jeudi 1 décembre 2016

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Une mère de famille a quelques heures pour rassembler une grosse somme qui lui permettra de sortir de prison. La corruption aux Philippines, sans le moindre filtre.
   
   
    Ma' Rosa
   



Film engagé, violent et sans concession, « Ma’ Rosa » de Brillante Mendoza dresse le portrait des Philippines actuelles. On comprend mieux dès lors pourquoi un populiste comme Duterte a été élu à la surprise générale uniquement en promettant d’éradiquer corruption et trafic de drogue. La vie est dure pour Ma’ Rosa (Jaclyn Jose, prix d’interprétation féminine à Cannes), épicière dans un quartier populaire. Son labeur permet de faire vivre toute sa petite famille, son mari et ses quatre enfants. Mais vendre des soupes en sachet, des bonbons et quelques cigarettes ne suffit pas. Bien malgré elle, elle est devenue revendeuse de drogue. De petites quantités de cristal fournies par un plus gros trafiquant.
Tout bascule quand, sur dénonciation, la police débarque dans son échoppe et l’arrête avec son mari. Les policiers, en civil, saisissent la drogue, l’argent liquide et menacent le couple s’il ne donne pas son fournisseur. La mère, qui a laissé les enfants seuls à la maison s’inquiète et accepte le marché.
■ La solidarité à la rescousse
Mais les policiers, qui semblent agir en dehors de tout contrôle de leur hiérarchie, veulent plus. Un gros pot-de-vin et tout rentrera dans l’ordre. Ce bref résumé du début du film semble un portrait à charge d’un pays en totale déliquescence. Les pauvres, de plus en plus pauvres, oublient en se défonçant. Les commerçants ne s’en sortent qu’en participant au trafic. Quant à la police, elle s’engraisse odieusement sur cet état de fait, préférant rançonner les dealers que de les emprisonner et les juger. Pas sûr que l’office du tourisme des Philippines apprécie.
Heureusement il y a beaucoup plus dans ce film à ne pas prendre au premier degré. Car derrière cette noirceur, il existe des solidarités réelles. Les enfants vont tout faire pour récolter la somme demandée. Solliciter les parents éloignés, payer de leur personne, vendre leurs biens les plus précieux. Cette course contre la montre donne un rythme et une force indéniables au film. Il paraît que les Philippines changent. Espérons que ce formidable esprit d’entraide et de solidarité n’en pâtisse pas trop. 

De choses et d'autres : Vie et mort(s) de Fidel Castro

castro,mort,cia,lsd,barbeFidel Castro, à 90 ans, est mort de vieillesse. Une fin improbable pour ce chef d’État controversé qui a échappé, selon diverses sources, à 636 tentatives d’assassinat. La CIA a longtemps tenté d’éliminer ce leader de la Révolution mondiale. La déclassification de documents dans les années 2000 a révélé qu’avant de choisir la solution finale, les Américains ont tenté la manière douce. Le but était de discréditer le « leader maximo ».
En pleine période de recrudescence des drogues hallucinogènes, le LSD notamment, des espions ont eu l’idée de piéger le studio d’où le chef castriste prononçait ses discours. Le plan était de diffuser un gaz en pleine intervention. On imagine la suite, forcément très préjudiciable pour un Castro qui n’a jamais été adepte de la frivolité et peu expansif sur ses états d’âme. Autre idée, toujours dans le symbole, badigeonner ses chaussures d’une crème dépilatoire. Car pour les espions US, Fidel Castro sans sa barbe et une bonne part du mythe s’évanouit.
Par la suite, la CIA est passée aux méthodes plus expéditives. Empoisonner les cigares, enduire l’intérieur de sa combinaison de plongée d’un puissant poison, voire bourrer d’explosifs des coquillages dans la zone où il se baignait. En vain… A l’arrivée, le guérillero s’est éteint dans son lit, après des décennies de pouvoir sans partage. La vieillesse se révélant au final, la plus fidèle alliée du capitalisme. 

mercredi 30 novembre 2016

Fantasy : Arleston à mots gourmets signe "Le souper des maléfices"

MALBOUFFE. Le scénariste de Lanfeust passe au roman de fantasy pour dénoncer nos dérives. Savoureux.
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Même si Zéphyrelle, la jeune espionne de ce roman de fantasy signé Christophe Arleston est mignonne et futée, si son acolyte Fanalpe, cuisinier émérite est un surdoué des sauces, le véritable héros reste la bonne chère. Une ode au bien manger qui dénonce la nourriture industrielle et les tentatives de modification des ingrédients de bas.
A coup de manipulations transgéniques dans la vraie vie, de magie dans le cas du « Souper des maléfices ». Slarance, ville commerçante prospère, est frappée par une double épidémie. Les habitants meurent dans d’atroces souffrances et tous les flics du dynarque, le gouverneur de la cité, sont victimes d’accidents. Mortels les accidents. Toujours. Il ne reste donc que la jeune Zéphyrelle, experte en déguisements mais pas du tout expérimentée. Pourtant, elle va découvrir qu’une mystérieuse compagnie céréalière a inondé le marché d’une étrange farine.
Un autre habitant de Slarance se pose aussi des question. Fanalpe, cuisinier chez un duc, ne supporte plus que son pain devienne si peu savoureux. Il se met en quête et constate que l’emprise de la compagnie céréalière va jusqu’à la fourniture de semences aux paysans du cru. Sur cette intrigue, parabole explicite des agissements mondiaux de Monsanto, Christophe Arleston, plus connu pour ses scénarios de Lanfeust et des Trolls (plusieurs millions d’albums de BD vendus à son actif) signe un roman savoureux. Il truffe ses scènes de recettes loufoques qui font saliver.
Zéphyrelle aussi est source de fantasmes car la belle semble l’archétype des héroïnes imaginées par le créateur de Sangre, Cixi et autre Moréa. Un charme qu’elle doit confronter aux deux autres belles du roman, l’insupportable pimbêche Fiollula et Ploutre, aussi effrontée que libertine. De quoi pimenter certaines scènes et recettes du roman.  
➤ « Le souper des maléfices », Christophe Arleston, ActuSF, 19€

De choses et d'autres : Se méfier des belles images

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Plusieurs maires ont décidé d’interdire l’affichage des panneaux de la campagne du gouvernement sur la prévention du Sida. En cause, le public ciblé : les homosexuels. Les photos montrent deux hommes tendrement enlacés avec ce message de prévention : « Avec un amant, avec un ami, avec un inconnu : les situations varient. Les modes de protection aussi ». Les élus - tous de droite bien évidemment – s’insurgent : « Atteinte à la dignité » et « risque de heurter la sensibilité de l’enfance et de la jeunesse ». Une censure dénoncée par la ministre de la Santé.
A Béziers aussi la campagne est mal vue. Mais le maire, ancien président de Reporters sans frontières, a préféré dé- tourner les affiches plutôt que de les censurer. Un homme et une femme, jeunes et romantiques, se regardent dans les yeux avec ce slogan : « S’aimer, se donner, tout donner : l’amour ça se protège. Fidélité ».
Problème pour Robert Ménard, certains opposants ont cherché à connaître la provenance de cette photo. Après enquête des limiers du net, il s’avère qu’elle est extraite d’une série, libre de droits, intitulée « Tia et Mark wedding » du photographe australien Matthew Jake Kane. Ce dernier souligne l’ironie de l’utilisation du cliché. Pour cause, le modèle, jeune homme très beau, est ouvertement gay.
Moralité (défendue bec et ongles par Robert Ménard), toujours se méfier des images, elles ne reflètent pas forcément la réalité.

mardi 29 novembre 2016

Livres de poche : des éditions uniques pour les fêtes


Voyagez sur la piste du chaman Heq et son clan qui, en l’an mil, migrent à travers le Grand Nord canadien : au Groenland. D’Arluk, au XVe siècle, qui explora les confins de ce « pays merveilleux ». De Soré, jeune Groenlandaise des années 1970, en quête d’identité, happée par la légende de ses ancêtres. Ce recueil reprend trois romans de Jorn Riel, conteur amoureux de l’Arctique.
➤ « Le chant pour celui qui désire vivre », 10/18, 12,90 €

Le roman de David Foenkinos retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu’elle était enceinte. Après une enfance à Berlin, Charlotte est exclue par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Cette édition est accompagnée de cinquante gouaches de Charlotte Salomon choisies par David Foenkinos, et d’une dizaine de photographies représentant Charlotte et ses proches.
➤ « Charlotte », Folio, 14,90 €

Paris. Une vieille dame, Alice Gauthier, est retrouvée morte dans sa baignoire, les veines des poignets tranchées. Le commissaire Bourlin, chargé du dossier, est bientôt rejoint par le commissaire Adamsberg et le commandant Danglard de la brigade criminelle. Une autre mort suspecte et paraissant liée les mène alors jusqu’en Islande. Dernier succès de Fred Vargas dans une édition collector.
➤ « Temps glaciaires », J’ai Lu, 10 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Si Facebook était une fiction

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 En ces temps peu propices à la grosse rigolade (n'oublions jamais que François Fillon, de Droopy, le chien triste de Tex Avery, s'est transformé en pitbull, incarnation de cette droite qui ne plaisante pas et assume sa dureté) marrons-nous un peu avec ces fausses pages Facebook inventées par Virginie Spies. Un statut en dit souvent beaucoup sur l'humeur du moment. La sémiologue et chroniqueuse de l'Obs résume l'actualité avec des pages Facebook imaginaires. C'est ainsi que hier, François Fillon dit simplement « Je vous ai compris ». Un statut très gaullien aimé par Frigide Barjot et 312 409 retraités. De son côté, Alain Juppé s'abonne à la page « Caisse de retraite ». Plus loin, Manuel Valls souhaite « une bonne semaine à tous ». Si Claude Bartolone aime, François Hollande se contente du commentaire sec « 11 h 45 dans mon bureau » agrémenté du mot-dièse #RasLeBol. Virginies Spies ne se limite pas à la politique, elle adore aussi la presse people. Pour preuve, elle signale que Cyril Lignac vient de rejoindre Tinder, le célèbre réseau social de rencontres amoureuses. Une jolie façon de signaler, par la bande, sa rupture avec Sophie Marceau. Bref, en deux statuts, un commentaire et deux actualités (Fidel Castro est devenu ami du Che Guevarra), cette fausse page Facebook résume parfaitement le week-end. Mais tout est faux. Ce n'est pas pour rien que Virginie Spies l'a nommée « Facebook Fiction ».

lundi 28 novembre 2016

BD : Femme parfaite virtuelle

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Dans un futur proche, la vie quotidienne est rythmée par l’omniprésence des robots. Des humanoïdes plus vrais que nature qui servent à tout. Alex, le personnage principal de cette série de comics écrite par Sarah Vaughn et dessinée par Jonathan Luna, solitaire et introverti, a des difficultés pour s’intégrer. Sa grand-mère, riche et audacieuse, décide de lui offrit un X5, robot dernière génération totalement dévoué à son propriétaire. Un robot féminin en l’occurrence qu’Alex baptise Ada. Mais cette dernière est totalement dépourvue de personnalité. Son maître va s’aventurer dans les arcanes des réseaux de hackers pour « réveiller » sa conscience, pour la rendre indépendante, au risque de la perdre. Il y a un peu de « Her » dans cette BD très moderne, avec un peu de « Mr Robot » et un soupçon de « Blade Runner ». Le résultat est passionnant et donne envie de découvrir vite (parution en 2017) les deux autres tomes de la trilogie.
➤ « Alex + Ada » (tome 1), Delcourt, 15,50 €


dimanche 27 novembre 2016

BD : La musique des Dieux

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Le postulat de base de cette série très personnelle de Kieron Gillen (X-men, Star Wars…) est d’une simplicité extrême : les rockstars sont les nouveaux Dieux. Dessinée par Jamie McKelvie, « The Wicked + The Divine » raconte comment une simple groupie va se retrouver au centre d’un combat sanglant entre Dieux. Elle admire Luci (le clone de David Bowie) mais cette dernière se retrouve emprisonnée car suspectée d’avoir tué de simples mortels. Il y aussi l’intervention d’une simili Beyoncé, d’un Prince... Mais ces Dieux savent que leur temps est compté. Car s’ils sont adulés et célèbres, leur présence sur terre se limite à quelques années. Une immortalité qui passe par de multiples réincarnations. Pas toujours simple à comprendre, cette BD passionnera ceux qui connaissent leurs classiques rocks par cœur.
➤ « The Wicked + The Divine » (tome 1), Glénat, 17,50 €

samedi 26 novembre 2016

Livres de poche : le polar français a encore de l’avenir


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« Je suis le fils d’un fantôme et d’une bouteille de gin. » C’est ainsi que Stéphane parle de lui. Une coquille vide. Un petit caïd sans passé ni personnalité. Jusqu’à Norah, qu’il rencontre un soir, dont il tombe fou amoureux et qui, mystérieusement, passionnément, l’aime en retour, l’apaise. Mais c’est un roman noir et l’histoire imaginée par Hervé Commère se termine mal…
➤ « Le deuxième homme », Pocket, 6,60 €

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Antoine a 8 ans. Il joue dans une rivière dangereuse lorsque des troncs d’arbres portés par le courant l’assomment. Il se réveille dans le fourgon d’un inconnu qui vient de lui sauver la vie. 20 ans plus tard, à la télévision, on reparle de l’affaire « du découpeur ». Antoine reconnaît dans un portrait-robot l’homme qui lui a sauvé la vie. Ce roman d’Eric Maneval a obtenu le prix du polar lycéen d’Aubusson lors de sa sortie.
➤ « Retour à la nuit », 10/18, 6,10 €

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Le narrateur, junky, atteint du sida, vit dans un squat au milieu de détritus et de rats. Son seul plaisir, se réveiller et voir par la fenêtre un grand arbre. Avant cette grande dé- chéance, le héros a été un petit Français comme tous les autres. Le roman d’Eric Maravélias se partage en sombre description d’une ultime journée de galère et la tombée en déchéance d’un jeune perdu.
➤ « La faux soyeuse », Folio Policier, 7,70 €

BD : Abba, source d’inspiration permanente

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Que l’on aime ou pas, on connaît forcément le groupe Abba. Super star des années 70, le quatuor suédois, avec ses tubes planétaires, a marqué plusieurs générations. Et au-delà si l’on en croit cet album signé de Maarten Vande Wiele, jeune auteur belge flamand, qui signe un roman graphique aux dessins stylisés et couleurs acidulées. De nos jours, dans une petite ville de la côte belge, trois jeunes viennent de créer un groupe de musique reprenant les grands succès d’Abba. Mais il leur manque une « Frida », la chanteuse brune. AnneLène, vendeuse dans un magasin d’habits, chante à l’occasion. Elle vient de quitter son mec, déprime un peu et se dit que faire partie de ce groupe de passionnés ne peut pas la faire tomber plus bas. L’album raconte de façon très humaine la formation du groupe, les galères du début, les premiers succès et les tensions. Car comme dans la véritable histoire d’Abba, des histoires de coucheries perturbent la bonne marche de la machine à danser. Très rafraîchissant et authentique, une BD qui vous remettra Money ou Waterloo en tête…
➤ « Abba cherche Frida », Vraoum, 20 €