treins et Paunovic lèvent le voile sur l’invasion de l’Afrique du Nord par les armées arabes venues porter la parole de Mahomet. Dans les Aurès, la résistance est menée en partie par les Berbères. Quand le roi est tué au combat, c’est sa fille, la Kahina, qui prend la tête des troupes.

Une femme libre, qui lit l’avenir dans le feu et sait parfaitement se battre. Un album graphiquement très brillant, où les batailles avec des multitudes de cavaliers sont de véritables défis relevés sans difficulté par Paunovic, un dessinateur surdoué.

« La Kahina » (tome 1), Delcourt, 14,95 €

dimanche 3 juillet 2022

BD - Alcibiade, jeune magicien va à l'école

Depuis l’avènement d’Harry Potter, les écoles de, magiciens et autres sorciers sont des endroits qui font rêver les plus jeunes. Alcibiade est un de ces élèves qui va en cours pour manier formules magiques et autres incantations pour défendre son monde. Imaginées par Allan Barte et dessiné par Marc Lataste, les aventures d’Alcibiade sont surtout humoristiques.

Pas de grand méchant dans ces histoires courtes prépubliées dans Tchô, le magazine.

Le petit lutin aux oreilles pointues doit surtout tenter de conserver son aura sur sa bande d’amis depuis l’arrivée d’un autre magicien en devenir, Sigismond, un peu trop prétentieux aux yeux du jovial Alcibiade.

« Alcibiade » (tome 1), Glénat, 14,50 €

samedi 2 juillet 2022

BD - Héliotrope, voleuse de magie


Drôle d’histoire que celle d’Héliotrope. Cette petite fille, qui vit chez sa grand-mère, est en réalité la fille d’un célèbre couple de cambrioleurs d’objets magiques. Au collège, elle tombe amoureuse d’une copine et pour la séduire décide de voler… une couleur. Mais ce bleu Héliotrope va lui colorer la peau. 

Voilà la fillette affublée du prénom d’Héliotrope et surtout un gibier de choix pour de méchants sorciers qui aimeraient la dépecer.

Une histoire fantastique assez étonnante, signée Joann Sfar et dessinée par Benjamin Chaud. On retrouve au détour de voyages aux Pays-Bas ou en Italie la vampire Aspirine, autre personnage bizarroïde imaginé par Sfar.

« Héliotrope » (tome 1), Dupuis, 13,95 €


vendredi 1 juillet 2022

Roman. Javier Cercas règle son compte à l’« Indépendance » catalane

Écrivain reconnu en Espagne, Javier Cercas n’a pas dû se faire beaucoup d’amis en Catalogne lors de la parution du second tome de sa série Terra Alta retraçant les aventures du policier barcelonais Melchor Marin. Le titre Indépendance est trompeur. Car c’est en filigrane une dénonciation implacable du processus lancé par les indépendantistes qui est raconté dans ce roman brillant et passionnant. La classe politique est passée à la moulinette.

Les clés pour comprendre l’évolution de la province qui veut devenir un pays sont en réalité données au milieu du roman « La Catalogne a toujours été entre les mains d’une poignée de familles. Ce sont elles qui décidaient de tout avant le franquisme, qui ont décidé de tout pendant le franquisme, qui ont décidé de tout après le franquisme, et qui décideront de tout quand toi et moi on sera mort et enterrés… »

Melchor accepte de revenir à Barcelone pour aider des collègues qui travaillent sur une tentative de chantage à la sextape sur la maire de Barcelone. Il va croiser le chemin de trois de ces fils de famille qui ont tous les pouvoirs. Riches, ambitieux, sans morale, capables de tout pour conserver leurs prérogatives : ce sont des êtres malfaisants au plus haut point. Melchor va tenter de les faire tomber, mais comment ce fils de prostitué peut-il avoir le moindre pouvoir face à ces notables de pères en fils ?

La fin vous surprendra, car Javier Cercas n’a peur de rien et sait que souvent, ce sont les pires méthodes qui permettent les meilleurs résultats.

« Indépendance » de Javier Cercas, Actes Sud, 23 €  

jeudi 30 juin 2022

Cinéma - “Irréductible” fonctionnaire


Pas sûr que les fonctionnaires apprécient ce film de Jérôme Commandeur. Pourtant il est désopilant ce Irréductible. Au point qu’il a remporté le Grand Prix, au Festival de la comédie de l’Alpe d’Huez. Seconde réalisation de Jérôme Commandeur, l’histoire de ce fonctionnaire attaché à son emploi (exactement à la sécurité de son emploi…), a le grand avantage de nous faire voyager. 

De la France profonde à la Suède moderne, en passant par une base en Arctique et la jungle équatorienne, ces 90 minutes sont trépidantes. Trépidant, un adjectif qui, pourtant, ne colle pas du tout au héros. Vincent est fonctionnaire à Limoges. Il s’occupe de la nature et de ses principaux utilisateurs : les chasseurs. Il a une vie bien réglée entre pots-de-vin, sa famille, sa fiancée et sa future belle-famille. Une existence pépère, garantie à vie, sans ambition, mais avec une sécurité à toute épreuve. 

Sauf quand le nouveau ministre (de droite), décide de « dégraisser le mammouth ». Quelques postes vont être supprimés. Exactement, de belles primes sont offertes aux « inutiles » s’ils sont volontaires au départ. Or, Vincent, ne veut pas abandonner son petit paradis. Les services du ministère sortent alors les armes de dissuasion que sont les mutations. 

Scientifique et ours blancs

Vincent, provincial absolu, doit accepter ses nouvelles affectations, sous peine d’abandon de poste. De la banlieue triste aux montagnes isolées, il accepte tout et tient bon. La chargée des « licenciements qui ne disent pas leur nom » passe à la vitesse supérieure en le nommant dans une base en Arctique, chargé de protéger les scientifiques des attaques d’ours blanc. On est loin de la vie familiale sereine de Limoges… Pourtant, c’est dans cette immensité glaciale qu’il rencontre Eva, jolie chercheuse qui va craquer pour lui. Vincent va découvrir une nouvelle routine dans la vie suédoise d’Eva, engagée pour l’écologie. 

Partant un peu dans tous les sens, le film ne laisse jamais le spectateur s’ennuyer. Jérôme Commandeur, bon bougre, obnubilé par son idée de conserver son poste, va pourtant devoir choisir entre l’amour et la sécurité de l’emploi. Un dilemme cruel pour cet irréductible de la fonction publique.

"Irréductible', film français de et avec Jérôme Commandeur, et avec Laetitia Dosch, Pascale Arbillot


mercredi 29 juin 2022

Cinéma - Le policier sous le charme de la veuve

Dans Decision to leave, un policier insomniaque s’interroge sur une veuve un peu trop belle.


L’amour est aveugle. Il frappe toujours sans prévenir, provoquant d’improbables passions entre des êtres radicalement différents. Decision to leave, le nouveau film de Park Chan-wook, virtuose du cinéma coréen, est une belle et triste romance qui débute par la découverte d’un cadavre. Hae-Joon (Park Hae-il), est chargé de cette enquête de routine. Un homme est retrouvé mort au pied d’une montagne. Il aurait dévissé lors de son ascension. 

Cet ancien agent de l’immigration est marié avec Sore (Tang Wei), une jeune Chinoise, récemment naturalisée. Le policier, un modèle de professionnalisme, consciencieux, opiniâtre, passant au crible tous les détails de l’enquête, ne peut pas s’empêcher de suspecter la veuve. Assistante de vie auprès de personnes âgées dépendantes, elle a pourtant un alibi en béton. Lors de la chute du mari (qui la battait, on l’apprend assez rapidement), elle était au chevet d’une vieille personne, déclaration de la patiente, géolocalisation du téléphone et vidéosurveillance le prouvent. Mais son attitude, très éloignée de la tristesse éplorée, pousse Hae-Joon à maintenir la surveillance de Sore. 

Surveillance nocturne

Insomniaque, il va occuper ses nuits à l’observer dans son appartement, de plus en plus fasciné par cette femme mystérieuse et énigmatique. Elle aussi remarque ce policier qui passe ses nuits à son chevet et va se trouver attirée par lui. D’une banale intrigue policière, Park Chan-wook transforme Decision to leave en film d’amour ambigu. Les non-dits se multiplient. On assiste à la naissance d’un amour fou entre le policier intègre et la veuve secrète. Que cache-t-elle ? Va-t-il la démasquer, au risque de mettre fin, définitivement, à cette passion interdite (il est marié et fidèle) si troublante ? Toute la virtuosité du film passe par la coupure du milieu. La première enquête est oubliée et Hae-Soon, comme redevenu raisonnable, retourne auprès de sa femme, en province, après une phase de dépression. Quelques mois plus tard, Sore réapparaît dans cette petite ville sans charme. Elle vient de s’y installer avec son nouveau mari. Le policier redoute les véritables raisons du retour de cette femme dans sa vie. Car l’amour, comme expliqué précédemment, est définitivement aveugle.

Au dernier festival de Cannes le réalisateur coréen a remporté le Prix de la mise en scène. Objectivement, les deux comédiens principaux auraient mérité eux aussi des récompenses tant leur jeu est habité par la passion et le talent.

"Decision to leave", film coréen de Park Chan-wook avec Tang Wei, Park Hae-il, Go Kyung-pyo 

mercredi 22 juin 2022

DVD et Blu-ray - "Les promesses" politiques

Présenté en compétition au dernier Festival du film politique de Carcassonne, Les promesses de Thomas Kruithof qui vient de sortir en vidéo chez Wild Side Vidéo, est une véritable plongée dans le mécanisme qui fait avancer les hommes politiques. En l’occurrence une femme, Clémence (Isabelle Huppert), maire d’une cité de banlieue parisienne. Au pouvoir depuis deux mandats, elle a publiquement annoncé un an avant la nouvelle élection qu’elle ne se représenterait pas. Sa première adjointe a été désignée par le parti pour lui succéder. En négociant des subventions avec un haut fonctionnaire, Clémence va recevoir une proposition de ce dernier qui va radicalement changer la donne. Un revirement qui va totalement désarçonner Yazid (Reda Kateb), son directeur de cabinet qui espère après l’élection un poste dans un ministère à Paris.

Le scénario permet de surfer sur plusieurs intrigues. La première, la plus importante, l’avenir de la cité. Mais on découvre aussi en filigrane les ambitions de Yazid, ses difficultés à gérer au quotidien son origine modeste dans un monde où même très efficaces, on reste avant tout issu d’une minorité. Le plus passionnant est l’analyse des décisions de Clémence, femme politique dont la complexité est remarquablement interprétée par Isabelle Huppert. Et dans les bonus, vous pourrez voir un long entretien avec le réalisateur.

mardi 21 juin 2022

Cinéma - Caustique “El buen patrón”

"El buen patron", film espagnol de Fernando León de Aranoa avec Javier Bardem, Manolo Solo, Almudena Amor


Fernando León de Aranoa s’est fait une spécialité de films sociaux assez critiques. Il manie l’humour noir et caustique avec une dextérité rare. Cette fois, il s’attaque à un symbole de l’Espagne qui gagne : la petite et moyenne entreprise. Exactement, au patron qui répète à longueur de journée que sa famille, c’est sa boîte ; ses enfants ses employés. Pour endosser le costume d’El buen patrón, le réalisateur retrouve Javier Bardem, avec qui il a déjà tourné Les lundis au soleil, au début des années 2000. 

Spécialiste des balances, depuis des décennies, l’entreprise Blanco est dirigée par le fils du créateur. Le film retrace une semaine de la vie de l’entreprise et de son patron qui ne manque pas de contrariétés au quotidien. Car, si tout semble parfait au pays de la précision, en réalité les problèmes s’accumulent. Et, au pire moment, car l’entreprise va recevoir la visite d’une commission qui doit décider de la remise d’un important prix économique régional. Alors, il faut faire bonne figure. Malgré les erreurs à répétition du chef de fabrication, très négligeant dans son travail, depuis qu’il a appris que sa femme a un amant. 

Comptable récalcitrant

Autre souci, ce comptable, récemment licencié et qui a décidé de camper devant l’entrée de l’usine en arborant des slogans vengeurs sur le patron qui licencie sans état d’âme. Seule bonne nouvelle, les nouvelles stagiaires sont arrivées et la jeune Liliana (Almudena Amor) semble sensible au charme de Blanco. Mais, là aussi, cela devient un problème quand il découvre, après une nuit d’amour torride, que c’est la fille d’un de ses meilleurs amis. Bref, le jeudi, la vie du patron est sur le point de s’effondrer. Mais il a de la ressource, le filou.

Le film va crescendo, on attend la chute de l’abominable manipulateur. Mais, comme dans la vraie vie, le capitaliste, celui qui a le pouvoir et l’argent, parvient toujours à s’en sortir. Malheur aux faibles et vive les « bons patrons ».