La célébrité, une fois mort, s'estime au nombre d'avenues, rues, voies et autres impasses que les municipalités baptisent de votre nom. Des amateurs de statistiques ont collecté et comparé les patronymes les plus fréquents en fonction de chaque département. Une géopolitique historique souvent édifiante. Vainqueur toutes catégories, un certain de Gaulle, largement en tête dans près de la moitié des départements, de la Guyane au Haut-Rhin en passant par le Finistère ou les Alpes-Maritimes. Chez les anciens présidents, il cartonne largement par rapport à Pompidou (un département, le Cantal) ou Mitterrand (Mayotte...). Dans la grande région, deux Jean s'imposent : Jaurès et Moulin. Par contre, encore une fois, les Pyrénées-Orientales font bande à part avec François Arago comme personnalité la plus représentée sur les cartes. Tous ces noms sont très connus, excepté un certain Victor Schoelcher, victorieux en Martinique et Guadeloupe. Normal, en 1848 ce député (nommé sous-secrétaire d'État aux colonies par un certain François Arago) faisait voter à l'Assemblée nationale l'abolition de l'esclavage. A chaque spécialité son champion du nom de rue. Côté musiciens, Georges Brassens devance Berlioz et Ravel. Chez les écrivains, derrière Victor Hugo, intouchable, Zola mène la course en tête devant Lamartine et Voltaire. Pour les peintres, Cézanne bat à plates coutures Renoir et Monet. Enfin tout est relatif car si François Arago se positionne en première ligne dans les Pyrénées-Orientales, au niveau national, il arrive derrière Maryse Bastié, aviatrice et collectionneuse de records.
"Comment devenir le nouveau Marc Levy". Sous ce titre pompeux et révélateur du second degré de l'ouvrage, Arnaud Demanche donne quelques conseils judicieux pour écrire le best-seller qui vous permettra de devenir millionnaire et adulé des foules. Si la France compte de moins en moins de lecteurs, elle produit de plus en plus d'écrivains. Un secteur d'activité en plein essor pastiché avec brio par un auteur plus habitué à fréquenter les plateaux télé que les bibliothèques. Pourtant le résultat est parfaitement senti et souvent irrésistible. Au chapitre des "Dix bonnes raisons de ne pas se mettre à écrire", la cinquième parlera à un maximum de spécialistes de la procrastination : "Vous n'avez toujours pas passé le niveau 733 à Candy Crush". Il cherche aussi à vous diriger vers le créneau en adéquation avec vos désirs. Si vous "détestez avoir de l'argent et du temps libre" alors dirigez-vous vers "la bande dessinée". Chacun en prend pour son grade dans ce pamphlet qui pourrait être écrit par un nègre (il consacre un chapitre au sujet), Marc Levy bien évidemment mais aussi Eric Zemmour, Michel Houellebecq ou Valérie Trierweiler. "Comment devenir le nouveau Marc Levy", éditions Jungle, 6 euros.
Comme un reflet de l'état d'esprit actuel du pays entre désespoir et décrépitude, les scénaristes ne sont guère optimistes pour l'avenir de la France. Après "Trepalium" pour Arte sur le thème du travail, voilà "Section Zéro", série futuriste sur la sécurité. On retrouve aux manettes (scénario et réalisation) Olivier Marchal, ancien flic, acteur occasionnel et pessimiste de service.
Dans un futur proche, les multinationales ont pris le pouvoir. L'État, en totale décrépitude, abandonne ses compétences à ces sociétés tentaculaires. La police est la prochaine sur la liste. Les derniers flics, dans de vieilles voitures déglinguées, mal payés et abandonnés par leur hiérarchie, doivent se mesurer au Black Squad, la milice privée d'une multinationale de plus en plus puissante. Mais il y a encore quelques idéalistes pour relever le défi. La série d'Olivier Marchal, sur 8 épisodes, suit la carrière de Sirius (Ola Rapace), flic dur à cuire, malmené par la vie et un peu trop idéaliste. Quand il décide d'enquêter sur des disparitions dans les bas-fonds de la ville, il signe son arrêt de mort. Munro (Pascal Greggory, exceptionnel en méchant sadique), le chef du Black Squad va comploter pour le faire tomber. Apparaît alors une mystérieuse "Section Zéro", sorte de police clandestine, luttant contre le pouvoir et ses alliés mafieux. Si les premiers épisodes sont un peu longs à mettre cet univers en place, à la fin du second un rebondissement permet de faire exploser l'adrénaline et l'envie de connaître la suite. Parfois très violente, la série tournée en Roumanie offre des décors (ruines industrielles) criantes de vérité. Une première saison qui s'achève de façon très noire mais avec quantité d'interrogations et de retournements de situation, gage que la suivante sera tout aussi passionnante. "Section Zéro", Studiocanal, 29,99 euros le coffret trois DVD, 39,99 euros le coffret trois blu-ray
Il a remporté deux Oscars du meilleur scénario. Mais jamais en son nom propre. Américain et communiste, Dalton Trumbo a dû subir les foudres du maccarthysme. Jay Roach en a fait un film.
Si Hollywood a transformé le cinéma en véritable industrie, cela n'a pas empêché l'éclosion de talents singuliers. Pour faire un bon film, il faut de l'argent, des stars mais surtout et avant tout une bonne histoire. Même s'ils ne sont pas les plus célèbres, les scénaristes sont à la base de tous les succès. Une vérité qui a traversé les âges et les modes. Durant les années 50, en pleine Guerre froide, certains auteurs progressistes ont fait le choix d'adhérer au parti communiste. Un militantisme qui n'était pas du goût des plus « patriotes ». Sous prétexte de contrer un complot de l'intérieur, certains politiques ont stigmatisé ces artistes sur leurs choix politiques. Une liste noire a donc été élaborée sur dénonciation.
Liste noire
Des milliers d'hommes et de femmes qui ont tout perdu du jour au lendemain. Licenciés, chassés de leurs maisons, mis en prison : cette période peu reluisante de l'histoire des USA a pris fin dans les années 60 avec l'arrivée de Kennedy au pouvoir. Hollywood, pour faire un exemple, a convoqué dix créateurs devant une commission d'enquête du Congrès. Parmi eux: Dalton Trumbo (Bryan Cranston). Écrivain, reconverti dans l'industrie cinématographique, il invente des histoires comme d'autres fument les cigarettes : les unes après les autres. Le film de Jay Roach, basé sur des documents d'archives, reprend minutieusement la descente aux enfers de cet homme pourtant exemplaire. Il perd son titre de scénariste le mieux payé au monde et passe une année en prison à subir les humiliations des gardiens et des autres détenus. A sa sortie, il est sur la liste noire. Interdiction aux producteurs de l'employer. Il devra accepter des travaux alimentaires, sous pseudonymes, pour subvenir aux besoins de sa famille. Cela ne l'empêche pas d'être toujours aussi brillant, il remporte ainsi deux oscars du meilleur scénario pour « Vacances romaines » (1953) et « Les clameurs se sont tues » (1957). Le chemin sera long avant de pouvoir de nouveau signer de son véritable nom. Il reviendra sur le devant de la scène en participant à deux chefs-d'œuvre que sont « Spartacus » avec Kirk Douglas et « Exodus » d'Otto Preminger. Le film de Jay Roach est un biopic comme sait si bien les réaliser la fameuse industrie d'Hollywood. Avec beaucoup de pathos quand les relations du héros avec sa femme (Diane Lane) se dégradent ou qu'il doit faire face à la rébellion de sa fille adolescente (Elle Fanning dans un rôle à 1000 lieues de la petite princesse de Maléfique). L'homme est charmeur, borné, brillant et talentueux. Avec tant de qualités, on ne peut qu'avoir beaucoup d'ennemis. ________________________
Une peau de vache avec un beau chapeau
Les fameux "dix d'Hollywood", scénaristes et réalisateurs américains accusés d'être membres du parti communiste, ont bataillé contre le syndicat des acteurs dirigé par John Wayne et Ronald Reagan. Mais leur pire ennemie fut Hedda Hooper (Helen Mirren). Ancienne actrice du muet, elle quitte le feu des projecteurs durant les années 40. Sa reconversion dans le journalisme lui permet de toujours briller en société. Elle tient une rubrique de potins sur le tout Hollywood. Rubrique très suivie. Mais elle est aussi très extrémiste dans ses avis. Elle profite de sa tribune et de sa notoriété pour détruire ceux qui ne lui plaisent pas. Dans le film, elle prend Dalton Trumbo comme tête de turc. Véritable peste, capable de tous les chantages pour arriver à ses fins, elle est la "méchante" du film. Pour l'interpréter, Helen Mirren fait des prouesses. Pas évident de jouer avec des chapeaux farfelus, signe de reconnaissance d'Hedda Hooper, qui, en plus de ses opinions politiques exécrables, manquait horriblement de bon goût.
Nous les hommes, manquons souvent cruellement de tact et de goût. Un matin, mal réveillé sans doute, j'ai eu le malheur de demander à mon épouse, alors qu'il était midi passé, si elle comptait sortir en pyjama. Telle la belle héroïne de la chanson de Marc Lavoine, elle utilise ses "yeux revolver" pour me crucifier sur place. "Oui je compte sortir comme ça. Et non ce n'est pas un pyjama !" Mais comment voulez-vous que nous les hommes fassions la différence entre un legging un peu bariolé et un simple pyjama ? On n'a pas tous l'œil acéré de Steevy ou de Lagerfeld ! Sur le coup, j'avoue, elle m'a cloué le bec. Mais comme je ne lâche pas l'affaire, j'ai profité de l'incident pour le transformer en plaisanterie récurrente. Parfait pour détendre l'atmosphère. Ainsi, quand elle sort des placards un ensemble qu'elle n'a pas mis depuis des années (ou qu'elle vient d'acheter, l'un n'empêche pas l'autre), je ne me prive jamais de lui glisser un sournois : "Joli ton nouveau pyjama... ». Ça a le don de la mettre en rogne, avec un sourire en coin, parfaitement consciente que je la fais marcher. Le problème, avec les femmes, c'est qu'on perd toujours. Un matin, alors que je venais de lui décocher une nouvelle flèche vestimentaire, elle me met sous le nez un Fémina, supplément dominical de l'Indépendant : "Grande tendance de l'été 2016, le pyjama s'invite partout", explique un article illustré des photos de Naomi Campbell, Nicole Richie et Juliette Binoche en pyjama, dans des soirées huppées. Pyjama 1 - Litout 0.
Jeff Vandermeer imagine une expédition dans une région où tout évolue. De la science-fiction très nature. Dans un futur non défini, une expédition de quatre femmes part à la découverte des mystères de la Zone X. Depuis une expérimentation militaire ratée, elle est entourée d'une frontière difficilement franchissable. L'expédition a pour mission de cartographier la zone et de répertorier les espèces animales. "Annihilation" de Jeff Vandermeer est la première partie de la trilogie du Rempart Sud. Les quatre femmes, uniquement nommées sous leur spécialisation, savent qu'elles n'ont que peu de chance de retour. C'est la 11e expédition. La narratrice est la biologiste. Elle se trouve en compagnie d'une géomètre, d'une anthropologue et d'une psychologue. Cette dernière, chef de mission, experte en hypnose, joue un rôle trouble. Après la description du paysage, un lac, des marais recouverts de bambous, un phare au loin, quelques ruines... le groupe tombe en arrêt devant l'entrée d'un tunnel. Les murs sont recouverts de mots formés d'une espèce végétale inconnue. "Les lettres, reliées par l'écriture cursive, étaient faites de ce qu'un profane aurait pris pour une mousse à l'apparence d'une fougère d'un vert riche." La géologue, qui est en réalité sur la piste de son mari, disparu dans la zone quelques années auparavant, respire des spores de cette mousse et sent qu'elle se transforme : ses sens décuplés, une clairvoyance nouvelle. Par contre la psychologue, blessée par un organisme inconnu, devient folle et paranoïaque. Au point de se suicider. Sur le cadavre, la narratrice constate qu'"une espèce de duvet fibreux vert doré vaguement lumineux avait colonisé son bras, du coude à la clavicule." Ce roman, parfois comparable au Darwinia de Robert Charles Wilson, plonge le lecteur dans un monde imaginaire foisonnant, où tous les repères sont modifiés. Une évasion complète et absolue. "Annihilation" de Jeff Vandermeer, Au Diable Vauvert
La télévision est parfois plus passionnante par ses coulisses que ses programmes. Prenez TF1, la chaîne la plus regardée en France. Un mastodonte de l'audiovisuel qui, pour la première fois depuis bien longtemps, est déficitaire sur les trois premiers mois de l'année. Conséquence l'état-major a sonné le branle-bas de combat pour grappiller quelques parts de marché. Car même les valeurs sûres telles que Koh-Lanta (battu fin février par un match de rugby) ou The Voice donnent des signes de faiblesse. Alors il faut prendre des risques. Mais mesurés les risques. Face au buzz continuel autour de Cyril Hanouna et de son émission sur D8, TF1 ressort son atout maître : Arthur. Il lance une émission de distraction avec chroniqueurs autour d'une table, en hebdo dans un premier temps le vendredi soir, puis tous les jours à 17 heures. Nom de code : "5 à 7 avec Arthur". La grande déconnade assurée... entrecoupée d'un maximum de pubs. Dans le même style, un nouveau programme va être diffusé. Rien de bien original puisqu'il s'agit de l'adaptation de "Ninja Warriors", jeu extrême de franchissement d'obstacles imaginé au Japon et déjà vu sur les chaînes de la TNT, à l'époque où elles achetaient n'importe quoi pour meubler l'antenne. Retransmis en été mais tourné en une semaine sur le port de Cannes, il sera présenté par Christophe Beaugrand et Denis Brogniart, les Guy Lux et Léon Zitrone des temps modernes, avec Sandrine Quétier dans le costume de Simone Garnier. Que d'audace, la concurrence tremble.
Olivier Berlion est Lyonnais. Plusieurs de ses albums se déroulent dans cette ville et région qu'il affectionne particulièrement. Pour sa nouvelle série, il plonge dans l'histoire récente de la ville en racontant la vie et la mort du Juge Renaud, surnommé le Shérif. Implacable, cet ancien Résistant, a des méthodes peu orthodoxes mais très efficaces. Le magistrat a été un des premiers à faire le lien entre grand banditisme et politique avec le SAC (Service d'action civique) pour relais. Une enquête qui lui sera fatale. Berlion raconte avec minutie comment certaines forces de l'ombre ont froidement décidé de se débarrasser du juge. Un triptyque écrit en étroite collaboration avec Francis, le fils du juge Renaud. "Le Juge, la République assassinée" (tome 2), Dargaud, 13,99 euros
Il ne se passe plus un jour sans un projet faisant appel au financement participatif. La grande mode du moment passe par Ulule, Kickstarter et autres KissKissBankBank. Comme si donner son argent sur internet était devenu la nouvelle religion dominante. Profitant de l'engouement, certains ont même eu l'idée de collectes plus privées. Tout employé d'une société de plus de dix personnes sait qu'à l'occasion d'un mariage, d'une naissance ou d'un départ à la retraite, vous êtes priés de contribuer à la célébration du moment. Ainsi sont nées les cagnottes Leetchi suivies par quelques concurrents comme Lepotcommun, la Cagnotte facile ou Tilt. Plutôt que de passer dans les bureaux et de faire la quête, vous créez une page sur la plateforme choisie et envoyez le lien à tous vos collègues. On voit ainsi la somme grossir au fur et à mesure, avec la possibilité pour le bénéficiaire de profiter comme il veut de l'argent. Cela semble gros, mais de petits malins ont rapidement tenté de profiter de l'aubaine. On voit ainsi fleurir des cagnottes pour le moins farfelues. La plus originale, et totalement vouée à l'échec, une collecte pour "racheter l'Olympique de Marseille". Pas moins... D'autres sont plus terre à terre : les sous serviront clairement à se faire plaisir. D'un Ipad à Noël en passant par une semaine de vacances aux Baléares ou une nouvelle paire de chaussures. En fait, il n'y a pas de limitation dans les idées, pas plus, visiblement, que dans la naïveté des gens qui acceptent de participer à ce genre d'"aventure".
Attachez vos ceintures, gare aux turbulences, Buck Danny est aux commandes. Le héros créé par Charlier et Hubinon n'en finit plus de séduire jeunes et nostalgiques. En plus de la série originale qui profite des dernières innovations de l'aviation militaire mondiale (54 titres parus !), les éditions Zéphyr proposent une collection "Classic" reprenant l'univers et le graphisme des années 60. Au dessin, Jean-Michel Arroyo rend un hommage permanent à Hubinon. C'est totalement dans le ton, avec un peu aussi de Milton Caniff dans l'utilisation des aplats noirs. Après deux albums se déroulant en Corée, cap sur le Japon, en 1945, peu de temps après la capitulation. Des militaires fanatiques aidés par la redoutable Miss Lee, fomentent un complot pour attaquer les USA. Ils dérobent une bombe atomique et veulent la lâcher sur la Californie. Heureusement Buck et ses fidèles compagnons interviennent. La grande aventure est indémodable. "Buck Danny Classic" (tome 3), Dupuis-Zéphyr, 14 euros