mardi 15 mars 2022

BD - Dame blanche irlandaise


En Irlande, dans un petit village, le bar est collé à l’église. En cette nuit de Noël, la querelle entre le curé et le barman est mise en sourdine pour la messe de minuit. C’est à cette occasion qu’est présentée à la communauté la jeune et ravissante Miss Kelly Penny, institutrice en provenance de Dublin

Qui est-elle ? Pourquoi la Dame Blanche, spectre malfaisant refait son apparition pile quand elle arrive ? Et l’agneau Padraig a-t-il été touché par la grâce divine quand il était dans la crèche ? Le second album se déroulant dans ce village pittoresque est aussi réussi que le premier. Crisse, au scénario, offre un récit plein de surprises et d’optimisme à Paty qui manie la couleur directe à la perfection.

« Le pré derrière l’église » (tome 2), Soleil, 14,95 €

De choses et d’autres - Poliorcétique (ce n'est pas un gros mot...)

Un nouveau mot vient d’entrer dans mon vocabulaire : poliorcétique. Si j’avais fait mon service militaire (j’avoue, j’ai été exempté, ça me fait au moins un point commun avec Eric Ciotti), ou étais un fan du jeu de stratégie Risk, j’aurais certainement déjà utilisé ce bien énigmatique mot de poliorcétique.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le mot poliorcétique a plusieurs fois été utilisé par des experts qui commentent l’avancée des troupes russes en direction de Kiev. Car la poliorcétique est, selon le Larousse, « l’art d’assiéger les villes ».

La capitale ukrainienne est menacée par une longue colonne de véhicules blindés en provenance du Bélarus. Et risque de se retrouver prise en tenaille avec l’arrivée d’autres convois des forces russes par l’est. Alors les habitants ont construit des barricades et creusé des tranchées. On se trouve clairement dans une situation de siège qui risque de durer de longues semaines.

Maintenant j’attends avec une relative impatience l’avis des experts autoproclamés sur les chaînes d’info pour savoir si un cocktail molotov est efficace contre un char russe T90, à quelle profondeur il faut creuser et sur quelle largeur, pour immobiliser un Kamaz Typhoon, transport de troupe russe ou s’il suffit de mettre un peu de boue sur la chaussée pour que les BTR 82 partent en dérapage incontrôlé à cause de la vétusté de leurs pneus.

En attendant, on a vu sur les réseaux sociaux d’incroyables vidéos montrant des civils empêcher des chars de progresser, juste en se mettant devant. De la symbolique digne de la place Tian’anmen mais à la puissance mille. Espérons simplement que l’issue du conflit sera un peu plus favorable aux piétons.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 4 mars 2022

lundi 14 mars 2022

Roman - L’Afrique d’antan de Paule Constant dans « La cécité des rivières »

Vous vous engagez dans un voyage dans le temps et l’espace en ouvrant de roman de Paule Constant. La cécité des rivières vous emmène en Afrique des années 60 dans le sillage d’un jeune Français coincé dans une petite ville où son père, médecin militaire, s’occupe de l’hôpital local. Mais loin d’être une simple évocation d’un passé révolu, ce roman est aussi une longue introspection de ce gamin, devenu aujourd’hui adulte et même très célèbre. 

Éric Roman, scientifique français qui fait l’essentiel de sa carrière aux USA, a obtenu un prix Nobel. Ses recherches ont permis de faire reculer des maladies mortelles sur tous les continents, dont l’Afrique. 

Au début du récit, il sort sa carcasse lourde et pataude de l’avion présidentiel. Il est de la délégation officielle mais ne va pas rester avec les officiels. Pas le temps. Surtout pas l’envie. Il embarque dans un 4X4 avec un photographe et une jeune journaliste, Irène, pour rejoindre Petit-Baboua, là où il a passé trois années seul avec son père. Un père tyrannique, tout puissant dans cette Afrique post-coloniale qui dépendait encore tant des Français. 

Pour un grand magazine Irène doit raconter ce voyage vers son passé, démasquer l’enfant derrière le Nobel. Pour le grand scientifique, rien n’est simple au cours du trajet de deux jours sur les pistes, escorté par des gendarmes. « Peut-être la route était-elle sans danger, mais pas le cheminement torrentueux vers un passé enfoui qu’il croyait apaisé. Il était à la merci des images qui reviennent, des souvenirs qui remontent. Le corps de l’enfant qu’il cachait dans sa masse d’homme puissant, colérique et méprisant, tremblait de peur. » 

Roman sur l’Afrique mais aussi les blessures de l’enfance et l’ambition des jeunes femmes, La cécité des rivières emporte le lecteur dans un dédale de sentiments contradictoires où l’Afrique, sage et immuable, est la véritable héroïne.   

« La cécité des rivières » de Paule Constant, Gallimard, 18 €

De choses et d’autres - 10 heures insupportables

La jeunesse française est géniale. Du moins certains de ses membres qui n’hésitent pas à donner de leur temps pour faire bouger les choses. Plus que du bénévolat, plus que du militantisme, au-delà du sacerdoce : le défi de dix heures. L’exemple vient d’un jeune chômeur du Jura âgé de 25 ans. Sous le pseudonyme de Cemcem, il publie des vidéos de 10 heures sur sa chaîne YouTube qui compte près de 250 000 abonnés. Dix heures de courage brut car les défis relevés sont tout sauf évidents.

Le premier, en 2018, se filmer durant 10 heures en train de regarder, en boucle, le fameux « Bonsoir Paris » qui a lancé la carrière de Bilal Hassani. Imaginez, une fois c’est déjà un peu gênant, 20 fois de suite dans différentes conditions, c’est clairement pénible. Mais 10 heures d’affilée, là chapeau ! Il a également cumulé des millions de vues quand il a subi durant 10 heures le générique de 3 secondes de Netflix. Autre idée, rester 10 heures dans le noir et se filmer à la caméra infrarouge.

Le plus compliqué, compter jusqu’à 100 000. La vidéo dure 12 heures, mais il a dû tourner durant près de 50 heures avec pas mal de pauses.

Il a finalement trouvé l’idée ultime « du défi de la mort qui tue ». Il vient de publier le résultat de son expérience « Je regarde Zemmour durant 10 heures ». La voilà la solution pour faire baisser le vote des extrêmes : obliger les électeurs à écouter durant 10 heures le discours de leur favori.

Avant la 7e heure, ils auront craqué et ne voudront jamais apporter leur suffrage à ce qui sera devenu un véritable cauchemar. Cela marche à droite comme à gauche. Le problème, malheureusement, c’est que le résultat serait le même avec les candidats républicains et l’abstention battrait de nouveaux records.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 3 mars 2022

dimanche 13 mars 2022

Cinéma - Laure Calamy peut-elle gagner la course “À plein temps” ?

Laure Calamy en mère courage pressée par le temps. Haut et Court

Une semaine infernale. Pourtant une semaine presque ordinaire pour Julie (Laure Calamy), mère isolée qui doit élever ses deux enfants, tout en remboursant un prêt immobilier et travailler à Paris. Chaque matin, le réveil sonne très tôt. Elle lève ses deux petits (une fille de 10 ans, un garçon de 7), et va les conduire chez une voisine retraitée qui accepte de les garder le matin, de les conduire à l’école et de s’en occuper, le soir, en attendant que leur mère rentre. Car, pour Julie, la course ne fait que débuter dans une journée occupée à plein temps. Première épreuve, prendre un train de banlieue, puis un RER et enfin le métro qui la dépose à proximité du palace qui l’emploie comme première femme de chambre

Un travail de l’ombre, de ces femmes placée en seconde ligne, mais qui doivent travailler, quoi qu’il arrive. Le lendemain, Julie repart pour une journée harassante, avec un problème supplémentaire : grève dans les transports. Le périple au galop se transforme en marathon pour passer de train à bus de substitution, de covoiturage à sprint sur les trottoirs de Paris. 

La réalisation de ce film, très social, d’Éric Gravel amplifie encore cette frénésie dans la difficulté de se déplacer quand un rouage se grippe. Julie, en retard, voit son emploi menacé. Julie qui a, justement, au cours de cette semaine compliquée un entretien pour un autre boulot. En accord avec sa formation initiale. Les contraintes vont aller crescendo. Va-t-elle craquer ? 

Porté par Laure Calamy, À plein temps brosse le portrait de ces femmes obligées de tout assumer après un accident de la vie. Pour Julie, un divorce, la perte d’un emploi et le non-paiement de la pension alimentaire. Une démonstration implacable, qui souffre de quelques excès (la blessure du fils, le jour de son anniversaire est de trop), et qui étonnera par une fin un peu trop abrupte. 

Film français d’Éric Gravel avec Laure Calamy, Anne Suarez, Geneviève Mnich



De choses et d’autres - Un petit bock avant l’isoloir ?

Tous les sondages sont bons à prendre (et à commenter) avant la présidentielle. Ifop vient de publier une étude intitulée Beertest. Une seule question posée aux sondés (1 507 personnes, par internet) : « Parmi ces personnalités, avec qui aimeriez-vous boire une bière ? »

Rien sur les programmes, les idées ou le bilan, juste savoir parmi les 12 candidats officiels, lequel serait le plus habilité à boire un bock avec ses futurs administrés. Le résultat est radicalement différent des sondages classiques : il y a une grande différence entre mettre un bulletin dans une urne et s’accouder au comptoir et siroter une bière en refaisant le monde.

Jean Lassalle se retrouve en tête du Beertest avec 39 % de sondés partants pour aller au bistrot avec lui. Il obtient même la majorité absolue (53 %) chez les hommes. Il est suivi par Emmanuel Macron (37 %, mais en chute de 7 points par rapport au Beertest de 2016) et Marine Le Pen (31 %).

Bonne dernière, Anne Hidalgo. Mais vu le prix des bières à Paris, c’est tout à fait compréhensible.

La domination de Jean Lassalle est logique, car aller dans un bar avec le Béarnais, c’est l’assurance d’une bonne rigolade qui risque de terminer à point d’heure, avec 4 grammes et un paquito d’anthologie. Par contre, je m’étonne que Valérie Pécresse ne recueille que 21 % des suffrages. Vu sa fortune personnelle colossale, elle peut payer des dizaines de tournées sans écorner son budget.

Étonnement aussi pour le petit score de Jadot : 20 %. Ce n’est sûrement pas le meilleur pour faire rire l’auditoire avec la dernière blague tendance, mais il doit connaître d’excellentes bières artisanales et bios qui compenseront avantageusement sa sinistrose.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 18 mars 2022

samedi 12 mars 2022

BD - Âmes damnées

Serge Le Tendre n’en a pas terminé d’imaginer des histoires fantastiques. Le créateur de La Quête de l’Oiseau du Temps lance une nouvelle série, cette fois chez Drakoo. Il a confié l’illustration des aventures d’Olivia et de sa fille Mercy à Patrick Boutin-Gagné. 

A Shaalem, aux USA à la fin du XIXe siècle, une jeune veuve doit subir les assauts de villageois persuadés que c’est une sorcière. Ils n’ont pas tout à fait tort, même si le véritable danger est ailleurs. Une histoire complète mais qui devrait avoir une suite tant elle est réussie. 

« Le sarcophage des âmes », Bamboo Drakoo, 14,50 €

BD - Le retour de Gaston Lagaffe annoncé au festival d'Angoulême

Le célèbre employé des éditions Dupuis, imaginé par Franquin pour animer les pages du journal Spirou, va vivre de nouvelles gaffes sous la plume de Delaf. Le nouvel album est annoncé pour le 19 octobre prochain. Les éditions Dupuis annoncent un tirage supérieur à un million d'exemplaires. 


C'est le pire employé de rédaction de la planète. Le plus marrant et attachant aussi. Gaston Lagaffe, grand escogriffe, fainéant, poète et tire-au-flanc, a longtemps été un succès de librairie. Ses gags, ou gaffes plus exactement, ont animé les pages de l'hebdomadaire Spirou durant des décennies. La dernière planche était parue en 1992. Franquin, dépressif, ne trouvait plus la force pour faire rire les petits et grands lecteurs. Il préférait dessiner des monstres dans les marges du journal ou imaginer des "Idées noires", plus adultes, pour Fluide Glacial.

À la mort du grand dessinateur belge, on pensait que Gaston, comme Tintin de Hergé, avait achevé sa carrière. Mais ce jeudi 17 mars, au premier jour du festival de la Bande dessinée d'Angoulême, les éditions Dupuis ont officiellement annoncé le retour du célèbre gaffeur. Les nouvelles histoires comiques de Gaston Lagaffe ont été confiées à Delaf, un dessinateur canadien bien connu chez Dupuis puisqu'il est le coauteur, avec Dubuc, des Nombrils, série comique racontant la vie de trois jeunes filles dans un lycée.  

Si le prochain album est annoncé en octobre (le 19 exactement sous le titre "Le retour de Lagaffe"), on pourra avoir une première idée de cette reprise dès le mercredi 6 avril puisque Gaston fera un  come-back dans les pages du journal Spirou, chaque mercredi, "là où Gaston fit ses premiers pas (bleus) il y a très exactement soixante-cinq ans", souligne l'éditeur dans un communiqué.

vendredi 11 mars 2022

De choses et d’autres - Le ralliement qui va tout changer (ou pas...)

Il aura fallu attendre d’être à un mois de l’échéance pour que la campagne de la présidentielle s’anime un peu, voire bascule, selon certains observateurs bien informés. Il ne reste plus que quatre semaines pour faire campagne et face à l’indécision de nombre d’électeurs, tout ralliement est bon à prendre.

Surtout, quand il s’agit d’une personnalité qui pèse dans le paysage politique français. Un nom de plus dans ses soutiens et l’ordre du premier tour peut être chamboulé. Celui qui, depuis de longues semaines mobilise les Français, le samedi, dans les rues, pour protester contre « la dictature sanitaire » a jeté son dévolu sur Nicolas Dupont-Aignan. Une aubaine pour le troisième candidat d’extrême-droite (il se dit souverainiste, mais son programme ressemble beaucoup à celui de Zemmour) qui a obtenu ses 500 parrainages, mais manque de visibilité. Chose réparée avec l’arrivée dans sa campagne de… Florian Philippot, le chantre des anti passe sanitaire.

Je serais Marine Le Pen, je tremblerais sur mes 17 % annoncés dans les derniers sondages, face à ce redoutable duo qui devrait terminer… sous les 2 %.

C’est le problème avec les ralliements : on nee sait jamais s’ils sont sincères et véritablement utiles. Car, qui dit ralliement, dit forcément un peu reniement, voire traîtrise. À ce jeu, seuls deux candidats ont trouvé des arguments pour faire bouger les lignes (si l’on oublie l’épiphénomène Philippot) : Zemmour (qui vient de récupérer un sénateur des Républicains) et surtout le président Macron qui devrait mettre tout le monde d’accord avec l’arrivée, dans ses soutiens, d’un ancien président de la République. Et non, ce ne devrait pas être François Hollande.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 17 mars 2022

BD - Le Paris violent de « L’enfer pour aube »


À Paris, au début du XXe siècle, les Apaches font la loi dans les faubourgs de la capitale. Mais le progrès les repousse de plus en plus loin du centre ville. Dans le cadre de travaux tous azimuts du tout nouveau métro, un homme masqué sème la terreur en assassinant des bourgeois. 

L’inspecteur Gosselin va tenter de comprendre ce qui se cache derrière cette série de meurtres cruels qui s’apparentent plus à une vengeance qu’à de simples crapuleries. Un scénario documenté et plein de références signé Pelaez et dessiné par un Tiburce Oger très inspiré.

« L’enfer pour aube » (tome 1), Soleil, 15,95 €