Vous vous engagez dans un voyage dans le temps et l’espace en ouvrant de roman de Paule Constant. La cécité des rivières vous emmène en Afrique des années 60 dans le sillage d’un jeune Français coincé dans une petite ville où son père, médecin militaire, s’occupe de l’hôpital local. Mais loin d’être une simple évocation d’un passé révolu, ce roman est aussi une longue introspection de ce gamin, devenu aujourd’hui adulte et même très célèbre.
Éric Roman, scientifique français qui fait l’essentiel de sa carrière aux USA, a obtenu un prix Nobel. Ses recherches ont permis de faire reculer des maladies mortelles sur tous les continents, dont l’Afrique.
Au début du récit, il sort sa carcasse lourde et pataude de l’avion présidentiel. Il est de la délégation officielle mais ne va pas rester avec les officiels. Pas le temps. Surtout pas l’envie. Il embarque dans un 4X4 avec un photographe et une jeune journaliste, Irène, pour rejoindre Petit-Baboua, là où il a passé trois années seul avec son père. Un père tyrannique, tout puissant dans cette Afrique post-coloniale qui dépendait encore tant des Français.
Pour un grand magazine Irène doit raconter ce voyage vers son passé, démasquer l’enfant derrière le Nobel. Pour le grand scientifique, rien n’est simple au cours du trajet de deux jours sur les pistes, escorté par des gendarmes. « Peut-être la route était-elle sans danger, mais pas le cheminement torrentueux vers un passé enfoui qu’il croyait apaisé. Il était à la merci des images qui reviennent, des souvenirs qui remontent. Le corps de l’enfant qu’il cachait dans sa masse d’homme puissant, colérique et méprisant, tremblait de peur. »
Roman sur l’Afrique mais aussi les blessures de l’enfance et l’ambition des jeunes femmes, La cécité des rivières emporte le lecteur dans un dédale de sentiments contradictoires où l’Afrique, sage et immuable, est la véritable héroïne.
« La cécité des rivières » de Paule Constant, Gallimard, 18 €
