jeudi 5 mai 2011

BD - "Pour tout l'or du monde" de Hautière et Grand : complot et empire

En 1850, à Paris, les rumeurs s'amplifient quant à un coup d'Etat de Louis Napoléon. Le président élu démocratiquement envisage de rétablir l'Empire. Dans la rue le peuple gronde, mais la police espionne et parfois frappe.

Le premier tome de cette série prévue en trois parties, plante le décor, historique et politique, et présente les héros de l'intrigue. Stanislas de Rochebourg, jeune diplômé de l'Ecole des Mines, rencontre Thibault Marsan, artiste et photographe. Ils se lient d'amitié, notamment en raison de leur concordance de vue à propos de la République. Stanislas tombe amoureux de la jeune Fanny et découvre que dans l'ombre, des comploteurs sont prêts à tout pour faire taire les démocrates.

Remarquablement dessiné par Alain Grand, au trait classique, élégant et précis, cet album écrit par Régis Hautière annonce le départ des héros vers le nouveau monde et cet or qui donne son titre à la série.

« Pour tout l'or du monde », Soleil Quadrants, 14,30 € 

mercredi 4 mai 2011

BD - Trois femmes idéales par Anne Barrois et Anne Rouquette chez Fluide Glacial


Un casting de rêve. Les trois jeunes femmes composant le générique de ces histoires courtes sont, dans trois genres totalement différents, de véritables bombes. Alors, pourquoi ne sont-elles pas heureuses en amour ? La faute à l'époque certainement. Anne Barrois au scénario et Anne Rouquette au dessin racontent avec une certaine empathie les malheurs de Martine, Marie et Muse. La première est mariée depuis sept ans, a deux enfants et s'ennuie dans son rôle de femme au foyer. La seconde, toujours vierge à 38 ans, fantasme sur tout mâle passant à moins de cinq mètres d'elle mais n'ose jamais faire le premier pas. Muse, la plus déglinguée, est persuadée d'avoir un talent immense. En ce moment elle teste le polaroïd, photographiant sans cesse ses deux enfants, au risque de la rendre aussi fous qu'elle.

Trois femmes d'aujourd'hui, pas trop caricaturales, immergées dans leur époque, avec les avantages mais aussi les inconvénients de cette dernière.

« Histoires de filles », Fluide Glacial, 10,40 € 

mardi 3 mai 2011

Romans - Nouveaux Territoires pour nouveaux lecteurs

Comment faire lire les jeunes adultes ? Les éditions Fleuve Noir tentent de trouver une réponse en lançant une collection mêlant fantastique, thriller et fantasy.

Une histoire de jeune magicien, une autre de fin du monde : « Chat blanc » et « Un blog trop mortel » sont les deux premiers titres de cette nouvelle collection lancée par Fleuve Noir et intitulée « Territoires ».


« Chat blanc » est le premier tome de la série « Les Faucheurs » issue de l'imagination de Holly Black. Une sombre histoire de jeune magicien qui devrait plus particulièrement plaire à la gente féminine. Cassel, 17 ans, a tué son amie d'enfance. Mais il ne s'en souvient pas. Après tout, si sa famille le dit ce doit être vrai. Oui, sauf que dans sa famille, tous, à part Cassel, ont des pouvoirs paranormaux très dangereux. Et aussi très pratiques. Auraient-ils pu le manipuler ? Et que lui veut ce chat blanc qui vient le visiter en rêve toutes les nuits ? Cassel ne supporte plus le mystère et le silence qui planent sur lui. Il part à la recherche de la vérité et décide d'affronter les siens pour se débarrasser une fois pour toutes de ses cauchemars et de ses doutes. Holly Black est mondialement célèbre grâce aux Chroniques de Spiderwick (Pocket jeunesse) adaptées au cinéma en 2008. Auteur d'une vingtaine de livres pour la jeunesse, elle aime les ambiances gothiques et fantastiques.


« Un blog trop mortel » est plus marqué zombies et fin du monde. Ecrit par Madeleine Roux, une Américaine vivant dans le Wisconsin, ce roman est l'émanation d'un blog ayant remporté un incroyable succès. L'auteur a publié sur la toile l'appel au secours d'une certaine Allison Hewitt. Cette jeune fille expliquait à qui pouvait encore la lire : « Ceci est mon blog et peut-être le tout dernier témoignage. Les Infectés nous ont encerclés, ils sont de plus en plus nombreux. Quelques survivants m'accompagnent. Nous voulons rejoindre Liberty Village, un havre de paix pour les derniers hommes. S'il existe vraiment. Si vous lisez ce blog, où que vous soyez, répondez... Aidez-nous ! » Allison, armée de sa hache, affronte le chaos et devient une combattante de choc, symbole d'espoir pour les derniers humains. Beaucoup de frisson dans ce texte nettement plus gore que le premier. C'est certainement le meilleur exemple pour définir cette nouvelle collection à cheval entre deux âges, deux approches de la vie et de l'imaginaire. Jeune, on redoute d'avoir peur, un peu plus âgé on aime se plonger dans ces univers angoissants.


La collection, lancée en ce début avril, annonce d'autres titres pour les prochains mois. Ainsi le 1er juin vous pourrez dévorer les exploits de 
« Moi, Jennifer Strange, dernière tueuse de dragons » de Jasper Fforde, une trilogie hilarante où magie et monde moderne font un drôle de ménage. En septembre, place au « Bar de l'enfer » de A. Lee Martinez, (roman de bit-lit, littérature mordante pour jeune fille) où un vampire et un loup-garou vont s'associer pour sauver une ville des griffes d'une sorcière en pleine crise d'adolescence...

dimanche 1 mai 2011

BD - Quand quelques poils suscitent des doutes au sein d'un couple


« L'extravagante comédie du quotidien », tel est le surtitre général de cet album signé Grégory Mardon. Un peu à la façon d'un film de Rohmer, l'auteur décortique la relation d'un couple en légère crise. Elle travaille dans un journal, lui est inspecteur de police. Gracieuse, il est massif et poilu. Sur le conseil d'un ami (mais l'était-il vraiment ?), il se rase tout le corps pour donner un peu plus de piment aux ébats sexuels de son couple. 

Un choc pour sa femme qui a l'impression de faire l'amour avec quelqu'un d'autre. Un sentiment agréable qu'elle va chercher à reproduire, en vrai...

Une histoire de corps pour mieux explorer les âmes des personnages.

« Les poils », Dupuis, 18 € 

samedi 30 avril 2011

BD - "Chambre obscure" de Cyril Bonin : course après un trésor familial

Pourquoi Alma a-t-elle dérobé un tableau de famille ? Et pourquoi a-t-elle embauché deux cambrioleurs pour faire croire à un larcin plus important ? Ces questions restaient en suspens à la fin de la première partie de « Chambre obscure », œuvre en solo de Cyril Bonin (Fog). Alma s'enfuit vers la vieille propriété vendéenne. A ses trousses la jeune Séraphine, sa nièce, flanquée de l'inspecteur Alcide Leblanc, sorte d'Hercule Poirot, le charme et la fougue en plus. Arrivés à destination, ils vont tous devoir collaborer afin de découvrir où se cache le trésor familial.

Hommage aux feuilletons du début du 20e siècle, cette BD a un petit air suranné bien sympathique.

« Chambre obscure » (tome 2), Dargaud, 13,95 € 

vendredi 29 avril 2011

BD - Israël s'envole dans Mezek, l'histoire de l'armée de l'air par Yann et Juillard


André Juillard, loin de se reposer sur ses lauriers et de se contenter de ses séries à succès (Les 7 vies de l'épervier et Blake et Mortimer), met son trait réaliste à l'élégance inégalée au service d'histoires fortes. Ce Mezek en est l'exemple parfait. Yann, scénariste souvent caustique, est cette fois très sérieux, voire dramatique, avec en toile de fond la création de l'État d'Israël et de son aviation.


Les pilotes se faisant rares, Israël paie des mercenaire pour piloter des Mezek, version tchèque des messerschmitts allemands. Björn, Suédois, vole tous les jours sur un Mezek et forme les futurs pilotes de l'armée juive. Une trame historique, une autre sentimentale, sont perturbées par les manœuvres politiques et les démons du passé.

Violent et instructif : un album qui sort du lot en ce début d'année.

« Mezek », Le Lombard, 15,95 € 

jeudi 28 avril 2011

BD - Parker et Badger de Cuadrado : pas si blaireaux


Planquez vos abattis, Parker et Badger sont de retour. Le duo de héros le plus improbable de la BD actuelle (un nigaud, chômeur professionnel, et un blaireau se faisant passer pour un chien...) sont toujours en froid avec leur concierge, le très susceptible M. Gomez chargé de récupérer l'argent du loyer.

Au début de ce 8e recueil de gags, Parker et Badger sont enfermés depuis 15 jours dans leur appartement de crainte de tomber sur Gomez. Quand un jeune scout sonne à leur porte, ils pensent enfin pouvoir sortir de cette galère. Pas de chance, Théo, sous des airs de gentil bébé joufflu, se révèle être un monstre de méchanceté et de duplicité. Un nouveau personnage imaginé par Cuadrado spécialiste des tordus. Théo aime le chantage, le poker et la dénonciation. Parker et Badger vont vite regretter d'avoir ouvert au petit monstre.

On retrouve aussi dans ces pages Nicolette, folle ramenée des USA et Bastos, le psychopathe chasseur d'animal errant. Le meilleur ami de Badger...

« Parker & Badger » de Cuadrado (tome 8), Dargaud, 10,45 € 

mercredi 27 avril 2011

BD - Le dernier tour de l'île de la Réunion


Poursuite de la découverte du côté obscur de l'île de la Réunion avec le second tome de « La Pès Rekin », écrit par Stéphane Presle et dessiné par Jérôme Jouvray. Ce département français d'outre-mer est le cadre de la rencontre entre deux écorchés de la vie. Phil, vieux, méchant et malade, survit en pêchant des requins. Pour attraper les prédateurs de la mer, il capture des chiens errants pour s'en servir d'appâts. Une nuit, il est tombé sur Nelson, adolescent en cavale.

Phil a besoin d'un associé pour maintenir son activité clandestine. Le gamin, malgré son passé fait de violence, a des difficultés. « A quoi ça sert d'être riche si c'est pour faire des cauchemars tous les soirs. Même en rêve je trucide des clébards... » confie-t-il à son nouveau mentor. Phil lui dévoile alors son dernier but dans la vie (malade il se sait condamné) : retrouver la seule femme qu'il n'a jamais aimé. Il ne sait pas où elle habite exactement. Ils prennent un annuaire et entreprennent un dernier tour de l'île.

Sans aucune sensiblerie, cette histoire présente la Réunion sous son vrai jour : violente et sans pitié, truqueuse ou assistée.

« La pès rekin » (tome 2), Futuropolis, 15 € 

mardi 26 avril 2011

BD - Une CX, des héritiers


Vu de loin cela ressemble à un très mauvais soap opéra (pléonasme ?). Quand on regarde de plus près les producteurs (Fabcaro, James et BenGrrr), on se doute que c'est de la parodie dure et sans concession. Et très rapidement on se laisse envahir par cette famille déchirée dans une succession qui tarde. A la base, il y a Harold et Cynthia, les parents. Harold est un peu gâteux et semble près de la sortie. Ses enfants, tous adultes, se déchirent ce futur héritage. Et notamment le joyau, la CX diesel...

Trois frères et une sœur, tous plus différents les uns que les autres. Avec cependant un point commun (en dehors de leur mère, pour le père c'est moins sûr), une bêtise crasse. Brandon, gérant d'une boite de nuit, semble détenir le pompon. Adepte des lettres anonymes (rédigées sur le papier à en-tête du Chunga Night), il a un mauvais goût qui force le respect. Bill, son frère, célibataire, est l'amant de Jessifer, femme de Brandon, qui a également couché avec l'autre frère, Jean-Mortens, le facteur et peut-être Harold.

Plus qu'une famille, c'est une ménagerie hilarante dont l'histoire est découpée en gags d'une demi-planche.

« Amour, passion & CX diesel », Fluide Glacial, 10,40 € 

lundi 25 avril 2011

Polar - Lennox au coeur de Glasgow la sombre

Lennox, ancien militaire canadien, est devenu détective privé en Écosse. Il collabore avec la police, mais ses clients sont souvent des malfrats.


Au début des années 50, en Écosse, la victoire sur l'Allemagne c'est presque du passé, mais les conséquences de l'effort de guerre sont toujours présentes. Par exemple Lennox, détective privé, ancien militaire canadien, a toutes les difficultés du monde pour trouver du bon café à Glasgow, la capitale économique de l'Écosse. Par contre, pour s'attirer les ennuis, il semble être un expert.

Craig Russell, l'auteur de ce roman policier aux délicieux airs rétro (l'action se déroule en 1953), prend son temps, avant de mettre en place l'intrigue, de bien dresser le portrait de ce cabossé de la vie. Célibataire, vivant dans un petit appartement, Lennox tente de faire des économies pour se payer un hypothétique billet de retour pour le Nouveau Monde. Reste à retrouver l'envie. Pas évident quand on a perdu toute estime de soi : « La mauvaise graine. La guerre n'avait fait que la nourrir. Il existait nombre d'adjectifs pour décrire l'état dans lequel les hommes revenaient de la guerre : changés, désabusés, morts. L'adjectif que j'utilisais, moi, pour me qualifier était « sale ». J'étais revenu sale de la guerre et je ne voulais pas retourner au Canada avant de me sentir de nouveau propre. Sauf que, plus le temps passait, et plus les gens que je fréquentais devenaient sales. » Parmi ces clients, un certain John Andrews. Cet industriel a demandé à Lennox de retrouver sa femme, Lillian, disparue depuis quelques jours. Lillian qui se révèlera être beaucoup plus complexe qu'une simple femme au foyer.

Lennox est également sollicité par un des jumeaux McGahern, petite frappe tentant de se faire une place dans le milieu écossais. Frankie veut savoir qui a descendu son frère Tam. Lennox décline l'offre. Et pour bien se faire comprendre, donne une trempe à Frankie. Problème, ce même Frankie McGahern est retrouvé assassiné le lendemain. La police soupçonne Lennox. Les véritables ennuis vont alors aller crescendo pour le héros. Après un tabassage en règle par des policiers pas tendres et une nuit au poste, il doit rendre des comptes aux trois « rois » de Glasgow. Ce sont les parrains de la mafia locale. Il parvient tant bien que mal a se dédouaner. En contrepartie, il doit découvrir qui a descendu les jumeaux McGahern...

« Je suis un connard cynique »

Le lecteur, en suivant Lennox dans ses recherches, visite Glasgow, ses bordels, ses bars, ses quartiers résidentiels et ses quais. Il apprend aussi à mieux connaître le personnage principal et narrateur. C'est un drôle d'oiseau. Rarement de bonne humeur, toujours sur le fil du rasoir. Avec une méchante aptitude à se fâcher avec tout le monde à force de mettre son nez où il ne faut pas et à faire du mauvais esprit. Il en a parfaitement conscience : « Je suis un connard cynique. Je l'admets. Je ce que j'ai vu, ce que j'ai fait m'a transformé en un être que je n'aime vraiment pas et ma façon de gérer tout cela consiste souvent à commencer la journée avec un air méprisant ou une blague aux dépens de quelqu'un d'autre. » Pas facile de vivre avec Lennox. Même lui a des difficultés...

Virage en épingle à cheveux et changement radical de style pour Craig Russell avec ce premier roman de la série de Lennox-Glasgow. Il laisse l’Allemagne de Hambourg et son personnage fétiche Jan Fabel pour passer à l’Écosse, et plus précisément à la Glasgow des années 50. C'est un peu l'archétype du roman noir. Pas grand monde ne sort indemne de ce polar publié dans la remarquable collection : Robert Pépin présente...

« Lennox », Craig Russell, Calmann-Lévy, 20,50 € (également disponible au Livre de Poche)