vendredi 7 janvier 2022

De choses et d’autres - Tout augmente mon bon monsieur...

 


Il y a 20 ans, l’Europe est devenue une réalité tangible pour les Français. Impossible de l’ignorer puisqu’en 2001 l’euro a remplacé le franc. Je me souviens avoir méchamment phosphoré dans le but de trouver une astuce afin de convertir facilement les prix. Au début j’ai eu du mal. Impossible de me défaire de ces francs, que mes parents, jusqu’à leur mort, affublaient de la précision désuète de « nouveaux ».

 

Aujourd’hui je suis totalement incapable de déterminer l’équivalence en francs (anciens comme nouveaux) de 10 euros. Par contre, il est certain que tout a augmenté. Alors que bruissent des rumeurs d’explosion du prix de la baguette pour cause de raréfaction de la farine, ou des chocolatines en raison du beurre presque aussi cher que l’or (ils ont déjà la même couleur), la meilleure façon de savoir si la vie en euros est beaucoup plus chère qu’en francs, c’est de demander à un certain Patrick, cadre bancaire à la retraite vivant en région parisienne.

Un article du journal Le Parisien raconte comment ce fou du classement a conservé dans des boites soigneusement rangées par année toutes les notes de ses courses du quotidien depuis 1967. Il peut ainsi faire une courbe hyperréaliste du prix d’une boîte de cassoulet ces 50 dernières années. Certes, ça ne sert strictement à rien, mais Patrick semble un peu psychorigide sur le sujet.

Le plus étonnant, sur la photo illustrant l’article, Patrick tient une liasse de notes qu’il vient de sortir d’une boite de chocolats de la marque catalane Cémoi. Et je me pose la question : a-t-il acheté ces chocolats car ils étaient bons ou simplement car la boite semblait idéale pour collecter les notes de ses courses ?

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 7 janvier 2022

BD - Avenirs parallèles avec Demain chez Delcourt

Léo et Rodolphe multiplient les séries de SF. En plus d’Amazonia, ils ont signé Centaurus chez Delcourt. Et lancent toujours pour cet éditeur Demain. Ils quittent le space opéra pour la SF plus conventionnelle. 

Deux univers parallèles avec un garçon et une fille qui apparaissent dans les rêves de l’autre. Une partie uchronie, aux USA dans les années 50, des jeunes découvrent une mystérieuse pièce noire, une autre partie du récit se déroulant en France dans une époque postapocalyptique. Deux ambiances très différentes mais un seul dessinateur, Louis Alloing, qui rejoint la galaxie Léo-Rodolphe. 

Un premier tome de plus de 50 pages avec, les fans apprécieront, quelques grosses bestioles agressives comme seul Léo sait les inventer.  

« Demain » (tome 1), Delcourt, 13,50 €

jeudi 6 janvier 2022

De choses et d’autres - Trop jeunes pour mourir

 


Les avis de décès sont de plus en plus nombreux. Des personnes physiques qui ont croisé malencontreusement un virus en évitant soigneusement auparavant de prendre rendez-vous avec un vaccin, mais aussi des entreprises qui pourtant étaient plus que prospères il y a quelques années.

 

Ainsi ce fabricant de téléphone mobile avait écoulé 10,6 millions d’appareils durant le premier trimestre 2010. 11 ans plus tard, les derniers smartphones encore en service ne fonctionnent plus depuis hier car le système d’exploitation est devenu obsolète. Pourtant ces téléphones, lourds et résistants, très efficaces et sécurisés, étaient synonymes à l’époque de ce qui se faisait de mieux dans le secteur. L’erreur fatale de ses dirigeants aura été de ne pas croire au clavier tactile. Persuadé que les utilisateurs préféreraient le petit clavier physique, BlackBerry a dénigré avec beaucoup de morgue l’iPhone d’Apple. Les acheteurs ont vite tranché. Malgré sa relative jeunesse, BlackBerry est mort et enterré.

Une autre entreprise a fermé boutique cette semaine. Moins connu du grand public car ouvertement dans l’illégalité, le site de streaming pirate Popcorn Time a publié son propre avis de décès en envoyant un mail annonçant sa fermeture aux rédactions. Devenu l’ennemi public numéro 1 de Netflix, le vilain Popcorn permettait de voir séries et films sans débourser un centime, grâce aux liens détenus par d’autres.

Netflix va pouvoir continuer sa marche en avant, comme Apple. Mais gare, ces deux mastodontes ne sont malgré tout pas à l’abri d’une mort prématurée face à de nouveaux concurrents plus innovateurs et inventifs qu’eux.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 6 janvier 2022

Roman. Houellebecq écrit, gare à l’anéantissement



Que serait la littérature sans les quelques auteurs qui en plus d’un indéniable talent de plume savent bousculer les idées reçues tout en critiquant la société contemporaine ? Un nouveau roman de Michel Houellebecq c’est la certitude qu’on va mieux comprendre le monde dans lequel on vit, que certains romans auront désormais un goût particulièrement fade et que certaines scènes vont longtemps rester présentes à notre esprit, tel un phosphène dans la rétine de l’idiot qui a osé regarder le soleil. Anéantir, paru cette semaine, caracole en tête des ventes. 

Copieux, sous une couverture rigide, le roman suit la trajectoire de Paul, un énarque qui fait carrière dans l’ombre de Bruno Juge, ministre de l’Économie. Située dans un futur proche, l’intrigue semble montrer la fin du second mandat d’un Macron facilement réélu. Il doit passer la main. Bruno fait figure de favori. La France, grâce à son action efficace, a retrouvé de sa splendeur industrielle. Mais il n’est pas aimé de tout le monde. Pour preuve cette vidéo qui tourne sur internet qui montre un montage au cours duquel il est guillotiné. 

A cette intrigue politique (on assiste à la campagne, avec son lot de surprises tout à fait transférables en ce début 2022), s’ajoutent les doutes de Paul, cinquantenaire sans enfant, qui voit son couple se déliter. Un homme qui doute, surtout de lui : « C’était probablement mauvais signe d’avoir envie de se replonger dans ses années de jeunesse, c’est probablement ce qui arrive à ceux qui commencent à comprendre qu’ils ont raté leur vie. » Paul a une sœur, très croyante et un frère, très artiste. Son père, ancien haut responsable de l’espionnage français, est à la retraite. Il s’est remarié avec une femme beaucoup plus jeune que lui. Il vient d’avoir un AVC, elle s’occupe de lui avec dévouement : « La fin de vie pouvait peut-être dans certains cas ne pas être tout à fait malheureuse, se dit-il ; c’était surprenant. » Pas très gai, avouons-le, Anéantir est du pur Houellebecq, presque comme un testament littéraire agrégeant l’esprit de ses précédents ouvrage. Mais reste bien dans l’air du temps car Houellebeck reste avant tout un romancier du présent.

 « Anéantir » de Michel Houellebecq, Flammarion, 26 €

mercredi 5 janvier 2022

De choses et d’autres - Fantastique galette

 


Mardi 4 janvier 2022. Je sors de ma sieste quotidienne avec une incroyable envie de galette des Rois. La bonne frangipane, cachée sous la pâte feuilletée dorée ; la fève, si dangereuse pour les dents ; la couronne, si ridicule, une fois sur la tête.

 

Mais, est-il encore politiquement correct de parler de galette des Rois en ces temps où le wokisme s’invite à toutes les tables.

Pourquoi des rois et pas des reines ? Pourquoi des cadeaux pour la naissance de Jésus ? Pourquoi ces rois sont-ils exotiques ? En vrai, mon estomac ne s’est jamais posé ces questions. Aussi, quand je découvre qu’un journal local de Besançon, L’Écho de la Boucle, annonce que la maire écolo vient de recommander aux boulangers de sa ville de ne plus vendre des Galettes des Rois, mais une « Fantastique Galette », je sens à plein nez le site parodique, genre Gorafi de province. Bingo.

Désormais, le plus marrant, dans ces pièges, ce n’est plus l’idée en elle-même, mais les cris d’indignation, sur les réseaux sociaux, des couillons - qui vivent, sans doute, dans une réalité parallèle pour penser que cette recommandation est du domaine du possible. On trouve, dans le lot, quelques journalistes de droite, des élus (de droite aussi) et d’extrême droite également, mais ça, on s’en serait douté. Marrant, certes, mais comme le fait remarquer la maire de la ville, cette promptitude à croire l’incroyable « révèle à quel point l’idéologie anti EELV de ces personnes les pousse à croire et relayer ce qui n’est qu’une blague ».

Que cela ne vous empêche pas de savourer une fantastique Galette des Rois achetée chez votre boulanger, ce sont les meilleures, et de trouver la fève pour couronner le tout.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 5 janvier 2022

Rentrée littéraire d’hiver : L’amour chez les jeunes et… les vieux



Maladie la plus agréable qui soit, l’amour frappe sans discernement. Les jeunes filles de 13 ans comme les vieux messieurs de 60 ans. Ces deux romans de la rentrée d’hiver sont des témoignages. Des expériences aux deux extrêmes de la vie, la découverte de l’amour et des choses du sexe par une adolescente, le retour de flamme pour un homme de 60 ans. Dans les deux cas, la passion est dévorante.

Dans un collège privé de Beyrouth, des filles de 13 ans n’ont qu’une seule envie : goûter aux garçons. Dans son premier roman au titre si explicite, Le goût des garçons, Joy Majdalani raconte comment sa narratrice cherche la bonne amie, celle qui lui permettra d’en apprendre plus sur ces mystérieux garçons, leur sexe, leurs désirs. Elle en rêve et craint ne jamais pouvoir devenir une femme. « Des hommes, j’étais condamnée à ne glaner que des bribes, la compagnie circonstancielle et désintéressée d’oncles, de professeurs, de pères d’amies. Jamais je ne serais initiée à leurs mystères. » Pourtant elle va enfin trouver le Graal. Un premier baiser, quelques caresses puis le grand saut conté dans une langue vraie, crue et audacieuse. 



À l’opposé, dans Pars, oublie et sois heureuse de Pierre Mérot, c’est le récit d’un amour inespéré qui vient ensoleiller la vie de l’écrivain l’année de ses 60 ans. Sandy est professeur, comme lui. Il va lui écrire quotidiennement des emails de septembre 2019 à janvier 2021. Le roman ne contient que ces courts textes, pas les réponses hormis une lettre de rupture. La plupart du temps on devine ce qu’elle lui dit, comment deux êtres qui ont pourtant tout vécu peuvent redécouvrir l’enchantement de l’existence quand on tombe amoureux, les rendez-vous rares mais intenses et, malgré l’âge, les jeux coquins. « Heureusement qu’il y a ta photographie hors la loi le jour où l’on a soixante ans… Soixante ans, c’est-à-dire une âme enfantine dans un corps qui a marché si longuement. » 

Ce superbe réveil de la flamme du désir va finalement se révéler très destructeur. Un texte entre beauté de la passion, tristesse de l’éloignement et excitation des scènes érotiques.

« Le goût des garçons » de Joy Majdalani, Grasset, 16 € (en vente le 5 janvier)

« Pars, oublie et sois heureuse » de Pierre Mérot, Albin Michel, 18,90 € (en vente le 5 janvier)



mardi 4 janvier 2022

De choses et d’autres - Promis, on paiera nos impôts en France

 

Faire appel à sa communauté de fans pour animer ses réseaux sociaux peut parfois se révéler une très mauvaise idée. Le compte Instagram de Amazon Prime Vidéo en a fait les frais récemment.

 

A la base, un community manager en manque d’inspiration décide de solliciter ses abonnés. Il publie une photo d’une des héroïnes de la série The Boys avec cette légende : « Le meilleur commentaire sous ce post deviendra notre bio. » Succès fulgurant. Rapidement, des centaines de commentaires font leur apparition. Mais pour une proposition un peu sérieuse, même si elle cite
les principaux concurrents : « De Prime abord, vous n’êtes ni sur Netflix, ni sur Disney + », un commentaire revient en boucle, des dizaines, des centaines de fois : « Promis, on paiera nos impôts en France. » On sait que les grands groupes américains œuvrant dans les nouvelles technologies profitent de la dématérialisation de leur offre pour contourner quelques règles élémentaires en matière de fiscalité. Des millions de Français achètent sur Amazon. Un chiffre d’affaires conséquent qui échappe, en grande partie, aux fonctionnaires de Bercy.

Alors, les fans d’Amazon ont décidé de rappeler cette évidence, allant même jusqu’à suggérer à la multinationale de régulariser sa situation et même de transformer cette décision en slogan. Pas sûr que cela fonctionne.


Dans un premier temps, Amazon a tenté d’effacer les commentaires sur les impôts. Mais, face à la déferlante les petites mains ont abandonné. Et, pour l’instant, le commentaire sur les impôts continue à faire des petits (plus de 2000 hier soir).

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 4 janvier 2022

BD - Collégiennes curieuses



Garance et Linon ont 11 ans et sont dans la même classe au collège. Deux amies qui commencent à se poser beaucoup de questions. Notamment en ce qui concerne l’amour. Pour savoir où elles vont mettre les pieds (Linon est amoureuse d’un garçon mais n’ose pas lui parler), elles vont mener l’enquête.

Leur but : découvrir ce que c’est réellement que l’amour. Une BD écrite par les Béka et dessinée par une jeune Italienne, Maya. C’est particulièrement fin, très actuel et donne des réponses (ou du moins des pistes), à toutes les jeunes lectrices.

« Cœur Collège » (tome 1), Dupuis, 13,95 €  
 

lundi 3 janvier 2022

De choses et d’autres - Dans de beaux draps (eaux)

 

Il n’aura pas fallu deux jours pour que 2022 ressemble à 2021 sur le plan des polémiques à tendance populiste et nationaliste. Année électorale oblige, le moindre symbole est prétexte à s’indigner, main sur le cœur, regard braqué sur l’horizon, tel un général si fier de sa ligne Maginot qui mettrait le pays à l’abri des visées expansionnistes de voisins turbulents. Donc, pour marquer le fait que la France préside le conseil de l’Europe depuis le 1er janvier, le drapeau européen a flotté durant deux jours sous l’Arc de Triomphe. Exit le bleu blanc rouge, juste du bleu et 12 étoiles.

 

De Pécresse à Ciotti, ils ont tous tenté de surréagir plus vite et sur un ton encore plus offusqué que les « patriotes » patentés que sont Philippot, Le Pen ou l’autre candidat d’extrême droite pour qui « impossible n’est pas Français », « l’année de tous les possibles » selon le président Macron. Franchement, je me réjouis de leurs réactions. Au moins cela prouve qu’ils connaissent le drapeau européen. Il y a 40 ans, la majorité d’entre eux auraient été incapables d’identifier ces couleurs symboles de la paix dans le vieux continent.

La palme de la réaction déplacée revient à Éric Ciotti. Comment peut-il s’indigner de ce grand remplacement temporaire de drapeau « au-dessus de la flamme du soldat inconnu » ? Au moins, le soldat inconnu aura servi son pays. Pas comme le député des Alpes-Maritimes qui a réussi à échapper au service militaire, « l’appel sous les drapeaux » comme on disait à l’époque.

Et dire qu’Éric Ciotti milite pour un retour au service militaire obligatoire. Il mériterait d’être nommé ministre des réformés, pour ne pas utiliser un terme plus dégradant.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 3 janvier 2022

BD - Fin du cauchemar



Cinquième et dernier tome de La Brigade des Cauchemars, série imaginée par Franck Thilliez. Un savant a mis au point une machine permettant à certains jeunes de se déplacer dans les rêves des dormeurs.

Dans cet ultime épisode ils vont défier Léonard, grand amateur de cauchemars et qui garde prisonnière dans son esprit la femme du savant. Le but de la brigade est simple : la libérer. Yomgui Dumont au dessin a parfaitement animé graphiquement cette série qui passe de la banale réalité à un monde des rêves extraordinaire.

« La brigade des cauchemars » (tome 5), Jungle, 13,95 €