jeudi 3 février 2022

BD - Savant tracassé


Dans la grande famille des savants fous de la BD, après Tournesol et Champignac, Le professeur Houfman de Mo/CDM occupe une place de choix. Il a régulièrement fait des apparitions dans Forbidden Zone mais cette fois il a sa propre série. 


Un premier album vient de paraître reprenant une dizaine de ses histoires courtes parues dans le magazine Fluide Glacial. Il y est aux prises avec quantité d’extraterrestres, de militaires obtus ou d’armée de son propre clone. C’est toujours complètement absurde, délirant et désopilant. Et comme Mo/CDM dessine aussi bine les monstres que Druillet, c’est en plus très joli à feuilleter.

« Les expériences secrètes du professeur Houfman », Fluide Glacial, 14,90 €


De choses et d’autres - Un revers pour la Russie

Rien ne va plus pour la Russie. Avant même de lancer sa formidable armada massée à la frontière, elle vient de subir une défaite cuisante. Poutine doit enrager au Kremlin. Pourtant tout avait bien commencé et les premières manœuvres donnaient largement l’avantage au canonnier russe.

Mais les forces de l’Otan avaient décidé de mettre en valeur une petite unité d’un pays satellite, pourtant très loin de la ligne de front. Vaillamment, sans jamais rechigner aux kilomètres parcourus et confiant dans sa bonne étoile (celle de Noël), le tirailleur espagnol a lâché quelques rafales totalement incroyables.

Le combat fut long, mais au final, l’ours russe a craqué face aux ruades du taureau ibérique. L’Ukraine n’est pas encore sauvée, mais la victoire de Nadal face à Medvedev ce dimanche en Australie apporte un peu d’espoir. À moins que, vexé comme un pou, Poutine décide sur le champ de lancer ses milliers de soldats à l’assaut du pays qui fait de la résistance.

Et pourquoi ne pas envahir aussi l’Espagne ? En espérant qu’il ne décide pas de débarquer entre Port-La Nouvelle et Le Barcarès pour lancer ses chars vers le sud par la route inverse d’Hannibal. A priori on ne risque pas grand-chose. L’Otan nous protège. Enfin si l’on en fait bien partie…

Un récent sondage nous apprend que seulement 66 % des Français le savent avec certitude. C’est mieux que les Américains qui ne sont que 65 %. Quant aux 11 % de Russes qui croient en faire partie, je serais eux, je me méfierais. Cela frise la trahison et pourrait les conduire directement dans les camps sibériens en compagnie de Navalny, officiellement estampillé la semaine dernière comme « terroriste ».

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 31 janvier 2022

mercredi 2 février 2022

Polar - Dans un futur proche, les « Sens interdits » de la table

Entre polar et récit d’anticipation, le nouveau roman de Chantal Pelletier pose les jalons de ce que sera notre alimentation dans une vingtaine d’années. La romancière, experte en plaisirs de la table, imagine le pire pour nos assiettes. L’action se déroule en 2046 en Provence. La population française se compose de deux blocs antagonistes : ceux qui meurent de faim, se contentant de quelques épluchures, et les gourmets et autres privilégiés bénéficiant d’un permis de table. Pour faire respecter ces nouvelles règles draconiennes, une police alimentaire surveille les citoyens. 

Anna Janvier, bec gourmand qui ne manque jamais une occasion de profiter d’un repas savoureux fait équipe avec Ferdinand Pierraud, plus porté sur les compléments alimentaires sans saveur. Ils sont chargés de découvrir qui a tué une femme retrouvée dans sa cuisine ligotée et gavée d’un repas gargantuesque. Un roman alléchant, sur la bouffe, le réchauffement climatique et la meilleure façon de vieillir. Car on suit également un trio de vieillards assez iconoclaste. L’un d’eux a cette sentence éclairée : « Je ne sais pas quand la bascule s’est produite. En tout cas, j’étais déjà vieux et content de l’être. Je me disais je suis fâché avec ce monde, mais j’ai du bol, je suis vieux, ça ne durera pas longtemps. »

En refermant ce livre aux milles saveurs, on est tenté de faire un festin d’anthologie avant que tout ne soit interdit par les nouveaux gourous du goût. Voire, pour les plus audacieux, tenter l’expérience, au moins une fois, de la sitophilie.

« Sens interdits » de Chantal Pelletier, Série Noire, 19 €

De choses et d’autres - Défis pour les traducteurs

La semaine dernière, Joe Biden, en pleine conférence de presse, croyant que son micro était coupé, a lâché une appréciation peu reluisante à l’encontre d’un journaliste de Fox News. Une belle grosse insulte, de celles qui sont bipées dans les programmes de téléréalité. Certains s’offusquent, d’autres rigolent… Et puis, il y a les journalistes de l’Agence France Presse basés à Washington qui se posent des questions.

Dans un tweet, Sébastien Blanc, responsable du bureau américain de l’agence de presse française, résume le problème : « Gros débat au bureau de l’AFP, à Washington, sur comment traduire au mieux le dérapage de Joe Biden, qui a lancé à un journaliste de Fox News : « Stupid son of a bitch ». « Espèce d’enfoiré » ?, «Fils de pute » ?, «Gros connard » ?

Décision finale : « Espèce de connard » ! Voilà donc comment le mot « connard » s’est invité dans la diplomatie mondiale.

Mais ce n’était pas une première, car le dilemme inverse s’était présenté quelques jours auparavant. Cette fois c’était les journalistes anglo-saxons qui se sont arrachés les cheveux quand Emmanuel Macron a expliqué à des lecteurs du Parisien qu’il avait envie « d’emmerder les antivax ». Certains ont choisi la version light avec les verbes « to bug », plus proche d’embêter. D’autres ont bien compris l’intérêt du trash et le président français se retrouvait à scander du « piss off » à tire-larigot.

Bref, en « emmerdant les sons of a bitch », les plus hautes sphères parlent parfois aussi mal que dans les cours de récréation.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 29 janvier 2022

mardi 1 février 2022

Cinéma - « Arthur Rambo », double maléfique de l’écrivain

La gloire pour Karim D. avant que les tweets d’Arthur Rambo ne le rattrapent. Memento Films Distribution

Karim D. (Rabah Naït Oufella), jeune écrivain originaire de banlieue rencontre le succès avec son livre racontant la vie de sa mère. Mais derrière ce bon fils, talentueux et exemplaire se cache un certain Arthur Rambo. Sur Twitter, Karim/Arthur est homophobe, antisémite et racistes. Le jeune prodige est descendu en flèche par la même presse qui l’adulait auparavant. Karim tente de se justifier : c’est la création d’un personnage de fiction symbolisant son « double maléfique ».

Laurent Cantet s’est inspiré d’une histoire vraie pour signer un film grave et édifiant sur les apparences et la folie engendrée par les réseaux sociaux. Le début du film, très lumineux, montre un Karim souriant, honoré de cette reconnaissance. Il devient une célébrité, passe à la télévision. Il reçoit même une proposition d’adapter son roman au cinéma et de le réaliser. Une belle histoire comme aime les raconter la presse. Il suffit de quelques messages expliquant que Karim D. est également présent sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme d’Arthur Rambo pour que tout s’écroule. Car ce Rambo a la même violence que l’ancien soldat américain. 

Violence écrite avec des tweets d’un racisme ou d’un antisémitisme que rien ne peut excuser. Le film montre comment on peut se transformer de chouchou de la France d’en bas en véritable pestiféré. Presque filmé comme un documentaire, Arthur Rambo suit la dérive de Karim, prenant conscience, petit à petit, de la gravité de ces messages ignobles. Pourtant, il s’arc-boute sur son explication : Arthur Rambo est un personnage de fiction, jamais il ne pense ce qu’il écrit. Du moins tente-t-il de s’en persuader. C’est sa petite amie qui résume le mieux ce dilemme quand elle demande comment toute cette merde peut cohabiter dans une tête si intelligente. Le film ne l’explique pas. Ni Karim et encore moins Arthur.

Film français de Laurent Cantet avec Rabah Naït Oufella



De choses et d’autres - Test technique

Pour fabriquer ce quotidien, nous utilisons, journalistes et techniciens, un logiciel particulier. Mardi, nous sommes passés à la nouvelle version, la 7. Un transfert totalement transparent pour vous, lecteurs de l’Indépendant. Pourtant, il y a toujours des risques quand on mélange technique, test et mise en production.

Pour apprendre à maîtriser les nouvelles fonctionnalités offertes par la nouvelle version, on travaille dans des pages test. Et ces formations, parfois, ressemblent à des occasions inespérées de se décharger de toute la pression quotidienne. C’est la foire au mot d’esprit ou transgression qui, a priori, ne franchira jamais ces quatre murs.

Sauf quand on fait une fausse manœuvre. Je me souviens de cette grosse gaffe à Tahiti, un laborantin aigri, croyant que les clichés avaient déjà été utilisés, a gravé au cutter des insultes sur le visage du PDG apparaissant dans une soirée organisée par le journal. Photos qui ont été publiées avec les mots orduriers...

On ne compte plus les fois où un texte en latin a été imprimé. C’est en fait du texte de « remplissage » servant à en mesurer la longueur.

Des dérapages qui n’arrivent pas que dans les journaux. En début de semaine, tous les utilisateurs d’Air France (soit quelques millions de personnes) ont reçu un SMS assez abscons : « Test de Julien à nouveau. » Rien à voir avec les PCR qui nous bouffent la vie. Simplement un technicien travaillant sur l’appli de la compagnie aérienne a fait un test d’envoi de message. Mais au lieu de rester dans sa configuration de travail, il est passé en production et l’a envoyé à tous les clients.

C’est bon Julien, ça fonctionne !

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 28 janvier 2022

mercredi 26 janvier 2022

De choses et d’autres - C’est quand le jour J ?

 

Les bruits de couloir se multiplient depuis une semaine : « Le jour J est imminent. » « Il va y aller. » Car cette campagne électorale de la présidentielle 2022 a beau être lancée depuis plusieurs mois, reste la principale inconnue du problème : Emmanuel Macron va-t-il se représenter ? Enfin la question exacte c’est : quand va-t-il annoncer sa candidature ?

 

Car il ne fait de doute pour personne que le président sortant va se lancer dans la conquête d’un second mandat. Alors en attendant, les « petits » candidats tentent d’occuper l’espace. Et force est de constater que plus le temps passe et plus ils sont petits. Notamment à gauche. Si dans les premiers sondages, quand on additionnait tous les scores des prétendants se réclamant du camp progressiste, on arrivait à un total qui laissait espérer la qualification au second tour d’une candidature unitaire, aujourd’hui même cet espoir s’est envolé.

Le problème de la gauche résolu (encore plus si François Hollande décide lui aussi d’y aller comme certains commentateurs bien informés le laissent entendre), le président Macron semble attendre que la droite se déchire un peu plus pour avancer ses pions. Reste à savoir quand et surtout comment il va se déclarer.

S’il continue sur sa lancée, il va passer par la très officielle allocution à 20 heures sur toutes les chaînes de télévision, pratique qu’il a multiplié durant la crise sanitaire. Un peu risqué dans le symbole. Mais ce qui est certain c’est que ce ne sera pas en direct et ni en face de journalistes. Ce sont des pratiques d’un autre âge. Du monde d’avant…

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 25 janvier 2022

mardi 25 janvier 2022

BD – Lucile, l'info rigolote à la mode Bamboo



Se moquer des chaînes d’info en continu, il fallait oser. Erroc, scénariste de la série vedette Les Profs, a passé pas mal de temps devant les canaux français pour imaginer KFMtv, caricature finale des déjà peu reluisantes CNews ou BFM. 

Pour adoucir son propos, il fait vire ces expériences ultimes à une jeune journaliste, Lucile, récemment embauchée. 



Elle va devoir aller faire des directs dans des conditions compliquées, notamment face à de nombreux manifestants protestants contre le manque de rigueur de KFMtv, mais si contents de passer à la télé… Lucile qui devra oublier sa déontologie et résister aux assauts de présentateurs vedettes qui se croient tout permis. Finalement, en comparaison à la réalité, la série est presque bienveillante.  

« Lucile & l’info » (tome 1), Bamboo, 10,50 €

lundi 24 janvier 2022

BD - Trésor liquide avec le premier tome de "Talion" de Sylvain Ferret chez Glénat


Très ambitieuse fresque futuro-écologique, Talion de Sylvain Ferret devrait donner matière à réflexion en ces temps de réchauffement climatique. Dans le futur décrit par l’auteur complet, dessinateur réaliste minutieux et virtuose, c’est la pollution qui réduit considérablement les ressources en eau. 

Les villes sont coupées en deux : les Racines, les pauvres, qui boivent une eau noirâtre qui les rend malades et les hautes sphères, bénéficiant de l’eau claire. 


Une jeune fille, Billie, va détourner des litres de ce nouvel or pour aider les enfants malades des Racines. Prévue en trois volets, Talion raconte aussi comment une famille, arrivée il y a longtemps au sommet de la société, voit les intrigues et complots devenir la seule préoccupation de ces obsédés du pouvoir. 

« Talion » (tome 1), Glénat, 15,50 €

De choses et d’autres - De l’avantage de devenir une femme en Suisse

 


Les questions de genre n’ont pas terminé de faire débat. Pour de bonnes et mauvaises raisons. En Suisse, le législateur a décidé de simplifier au maximum le changement de sexe au niveau de l’administration.

 

Depuis le 1er janvier dernier, il n’en coûte plus que 75 francs pour modifier sexe et prénom sur ses papiers d’identité helvètes. En plus d’un bref entretien pour s’assurer que vous êtes bien sûr de votre décision. Voilà comment un habitant de Lucerne, âgé d’un peu plus de 60 ans, a décidé de devenir une femme. Après avoir réglé ses 75 francs et répondu à quelques questions d’un employé communal, il est ressorti en tant que femme.

Mais ce revirement n’avait rien à voir avec un quelconque mal-être dans son statut d’homme. En réalité, le petit filou (ou la petite…) a fait cette démarche à quelques années de sa retraite. Visiblement bavard, il a expliqué à ses proches que ce changement de sexe n’est justifié que par l’appât du gain.

Car en Suisse, les femmes peuvent profiter d’une retraite complète à 63 ans, soit une année avant les hommes. Il gagne ainsi 12 mois de farniente pour la modique somme de 75 francs, soit un peu moins de 73 euros.

Espérons que cette entourloupe ne donne pas des idées à d’autres vieux messieurs proches de la fin de leurs activités professionnelles. La Suisse se retrouverait d’un coup d’un seul avec beaucoup plus de femmes que d’hommes.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 24 janvier 2022