Entre polar et récit d’anticipation, le nouveau roman de Chantal Pelletier pose les jalons de ce que sera notre alimentation dans une vingtaine d’années. La romancière, experte en plaisirs de la table, imagine le pire pour nos assiettes. L’action se déroule en 2046 en Provence. La population française se compose de deux blocs antagonistes : ceux qui meurent de faim, se contentant de quelques épluchures, et les gourmets et autres privilégiés bénéficiant d’un permis de table. Pour faire respecter ces nouvelles règles draconiennes, une police alimentaire surveille les citoyens.
Anna Janvier, bec gourmand qui ne manque jamais une occasion de profiter d’un repas savoureux fait équipe avec Ferdinand Pierraud, plus porté sur les compléments alimentaires sans saveur. Ils sont chargés de découvrir qui a tué une femme retrouvée dans sa cuisine ligotée et gavée d’un repas gargantuesque. Un roman alléchant, sur la bouffe, le réchauffement climatique et la meilleure façon de vieillir. Car on suit également un trio de vieillards assez iconoclaste. L’un d’eux a cette sentence éclairée : « Je ne sais pas quand la bascule s’est produite. En tout cas, j’étais déjà vieux et content de l’être. Je me disais je suis fâché avec ce monde, mais j’ai du bol, je suis vieux, ça ne durera pas longtemps. »
En refermant ce livre aux milles saveurs, on est tenté de faire un festin d’anthologie avant que tout ne soit interdit par les nouveaux gourous du goût. Voire, pour les plus audacieux, tenter l’expérience, au moins une fois, de la sitophilie.
« Sens interdits » de Chantal Pelletier, Série Noire, 19 €
