dimanche 11 mars 2018

Roman : Découvrir l’Histoire avec l’intrépide Max

Max est historienne. Son prénom c’est Madeleine, mais cette rousse, piquante trentenaire, est plus connue par son nom : Maxwell. D’où le sobriquet de Max qui lui va si bien. Au début du roman de Jodi Taylor, Max est contactée par son ancien professeur afin de rejoindre l’équipe de l’Institut St Mary. Au cours de son étrange entretien d’embauche, elle comprend vite les possibilités qui s’offrent à elle… Car St Mary, sous des airs d’université vieillotte, cache une autre réalité.

Les historiens acceptant d’y mener des recherches ont la possibilité de voir exactement comment vivaient nos ancêtres. Dans un hangar, des techniciens surdoués ont mis au point et entretiennent des capsules à voyager dans le temps. Max va pouvoir étudier l’Égypte ancienne... en immersion.

Capsules insoupçonnables
Quand Jodi Taylor a publié sur la toile les premiers chapitres de ce roman entre fantastique, érudition et aventure, elle ne se doutait certainement pas du succès des aventures de Max. Des dizaines de milliers de lectures numériques, puis un contrat avec un éditeur en Angleterre et voilà le premier tome des Chroniques de St Mary traduites en français. Il y en a déjà 9 autres, le succès devenant phénoménal dans la littérature anglo-saxonne.

L’apprentissage de Max sera dur. Très exigeant. Il y a une dizaine de candidats avec elle mais trois seulement, dont elle, seront retenus au final. Le premier choc pour l’héroïne sera de dé- couvrir les capsules, « des petites cabanes modestes, au toit plat et sans fenêtres ; le genre de structure que l’on pourrait retrouver n’importe où, que cela soit à Ur en Mésopotamie ou dans un lotissement urbain moderne. Posez une échelle branlante contre un mur, une roue cassée près de la porte et quelques poulets autour et elles passent inaperçues. »

Après la théorie, place à la mise en pratique du voyage temporel et l’art de rester incognito. Max va recevoir les conseils d’une costumière : « Oubliez l’idée de vous balader avec une robe qui traîne par terre. Rien ne ramasse aussi bien la poussière, la pluie, la saleté, les excré- ments et les occasionnels chiens morts qu’une robe qui traîne par terre. » Au contraire, Max va rapidement s’apercevoir que voyager dans le temps c’est surtout savoir courir pour fuir les problèmes.

Et des problèmes, elle va en rencontrer en quantité dans le premier tome de cette série prometteuse, aux multiples rebondissements et qui donne envie de retrouver Max et d’en savoir un peu plus sur les pays et époques qu’elle traverse.

➤ « Les chroniques de St-Mary - Un monde après l’autre », de Jodi Taylor, HC éditions, 14,50 €

samedi 10 mars 2018

Noël Herpe explore le cinéma français durant l’Occupation

Noël Herpe, historien du cinéma, réalise un catalogage du Fonds Max Douy déposé à l'Institut Jean Vigo de Perpignan.

Une lettre de Danielle Darrieux à la Continental ou le témoignage d’une ouvreuse de cinéma lors des séances d’interrogatoires menées à la Libération : les archives de Max Douy, léguées récemment à l’Institut Jean-Vigo, sont d’une richesse insoupçonnée. Noël Herpe, historien du cinéma, enseignant à Paris, écrivain et réalisateur, va les parcourir durant une semaine, faisant un premier travail de défrichage pour ensuite proposer dans un mémo un classement de ces pièces historiques.


L’idée de se plonger dans ces archives du cinéma français durant l’occupation vient de Ghislaine Gracieux. Cette productrice originaire de Perpignan a déjà travaillé avec Noël Herpe sur Clouzot. Ils ont en projet de réaliser un documentaire sur cette période si particulière dans le 7e art national. Or Max Douy, grand décorateur qui a notamment travaillé avec Claude Autant-Lara sur « La traversée de Paris », faisait partie du Comité de Libération du Cinéma Français et à ce titre a participé à de nombreux interrogatoires la Libération venue.

Une accusation ou une rumeur à vérifier, un rôle à préciser : beaucoup ont été inquiétés une fois l’envahisseur chassé. Souvent avec un non-lieu à la clé.

Le rôle de la Continental
Ce sont ces témoignages que Noël Herpe passe en revue. Un premier survol lui a permis de découvrir une lettre de Danielle Darrieux. « Elle y explique qu’elle veut bien tourner pour la Continental, la grande société de production française la plus collaborationniste, mais à la condition que le tournage se déroule en zone libre. »

« Les archives me permettent de replonger dans l’atmosphère de l’époque », explique Noël Herpe, lunettes rondes sur le nez pour défricher ces feuillets dactylographiés reliés par des trombones qui ont rouillé depuis des décennies. Une approche méthodique, avec mise en répertoire de toutes ses notes et photographies des documents les plus importants ou significatifs. Un travail qu’il compte prolonger avec d’autres documents, consultés ailleurs qu’à Perpignan, toujours avec ce projet de « Chroniques du cinéma français sous l’Occupation ». Avec sans doute la possibilité de « battre en brèche certaines légendes ».

vendredi 9 mars 2018

De choses et d'autres : la poule de l'Elysée

Je devine déjà les petites décharges d’adrénaline chez les quelques Français vouant une haine absolue à Brigitte Macron*. Qu’ils rabaissent leur caquet, il n’est nullement question de l’épouse du président dans ces quelques lignes, mais d’une certaine Agathe qui vient de pondre son premier œuf. Car la poule en question est de la race des gallinacées.
Donc Agathe a pondu. Pour la première fois depuis son arrivée à l’Elysée. À l’issue de sa visite marathon au salon de l’Agriculture, Emmanuel Macron n’est pas reparti les mains vides. En plus des mets et liquides ingurgités sur place, il a reçu en cadeau des mains du directeur général des Fermiers de Loué, Yves de la Fouchardière deux poules pondeuses. Agathe et Marianne vivent dans un petit enclos. Et rapidement elles se sont mises au travail. Agathe a été plus rapide que Marianne. Son œuf rejoindra les cuisines du palais pour y être incorporé aux préparations culinaires. Le circuit court par excellence. Jusqu’à présent, les œufs frais venaient du ministère de l’Intérieur où quatre pondeuses officient déjà depuis quelques années. Le service communication de l’Elysée a fait ses choux blancs de l’arrivée d’Agathe et de son premier œuf.
Futile ? Pas tant que cela. Car il y a quelques décennies, de très nombreuses familles avaient des poules à la maison. Et quelques municipalités tentent de faire revivre cette tradition. Pas pour les œufs, mais pour la propension des poules de manger les déchets verts. Des œufs en plus, des ordures en moins : qui peut s’opposer à ce genre de programme politique.
➤ Comme avant avec Carla Bruni ou Julie Gayet, certains opposants au président, au lieu de l’attaquer lui, préfèrent mettre tous les maux du pays sur le dos de son épouse ou compagne. Brigitte Macron n’échappe pas à leur vindicte injuste.

DVD et blu-ray : Aglaé se délocalise


India Hair est Aglaé. Aglaé est une employée modèle. Consciencieuse et travailleuse. Elle adore son métier de chercheuse en crash automobile. Aussi, quand l’usine doit être délocalisée en Inde, elle est la seule à demander sa mutation. Cette étrange comédie d’Eric Gravel a des airs de sketch du Groland. Aglaé, avec ses tics et ses tocs embarque dans sa folie deux collègues interprétées par Elisabeth Depardieu et Yolande Moreau. Et comme la direction refuse de leur payer un billet d’avion pour rejoindre la nouvelle usine, elles décident de s’y rendre en voiture. Passée la Pologne, seule Aglaé poursuit sa route. Au Kazakhstan elle trouve l’amour. Mais n’en démord pas : l’Inde l’attend. Si la critique sociale n’est pas violente, elle dénonce cependant les délocalisations et surtout la façon dont les patrons traitent les ouvriers. Quant à India Hair, sa bouille rêveuse et mutine illumine le film de bout en bout, des plaines kazakhs aux montagnes chinoises en passant par les quartiers rupins de Suisse. 

➤ « Crash Test Aglaé », Le Pacte Vidéo, 12,99 € le DVD, 19,99 € le blu-ray

jeudi 8 mars 2018

Livres de poche : la sélection du week-end

Les lois du ciel


Les enfants d’une classe de CP, partent pour deux jours d’excursion en forêt. Aucun n’en reviendra. Parents d’élèves et instituteurs sont à leurs côtés. Mais pour les enfants, le froid, la faim, l’obscurité, un simple grincement deviennent le terreau de l’imagination. Bientôt la terreur s’insinue au cœur de l’équipée. Les barrières entre le monde des contes et la réalité s’effritent, jusqu’à ce que l’impensable se produise. Un polar à la limite du fantastique signé Grégoire Courtois.
➤ «Les lois du ciel», Folio Policier, 6,60 €

Vostok

Vingt ans après la fermeture d’une base en Antarctique, un groupe d’hommes et de femmes y atterrit et vont réchauffer le corps gelé de Vostok, réveiller ses fantômes.
Situé dans le même futur qu’Anamnèse de Lady Star, Vostok de Laurent Kloetzer narre l’incroyable aventure d’une très jeune femme, Leonora, condamnée à laisser les derniers vestiges de son enfance dans le grand désert blanc.
➤ «Vostok", Folio SF, 8,30 €

mercredi 7 mars 2018

Cinéma : Eva", fantasme de roman

Benoît Jacquot met en vedette Isabelle Huppert dans le film "Eva"


À la base il y a la faute originelle. Bertrand, assistant de vie (ou gigolo, cela n’est pas clair volontairement), se rend chez un de ses clients, un vieil écrivain anglais tombé dans l’oubli. Il est hasbeen chez lui et trop dark en France. Presque grabataire, malade, il se morfond, attendant la visite du beau Bertrand. Contre une forte somme d’argent, il lui demande de le rejoindre dans son bain. Bertrand est sur le point de le faire quand l’homme a une crise cardiaque. Bertrand le regarde mourir, sans intervenir. L’argent en poche, Bertrand prend la fuite en volant la dernière œuvre encore inédite du mort, une pièce de théâtre. Quelques années plus tard, Bertrand savoure le succès de la pièce à l’affiche depuis plusieurs mois. Il a simplement posé sa signature au bas du manuscrit. Un triomphe aussi simple que cela.

Mais le succès aidant, le propriétaire du théâtre réclame une seconde pièce. Tournant en rond, Bertrand décide d’aller s’isoler dans le chalet de ses futurs beaux-parents en Savoie. Il arrive de nuit, en pleine tempête de neige et découvre dans la chambre un couple. Eva et son client se sont installés. Le client sirote un whisky, Eva se prélasse dans la baignoire. Bertrand vire l’importun et propose à la belle prostituée de luxe de remplacer son client évanoui. Fin de non-recevoir d’Eva qui brise un cendrier sur le crâne du jeune prétentieux.

■ Rayonnante Isabelle Huppert
Le film de Benoît Jacquot, remake d’un long-métrage de Losey avec Jeanne Moreau, toujours adapté d’un polar de James Hadley Chase paru dans la Série Noire, donne à Isabelle Huppert l’opportunité de camper une femme belle et vénéneuse, vénale et touchante. L’actrice française, très présente ces dernières années, multiplie ces rôles de femmes mûres et mystérieuses. Elle excelle dans le genre, passant de la femme sûre d’elle, vendant son corps avec aisance, à l’épouse aimante prête à tout pour son mari en situation difficile. Dans ce jeu, l’intrusion de Bertrand ne va pas la perturber. Simplement elle avoue une certaine sympathie pour ce jeune homme plein de ressource, prétentieux et trop malléable.


Gaspard Ulliel, pour son premier film sous la direction de Benoît Jacquot, signe une performance très intéressante. Entre la faute originelle (le vol de la pièce) et la fin du film, il doit montrer toute l’ambiguïté du personnage et passer de l’effacé au triomphant puis à l’homme acculé. Un thriller tourné en Savoie, en hiver, renforçant le sentiment d’enfermement, de piège inéluctable. La tension est permanente et paradoxalement, on se croit parfois dans un roman de… Philippe Djian.

➤ « Eva », drame de Benoît Jacquot (France, 1 h 40) avec Isabelle Huppert, Gaspard Ulliel, Julia Roy.

lundi 5 mars 2018

BD : Savoir dire les choses


Un dessin, stylisé de surcroit, vaut toujours mieux qu’un long texte. Elijah, illustrateur et journaliste, le sait bien puisque la formule des Top 5 lui ont permis de s’imposer dans un journal espagnol. Mais à trop vivre pour le travail, on se retrouve à faire un transfert sur sa vie privée. Quand il apprend que sa compagne attend un enfant, il imagine immédiatement un Top 5 lourd de conséquence sur «5 choses à ne jamais lui dire» quand il intègre, en 2e position, «Ne pas lui faire un enfant dans le dos». Canizales livre une histoire en noir et blanc d’une grande intelligence, son dessin délavé permettant de passer de la douceur à la violence. Cet auteur colombien, plutôt spécialisé dans l’illustration jeunesses, vit en Espagne depuis 20 ans. Il devrait vite devenir incontournable de ce côté des Pyrénées avec la traduction de ses romans graphiques. 
 ➤ «5 choses à ne jamais lui dire», Warum, 15 €

dimanche 4 mars 2018

Littérature : Jean Teulé nous entraîne dans une danse endiablée


Drôle de technoparade à laquelle nous convie Jean Teulé dans son nouveau roman. « Entrez dans la danse » est de la veine des précédents romans de l’ancien auteur de BD : court, imagé, intelligent et furieusement drôle par moments. Tout commence en 1519 à Strasbourg. En plein été, la situation de la ville est catastrophique. En plus de la crainte d’une invasion des Turcs, la ville meurt de faim. Les récoltes ont été mauvaises et si certains spéculateurs ont anticipé la crise, rares sont les Strasbourgeois qui ont les moyens de se payer un kilo de farine.

■ Manger le bébé

Les premières pages sont terribles. Dans un quartier d’artisans, une femme, son bébé dans les bras, rejoint un pont sur le Rhin. « Au milieu de cette passerelle, elle s’arrête et jette son enfant à la rivière ». Infanticide froid et délibéré. Paradoxalement, pour éviter le pire. Car au chapitre suivant on voit une autre mère indigne : la faim l’a poussée à cuire son nourrisson. Cela fait deux jours qu’avec le père ils se régalent. Voilà la situation dans Strasbourg la maudite quand les premiers signes de l’épidémie apparaissent. Une femme, suivie d’un couple puis de tout un groupe se met à danser dans la rue. Danser joyeusement, comme si plus rien de grave ne pouvait les toucher. Toute la subtilité du roman est dans cette danse éperdue. Face à une situation dramatique, sans solution, l’idée de faire la fête, de profiter de la vie, semble la pire des solutions. Mais pourquoi dansent-ils?



Une question lancinante et sans réponse pour les édiles (superbe portrait du maire) et responsables religieux (l’évêque en prend pour son grade). Dehors, la sarabande continue. Jean Teulé raconte, avec sa poésie habituelle. Les gargouilles sur la cathédrale n’en croient pas leurs yeux : « Sous les étoiles, dans Strasbourg hébétée d’une folie générale comme si la raison était en morte saison, les êtres hybrides, grotesques, et allégoriques de l’édifice regardent glisser sur le mur d’en face, des ombres semblables à celles de monstres effrayants, possédés et fantasmatiques. » Fantasmatique. Le mot idéal pour définir ce roman trépidant de Jean Teulé.

➤ « Entrez dans la danse » de Jean Teulé, Julliard, 18,50 €.

samedi 3 mars 2018

Images sudistes


300 ans. le bel âge. En 2018, la Nouvelle-Orleans a 300 ans. L’occasion de découvrir cet ville américaine atypique, ayant conservé de nombreux vestiges de son passé francophone. Vous pouvez vous rendre sur place ou plus simplement plonger dans le beau livre « New Orleans et le sud de la Louisiane » de Gabriel Vitaux, photographe installé dans l’Aude. Des centaines de clichés réalisés entre octobre 2015 et avril 2017, sélectionnés et mis en valeur dans ces 250 pages. Une première partie est entièrement consacrée à la ville, notamment ses clubs toujours aussi actifs. Dans la seconde, on entre dans l’Acadiana, le pays cadien, de Houma à Lafayette. 
➤ « New Orleans et le sud de la Louisiane », Gabriel Vitaux, éditions Label Odero, 35 €

jeudi 1 mars 2018

BD : Succession compliquée à la Cour des Miracles

Julien Maffre, passé par les Beaux-arts de Perpignan, se lance dans une nouvelle série avec Stéphane Piatzsek au scénario. En cinq tomes ils entreprennent de raconter les grandes heures de la Cour des Miracles. Le premier tome présente Anacréon, le roi des gueux. Il règne sur ces voleurs, infirmes et orphelins. Mais la retraite approche. Il compte passer le flambeau à son fils, trop jeune et imprudent, malgré la protection efficace de sa sœur, la Marquise. 
 ➤ « La Cour des Miracles » (tome 1), Soleil Quadrants, 15,50 €