dimanche 24 février 2013

BD - Guerre totale selon Frissen et Snejbjerg

Quand de méchants extraterrestres se réveillent après des millénaires de léthargie, c'est le monde entier qui entre en guerre. Un conflit total thème de cette série de SF écrite par Jerry Frissen (Lucha Libre) et dessiné par Peter Snejbjerg. Comme dans toute histoire s'inspirant ouvertement des romans de genre (avant on disait de série Z ou de gare), il y a les humains, faibles et dépassés, et les créatures supérieures, fortes et sans pitié. Si les méchants font penser à des démons décharnés, le « bon », Helius, a le physique d'un premier de la classe. Menton carré, regard déterminé, il va se battre contre les abominations. Mais rien ne sera possible sans l'aide des petits humains, courageux et idéalistes. Pas de second degré dans cet hommage au genre. Juste une histoire prenante et des personnages emblématiques le tout dessiné par un spécialiste des comics aux compositions spectaculaires.

« World War X » (tome 1), Le Lombard, 12 euros 

samedi 23 février 2013

BD - Chasse au Krakken pour Asgard et Seiglind

Asgard Pied-de-fer, le chasseur de Krakken, accepte de défier un serpent géant terrorisant une partie des mers du Nord. A la fin de la première partie de cette BD écrite par Nury et dessinée par Meyer, le lecteur est quasi persuadé que le monstre est mort. Dès les premières pages du second tome, il revient, blessé et encore plus agressif. Un combat définitif s'engage avec les survivants. 

Dans la neige, les eaux glacées, les fjords sauvages, Asgard et la belle Seiglind vont lutter contre les éléments et le serpent-monde. 60 pages d'une rare tension. La preuve est faite que la BD, loin d'être un média immobile, peut parfaitement retranscrire le mouvement avec quelques traits judicieusement placés dans une mise en page dynamique.  Mieux que du cinémascope !    

« Asgard » (tome 2), Dargaud, 13,90 euros 

vendredi 22 février 2013

Billet - Boire la tasse sur TF1 avec Splash


Ce soir, sur TF1, finale de Splash. Le prototype d'émission se prêtant au buzz sur internet grâce aux réseaux sociaux ou à un extrait vidéo détourné.

Le principe : demander à des célébrités (enfin, des people de seconde zone, les habitués de la Ferme et autre téléréalité un peu dégradante) de sauter dans une piscine depuis un plongeoir. Cela commence à 3 mètres pour aller jusqu'à 10. Un jury note et (surtout) le public vote à coup de SMS surtaxés.
Dans le genre « mieux disant culturel » TF1 n'est jamais allé aussi bas. Quelques professionnels s'offusquent, Mireille Dumas trouve l'émission « monstrueuse ».
Sur Twitter aussi les commentaires fusent. Très méchant pour Dédo : « Splash sur TF1 aurait vraiment pu être une excellente émission. Mais ils ont laissé l'eau dans la piscine. » Les tenues des plongeurs aussi sont source de tweets. Clément Lefert, médaillé olympique, fait sensation dans un « mini short moulant taille 12 ans ».
L'émission permet également de se rincer l'œil, même si l'on se serait passé d'entrevoir un quart du téton droit d'Eve Angeli...

Pour se montrer dans ce genre de show, il faut avoir les nerfs solides. Le danger est réel et les retombées imprévisibles. Sheryfa Luna, en hésitant de très longues minutes est devenue la risée de Twitter. Mais finalement, refuser le grand saut serait peut-être le moins bête des choix. Peut-être que TF1 cherche tout simplement sa première « mort en direct », titre d'un film prémonitoire de Bertrand Tavernier ?    
Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant.

BD - Chanteur harcelé ou la fausse vraie vie de Dominique A



Dominique A a des problèmes. Le chanteur français se retrouve héros d'une bande dessinée dans laquelle un tueur tente de lui faire la peau. Pourquoi ? C'est la question qu'il se pose, le lecteur aussi, et dont on n'a la réponse que dans les toutes dernières pages. Dominique A, son crâne rasé, ses tenues sobres, ses chansons à texte... Il est à l'opposé de la star qui, comme Lennon, rend fous des fans dérangés. Au début, il reçoit une lettre anonyme de menace. Son manager, indécrottable optimiste, y voit un signe positif. Le début de la gloire. Dominique a une autre théorie. Le fou existe. Il veut vraiment lui faire la peau. Ecrit par Arnaud Le Gouëfflec et dessiné par Olivier Balez, cet album a tout l'air d'un thriller. C'est en fait la biographie déguisée d'un artiste français, discret mais essentiel. Dominique A qui, dans la vraie vie, n'a peur de rien, a accepté d'écrire la préface, avant même que la BD soit achevée. Au final, on découvre enfin un album qui nous surprend, hors des sentiers battus.
« J'aurai ta peau Dominique A », Glénat, 16 €


jeudi 21 février 2013

Roman - Loulou, mieux que Grey

Grey, le personnage principal de « 50 nuances » est parfait. Dans la vraie vie, les hommes ressemblent plus au Loulou de Rossella Calabrio

La littérature contemporaine pille sans vergogne le net. Exactement, les comités de lectures ne se privent plus de feuilleter des romans qui n'existent que sous forme d'e-book en autoédition. En 2012, le phénomène éditorial mondial a pour titre « Cinquante nuances de Grey » de E. L. James aux éditions Lattès. Des millions d'exemplaires vendus en 12 mois. Mais ce texte sulfureux date en fait de 2011. Il a été mis en vente directement par l'auteur et uniquement en version numérique, sur le site des fans de la trilogie Twilight. Repéré par un éditeur curieux, acheté, c'est le roman-jackpot. Aussi un peu l'arbre qui cache la forêt. Pour un succès, combien de déceptions ?
L'édition traditionnelle gagne également en réactivité à l'image du net. Le best-seller de James à peine imprimé, de multiples parodies font leur apparition sur la toile. Rossella Calabrio, une blogueuse italienne, sent le filon. Les Grey, bêtes de sexe, beaux, attentionnés et romantiques, ne courent pas les rues en Italie. Les hommes normaux sont plutôt tendance Loulou : vantards, sales et très égoïstes (surtout quand ils entendent le mot préliminaires). Elle a donc décliné dans un pastiche hilarant les « 49 nuances de Loulou », publiées en France chez Albin Michel. Moins érotiques que les exploits de Grey, les travers du Loulou font beaucoup rire (surtout vous mesdames).

La perfection contre l'invention
En petit chapitres courts et percutants, cette excellente connaisseuse des choses du sexe décrit minutieusement les travers de l'homo erectus de base. Par exemple, Grey a des paroles qui enchantent les sens de Julie (l'héroïne, la partenaire) « Oh oui, laisse-toi aller... » susurre Grey. Avec Loulou, le laisser aller est d'un tout autre genre : « Dis donc, tu crois pas que tu te laisses aller ? » interroge-t-il en fixant « la petite banane de graisse qui surmonte le pubis de sa Julie ». Le best-seller de James a une réputation sulfureuse. Il est vrai que certains passages sont dignes des textes ayant fait la réputation du « bondage », technique de sado-masochisme très en vogue le siècle dernier. La comparaison de Rossella Calabrio touche juste : « Monsieur Grey aime attacher sa belle aux montants du lit pour être aux commandes. Le Loulou aime s'attacher au canapé pour être à la télécommande. »
On pourrait croire que la critique est virulente, définitive. Qu'il n'y a pas photo. Pourtant on devine au fil des pages une véritable tendresse pour le Loulou. La maladresse congénitale pendant l'acte du Loulou casse un peu le charme et la plénitude de la chose quand elle est parfaitement maîtrisé par un expert en galipettes, mais « avec Monsieur Grey, la Julie n'aurait pas ri aux larmes comme elle l'a fait avec son Loulou. » Finalement, l'auteur fait comprendre aux femmes que Grey c'est bien, mais cela manque quand même de surprise. La perfection lasse. Avec Loulou, vous serez toujours étonné.
Et voilà comment les deux plus gros succès éditoriaux de ces derniers mois viennent d'un e-book et d'un recueil de notes de blog.
Michel Litout
« Quarante-neuf nuances de Loulou », Rossella Calabro, Albin Michel, 12 €

mercredi 20 février 2013

Roman - L'amour, la mer, la mort

Le métier de pêcheur est rude, mais ils n'en changeraient pour rien au monde, ces « Moissonneurs de l'Opale » dont Daniel Cario dépeint si bien toutes les facettes.

Sur la côte d'Opale, en 1900, pas question de mélanger les torchons et les serviettes. Dans le village d'Etaples, le quartier de la Marine abrite les familles de pêcheurs. Les hommes partent en mer toute la semaine, les femmes sont sautrières (elles ramassent les crevettes) ou autres petits métiers d'appoint, toujours en rapport avec leur mer nourricière. Ces margats (marins) éprouvent un profond mépris pour les quénias – fermiers et autres travailleurs de la terre, lesquels le leur rendent bien.
Rivalité ancestrale qui n'est pas pour arranger les affaires de Cathy et Gabin. La première, fille de Guillaume Dormont, l'un des patrons-pêcheurs les plus respectés, devient sautrière dès ses 14 ans. Le second, même âge, fraîchement débarqué dans le pays, est aussi blond que les blés que cultivent ses grands-parents. Mais, c'est bien connu, l'amour n'a que faire de ce genre d'antagonisme.
Non, à vrai dire, Cathy a bien d'autres sujets de préoccupations. Elle découvre que Gabin connaît « d'avant » Angèle, surnommée la « Crabesse », femme étrange et solitaire qui se prend d'affection pour la jeune fille. Mais flotte entre ces trois-là le fantôme d'une certaine Sophie, la fille aujourd'hui disparue d'Angèle et amour d'enfance de Gabin. Le sosie de Cathy. Silences, mystères, malaise. La jeune sautrière finit par se demander si c'est elle qu'on aime, ou son image.

La rudesse du métier
Le moins que l'on puisse dire de Daniel Cario, c'est qu'il est bien documenté. Ses descriptions des métiers de la mer en ce début de siècle s'avèrent passionnantes, au point qu'il est difficile de lâcher les « Moissonneurs » en cours de lecture.
On apprend mille et une choses sur le quotidien des hommes en mer mais aussi des femmes, obligées non seulement d'être présentes à l'arrivée du chalutier pour réceptionner le poisson frais pêché et ensuite d'aller le vendre à la criée. Ce n'est que le début de la journée pour les épouses des pêcheurs, dites « matelotes », pour la plupart sautrières aussi.
Elles empoignent leur harnachement et accomplissent, pieds nus, même en plein froid, les cinq kilomètres qui séparent le village de la plage. « Elle (…) déplia son filet et s'aventura dans le flot, après avoir assuré son panier contre sa hanche et son tamis derrière elle. A pousser le haveneau, Cathy avait le temps de réfléchir... ». C'est un euphémisme d'affirmer que la température de l'eau en hiver sur la côte d'Opale est plutôt fraîche. Ces femmes courageuses y entrent cependant jusqu'à la taille, ou pire, perdent pied et boivent carrément la tasse, puis, la pêche terminée, trempées jusqu'aux os, sont obligées de refaire le trajet de retour, toujours à pied, grelottantes.
Bien sûr, l'histoire se passe en 1900, et le progrès a considérablement amélioré les conditions de travail. N'empêche, la vie de ces gens à l'époque donne à réfléchir et permet de relativiser pas mal de nos petites récriminations.
Outre une intrigue savamment ficelée, Daniel Cario nous offre ici un roman bien écrit, chaleureux et riche en découvertes.
Fabienne HUART
« Les Moissonneurs de l'Opale », Daniel Cario, Presses de la Cité (Terres de France), 21 euros.

mardi 19 février 2013

BD - Double cocktail avec "Pink Daïquiri"


Clémence la romantique, Alixia la passionnée. Deux jeunes femmes actuelles, en colocation, confidentes et amies. Clémence se remet difficilement d'une énième déception sentimentale. Alixia teste les hommes, cherchant désespérément celui qui enfin saura lui procurer un peu de plaisir. Quand Alixia pense avoir trouvé l'oiseau rare une nuit en discothèque, Clémence est sur le point de craquer pour un riche client de sa boîte de conseil en marketing. Tout semble aller pour le mieux pour les deux copines. Sauf qu'il s'agit d'un seul et unique beau gosse... Cet album est double. Il présente la même histoire mais des deux points de vue. Pile Clémence, face Alixia. Le scénario est de Habart et Théry, les illustrations de deux dessinatrices brésiliennes, Bax et Grazini. C'est un tout petit peu redondant forcément, mais tout à fait dans l'air du temps : girly et expérimental.
« Pink Daïquiri », Le Lombard, 19,99 €


lundi 18 février 2013

BD - Terreur simiesque


Adorable Aglaée. Blonde, intelligente, audacieuse, aventureuse : elle a tout de l'héroïne dont on tombe amoureux. Li-An, son créateur aussi aime beaucoup Aglaée. Dans la première aventure, elle a résolu l'énigme de l'ange tombé du ciel. Dans le second tome, elle se trouve de nouveau face au grand singe blanc du docteur Flux. Ce monstre aux yeux rouges terrorise Paris. Des sorties nocturnes de plus en plus fréquentes et remarquées. Aglaée et ses amis du club des Maîtres de l'étrange, va remonter la piste et découvrir que toute cette mise en scène devrait connaître son dénouement lors d'une soirée très huppée chez un mystérieux Mexicain affirmant détenir un élixir de jouvence.
Le lecteur plonge dans l'ambiance du 19e, les femmes n'ont pas encore beaucoup de droit, les esprits sont naïfs. Aglaée se désespère de ne pouvoir prendre part aux enquêtes. Et souvent il faut qu'elle désobéisse à son oncle pour y participer. Li-An, également scénariste, a simplifié son dessin, lui donnant un aspect plus souple, efficace et chaud.
« Les maîtres de l'étrange » (tome 2), Vents d'Ouest, 13,90 €

dimanche 17 février 2013

Billet - Carambolages en série et en vidéo sur les routes russes

Vous avez certainement vu la semaine dernière les images incroyables d'une météorite en feu traversant le ciel russe. Une vidéo diffusée sur internet et vue des milliers de fois. Les images sont prises de l'intérieur d'une voiture. Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander quel était ce conducteur qui filme ses trajets en continu. Et j'ai trouvé l'explication en découvrant le phénomène des dashcam en Russie. Peut-être un héritage de l'ère soviétique, quand les agents du KGB espionnaient à tire-larigot. Ces petites caméras sont installées sur le pare-brise et filment dès que l'auto est en mouvement. Elles sont essentiellement utilisées par les assurances dans les litiges en cas d'accrochage. On vous grille la priorité, il passe au feu rouge : la preuve en images.
Les dashcam représentent une mine d'images insolites. Des compilations sont régulièrement mises en ligne sur Youtube. On peut donc voir une météorite, mais aussi le crash d'un avion, un char d'assaut traversant une autoroute ou un amateur de vodka sur la bande du milieu d'une voie rapide... dans un chariot de supermarché. Plusieurs niveaux de gravité des accidents sont proposés. Vous voulez rire, contentez-vous des dérapages en tout genre sur les routes verglacées de Sibérie. Et puis il y a la version hard, quand on se doute que l'accident ne peut pas être sans conséquence pour les conducteurs et occupants des véhicules impliqués. Face à des camions, bus ou tramways : les voitures ne font pas le poids, même les russes... 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue en dernière page de l'Indépendant.

samedi 16 février 2013

BD - Le Marsu de Conrad

Nouvelle naissance dans la petite famille du Marsupilami. Mais dans l'œuf, deux bébés. Des siamois, rattachés par leur célèbre queue. Les premières planches de l'album permettent au lecteur de découvrir l'apprentissage de ces deux « mini-marsus », deux fois plus forts car toujours ensemble. Au début il y a un peu de tiraillement (dans tous les sens du terme), mais rapidement une réelle complicité s'instaure entre les frères.
L'élément perturbateur, comme toujours dans cette série imaginée par Franquin, c'est l'homme. Exactement deux enfants, des héritiers pourris gâtés d'un riche capitaliste qui capturent les petits animaux et les ramènent dans leur immense villa à une heure d'hélicoptère. Les enfants vont les utiliser comme des jouets, les bébés Marsupilami sombrer en pleine dépression. Ce second tome du dérivé de la série principale, loin d'être une simple commande commerciale, est signée par Wilbur avec Conrad au dessin. Conrad, digne héritier de Franquin, choisi par Uderzo pour reprendre les destinées d'Astérix.
« Marsu kids » (tome 2), Marsu Productions, 10,60 €