jeudi 19 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Passagers clandestins


Chaque moyen de transport collectif a son type spécifique de passager clandestin. Du désespéré qui se glisse dans le train d'atterrissage d'un Jumbo en passant par le malin qui saute au-dessus des tourniquets du métro, ils sont toujours plus nombreux. Pourtant il est bien une catégorie de voyageurs embusqués que l'on retrouve partout et en nombre beaucoup plus important mais qui passent toujours inaperçus : les bactéries. Une étude américaine vient de démontrer que les redoutables E. coli et staphylocoque doré peuvent survivre de 96 à 168 heures dans certains éléments des cabines d'avion comme les accoudoirs, les poches situées sur les dossiers, ou encore les tablettes.
Vu l'utilisation intensive des appareils, ces bactéries se paient à peu de frais un joli tour du monde. Si encore elles restaient bien planquées au fond de la pochette... Mais elles ont la fâcheuse habitude de ne pas rester en place. Séduites par les multiples passagers (qui eux ont payé très cher le droit de s'ankyloser dans ces sièges exigus), elles circulent de corps en corps, contaminant sans fin la planète.
Voilà comment, après une semaine de farniente sous les tropiques, vous revenez avec une tourista carabinée. Logiquement vous accusez la nourriture trop épicée et l'hygiène douteuse de l'hôtel trois étoiles. Erreur ! Ce que vous ramenez à la maison vous a été légué par le passager précédent qui a utilisé votre siège. Plutôt que de se laver les mains après un tour au petit coin, il a préféré "s'essuyer" sur l'accoudoir.
Prendre l'avion comporte bien sûr certains risques, même si le véritable danger ne consiste pas à s'écraser d'une hauteur de 10 000 mètres.

BD - Retour aux sources pour les descendants de pieds-noirs


Fille de pied-noir. Longtemps Olivia Burton a souffert de cette étiquette forcément péjorative dans la bouche de ses amis, plutôt urbains et de gauche. Ce passé, elle a préféré l'oublier, l'occulter. Mais il refait surface dès qu'elle se retrouve en famille et à la mort de sa grand-mère, l'envie de retourner sur la terre des ses ancêtres est plus forte que la peur de se retrouver dans une zone désertique et peu sûre. En 2011 elle prend l'avion et avec pour seul bagage une adresse et un contact, va découvrir un pays qui saura la séduire car il est « beau comme l'Amérique ». 
Olivia Burton a mis sur papier ce périple et c'est Mahi Grand qui s'est chargé de l'illustrer, d'un trait simple en noir et blanc, hormis les reproductions de quelques photos aux couleurs si vivantes. Mais là où le récit devient passionnant, c'est quand Olivia doit composer avec son guide, un Algérien, lui aussi déraciné car vivant en France depuis des décennies. Deux parcours, deux découvertes pour une relation qui fait des étincelles mais apporte tout son sel au voyage. Une très belle BD, entre éducation politique et douce nostalgie.  

« L'Algérie c'est beau comme l'Amérique », Steinkis, 20 €

mercredi 18 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Aux ploucs de province


L'unité nationale a vécu. Même dans les rangs des députés socialistes, elle vole en éclat. L'extrême difficulté pour le gouvernement de faire adopter la loi Macron en est le dernier exemple. Mais le psychodrame était pourtant prévisible. Certaines interventions d'élus de gauche au moment des débats donnaient déjà le ton. Pas forcément les frondeurs, les jusqu'auboutistes qui rêvent d'un destin à la Syriza. Non, il suffisait d'écouter les élus de la base, les anonymes plus souvent dans leurs permanences que sur les plateaux de télévision. Colette Capdevielle est députée des Pyrénées-Atlantiques. A priori, elle est favorable à cette loi Macron. Par contre, elle n'a pas du tout supporté la façon dont certains ténors ont présenté les choses.
Dans son intervention, reprise par La Chaîne Parlementaire, elle a mis toutes ses tripes de provinciale exaspérée par ces bêtes caricatures. "Je suis un petit peu fatiguée que l'on vienne me dire aujourd'hui ce que doit être mon dimanche". Et de lister les activités préconisées par certaines bonnes consciences comme "la spiritualité, la vie associative, culturelle, familiale, politique et sportive". "Je suis un petit peu fatiguée également, poursuit la parlementaire basque, que l'on vienne me dire qu'aller au marché n bio, bien sûr n le dimanche, c'est tout à fait convenable. Par contre, ces provinciaux et ces ploucs de province, eux, ils vont dans les jardineries et les supermarchés, et ce ne serait pas bien. Franchement, je le dis, j'en ai assez, véritablement assez d'entendre cela."
Rassurez-vous Mme Capdevielle, vous n'êtes pas la seule !

mardi 17 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - La petite mort sucrée

Dimanche, des millions de personnes dans le monde ont perdu leur pire ennemi. Leur meilleur ami aussi, parfois. Michele Ferrero est mort à 89 ans. Ce richissime italien, inventeur du Nutella, a mis au point la recette et inondé le monde entier de sa pâte à tartiner que beaucoup comparent à une drogue dure.

Normalement il est recommandé de ne pas abuser des bonnes choses. Mais comment résister à la tentation de manger du Nutella à la petite cuillère, voire à la grosse en cas d'énorme déprime ?
Ferrero disparu, le problème reste entier pour les millions de personnes qui prennent plusieurs kilos par mois en noyant leur tristesse ou leur désespoir dans ce produit miracle. Sur le moment, ça marche du feu de Dieu. Onctueux, chocolaté, fondant dans la bouche : le Nutella semble être la matérialisation même du bonheur sur terre. Méfiez-vous des apparences.
Tous les diététiciens vous diront qu'une seule bouchée est bourrée de sucre et de matières grasses. Et pas des plus nobles. Comme la fameuse huile de palme responsable de 80 % de la déforestation de la planète et suspectée de favoriser les maladies cardio-vasculaires. Elle n'aurait pas acquis ses lettres de noblesse si elle n'intervenait pour beaucoup dans la recette originale. Taper sur le Nutella est devenu une mode qui résistera à la disparition de son créateur.
Pourtant ce n'est pas le produit qui est en cause, mais notre incapacité à mettre en pratique le sempiternel "avec modération". A moins que les détracteurs de cette réussite agroalimentaire ne soient que des jaloux, envieux de la fortune colossale de feu Michele Ferrero...

DE CHOSES ET D'AUTRES - De la cuisson d'un œuf


Avancée majeure dans la recherche scientifique. Des chimistes ont découvert comment décuire un œuf. Cette trouvaille ne semble pas essentielle au premier abord, mais risque de modifier bien plus que nos habitudes culinaires. Après avoir cuit un œuf durant 20 minutes, de cru il est devenu dur. Les chercheurs américains et australiens ont trouvé une méthode pour redonner l'aspect mou et liquide au jaune et au blanc. Les mauvais cuisiniers ont désormais la certitude d'obtenir des œufs coque parfaits quoi qu'il arrive. Vous avez dépassé les fatidiques 3 minutes ? Pas de problème, cette découverte permettra de faire marche arrière dans la cuisson. Et si le procédé fonctionne pour les œufs, pourquoi pas pour la viande ? Votre steak, demandé bleu, arrive carbonisé. Vous pourrez le renvoyer sans état d'âme en cuisine, où il sera modifié pour retrouver son aspect initial.
En extrapolant un minimum, on peut même imaginer les conséquences éthiques qui pourraient découler de ce "retour à l'état initial". Le steak, de cuit, redevient cru, puis carrément vivant. Et si en voulant décuire un œuf, les chercheurs avaient mis le doigt sur le philtre d'immortalité ?
Avant de vous enthousiasmer outre mesure, il convient peut-être de se pencher sur l'ingrédient principal utilisé dans l'expérience. Afin de reconditionner les protéines composant l'œuf cuit, il faut le recouvrir… d'urée. Un produit présent en quantité dans notre urine. Alors certes, l'œuf est à nouveau cru, mais si vous avez l'intention de l'utiliser pour monter une mayonnaise, ne vous étonnez pas de ce drôle d'arrière-goût.

lundi 16 février 2015

Cinéma - Des « Merveilles » italiennes fantasmagoriques et oniriques

Une famille se décompose face aux défis du futur.


Récompensé du Grand Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, « Les Merveilles » d’Alice Rohrwacher est un film hors du temps, gracieux, onirique et fantasmagorique. Un diamant à l’état brut, qui brille dans l’obscurité, aveugle même en plein soleil. De ces œuvres qui restent longtemps dans les mémoires, comme des souvenirs enfouis au plus profond de notre mémoire mais qui jamais ne s’effacent complètement. Il y est question de merveilles mais surtout de mémoire, du temps passé, de l’oubli et de la perte d’identité. Une somme de thématiques, toutes abordées avec cette subtilité italienne si efficace quand elle est utilisée à bon escient.


La maison est délabrée. Toute la famille y vit un peu entassée, comme les anciennes tribus. Il y a le père (Sam Louwyck), la mère (Alba Rohrwacher, sœur de la réalisatrice) et leurs trois filles. La plus grande, Gelsomina (Maria Alexandra Lungu) devrait profiter de son adolescence. Mais elle est sans cesse réquisitionnée par son père pour les travaux de l’exploitation. La famille vit du miel produit par quelques dizaines de ruches disséminées dans cette campagne de la région d’Ombrie. Il faut le collecter puis, à la ferme, l’extraire et le conditionner. Un travail quasi 24 heures sur 24 qui obsède Gelsomina.
Ce quotidien parfaitement réglé, loin de l’agitation de la ville et de la vie moderne, est brouillé par deux événements. Pour gagner un peu plus d’argent, le père accepte d’accueillir un jeune délinquant allemand placé par une association. Martin, silencieux et casanier, en plus de rapporter une petite somme, sera parfait pour réaliser les travaux de force dans l’exploitation. Au même moment, une équipe de télévision vient faire des repérages dans cette campagne préservée pour tourner une émission de téléréalité sur la richesse de ce terroir préservé. Gelsomina et sa sœur Marinella sont subjuguées par la présentatrice, Milly Catena (Monica Bellucci), sorte de déesse des temps anciens à la tunique immaculée et aux longs cheveux blonds.

La réalisatrice va lentement dérouler son intrigue, entre hésitations des filles, renoncement du père, et envie d’émancipation de la mère. Comme si la conjugaison de tous ces événements marquait la fin d’une époque, d’une vie. Les images sont d’une rare beauté, notamment quand interviennent les milliers d’abeilles, symboles de cette campagne en pleine déliquescence pour cause de modernité. Un film beau, tout simplement.

BD - La Terre contre la Lune selon Stefan Wul


La collection consacrée aux romans de Stefan Wul s'enrichit d'un nouvel opus. Adapté par Thierry Smolderen et dessiné par Laurent Bourlaud, il s'agit du premier roman écrit par ce Français, pharmacien de province dans le civil, devenu en moins de dix ans un formidable conteur à l'imagination foisonnante. Jâ Benal, espion à la solde du gouvernement de la terre, est envoyé sur la Lune devenue depuis trois siècles une gigantesque prison. Ce savant a pour mission de découvrir comment le gouvernement lunaire entend détruire la Terre. Entre espionnage, romance et pure science-fiction, cette première réalisation de Stefan Wul a intéressé Smolderen par son côté feuilletonesque. 
Sans aucune expérience, l'écrivain en devenir s'est lancé dans l'écriture sans le moindre plan ni idée de fin. Il s'est simplement laissé guider par les personnages et les événements. Un côté naïf et un peu foutraque qui pourtant fonctionne relativement bien. L'intérêt assez limité de cette œuvre de jeunesse est rehaussé par la réalisation graphique très novatrice de Laurent Bourlaud. 
Cela fait penser parfois au constructivisme soviétique, avec des morceaux de Brick Bradford, archétype de la science-fiction américaine des années 30. Un album un peu déroutant au début, notamment en comparaison avec les autres titres de la collection, plus classiques, mais parfaitement adapté au ton du récit entre grandiloquence et réflexion humaniste.

« Retour à zéro », Ankama, 14,90 €


dimanche 15 février 2015

BD - Le rôle de Pinkerton dans l'horreur de la guerre civile américaine


En décidant de retracer les aventures d'Allan Pinkerton, Rémi Guérin (scénario) et Damour (dessin) racontent en fait les pages noires et cachées de la création des États Unis d'Amérique. Ce nouveau dossier porte sur le « massacre d'Antietam ». Bataille cruciale dans la guerre de Sécession, elle est connue comme la plus sanglante de l'histoire du pays. Les blessés se comptent par dizaines de milliers et 3 600 hommes perdirent la vie en ce 17 septembre 1862. 
Les auteurs imaginent que Pinkerton est au centre de ce fait d'arme fédérateur pour la victoire du Nord. Ses agents, infiltrés dans le camp du général Lee, subtilisent ses plans de bataille. Un avantage de taille mais qui n'est pas exploité par les officiers nordistes, vexés qu'un civil soit plus efficace qu'eux. Il reste que Lincoln, ami de Pinkerton, a profité de cette demi-victoire pour enfin abolir l'esclavage dans le pays, donnant un nouvel élan à son camp. 
Très bien documentée, cette BD donne également l'occasion à Damour de dessiner des scènes de bataille spectaculaires. On devine dans son trait toute la violence de ces affrontements fratricides.

« Pinkerton » (tome 3), Glénat, 13,90 €

samedi 14 février 2015

BD - Holly Ann, Détective de Louisiane


La Nouvelle-Orléans, son bayou, ses musiciens, ses légendes. Pour connaître tous les secrets de cette ville multiethnique, il faut obligatoirement passer par Holly Ann. Cette jeune femme, une quarterone (un quart de sang noir dans les veines) d'une rare beauté comme le sont souvent les métisses, est officieusement la meilleure détective privée de la ville. Le récit se déroule à la fin du 19e siècle et les tensions entre communautés sont encore très vives. Un riche fermier est au désespoir. Son fils a disparu. 
Holly Ann se rend sur place et se renseigne. Rapidement elle découvre que l'enfant n'est pas seul à avoir déserté la plantation : un jeune noir, chargé de sa surveillance et de celle de sa jeune sœur, est lui aussi porté manquant. La découverte du cadavre de l'enfant, victime d'un rituel vaudou, va rapidement mettre la ville en effervescence. 
Écrite par Kid Toussaint, cette enquête policière est dessinée par Stéphane Servain. Son trait fluide et puissant s'adapte parfaitement aux ambiances chaudes et angoissantes de ce monde secret. Quant à Holly Ann, présentée comme une nouvelle Adèle Blanc-Sec, elle a tout pour séduire de nombreux lecteurs.

« Holly Ann » (tome 1), Casterman, 13,50 €

vendredi 13 février 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Police ! Game over !


Etrange aventure que celle arrivée mardi soir à Hubert Skrzypek connu sous le petit nom de Bibix dans le monde des gamers, ces geeks fans de jeu vidéo au point de se montrer en direct sur la plateforme Twitch. Casque sur les oreilles, Bibix se bat contre une horde de zombies affamés. La tension est extrême quand on frappe à sa porte. Exactement, on défonce sa porte d'entrée. Le reste de la scène est enregistré et repris sur tous les réseaux sociaux. Ce ne sont pas des zombies venus boulotter le cerveau de Bibix mais plus prosaïquement une équipe de la BAC (brigade anticriminalité) en pleine intervention. Mis en joue, Bibix, forcé de mettre les mains sur la tête, est menotté derechef par les fonctionnaires de police. Interloqué, il demande quand même pourquoi on l'arrête. Pas de réponse. Et puis il percute enfin : un canular, il s'agit d'un simple canular. Pourtant les menottes semblent diablement réelles et les policiers excellents acteurs. 
Et pour cause, eux aussi sont des pigeons dans l'affaire. Bibix est le premier Français victime d'un « swatting ». Aux USA la mode fait des ravages. Le but de ce bête défi consiste à persuader la police d'intervenir en urgence dans un appartement où un crime serait en cours. Les fameux « Swatt » déboulent en force dans la maison. Que l'opération soit diffusée en direct sur le net rajoute un plus indiscutable. Dans le cas de Bibix, le pirate a usurpé son identité au téléphone et expliqué aux policiers qu'il venait de trucider sa femme... Des zombies d'accord, sa copine, jamais ! Moralité, si Bibix a la malchance d'être attaqué par de vrais méchants, son appel risque fort de passer à la trappe.