vendredi 25 mai 2012

BD - Tous azimutés dans le monde imaginé par Lupano et Andréae


Jean-Baptiste Andréae est un formidable dessinateur à l'imaginaire foisonnant. Si vous en doutez, plongez dans le premier tome de cet « Azimut », une série poético-merveilleuse écrite par Wilfrid Lupano. « Les aventuriers du temps perdu » se déroule dans un royaume où les lapins font de l'avion-stop, les oiseaux pondent des œufs métalliques et le roi est sous le charme de Manie, une ravissante jeune femme très attirée, elle, par l'argent. 

Un peintre, qui a croisé la route de Manie, va tout faire pour la retrouver. Il arrivera au bon moment, quand les juges suprêmes décident de condamner l'intrigante suspectée d'avoir dérobé le pôle Nord. Elle s'éclipsera en ôtant sa vaste robe (strip-tease gratuit où Andréae démontre sa parfaite maîtrise de l'anatomie féminine) pour la transformer en montgolfière. 

Avec une trouvaille par case, cette BD fait furieusement penser au monde de Lewis Caroll, avec une pointe de Moëbius dans le graphisme. A lire en se détachant de toute contingence matérielle et loin des réalités de la vraie vie, triste et grise.

« Azimut » (tome 1), Vents d'Ouest, 13,90 €


jeudi 24 mai 2012

BD - Fureur verte pour une jeune Allemande perdue en Amazonie


Tout est possible dans les confins de l'Amazonie. Par exemple croiser un sous-marin allemand rescapé de la seconde guerre mondiale. Il vogue sur un bras de l'Orénoque. A ses commandes, un ancien soldat et sa fille, Eva. 

On est dans les années 60, les Indiens sont de plus en plus chassés de leurs terres, les nouveaux propriétaires règnent par la terreur. Eva, malgré ses cheveux blonds et sa beau blanche, est plus à l'aise avec les sauvages que seule et désœuvrée dans les cales du navire aux lourdes odeurs de diesel. Mais elle rêve quand même de jolies robes et de rencontres avec des hommes distingués, ceux qu'elle admire dans les vieux Paris Match volés par son père. 

Dans ce cadre atypique et avec ces personnages hors normes, Jean-Louis Fonteneau déroule un récit qui de social et d'historique va dévier vers un fantastique pur et dur. Matteo Simonacci, au dessin, donne la pleine mesure à son art quand le surnaturel prend le pouvoir.

« Furya » (tome 1), Glénat, 13,90 € 

mercredi 23 mai 2012

SF - Des combats d'enfer dans "Butcher Bird" de Richard Kadrey

Une princesse aveugle, devenue tueuse, part au combat, en Enfer, avec le renfort d'un tatoueur qui n'en croit pas ses yeux.

A San Francisco, la normalité n'a pas la même valeur qu'ailleurs. Bouillon de culture sans cesse en ébullition, si vous allez dans un bar bien précis, vous pourrez peut-être y croiser Spyder. C'est le personnage principal de « Butcher Bird », roman fantastique déjanté de Richard Kadrey. Spyder est tatoueur. Il a une petit échoppe qu'il partage avec une amie, lesbienne et spécialisée dans les piercings.

Spyder ne va pas trop bien en ce moment. Il vient de se faire larguer par sa copine et pour oublier a un peu trop bu. Titubant, il va faire un tour derrière le bar. C'est là que tout va basculer. Un gros balèze agresse Spyder. Ce dernier tente de lui décocher un direct mais « son poing s'enfonça dans la face de l'inconnu, comme si sa tête avait été désossée. » La suite est encore plus incroyable. « Les traits de son agresseur se modifièrent. La peau sembla se plisser. Les yeux désormais globuleux finirent par exploser dans leurs orbites pour devenir noirs et miroitants de facettes. Ses lèvres parurent fondre pour s'étirer en un long tube agité de contractions. Des cornes incurvées et craquelées jaillirent des tempes et, pour couronner le tout, l'assaillant avait une haleine fétide. » Spyder n'en croit pas ses yeux. Une hallucination ?

Baston en Enfer

Il n'a pas réellement le temps de se poser des questions. Il est en mauvaise posture et sent sa dernière heure venir. Le cauchemar prend fin quand la tête de l'abomination se détacha du reste du corps... Pie-grièche et son sabre viennent d'apparaître dans le récit.

Cette tueuse vêtue de cuir est aveugle. Jeune et jolie, elle explique à Spyder qu'un Bitru (le démon à tête d'insecte) a tenté de l'assassiner. Spyder, bien qu'encore chancelant, lui rétorque avec pas mal de morgue qu'il ne croit pas aux démons. Il devra réviser son jugement dès le lendemain.

Son contact avec le Bitru lui a ouvert l'esprit. Le tatoueur peut désormais voir ce que le commun des mortels ignore. Nous ne sommes pas seuls. Tout un monde de monstres, démons, fantômes et autres bestioles bizarres cohabite avec les humains. La première partie du roman, délassante, presque comique, montre la descente aux enfers de Spyder. Il croit devenir fou, puis croise à nouveau la route de Pie-grièche. Cette dernière lui donnera les clés pour comprendre ce qui lui arrive. Elle, par exemple, est une princesse déchue. Elle est devenue tueuse de démons pour survivre. Elle vient d'ailleurs de recevoir une grosse proposition de travail de la part d'une certaine Madame Cendres. Séduite par cet humain déboussolé, Pie-grièche va l'emmener dans ses bagages. Spyder, expert en démonologie dans le cadre de son travail de tatoueur spécialisé en gothique, sera peut-être utile une fois à pied d'œuvre. Elle a pour mission de dérober un livre sacré détenu par un démon au plus profond des entrailles de... l'Enfer.

Ce roman est d'une richesse incroyable. Richard Kadrey parvient à un subtil équilibre entre action, romance et magie. Action quand il faut se battre avec les plus redoutables monstres, romance dans la relation entre Spyder et Pie-grièche et magie avec l'apparition de pouvoirs transformant le petit humain perdu en redoutable Homme Rune, respecté et surtout redouté de tous. Pour couronner le tout, un humour désespéré transperce dans chaque dialogue. Comme pour mieux faire accepter au lecteur l'incroyable. Une solution à ne pas négliger dans la vraie vie.

« Butcher Bird», Richard Kadrey, Denoël, 23 € 

Billet - Un inventaire à la Prévert dans ma boîte mail

Dans ma boîte mail, catégorie messages publicitaires, on trouve tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi...

Que penser de ce message de Tim Godwin, de la police londonienne, m'annonçant que j'ai gagné un million de livres sterling ? Pour les toucher, il doit vérifier mon identité. Ben voyons... C'est sans doute car je le vaux bien qu'on m'offre un « rituel beauté » comprenant une trousse et trois produits « best-sellers ». D'accord, mais le flacon de « lift-minceur » pour dire « adieu à la cellulite », 30 ml ça ne va pas suffire.

« Michel, découvrez gratuitement votre avenir en un clic » m'annonce « Victoria, médium extralucide ». Chère Victoria, si vous étiez vraiment extralucide, vous sauriez qu'il n'y a aucune chance pour que je tombe dans votre panneau ! « Budget allégé pour cet été » me promet une compagnie de croisière : « le second passager à 1 euro ». J'ai une meilleure solution : 0 passager à 0 euro.

« Envie de devenir votre propre patron ? » me demande un certain nakou.fr. Sa solution : la création d'entreprise en franchise, « malgré les aléas de la conjoncture. » Effectivement, mieux vaut jouer la sécurité de l'emploi. Je cherche donc des opportunités pour entrer dans la fonction publique et ne trouve qu'un voyage aux Maldives, des réductions de 70 %, des alarmes pour « mettre ma famille en sécurité » et les dernières offres de... monsexshop.fr

Du contenu de ma boîte mail, Prévert en aurait fait un joli poème...

(Chronique "ça bruisse sur le net" parue ce mardi 22 mai 2012 en dernière page de l'Indépendant)

mardi 22 mai 2012

BD - Un psychopathe sur la route d'Aria


Épisode familial pour Aria. L'aventurière lancée par Michel Weyland dans le grand monde de l'Héroïc Fantasy il y a 33 ans déjà, abandonne sa vie d'errance et de combats pour une vie plus sereine auprès de son fils et de ses parents. Mais un soir, elle est attaquée par un psychopathe. Cet ancien enfant battu, devenu avocat de renom, se défoule en tabassant les femmes croisées dans la rue. Heureusement Aria s'extirpe de ses griffes. Elle va tout faire pour démasquer ce dangereux individu qui se révèle également être lié à sa tante. 

Un récit sombre, avec en exergue ce fou, serial killer avant l'heure, notable déviant, protégé par la police. La belle héroïne devra faire appel à toute sa famille pour le vaincre.

« Aria » (tome 34), Dupuis, 10,60 € 

lundi 21 mai 2012

Billet - Duflot, Hollande, Morano et Obama face aux codes de la mode

Sérieux la politique ? Pas toujours. La semaine marquée par la passation de pouvoir et la nomination du gouvernement a dérapé sur des questions de mode. Ces points de détail ont pris des dimensions dantesques sur internet. Première escarmouche, Nadine Morano taille un costard de première à Cécile Duflot. La ministre écolo est allée à l'Elysée en jeans ! L'ancienne porte-flingue de Nicolas Sarkozy s'indigne face à ce « dilettantisme ». Sur le site de l'Indépendant, cette info est énormément lue, partagée et commentée. Et plus le sujet est futile, moins les internautes sont tendres. Certains s'offusquent du niveau actuel de l'UMP : « au ras de l'ourlet d'un jean, proche des talonnettes. » « Nadine sort de ton 19e siècle! » s'exclame un autre. Avec humour, certains font dans la surenchère : « Quand je serai ministre des Vacances j'irai en bermuda et débardeur. »

Et quand on croit que ces chamailleries de cour d'école sont terminées, cela reprend de plus belle pour une histoire de cravate. François Hollande, au sommet du G8 aux USA, est le seul chef de gouvernement à porter une cravate. Barack Obama le chambre un peu. Ce qui ressemble à un gentil bizutage devient une affaire d'État sur Twitter. Les mêmes qui critiquent la tenue négligée de Cécile Duflot dénoncent le lendemain le manque de souplesse vestimentaire de François Hollande... Je leur propose comme prochain débat de fond : slip ou caleçon ?

(Chronique "ça bruisse sur le net" parue lundi 21 mai en dernière page de l'Indépendant)

BD - Rani, une esclave indomptable imaginée par Van Hamme, Alcante et Vallès


Rani
, série imaginée par Van Hamme et dessinée par Vallès, a fait une pause. Le temps de diffuser à la télévision l'adaptation de ce feuilleton de cape et d'épée. Revoici donc la belle Jolanne dont les péripéties sont écrites également par Alcante. Condamnée à mort, elle parvient à se sauver en endossant l'identité de Jeanne Dubois, une prostituée condamnée à l'exil en Inde. 

L'album débute par son arrivée à Mahé. Immédiatement mise en vente, elle devient pensionnaire de la maison close de Mme Rose. Une nouvelle vie commence pour Jolanne, toujours aussi belle et sauvage et surtout éprise de liberté. Un chapitre exotique idéal pour relancer l'intérêt des lecteurs pour une série populaire par excellence.

« Rani » (tome 3), Le Lombard, 14,45 €

dimanche 20 mai 2012

BD - Huis-clos végétal pour Bois-Maury au Yucatan


« El senor » Bois-Maury n'en finit plus de saluer ses lecteurs. Cette saga historique imaginée par Hermann s'est arrêtée une première fois. Quelques années plus tard, le dessinateur belge la reprenait avec son fils, Yves H. au scénario. 

Nouveaux décors, plus de tension et de violence : ce classique de la BD moyenâgeuse a bien évolué depuis les premières planches parues dans le mensuel Vécu. Ce 15e titre voit Bois-Maury au cœur de la forêt vierge du Yucatan. Il accompagne des conquistadores poursuivis par de féroces indiens. Dans cet enfer vert, sur la durée de deux jours, les occidentaux et les « sauvages » vont s'affronter. Bois-Maury est obligé de composer avec les deux camps pour avancer dans sa quête de l'or de la cité perdue. 

Formidables couleurs, planches muettes où l'action fusent : Hermann, malgré ses « septante » ans révolus, reste un des maîtres du genre.

« Bois-Maury », (tome 15), Glénat, 11,50 € 

samedi 19 mai 2012

BD - Avec Revanche, mauvais temps pour les voyous sociaux


Vous en avez marre de la crise économique et de ses conséquences ? Vous êtes directement concerné par un plan social, un patron voyou, un petit chef adepte du harcèlement ? Vous avez peut-être envie de prendre votre revanche ? Allez donc chez ce bouquiniste, vous y rencontrerez l'homme de la situation. M. Revanche ne fait pas dans la dentelle. Il adopte la méthode dure pour faire comprendre aux exploiteurs des classes populaires que le libéralisme ne permet pas tout. Revanche n'est justicier qu'en dehors de ses heures de travail. Là, il retrouve alors le costume et l'attitude stricte d'assistant de la présidente de la plus grande organisation patronale du pays...

Sous forme d'histoires courtes, détaillant à chaque fois un cas particulier, les auteurs font plaisir à tous les opprimés de la terre. Nicolas Pothier (lui-même touché par un plan social il y a quelques années) signe des scénarios où l'humour est prépondérant. Chauzy, au dessin, donne corps à ces « méchants » d'un genre nouveau, mais de plus en plus nombreux.

« Revanche », Treize Étrange, 13,90 € 

vendredi 18 mai 2012

BD - L'élève Ducobu sur tous les fronts


Le cancre le plus sympathique de France et de Navarre (de Belgique aussi, ses auteurs Godi et Zidrou étant originaires du Plat Pays) est de retour. Pour la 18e fois retrouvez Ducobu dans un album truffé de gags et de malice. Zidrou maîtrise parfaitement ses personnages. Chaque page est une merveille d'ingéniosité pour magnifier les défauts des uns et des autres.

 Ducobu en premier, toujours aussi retors pour tricher et embrouiller l'instituteur. Le fameux Latouche, parfois dindon de la farce, mais souvent vainqueur dans l'affrontement avec son élève détesté. Latouche redeviendra un enfant timide face à sa collègue Mademoiselle Rateau. Dans cet album, Ducobu participera à des jeux olympiques des cancres. Et ce sera enfin la gloire pour le meilleur d'entre eux.

Ducobu, un succès de librairie mais également sur grand écran. Le second volet de ses aventures, « Les vacances de Ducobu » (avec Elie Semoun en vedette) est toujours à  l'affiche et a dépassé le million d'entrées au niveau national.

« L'élève Ducobu » (tome 18), Le Lombard, 10,60 €