samedi 2 juin 2012

BD - Enfants kamikazes en l'an 2021


Nous sommes en 2021. Dans moins de 10 ans. A Détroit, devenu territoire autonome, une colonne de blindés s'avance prudemment dans les ruines de ce qui reste de la mégapole américaine. Les militaires ont pour mission de capturer et neutraliser Ike Mercy, le leader de cette ville où la violence et l'anarchie règnent. C'est un guet-apens. Mais la perte de plusieurs unités ne perturbe pas les dirigeants, bien à l'abri dans leur bunker. En fait c'est une diversion pour permettre au véritable commando de pénétrer incognito dans la cité. Ils sont quatre. Quatre enfants aux pouvoirs surnaturels. Seul problème : quand il les utilisent, ils vieillissent très vite. Ce scénario d'apocalypse a été imaginé par Stéphane Betbeder qui, au fil de ses contributions, s'affirme comme une plume prometteuse du monde de la BD. Il s'est adjoint les talents de graphiste de Stéphane Bervas. C'est son premier album mais il est déjà extrêmement efficace. Logique quand on sait qu'il vient du monde des jeux vidéo.

« 2021 » (tome 1), Soleil, 13,95 €

vendredi 1 juin 2012

BD - Soledad est zen dans "Restons calmes !" chez Casterman


Dessinatrice de presse, Soledad Bravi reste des heures assise devant sa table. Mère de deux adolescentes, elle se ramollit, grossit... Une bonne occasion pour reprendre le sport. C'est cette reconquête de son corps qu'elle raconte dans ce recueil de gags et d'histoires courtes. Comment elle a galéré au début, puis ses premières victoires et enfin sa quasi dépendance à la course à pied. Dans le jardin du Luxembourg, elle décrit les habitués, ceux qui friment, ceux qui sont dans leur monde, celles qui font des gestes pour accompagner la musique indispensable à la réussite d'une course. L'autre partie de l'album raconte les rapports conflictuels qu'elle entretient avec ses deux filles, des ados. Fine observatrice, elle n'est pas tendre pour sa progéniture visiblement dotée d'un énorme poil dans la main. C'est tendre, dynamique et toujours positif malgré les prises de tête incessantes. Soledad nous entraîne également en vacances sur la côte basque. Une dernière occasion de se réfugier dans la course à pied quand tout part en sucette...

« Restons calmes ! », Casterman, 15 €

jeudi 31 mai 2012

Billet - Candidats aux législatives et affiches improbables


Vous étiez un peu déçu, l'élection présidentielle, en dehors de Jacques Cheminade, manquait d'originalité. Vous pourrez vous rattraper avec les législatives.

Des milliers de candidats et parmi eux quelques perles. Un site, LOLgislatives 2012 répertorie les affiches les plus décalées. Près de chez nous, en Ariège, la pulpeuse Céline Bara a déjà fait le buzz. Ancienne star du porno, elle regarde l'électeur droit dans les yeux. Lequel (la gent masculine en particulier) aurait plutôt tendance à loucher sur une autre partie de son anatomie parfaitement mise en valeur sur l'affiche...

Pierre Guiraud, lui, n'en est pas à son coup d'essai. Mais cette fois, il a pu se présenter à Lodève dans l'Héraut sous son nom de scène : Pierrot le Zygo. Son emblème, un âne car Pierrot est « têtu comme une mule ! »

Le site LOLgislatives a déniché ces candidats improbables grâce à ses nombreux contributeurs. Philippe Gautry, « candidat loyal » se met en scène tel un James Bond en action avec silhouette féminine sur fond d'Assemblée nationale. Gregory Berthault, écologiste, pose tout sourire avec... un furet dans les bras.

Il y a aussi ceux qui ont un patronyme difficile à porter. Un candidat socialiste nommé Podevyn, prémonitoire même s'il ne se présente pas à Marseille ? L'herbe n'est pas plus verte à l'UMP, Jack-Yves Bohbot brigue un poste de député à Paris.

Martine Croquette, Florence Perdu, Jean-Paul Mordefroid, Annie Fouet... Vous êtes prié de voter, pas de rire bêtement dans l'isoloir !

(Chronique "ça bruisse sur le net" parue ce jeudi matin à la dernière page de l'Indépendant) 

mercredi 30 mai 2012

Roman - Jacques-Pierre Amette et Julie Resa écrivent des histoires de rupture

Quel est le point commun entre une balade romaine et la quête d'une voiture ? Ces deux romans se concluent sur une rupture amoureuse...

Paul est-il le prénom des hommes malheureux en amour ? Paul est journaliste dans « Liaison romaine » de Jacques-Pierre Amette. Paul est informaticien dans « Un enfant ou une voiture » de Julie Resa. Deux personnages masculins principaux, un seul prénom et un statut en commun : abandonné par les femmes de leur vie. Mais si le premier roman, très littéraire, plein de référence à Rome (omniprésente dans cette belle et triste histoire d'amour) laisse un goût amer au lecteur, le second, plus léger et terre-à-terre, se termine par un de ces coups de théâtre que seules les auteurs femmes savent imaginer.

Paul, grand reporter dans un magazine parisien, est envoyé à Rome pour couvrir les obsèques de Jean-Paul II. Il y va en dilettante. La religion l'ennuie, le bal des évêques l'indiffère. Il va imaginer une ferveur dans les rues d'une capitale qui en réalité continue à vivre la « dolce vita » quels que soient les événements.

Ce qui importe à Paul c'est que Constance, sa jeune compagne, le rejoigne. Cela fait huit ans qu'il vit avec elle. Mais la complicité des premiers moments semble s'être érodée. Elle est distante, moins attentive. Paul en a conscience mais ne veut pas voir la réalité en face. Il préfère profiter du moment présent. Et n'hésite pas à déshabiller des yeux les jolies Romaines. Alors qu'il peine à écrire trois lignes sur ces obsèques historiques, il se demande « Pourquoi manquait-il une cloison dans mon espace mental pour marquer la différence entre soucis professionnels et batifolages érotiques ? Pourquoi n'avais-je pas cette paroi étanche – comme tout le reste de l'espèce humaine – qui sépare nettement les pensées divines et les zigzagantes pensées profanes qui s'étendaient comme un brouillard de concupiscence sur tout ce que j'entreprenais ? »

Paul est un doux rêveur. Pourtant il va finir par retomber sur terre. Son papier, mauvais, est refusé. Surtout, Constance lui avoue qu'elle a rencontré quelqu'un d'autre. « Le temps changea, devint profond, noir, ardoisé. Les gargouilles crachotaient de minces filets d'eau dans des vasques nues. J'observais ce jardin comme un versant du paysage destiné à disparaître, un versant de ma vie en train de s'effacer. » Jacques-Pierre Amette donne à son roman plus de profondeur, une grandeur de portée universelle. A cet instant, tout homme délaissé un jour par une femme aimée se retrouve dans ce tournis, cette fragilité.

Notre enfant, ma voiture

Le roman de Julie Resa s'achève lui aussi par le départ de la femme, Babette. Mais cette fois le Paul de « Un enfant ou une voiture » est beaucoup moins à plaindre. Informaticien, il fait en train, tous les jours, le trajet entre Chambéry et Lyon. Il en a assez de perdre son temps dans ces transports en commun toujours en retard. Il décide d'acheter une voiture et sa recherche du bolide parfait va lui faire perdre contact avec la réalité.

Babette, elle, n'a qu'un but : avoir un enfant. Épanouie dans son travail, elle espère cette grossesse. En vain.

Ces deux êtres humains, amoureux l'un de l'autre à la base, vont basculer dans deux obsessions différentes et antinomiques. Julie Resa, avec grâce, humour et brio, va se moquer de Paul, si perfectionniste dans son choix qu'il en oublie de trancher. Babette, dont on comprend le désespoir, va finalement trouver une solution expéditive pour accéder à son Graal.

Un petit roman très actuel, illustrant aussi le calvaire des Parisiens expatriés en province pour un soit-disant confort de vie qui se retourne souvent contre eux.

« Liaison romaine », Jacques-Pierre Amette, Albin Michel, 15 €

« Un enfant ou une voiture », Julie Resa, Buchet-Chastel, 13 €


mardi 29 mai 2012

BD - Pilote Tempête, quand la BD de science-fiction était publiée dans les quotidiens français


On l'a oublié aujourd'hui mais durant de longues décennies, la bande dessinée avait droit de cité dans les quotidiens français. De Varly Edition, dans sa collection BDTrésor, propose un éclairage savant signé François Membre sur une de ces séries, aujourd'hui tombée dans l'oubli, mais qui a passionné des milliers de lecteurs de 1955 au milieu des années 70.
Pilote Tempête, Storm Pilot dans sa version originale néerlandaise, est l'oeuvre de J. Henk Sprenger. Il livrait quotidiennement un strip de trois cases avec un long texte descriptif en dessous. Cette matière première, publiées dans des dizaines de journaux en France et en Belgique, a été remaniée pour en faire des histoire complètes et cohérentes, avec simplement des bulles pour les dialogues.
Pilote Tempête sera le héros de la revue Spoutnik, des éditions Artima, durant 34 numéros de 1950 à 1960. La parution cesse plus par manque de matière première que par désintérêt du public. Spoutnik (comme Météor, son prédécesseur) est aujourd'hui très recherché par les collectionneurs de comics des années 50.
Le dossier de François Membre retrace toute la carrière de ce fougueux pilote de chasse, transformé en astronaute après son enlèvement par des extra-terrestres. Il vivra des aventures dans la plus pure tradition du space-opéra, avec monstres hostiles, bébêtes envahissantes et risque de destruction de la race humaine. Si les premiers épisodes font un peu penser à Flash Gordon, les suivants se démarquent en introduisant des personnages secondaires plus consistants et des intrigues plus humaines.
Les 50 pages sont richement illustrées de dessins extraits des strips de Sprenger. Un dessin réaliste très correct, loin des bandes bâclées servant souvent à boucher des trous dans des quotidiens peu exigeants.

« Pilote Tempête » de François Membre, De Varly édition, 20 euros

lundi 28 mai 2012

Billet - Quand trop de kitch tue le kitch à l'Eurovision...


Samedi soir, je me faisais une joie de regarder le concours de l'Eurovision, un œil rivé sur les piques caustiques des twittos. Et j'ai été déçu... Le second degré est délicat à manier. Pour se moquer d'un programme, encore faut-il qu'il ait un minimum de substance. Hélas, voilà bien longtemps que cette gigantesque foire de la chanson formatée touche le fond... sans en avoir. Comment se gausser des mamies russes ? Ou de la coiffure de la chanteuse albanaise ? Certains candidats s'avèrent déjà tellement ridicules dans le kitch qu'ils annihilent d'entrée toute critique.

En lisant les tweets sur l'Eurovision, je n'ai pas plus souri qu'en la regardant tout court. Pour être honnête, quelques réflexions sur les gymnastes de la chanteuse française Anggun ont fait mouche. « C'est les pompiers gymnastes qui sautent partout là ? Planquez les bouteilles de champagne » ironise @Nophie alors que @Goethe59 estime que la 22e place de la France (sur 29) c'est parce que « Nos gymnastes étaient trop habillés... Je vois que ça ! ». Anggun n'a récolté quasiment que des éloges. Le choix était bon, la chanson assez entraînante.
Mais selon la majorité des commentateurs, la défaite était inéluctable, notamment car en Europe « la France n'est pas aimée » regrette @Aurelie_Mallow. A la fin du concours, certains comme @NaMy_24 ont demandé le recours suprême : « Hollande devrait retirer les troupes françaises de l'Eurovision. »

(Chronique "ça bruisse sur le net" parue en dernière page de l'Indépendant ce lundi 28 mai)

dimanche 27 mai 2012

BD - Voir Biribi et mourir au centre du premier titre de la nouvelle collection "La grande évasion"


Alors que la nomination d'une nouvelle garde des Sceaux suspectée « d'angélisme » par la droite crée la polémique, la lecture de « Biribi », premier tome de la nouvelle série La grande évasion devrait remettre les pendules à l'heure. Certes on est plus laxiste actuellement, mais n'est-ce pas mieux que le sort réservé aux prisonniers au 19e siècle ? L'album, écrit par Sylvain Ricard d'après une histoire vraie et dessiné par Olivier Thomas fait froid dans le dos. Ange, souteneur Corse et soldat allergique à l'autorité, est condamné à passer quelques années dans le bagne de Biribi au cœur du désert marocain. Il va devoir tenter de survivre entre les brimades des gardiens et les humiliations des autres détenus. Mais Ange n'a qu'une obsession : s'évader. Il va longuement préparer son coup et tenter la grande traversée, sans eau ni vivres, en compagnie de trois autres parias. Une BD d'une rare dureté. Le Chaourch (chef du bagne) impose la règle des trois D : Discipline, discipline et discipline. Avec brimades à la clé à chaque désobéissance.

« La grande évasion » (Biribi), Delcourt, 14,95 €


Billet - Facebook a sa Camera au détriment de toute logique économique

Mark Zuckerberg avait un milliard de dollars à perdre. Il y a un peu plus d'un mois il annonçait avoir racheté Instagram, le logiciel de retouche et de partage de photos, pour cette somme astronomique. Hier, Facebook a officiellement dévoilé « son » propre logiciel, Facebook Camera. Il permet, à peu de choses près, de faire les mêmes opérations qu'avec Instagram. Donc, le réseau social qui vient d'être introduit en bourse a racheté très cher quelque chose qu'il avait déjà dans ses cartons... La logique sur internet est parfois déroutante.

Mais on ne manque jamais d'économistes en herbe sur le net. Et ce qui paraît une aberration financière à première vue peut être facilement expliqué. Première hypothèse, Facebook Camera n'a que peu de chance de s'imposer face à son prédécesseur. Autant anticiper l'échec et racheter la concurrence.

Autre version, Facebook Camera est un pur plagiat d'Instagram. Avant de perdre des plumes dans un procès, mieux vaut acquérir l'original pour éteindre tout risque de poursuites...

La dernière, la plus tordue : face à l'échec de l'introduction en bourse, faire diversion. Annoncer une nouveauté (même si cela n'en est pas vraiment une) permet de provoquer un contre-buzz. Au moins, tant qu'on parle de Facebook Camera sur les réseaux sociaux ou dans la presse, on ne parle pas du cours de l'action... A ce niveau, le tour d'entourloupe digne des pires politiciens est magistralement exécuté.

(Chronique ça bruisse sur le net" parue samedi 26 mai en dernière page de l'Indépendant) 

samedi 26 mai 2012

Billet - Le ridicule rend célèbre et peut rapporter gros

Depuis toujours, on peut devenir célèbre pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Un phénomène amplifié avec internet et ses milliers de possibilités de se faire remarquer. Régulièrement éclosent des « stars » éphémères. Juste le temps de nous faire sourire. Car ils sont ridicules et ils nous font rire. Ils sont anormaux face à notre normalité et cela suffit pour que, tels des moutons, on se précipite vers leurs pitoyables pitreries.

Joharno est très connu en Belgique. Joharno est un supporter du club phare d'Anderlecht. Il semble toujours à moitié ivre et annone ses réflexions brouillonnes et confuses, face caméra. Il pimente ses analyses footballistiques de quelques plaisanteries grivoises et sentences machos. Aujourd'hui, Joharno est le seul Belge à vivre du revenu de ses vidéos postées sur Youtube...

Dans le même style, en France, nous avons Jean-Pierre Herlant. Il a publié quantité de vidéos sur Youtube sur tout et n'importe quoi. Pas de mise en scène, juste un gros plan de lui avec à l'arrière l'entrée de son appartement encombré. Jean-Pierre est devenu célèbre quand un animateur radio s'est moqué de lui. Réponse immédiate de Jean-Pierre : « Arrêtez de triquiter mes vidéos. (Jean-Pierre, en plus de loucher et d'être myope, a un défaut de prononciation) Pourquoi que vous vous en faisez pas des vidéos au lieu de triquiter ? » Bilan, plus de 3 millions de vues. Tout le monde se moque de Jean-Pierre. Jean-Pierre s'en fout, il encaisse...


(Chronique "ça bruisse sur le net" parue le vendredi 25 mai en dernière page de L'Indépendant)

BD - « Sexe, désirs et petites contrariétés » c'est mieux que l'amour


Rien de tel que l'humour pour parler des choses de l'amour. Et pas le platonique, plutôt le trash, celui avec accessoires et secrétions. Pluttark explore toutes les déviances des pratiques sexuelles de ce siècle naissant. Des gags parus dans le magazine Fluide G, au dessin rond et coloré, en total décalage avec les situations parfois très extrêmes. Mais n'espérez pas vous rincer l'œil en feuilletant cet album. 

Les images sont très sages. Tout est dans les dialogues. Techniques de drague, comparatif de position, pratiques peu orthodoxes : l'auteur satisfait toutes les couches de la population, de la mamie (à la recherche d'un sextoy lui rappelant Jean Gabin), aux jeunes cadres dynamiques, pressés d'en finir avec leur compagnes pour mieux prendre leur pied en surveillant l'érection de la courbe de leurs dividendes... C'est moderne, souvent bien vu et tout le temps hilarant.

« Sexe, désirs et petites contrariétés », Fluide G. 13 €