samedi 5 décembre 2009

Le destin brisé de la femme accident de Lapière et Grenson



La seconde partie de « La femme accident », un superbe portrait de femme signé Lapière et Grenson était très attendue. Le premier, scénariste de Charly ou du bar du vieux Français, offre un récit dense et social à Olivier Grenson que l'on n'attendait pas dans ce registre. Le dessinateur de Niklos Koda signe des décors industriels (terrils et usines abandonnées) criants de vérité. Mais ce diptyque doit sa réussite au personnage de Julie. Cette jeune femme a grandi dans la misère. Elle fait tout pour s'en sortir. Tout et plus. 

Aujourd'hui elle est devant les jurés, accusée du meurtre de Théo, son petit ami. En parallèle à l'audience, Julie se confie au lecteur, explique son parcours, de la crasse de Charleroi aux restaurants de luxe parisiens, maîtresse d'un riche homme d'affaires. Puis son retour au pays, son investissement dans une boutique avant le drame. 

Une histoire d'amour et de passion, simple et belle à la fois où le dessin en couleurs directes colle parfaitement à l'ambiance de l'intrique.

« La femme accident » (tome 2), Dupuis, 15,50 €

vendredi 4 décembre 2009

BD - Initiation d'un Parfait dans "Je suis Cathare"


La série « Je suis Cathare » de Makyo et Calore est avant tout une BD mystique. Une réflexion sur ces hommes et femmes qui en plein Moyen âge ont fait la démarche de devenir « Parfaits ». Une volonté de revenir aux sources du christianisme, au premier jour du Christ et de son humilité. Le lecteur, dans cette troisième partie, suit le parcours de Guilhem Roché.

 Il est en train de retrouver la mémoire. Petit à petit, lentement. Il vit de nouveau avec sa femme, a chassé son frère et est en route vers Aryens. Mais il se fait arrêter à Carcassonne. Le bûcher lui est promis. Heureusement il a un protecteur, une sorte de garde du corps, qui va réussir à le faire évader. Il est vrai que Guilhem a un don inestimable. Il peut guérir par simple imposition des mains. Dans ces 48 pages dessinées par Calore, on découvre comment le héros est devenu amnésique. 

L'occasion pour Makyo de décrire minutieusement les rites d'initiation imposés aux hommes désirant devenir des Cathares, des Parfaits...

« Je suis Cathare » (tome 3), Delcourt, 12,90 € 

jeudi 3 décembre 2009

BD - "Marie des dragons", guerrière gironde


Les auteurs de fantasy connaissent parfaitement les recettes pour appâter le lecteur. Et dans le genre, l'héroïne « jeune, rebelle et à forte poitrine » est d'une redoutable efficacité. « Marie des dragons » en est l'exemple parfait. 

Écrite par Ange et dessinée par Démarez, cette série offre son lot de filles dévêtues se battant contre de grosses brutes ou des monstres improbables. Mais si le personnage principal avance tous charmes dehors, elle a quand même une personnalité. Ayant échappée, adolescente et par miracle, au massacre de son village, elle parcours le pays pour retrouver ses frères et sœurs transformés en esclaves. Mercenaire, elle se vend au plus offrant, tuant et massacrant avec une froide indifférence. Mais sa rencontre avec un moine soldat, ayant fait vœu de chasteté, va bouleverser sa vie et lui faire prendre conscience qu'un autre monde existe. 

Un album distrayant, agréable à l'œil et plaisant.

« Marie des dragons » (tome 1), Soleil, 13,95 € 

mercredi 2 décembre 2009

BD - Les souvenirs de Sologne de Françoise Xenakis

Françoise Xenakis, dans ce recueil de nouvelles, raconte le destin étrange des veuves blanches de Sologne.

Une France qui n'existe plus, une France du passé, de la tradition, est au centre de ces nouvelles signées François Xenakis. La romancière y raconte le destin des veuves blanches. En Sologne, après la première guerre mondiale, « chaque village avait ses veuves blanches, des jeunes femmes qui avaient perdu leur fiancé ou leur bon ami officiel à la guerre 14-18. » Un phénomène qui s'est reproduit après la guerre de 39-40. Elles ont été logées par la commune durant toute leur existence. A une condition : « Elles se devaient d'être des vierges irréprochables. » Ce sont quelques unes de ces existences, imaginaires mais fort plausibles, que Françoise Xenakis raconte dans des textes entre reportage social et vagabondage nostalgique dans la mémoire de femmes qui ont, pour la plupart, « connu une vie de recluses. »

Adrienne Couvreur écrit à Bernard Pivot

Dans les premiers textes, l'auteur mêle description minutieuse du phénomène et souvenirs personnels. « Mes veuves blanches habitaient, le plus souvent, de minuscules maisons d'une seule pièce, renfermant la cheminée où elles cuisinaient et le lit », se souvient Françoise Xenakis. « J'aimais leur foyer conçu d'évidence pour une personne. Oui, j'aimais ces vieilles maisonnettes et la chèvre, souvent blanche elle aussi, attachée à un piquet qu'elles déplaçaient chaque jour. »

Le texte principal est une longue lettre d'Adrienne Couvreur, fille de l'assistance publique, à Bernard Pivot. La veuve blanche s'adresse à l'animateur de télévision (on est en 1988), car elle estime qu'il peut comprendre son parcours à sa juste valeur. Tombée amoureuse, dès l'école, de Marcel Quenot, elle s'installe et se met en ménage avec lui, contre l'avis de leurs parents. Ils sont à peine sortis de l'adolescence.

Une petite période de bonheur avant que la guerre n'éclate en 1939. Marcel est mobilisé. Monte au front. Et disparaît... « J'attends donc Marcel et j'ai soixante-cinq ans » explique Adrienne. Jamais elle n'a abandonné l'espoir de son retour. Une certitude puis une obsession, voire une folie.

Elle allait tous les soirs à l'arrêt de bus, persuadée qu'il serait là, à l'attendre, un peu perdu après toutes ces années retenu prisonnier en Allemagne ou en Russie. Des années au cours desquelles elle s'est desséchée sur place, à oublier de vivre pour soi. Une lettre parfois pathétique et touchante.

Marcel et ses deux veuves

La nouvelle « Comment Marcel Lemoine épousa une veuve blanche. L'impensable arriva et tourna mal » elle aussi devrait prendre le lecteur aux tripes. Marcel, 42 ans, vieux garçon prend un jour son courage à deux mains et se rend chez Émilie, une veuve blanche qui lui a tapé dans l'œil. Elle n'est pas là. Mais sa voisine, Bernadette, veuve blanche elle aussi, discute un peu avec Marcel. Rapidement ils seront mariés et auront une petite fille Marilyn. Marcel, Bernadette et Émilie formeront un triangle amoureux sur plusieurs dizaines d'années, cherchant ou repoussant le bonheur au gré de leurs humeurs.

Un texte d'une vingtaine de pages qui aurait sans problème pu être développé pour devenir un roman dense et passionné.

« J'aurais dû épouser Marcel », Françoise Xenakis, Éditions Anne Carrière, 17 € 

mardi 1 décembre 2009

BD - Amours coupables


Récit intimiste, histoire de femmes, révélée par petites touches, « Les petits adieux » semblent marquer un tournant dans la carrière de Magda. Dessinatrice au trait réaliste et aérien, elle a connu la consécration avec « Charly ». Cette fois c'est Marvano qui signe l'intrigue de cet album de 70 pages. 

Christine, mère célibataire élevant seule sa fille, Fran, est bénévole dans une association d'écoute de personnes en détresse. Elle reçoit régulièrement des coups de fil d'une jeune fille se plaignant de sa mère. Des confidences qui font écho à sa propre vie

. Les auteurs ont choisi d'aborder un thème difficile, la pédophilie, sans rien montrer ni dire ouvertement. Avec subtilité et délicatesse. Le message n'en est que plus fort.

« Les petits adieux », Le Lombard, 15,50 € 

lundi 30 novembre 2009

BD - Alef-Thau entre rêve et coma


Entre rêve et réalité, le monde d'Alef-Thau, imaginé par Jodorowsky, connaît une seconde naissance sous le pinceau de Nizzoli. Cette série, initialement dessinée par Arno, conte les aventures d'un enfant tronc récupérant ses membres au cours d'une longue quête semée d'embûches. 

Dans cette suite, le dessinateur de la série, au sortir d'une séance de dédicaces, est renversé par une voiture. Plongé dans le coma, il va revivre les aventures de son héros. 

La narration alterne découverte de ce monde fantastique et réalité des hôpitaux, la femme du dessinateur devant se battre pour empêcher les toubibs de « débrancher » son mari. C'est poétique, splendide au niveau graphique et toujours aussi mystique. Du pur Jodo !

« Le monde d'Alef-Thau » (tomes 1 & 2), Delcourt, 13,95 € 

dimanche 29 novembre 2009

BD - Gare aux Bobos !


Dupuy et Berberian poursuivent leur entreprise de démolition de l'entreprise Bobo. Et de ses satellites : traders, financiers, politiques et autres intellectuels politiquement corrects aux mœurs écœurantes. Après avoir brocardé le bobo de base, celui de Paris (enfin, certains quartiers de Paris...) le duo va s'intéresser à quelques spécimen qui ne voient dans cette nouvelle façon de vivre qu'une occasion de s'enrichir encore plus et encore plus vite. On suit par exemple la vie trépidante d'Alban Ninque, digne représentant de la France d'en haut. Il est conseiller. Des puissants. 

Quand une journaliste lui demande de se présenter, il déclare en toute modestie : « Je suis ce qu'on appelle un esprit. Certains disent cerveau. Je trouve que c'est indélicat. Parce qu'on oublie l'âme. Et l'esprit, ce que je suis, c'est le cerveau plus l'âme. » Dans les faits, il utilise ses relations (au gouvernement ou dans la finance) pour étouffer scandales et autres grosses dégueulasseries qui ont tendance à enflammer l'opinion publique. On pourrait penser que c'est une caricature tant il est abject. En réalité un tel monstre existe. Ils sont même plusieurs. 

On les voit régulièrement pontifier, donner leur avis d'expert, à la télévision pour faire la promotion de leur dernier ouvrage. Si les histoires courtes de ce recueil dont le personnage principal est Alban Nique sont assez dures, les autres, plus légères, font sourire. Comme ce voyage pittoresque au Chiroubistan ou cette chasse au chevreuil du Bénin.

« Global Boboland », Fluide Glacial, 11,95 € 

samedi 28 novembre 2009

BD - "La fleur que tu m'avais jetée", première partie du voyage d'Akai


Cela ressemble à une ballade rock japonaise, cela devient une histoire fantastique aux multiples tiroirs. Le premier tome du « Voyage d'Akai » est une excellente surprise due aux talents conjugués de Massimiliano de Giovanni (scénariste) et Andrea Accardi (dessinateur). 

Ce duo italien est passionné par la culture nippone et a popularisé certains mangas de l'autre côté des Alpes. Le héros c'est Akai. Jeune, beau, autoritaire. Le roi de son quartier. Mais cela ne reste qu'un petit caïd, entraînant dans son sillage quelques fidèles comme Shiroi, adolescent secrètement amoureux de son mentor. Quand un cirque a la prétention de donner quelques représentations, Akai y appose son veto. Simplement car il n'a pas été prévenu. Un face-à-face tendu qui se termine par l'intervention d'une cartomancienne qui annonce à Akai qu'il n'a pas un destin commun : « Tu vivras longtemps, dans la richesse, seulement si tu atteins une ville au Nord, la légendaire Mirai. » 

Akai se laissera convaincre et partira en voyage. C'est ce périple, plein d'imprévus et de rencontres, que les auteurs vont nous conter. Il y sera notamment question d'un mariage fastueux où le petit groupe donnera une représentation de Carmen, la musique préférée d'Akai. Il y croisera la route d'un tanuki, créature mythique qui le défiera dans un match de sumo. 

Entre modernisme et poésie, cette série a une petite musique très particulière. Ensorcelante, envoutante...

« Le voyage d'Akai » (tome 1), Dargaud, 13,50 € 

vendredi 27 novembre 2009

BD - Le retour du trio le plus anarchiste de la BD

Les Pieds Nickelés sont de retour. Dans une version encore plus politiquement incorrecte. Il est vrai que les trois arnaqueurs imaginés par Forton et longtemps animés par Pellos ont un vieux fond d'anarchistes. Trap et Oiry, les repreneurs de cette année 2009, ont décidé de creuser la fibre sociale du plus célèbre trio de la bande dessinée française. 

Premier thème abordé dans cet album intitulé « Pas si mal logés ! », les sans logis victime des marchands de sommeil. Tout débute par la sortie de prison de Croquignol. Classique. Il découvre que quelques quartiers de Paris ont changé, l'arrivée de riches Bobos ayant précipité la mort de certains petits commerce, notamment les débits de boisson. Quand il retrouve ses deux compères, Ribouldingue et Filochard, c'est pour partager un pont. Ils squattent alors le seul endroit allumé : une laverie automatique. 

Là ils ont l'idée de la transformer en « Lave Hôtel », l'occasion de rincer les clients. Parmi eux des joueurs de poker, marchands de sommeil sans états d'âme. La suite de l'aventure se déroule dans un vieil immeuble, promis à la destruction et accueillant une multitude de sans papiers payant des loyers exorbitants. Mais notre trio va intervenir et prendre l'argent où il se trouve : du côté des exploiteurs. 

On retrouve gouaille et satire de notre société. Une reprise énergique et réussie.

« La nouvelle bande des Pieds Nickelés » (tome 1), Delcourt, 9,95 €

jeudi 26 novembre 2009

BD - Evolution express face au "Nuisible" ultime


Très ambitieux le scénario de ce thriller futuriste de Mathieu Mariolle dessiné par Alfio Buscaglia. Un peu complexe aussi parfois. Mais rapidement on s'attache aux personnages et leurs mondes, différents mais qui vont se rejoindre au gré des événements tragiques frappant Paris en ces fêtes de Noël. 

Alors que des groupes pharmaceutiques testent de nouveaux médicaments, en prenant des risques à la hauteur des enjeux financiers, des défenseurs des animaux pénètrent dans un laboratoire pour rendre leur liberté à des chiens, singes et rats utilisés comme cobayes. 

Pendant ce temps, Yukiko, jeune inspectrice à la police criminelle enquête que le meurtre d'un enseignant chercheur. Égorgé par un de ses élèves en plein cours. Ces péripéties, la veille et le jour de Noël, sur fond de montée des intégrismes religieux, débouchent par une véritable révolution dans tout ce qui est vivant. Et si tout ce qui n'était pas humain s'unissait pour éradiquer ce nuisible dominant ? 

Mariolle arrive à nous passionner malgré une certaine complexité du propos. Le dessin de Buscaglia, au trait réaliste et épuré, fait parfois penser à du Paul Gillon plus appliqué.

« Nuisible » (tome 1), Glénat, 13 €