Benoît Jacquot met en vedette Isabelle Huppert dans le film "Eva"
À la base il y a la faute originelle. Bertrand, assistant de vie (ou gigolo, cela n’est pas clair volontairement), se rend chez un de ses clients, un vieil écrivain anglais tombé dans l’oubli. Il est hasbeen chez lui et trop dark en France. Presque grabataire, malade, il se morfond, attendant la visite du beau Bertrand. Contre une forte somme d’argent, il lui demande de le rejoindre dans son bain. Bertrand est sur le point de le faire quand l’homme a une crise cardiaque. Bertrand le regarde mourir, sans intervenir. L’argent en poche, Bertrand prend la fuite en volant la dernière œuvre encore inédite du mort, une pièce de théâtre. Quelques années plus tard, Bertrand savoure le succès de la pièce à l’affiche depuis plusieurs mois. Il a simplement posé sa signature au bas du manuscrit. Un triomphe aussi simple que cela.
Mais le succès aidant, le propriétaire du théâtre réclame une seconde pièce. Tournant en rond, Bertrand décide d’aller s’isoler dans le chalet de ses futurs beaux-parents en Savoie. Il arrive de nuit, en pleine tempête de neige et découvre dans la chambre un couple. Eva et son client se sont installés. Le client sirote un whisky, Eva se prélasse dans la baignoire. Bertrand vire l’importun et propose à la belle prostituée de luxe de remplacer son client évanoui. Fin de non-recevoir d’Eva qui brise un cendrier sur le crâne du jeune prétentieux.
■ Rayonnante Isabelle Huppert
Le film de Benoît Jacquot, remake d’un long-métrage de Losey avec Jeanne Moreau, toujours adapté d’un polar de James Hadley Chase paru dans la Série Noire, donne à Isabelle Huppert l’opportunité de camper une femme belle et vénéneuse, vénale et touchante. L’actrice française, très présente ces dernières années, multiplie ces rôles de femmes mûres et mystérieuses. Elle excelle dans le genre, passant de la femme sûre d’elle, vendant son corps avec aisance, à l’épouse aimante prête à tout pour son mari en situation difficile. Dans ce jeu, l’intrusion de Bertrand ne va pas la perturber. Simplement elle avoue une certaine sympathie pour ce jeune homme plein de ressource, prétentieux et trop malléable.
Gaspard Ulliel, pour son premier film sous la direction de Benoît Jacquot, signe une performance très intéressante. Entre la faute originelle (le vol de la pièce) et la fin du film, il doit montrer toute l’ambiguïté du personnage et passer de l’effacé au triomphant puis à l’homme acculé. Un thriller tourné en Savoie, en hiver, renforçant le sentiment d’enfermement, de piège inéluctable. La tension est permanente et paradoxalement, on se croit parfois dans un roman de… Philippe Djian.
➤ « Eva », drame de Benoît Jacquot (France, 1 h 40) avec Isabelle Huppert, Gaspard Ulliel, Julia Roy.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire