mercredi 28 décembre 2016

De choses et d'autres : Tweets d'outre tombe


Le réseau Twitter est devenu le grand défouloir de la planète. En 140 signes il faut être percutant et pertinent. Une nouvelle façon de s’exprimer, de faire rire ou dire ses quatre vérités à ceux qui nous énervent. Mais Twitter est récent. Jeff Domenech, auteur de « Tweets post mortem » imagine ce que pourraient twitter les célébrités aujourd’hui disparues. Une sorte d’hommage à leur personnalité, tout en conservant le côté persifleur du réseau. Un florilège classé par catégories, de musique à politique en passant par littérature ou sport. Wolinski prend sa revanche : « Dites aux kamikazes de Daech que depuis mon arrivée au paradis, leurs 72 vierges ne le sont plus ». Coco Chanel donne son avis sur la mode actuelle : « L’élégance se perd de nos jours. Se promener dans la rue avec un maillot du PSG ou de l’OM devrait être passible de la peine de mort ». Au total plus de 300 tweets imaginaires, à picorer avec gourmandise et sans modération.
➤ « Tweets post mortem », Jungle, 9,90 €

mardi 27 décembre 2016

BD : Un «faux» Jeremiah... sans Jeremiah

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Fin janvier, le festival d’Angoulême rend hommage à Hermann couronné Grand Prix en 2016. En plus de la réédition de ses plus grands succès (Bernard Prince, Comanche), le dessinateur belge continue à produire deux albums par an. Infatigable, même s’il n’a plus toute la dextérité de ses meilleures années. S’il poursuit les aventures de Jeremiah en solitaire, ses autres albums « one shot » sont souvent signés de son fils, Yves H. C’est le cas du « Passeur » qui se déroule dans un monde postapocalyptique, très semblable à celui traversé par Jeremiah et Kurdy (ils font même une apparition en début d’histoire). Un couple s’arrête dans une petite ville. Ils ont un plan et de l’argent. Trouvés sur un cadavre. Avec l’espoir de rejoindre le « Paradize », promesse de vie plus douce. Quand ils trouvent enfin le Passeur, ce dernier retient la femme en otage et réclame deux fois plus d’argent. L’homme va se maudire, la femme perdre gros et le Passeur voir la possibilité d’une rédemption. C’est très sombre, pas optimiste pour un sou, parfois un peu compliqué et trop basique dans l’intrigue mais cela reste de la très grande BD par un maître de la couleur directe qui profite de cet album pour faire des expériences entre aquarelle et acrylique.
➤ « Le passeur », Dupuis, 15,50 €

lundi 26 décembre 2016

BD : Prise de tête métaphysique

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Marc-Antoine Mathieu aime innover. Après des albums de BD où il jouait avec les formes, le papier, les surimpressions voire la 3D, il revient au récit plus classique. Format à l’italienne, un seul personnage, pas de dialogues mais un texte narratif sous chaque case. C’est un peu austère au premier abord, mais rapidement on plonge dans cette histoire de recherche d’identité. Un artiste contemporain, après une nouvelle performance dans un musée, se retrouve sans inspiration. Il découvre dans la maison de ses parents récemment décédés une malle contenant du matériel informatique. Ce sont toutes les minutes de ses sept premières années. Il se retire dans un lieu isolé et se plonge dans ce passé dont il ne se souvient pas. Une naissance à rebours qui lui permet (au lecteur également) de se demander « pourquoi sommes-nous celui que nous sommes ? » Un peu prise de tête parfois, mais édifiant quant à la démarche artistique de l’auteur et, en creux, de tout artiste voulant laisser une trace.
➤ « Otto, l’homme réécrit », Delcourt, 19,50 €

dimanche 25 décembre 2016

BD : Prise de tête physique 


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Si vous regrettez les gags signés Claire Brétécher ou les dessins de Reiser, précipitez-vous sur ces « Scènes de la vie hormonale » signées Catherine Meurisse. La dessinatrice de Charlie Hebdo excelle dans ces petites tranches de vie où parfois elle se met en scène. Et si ce n’est pas elle, cela y ressemble... Après l’attentat, la rescapée a mis longtemps avant de réapprendre à vivre. Un long combat contre elle-même raconté dans « La légèreté ». Et puis elle s’est remise à dessiner et raconter ces petites histoires tournant toujours autour du sexe. Ce pourrait être simple, c’est forcément compliqué. Les trentenaires d’aujourd’hui sont passés à la moulinette de son regard aiguisé. Des femmes toujours insatisfaites aux amants de passage en passant par celles qui se veulent mère et maîtresse, les relations sont toujours prétexte à réflexion. On rit beaucoup par la justesse. On croit parfois qu’elle Exagère, mais trop souvent ces personnages existent bel et bien. 80 pages qui résument fidèlement l’état de désir physique d’une certaine France, celle des bobos et autres hipsters des grandes villes. A lire comme un livre d’anthropologie...
➤ « Scènes de la vie hormonale », Dargaud, 17,95 €

samedi 24 décembre 2016

Polar : Agatha Raisin n’a pas la main verte

L’héroïne de M. C. Beaton, présentée comme la nouvelle Miss Marple, amène de l’animation dans son village anglais.

La campagne anglaise, ses vertes pelouses, ses pubs, sa pluie, ses meurtres mystérieux et ses enquêtrices insoupçonnées. Il y a eu Miss Marple d’Agatha Christie et puis plus récemment Agatha Raisin de M. C. Beaton, autre grande dame de la littérature anglaise. Mais là où Miss Marple était sage et bienveillante, démasquant les meurtriers tout en parlant couture avec ses amies, Agatha est plus « cash ». Ses amies elle les retrouve au pub, aime bien boire, se met souvent en colère et en bonne ancienne Londonienne, a tendance à prendre d’un peu haut les provinciaux du village de Corsely dans les Cotswolds.
Pour sa troisième aventure publiée pour la première fois en français dans la collection dédiée à cette héroïne, le lecteur découvre toute la complexité des concours horticoles britanniques. Dans ce petit village, au mois d’août, tous les jardins sont ouverts au public. Le plus beau reçoit un prix décerné par un jury indépendant. Agatha Raisin, de retour sous la brume anglaise après des vacances au soleil (jeune retraitée elle profite de son temps libre) décide de se lancer dans l’aventure.
Mais elle a fort à faire face à une nouvelle arrivante experte en jardinage. Mary Fortune, toujours habillée en vert, encore jeune et au corps parfait, a de plus la mauvaise idée d’être devenue la meilleure amie de James Lacey, le célibataire le plus convoité du village.
■ Étrange plantation
Ce même James avec qui Agatha a résolu ses précédentes enquêtes et qu’elle aimerait bien mettre dans son lit pour pimenter les longues soirées d’hiver solitaires. Agatha est jalouse. Et vaniteuse. Elle ne remporte pas le concours, mais sa rivale non plus. « Quelqu’un avait planté Mary Fortune. Sa tête n’était pas visible : elle était dans la terre. On avait suspendu Mary par les chevilles, avant d’enfouir sa tête dans un grand pot en terre cuite. Ses pieds étaient accrochés par une corde à l’un des crochets plantés dans les poutres du plafond pour y suspendre des pots de fleurs. » Agatha Raisin revit. Enfin un nouveau meurtre dans le village et l’occasion de démontrer toute sa perspicacité pour démasquer le tueur. D’autant que ce drame la rapproche de James...
M. C. Beaton, d’une écriture simple et souvent pleine d’esprit, raconte essentiellement les rapports humains dans un petit village anglais. Un polar provincial en somme. Comme l’œuvre de cette romancière est gigantesque, deux nouveaux romans paraitront tous les trois mois (il y en tout plus de trente enquêtes de Miss Raisin). Après le jardinage, faites une promenade dans la verte campagne en découvrant « Mortelle randonnée ».
➤ « Pas de pot pour la jardinière » et « Randonnée mortelle », deux enquêtes d’Agatha Raisin par M. C. Beaton, Albin Michel, 14 €

vendredi 23 décembre 2016

De choses et d'autres : Noël de bric et de record

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A deux jours de Noël, magasins pris d’assaut et décorations à tous les coins de rue nous le rappellent malgré nous. Les illuminations dans les villages sont redevenues omniprésentes. Oubliées les économies d’énergie. Rien n’est trop beau pour faire pétiller les yeux des petits et des grands. On ne va pas s’en plaindre après deux années assez éprouvantes.

J’ai la chance d’habiter dans une avenue illuminée par la commune. Nous ne fermons pas les volets de la chambre pour le plaisir de nous endormir les yeux dans les étoiles en ampoules leds. Notre salon, pour la première fois depuis des années, est décoré d’une espèce de sapin. La faute à notre petit-fils. A 18 mois, il a déjà tout compris à la magie de la fête et des cadeaux. Même si le soi-disant sapin était le ficus récemment acheté par mon épouse qu’elle a enluminé grâce à trois guirlandes et quelques boules. De toute manière, ce sont surtout les paquets colorés qui ont attiré son œil.
Nos maigres décorations ne font cependant pas le poids face au Canadien Jean-Guy Laquerrel. Ce collectionneur fou détient le plus grand nombre d’objets sur le thème : 25 139 ! Il a commencé à accumuler figurines et autres représentations du bonhomme en rouge en 1988 et a fini par remporter le record en 1994 qui n’était à l’époque que de 1 039 objets. Pas mal pour un personnage prétendument unique. 

jeudi 22 décembre 2016

Roman : Quand l’art danse au « Bal mécanique »

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Pour son second roman, après le très remarqué « La déesse des petites victoire », Yannick Grannec persiste dans sa veine artistico-psychologique en signant un roman sur le phénomène du Bauhaus dans l’Allemagne des années 30 et le pire de la téléréalité. La romancière, à la culture indéniable, parvient à mettre en perspective manipulation des foules présente et passée.
Les lecteurs les plus savants se délecteront des passages historiques sur cette école d’un art nouveau, rapidement détesté par les nazis aux portes du pouvoir. Mais le roman offre aussi une parfaite traduction des méthodes beaucoup plus élaborées qu’on n’y croit pour confectionner une émission de téléréalité. Cette partie du roman est particulièrement édifiante.
Josh Shors, bellâtre imbu de sa personne, dé- barque chez des candidats volontaires pour refaire leur intérieur en une semaine. Chaque semaine une nouvelle famille espère être choisie. Le début du show débute comme un ouragan. Au petit matin, Josh sonne chez les chanceux et se met immédiatement à l’ouvrage. Devant les caméras et les voisins envieux, il détruit méthodiquement le mobilier existant. Comme pour bien faire comprendre aux occupants qu’il y a un avant et un après.
Un début d’une rare violence symptomatique de la télévision d’aujourd’hui où rien ne se fait dans le consensus. Un romancier moins exigeant se serait contenter de cette histoire pour vendre des milliers d’exemplaires en profitant, honteusement de cette mode. Yannick Grannec met la barre beaucoup plus haut. C’est tout à son honneur.
➤ « Le bal mécanique », Yannick Grannec, Anne Carrière, 22 €

DVD et blu-ray : "Equals" ou l'amour devenu maladie contagieuse


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Aimez-vous tant qu’il est temps. Le film « Equals » de Drake Doremus a un peu le rôle d’un lanceur d’alerte pour les générations futures. Cette histoire de science-fiction, dans un avenir proche, fait froid dans le dos. En quelques scènes explicatives, les spectateurs comprennent que rien n’est plus comme avant. Une guerre mondiale a éradiqué la majorité de la population. Les survivants se classent en deux catégories. Ceux vivant dans une enclave sécurisée et travailleuse et les autres, retournés à l’état sauvage dans une zone laissée à l’abandon. « Equals » se déroule dans une ville totalement aseptisée. Toute personne participe à l’effort collectif. En oubliant ses désirs et plaisirs personnels. Un monde terrifiant, fait de routine et d’absence d’émotion. Silas (Nicholas Hoult) est dessinateur. Il a pour mission d’imaginer les images de la conquête spatiale, grand projet censé cimenter le collectif. Il vit seul dans un appartement impersonnel. Ses seules relations extérieures ont lieu lors de son travail. Le soir, avant de se coucher, il joue à construire des puzzles en 3D, comme la majorité de ses collègues. Une vie morne. Sans émotion.


Car c’est là la véritable différence avec notre monde actuel. Personne ne doit avoir d’émotion. Si vous rêvez, pleurez ou souriez, c’est que vous êtes malade, porteur d’un virus qui ne serait pas contagieux mais qui touche de plus en plus de monde. Tout simplement. Dans un premier temps on vous donne des inhibiteurs. Puis, si cela persiste, vous êtes conduit dans un centre, sorte d’hôpital prison où vous aurez tout loisir de vous suicider. À moins que le collectif ne décide tout simplement de vous euthanasier.
Le jeune homme sent sa vie basculer quand il remarque une collègue, Nia (Kristen Stewart), chargée d’écrire les textes allant avec ses dessins. Nia, jeune et jolie, semble diffé- rente. Silas, de plus en plus attiré par elle, se décide, malgré le danger, à l’approcher, la toucher, lui parler. Elle explique alors être une « cacheuse », ces hommes et femmes qui seraient atteints du virus mais qui ne se dénoncent pas aux autorités. Elle joue l’indifférence. Mais elle aussi est attirée par Silas. Ils s’aiment.
Le film, sorti en e-cinéma en France, est d’une esthétique parfaite.Le monde futuriste dé- crit, immaculé, décrit des humains marchant comme des fourmis. Silas et Nia, en redé- couvrant leur humanité, en s’aimant, vont prendre tous les risques. Lassés de se cacher, ils prennent la décision de rejoindre les zones sauvages, là où l’entraide et la solidarité ont encore cours. 
Le film repose en grande partie sur les épaules de Nicholas Hoult (acteur britannique déjà vu dans Kill your friend), celui par lequel on perçoit l’éveil des sens. 
➤ « Equals », Orange Studio, 16,99 € le DVD et 19,99 € le bluray

mercredi 21 décembre 2016

BD : Prise de tête hasardeuse

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Aux USA, « La Loterie », nouvelle de Shirley Jackson parue à la fin des années 40 est très connue. En France, ce texte est quasiment inconnu. On ne dévoilera donc pas ici le final d’une histoire qui ne laisse personne indifférent. Dans une petite ville de province, tous les habitants se préparent à la loterie annuelle. Dans une urne, des papiers vierges sont déposés. Un seul est marqué d’un rond au crayon de papier. Celui qui le tire remporte cette fameuse loterie. Pour illustrer ce monde paysan américain du milieu du XXe siècle on retrouve devant la table à dessin le propre petit-fils de la romancière, Miles Hyman. Ses aquarelles et dessins aux tons pastel donnent une force étonnante à un récit qui restera longtemps dans les mémoires.
➤ « La loterie », Casterman, 23 € 

De choses et d'autres : Noël vénéneux


Noël, ses cadeaux, son sapin, ses boules, ses guirlandes… Cheryl, habitante d’Australie, malgré le climat inversé (Noël tombe en plein été) installe elle aussi un superbe sapin dans son salon. Mais au petit matin, alors qu’elle se prépare un thé, elle remarque une nouvelle guirlande dans la verdure. Du plus bel effet avec ses rayures. Comme le pelage d’un tigre. D’un serpent-tigre exactement, reptile très dangereux qui lui aussi subjugué par la magie de Noël, s’est enroulé dans ce sapin devenu d’un coup beaucoup plus exotique.
Vingt minutes plus tard, un chasseur de serpent (métier très en vogue dans le pays qui en héberge vingt espèces parmi les 25 les plus venimeuses au monde) capture l’invité et redonne un aspect plus accueillant au fameux sapin.
On envie parfois les Australiens (et d’une façon plus gé- nérale tous les habitants de l’hémisphère sud) qui réveillonnent en plein été, sirotent des cocktails sur la plage et célèbrent la nouvelle année par un bain de minuit dans une mer à 30 degrés. Mais au moins chez nous, pas de risque de trouver un serpent mortel dissimulé dans les cadeaux. Ni de se faire manger par un requin.