Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
lundi 7 mai 2007
BD - Une tête pas chère
Il y a à peine un peu plus d'un an, les éditions Futuropolis lançaient la collection 32. 32 pages pour moins de 5 euros. Echec commercial. Mais cela ne décourage pas les éditeurs de trouver des solutions innovantes. Paquet, maison suisse, lance donc en ce mois de mai la collection « Tekap ». Des albums de 30 pages, en couleurs et avec couverture cartonnée pour 5 euros pile poil. Parmi les trois premiers titres, une histoire de pirates par Artur Laperla, auteur du remarquable « Voleurs de chiens ». Au début du 18e siècle, le jeune botaniste Lafleur est envoyé aux Antilles pour y effectuer des recherches. Mais, arrivé sur place, il est enlevé par des pirates. Ils demandent une rançon. L'employeur de Lafleur ne voulant pas payer, il est conduit sur une petite île pour y être exécuté. C'est là que son chemin va croiser celui de Wilson l'enragé, pirate redoutable, victime d'une malédiction. Il ne reste de la terreur des Caraïbes que la tête. Une tête très persuasive qui va sauver Lafleur puis l'entraîner dans des aventures maritimes entre magie vaudou et sanglantes batailles maritimes.
("La tête de Wilson l'enragé", Paquet, 5 €)
dimanche 6 mai 2007
BD - Coma dépassé
Certaines séries ne peuvent que difficilement se lire en cours de parution. « Frontière » (scénario de Rodolphe, dessin de Marchal) en fait partie. Ce troisième tome en est l'exemple type. On voit, dans les premières pages, Yves Fréhel, le héros, raconter à un ami qu'il est sur le point de découvrir une hormone permettant le ralentissement du vieillissement. Ce jeune chercheur français se retrouve du jour au lendemain sur le devant de la scène. Sa trouvaille change sa vie. Mais il reste intègre et refuse de livrer son secret. Jusqu'au jour ou deux gros bras débarquent chez lui pour le faire parler, de force.
Fréhel parvient à s'échapper mais est grièvement blessé dans la poursuite. Tout ce qui précédait n'était qu'un flash-back. Dans la réalité, Fréhel est dans une chambre d'hôpital. Il est inconscient. Toujours détenteur de son secret. D'autres chercheurs tentent de lui extirper sa découverte en manipulant son subconscient, en trafiquant ses souvenirs, en tentant de lui faire revivre son passé.
Cela pourrait être emberlificoté et obscur, c'est finalement passionnant, à la condition d'avoir lu les deux premiers tomes. Quant au dénouement, il faudra attendre encore un peu, il n'intervient que dans le quatrième album... ("Frontière", Le Lombard, 13 €)
samedi 5 mai 2007
BD - Amour et trahison sur fond de révolte des vignerons en 1907
L'un est d'origine alsacienne, l'autre Bordelais. Claude Ecken et Benoît Lacou sont pourtant les deux auteurs de cette bande dessinée racontant la révolte de 1907. Ces 48 pages, tout en racontant la vie de Marcellin Albert, se penchent sur la rencontre de Guillaume et Justine. Le premier est fils d'ouvrier agricole, payé par un gros propriétaire pour infiltrer le mouvement de révolte. C'est là qu'il rencontre l'amour en la personne de Justine, membre d'un comité. Guillaume, touché par la révolte de ces gueux, changera de camp.
Une intrigue à la Ruy Blas, revendiquée par Claude Ecken, le scénariste, qui a découvert que Marcellin Albert a interprété cette pièce de Victor Hugo quelques années avant la révolte. Toutes en couleurs directes, ces planches sont exposées au Palais des Congrès de Gruissan ce week-end à l'occasion du festival.
"1907, la longue marche des vignerons du Midi" de Claude Ecken et Benoît Lacou. Editions Aldacom. 12 euros.
vendredi 4 mai 2007
BD - Police et infiltration
Brillante élève policier, Claire a été choisie pour un poste très risqué. Elle va infiltrer le monde de la prostitution lyonnaise. Depuis quelques années le milieu albanais terrorise les filles, n'hésitant pas à faire venir des pays de l'Est cette chair fraîche si appréciée par les clients occidentaux. Claire devient Clara et débute cette plongée dans l'horreur. Elle est toujours sur la ligne blanche. Protégée, surveillée, elle est pourtant très menacée.
Toute personnalité trop affirmée est sévèrement réprimée par les malfrats albanais.
Le premier tome de cette série de Laurent Astier, sur près de 100 pages, racontait la mise en place de la cellule Poison, de son but, de ses moyens. Le second tome accorde beaucoup plus d'importance à la psychologie des personnages. Leurs doutes, leurs peurs. En quatre chapitres très rythmés, on découvre le passé de Zoran, l'autre infiltré dans le milieu, et un voyage en Albanie, dans une sorte de supermarché du sexe tarifié, fait froid dans le dos.
Quant à Claire, elle ne sait plus qui elle est véritablement et se pose de plus en plus de questions. Une série majeure à ne pas manquer. ("Cellule Poison", Dargaud, 11 €)
jeudi 3 mai 2007
BD - La guerre des Barons
Bérard, le doyen de la caste des méta-barons entreprend, dans le premier tome de cette nouvelle série écrite par Jodorowsky, de conter l'histoire de ses ancêtres. Place donc à Dayal, dessiné par Das Pastoras, virtuose espagnol s'étant déjà illustré avec « Les Hérésiarques ». Sur Ahour-la-Naine, la plus petite planète de la galaxie, perdue aux confins de l'empire, 2 000 habitants auraient pu vivre en paix. Mais ils sont divisés en deux clans, les Amaruka aux étendards rouges et les Castaka, fiers de leur couleur blanche.
Délaissant la technologie, ils se battent au sabre, avec un code d'honneur implacable. Cet affrontement bascule avec l'enlèvement de la reine Castaka. Engrossée par le roi Amaruka, elle donne naissance à Dayal. Il pourrait devenir le maître la planète après la victoire totale des Castaka, mais c'est un bâtard. Il est maintenu en vie uniquement car il est le seul mâle en état de procréer sur la planète.
Dayal, père de centaines d'enfants, devra finalement s'enfuir, quitter Ahour-la-Naine en compagnie de sa femme et de ses filles, pour survivre. De roi, il deviendra pirate, bandit. Le côté sombre des méta-barons vient de débuter. ("Castaka", Les Humanoïdes Associés, 12,90 €)
mercredi 2 mai 2007
Roman - Les soins délirants
Dans « Hépatite C », Vincent Ravalec fait le récit des effets secondaires d'un traitement radical contre cette maladie méconnue.
Vincent Ravalec, de « Cantique de la racaille » à « Un pur moment de rock'n roll » s'est beaucoup inspiré de ses aventures (certains parleraient d'errances) de jeunesse pour bâtir des romans forts et sans concession. Il s'est assagi avec l'âge, mais a gardé un soupçon de rébellion. et une sale maladie. Il pose le problème dès les premières pages de ce « récit » : « J'étais écrivain, j'avais légèrement dépassé la quarantaine, et j'étais porteur de l'hépatite C depuis les années soixante-dix. A mon avis depuis 1976. Au moment où j'avais les cheveux plus longs qu'aujourd'hui. Quand un élan un peu fou rassemblait les gens dans des festivals de musique dissidente, avec ce truc de contre-culture, l'héro en pagaille, l'arrivée du punk. Avant la déferlante du sida et des seringues en vente libre. » Une maladie qu'il faut surveiller. Qui peut se faire oublier. Malgré les fréquents examens. « L'hépatite C n'était pas grave tant que vous étiez vert avec un peu de jaune. Quand vous étiez rouge-rouge, c'était le début de la fin ».
Légèrement hypocondriaque
Pour la première fois, les résultats sont « rouge-rouge ». « Je vais clamser, cette fois c'est certain ! » fanfaronne Vincent Ravalec en rentrant chez lui. Ayant une « certaine propension à l'hypocondrie », il n'est pas pris au sérieux par sa petite famille, une femme active et deux ados dont une fille an de David Guetta. Cela pourrait être dramatique, cela prend des airs de farce. Vincent Ravalec n'arrive pas à s'apitoyer sur son sort. Au contraire il se met en scène, tel un pantin hésitant.
Quand on est rouge-rouge, c'est surtout le signe qu'il faut tenter d'éradiquer la maladie. Il existe un traitement, lourd et cher, mais qui donne souvent de bons résultats. Une bithérapie devenue obligatoire, malgré les effets indésirables secondaires. Après avoir listé les symptômes de l'hépatite C (jaunisse, gonflement des chevilles et du ventre, vomissement de sang, infections à répétition...), il détaille avec un plaisir macabre tout ce qui l'attend : « douleurs d'estomac, sang dans les selles, toux persistante, battements cardiaques irréguliers, problèmes de vue et dépression ». Par exemple dans le volet dépression, il est marqué sur la notice livrée avec les médicaments que « certains patients sont allés jusqu'au suicide ».
Ours et nonnes lesbiennes
C'est donc la peur au ventre que l'auteur débute son traitement. Assommé les premiers jours, il va lentement mais sûrement glisser vers un état s'approchant plus en plus de la paranoïa la plus intense. Pour se protéger des murs de son salon qui se rapprochent de lui, il se confectionne un abri avec des chaises recouvertes de draps. C'est là qu'il va passer plusieurs jours, hagard, hébété, de plus en plus déconnecté de la réalité.
La suite du livre va crescendo. Ayant une révélation mystique, il quitte son appartement parisien pour rejoindre un monastère dans les Pyrénées. Il y croisera des nonnes lesbiennes toxicomanes, un ours agressif et un gourou à Lourdes. Son périple, dantesque, délirant et hilarant, s'achèvera à un péage d'autoroute, les gendarmes reconnaissant cet homme qui fait l'objet d'un « avis de recherche dans l'intérêt des familles ». Le récit de sa cavale est entrecoupé de souvenirs de jeunesse et d'affreux cauchemars. Si toute une partie du livre est sérieuse et documentée, apprenant au lecteur nombre d'informations sur l'hépatite C, une maladie qui touche 700 000 personnes en France, Vincent Ravalec n'a pas négligé dans des passages d'anthologie son côté iconoclaste trash, cher à ses lecteurs.
« Hépatite C », Vincent Ravalec, Flammarion, 16 €
mardi 1 mai 2007
BD - Le naufrage de la vieillesse
« Rides » propose au lecteur un voyage dans les affres de la mémoire défaillante. Signé Paco Roca, auteur espagnol très prometteur, cet album d'une centaine de pages offre un regard sensible, lucide et sans concession sur la maladie d'Alzheimer. Ernest, un paisible retraité, est placé par ses enfants dans une résidence du troisième âge.
Cet ancien banquier a parfois des absences. Il est dans la période critique d'Alzheimer où il en a encore conscience. Mais il n'ose pas réellement y croire. C'est en découvrant qu'il a le même traitement qu'un homme devenu un véritable légume qu'il comprend l'étendue de sa maladie. En compagnie d'Emile, son collègue de chambre, il va tenter de retarder les effets du mal en exerçant sa mémoire puis en mettant des étiquettes sur les objets de la vie courante.
Mais inexorablement le cerveau malade ne tourne plus rond et Ernest s'enferme dans un monde figé et de plus en plus incompréhensible. Emile, de vieillard cynique profitant de tout et de tous, se transforme en compagnon de galère attentif, retrouvant un sens à sa vie, elle aussi en fin de course. Préparez les mouchoirs. (Delcourt, 14,95 €)
lundi 30 avril 2007
BD - Kim, informatique du passé
Cela ressemble à une BD d'action et d'espionnage, c'est en fait un bijou de science-fiction, de voyage temporel exactement. Kim Giffers, le meilleur élément de la « Division », unité d'élite et secrète de l'armée suisse, est réquisitionnée pour une mission très risquée. La confédération helvétique est victime d'une nouvelle attaque de cyberterrotistes. Ils en ont après le secret bancaire des grands groupes.
Kim part donc à Paris neutraliser un des hackers à l'origine de l'attaque. Une fois capturé, il ne doit révéler qu'une seule et unique chose, quand et où a commencé le complot. Une fois cette information connue, la « Division » n'a plus que trois jours pour permettre à Kim de remonter dans le temps et de faire échouer cette première rencontre.
L'action, imaginée par Christophe Pernoud et dessinée par Beb Zanat, se partage entre deux lieux : dans les laboratoires de la Division, avec une Kim inconsciente bloquée sur une chaise bourrée de capteurs et à Hong Kong, dans le passé, là où Kim découvre pour la première fois qu'elle va devoir effectuer une mission... venue du futur. (Bamboo, 12,90 €)
dimanche 29 avril 2007
BD - Mary Céleste, pauvre orpheline
Mary Céleste a douze ans. Jeune orpheline, elle débarque un soir d'hiver en compagnie de sa gouvernante chez son oncle, habitant dans un château gothique. En cette fin du XIXe siècle, l'homme fait tout pour mettre la main sur l'héritage de la fillette. Mais cette dernière a un atout insoupçonné dans sa manche : elle communique avec les fantômes.
C'est ainsi qu'elle fait la connaissance de Georges, un enfant, mort enfermé il y a 150 ans dans une cave du château. Les deux enfants deviennent complices, Mary Céleste acceptant même d'enterrer le squelette de Georges. Mais un jour, l'oncle annonce à la jeune fille qu'elle partira le lendemain pour une école en ville. Georges, la nuit, réveille Mary Céleste et lui annonce qu'il a découvert les véritables desseins de l'oncle : la tuer. Mary Céleste fuira, de nuit, dans la forêt, en compagnie de Georges qui disparaîtra définitivement.
Elle ne devra son salut qu'à la découverte d'une bande de jeunes brigands vivant au fond des bois. Une nouvelle famille pour Mary Céleste ? Ce serait trop simple, Rodolphe et Marc Rénier ont prévu des péripéties beaucoup plus compliquées pour leur héroïne. (Albin Michel, 13,90 €)
samedi 28 avril 2007
BD - Les dérivantes, entre fantastique et Moyen Age
Papille, une fillette, vit dans le souvenir de son père disparu depuis un an. Elle aide sa mère dans une taverne. Le rôle du chef de famille a été récupéré par le frère du mari absent, ivrogne invétéré. Quand il se met en tête d'épouser la mère de Papille, cette dernière décide de fuir vers la grande ville pour demander la protection du seigneur.
Mais là aussi, un frère a pris la place... Première série de Laurand, « Les dérivantes » présente un univers proche du Moyen âge, avec un soupçon de fantastique. La taverne est en bord de mer. Quelques scènes racontent comment le pêcheurs récoltent l'obsinte ou rejoignent la haute mer pour traquer leur terrible gibier, le basilque cuirassé. Tout un monde imaginaire et poétique, aux couleurs chaudes, méditerranéennes.
La petite fille pourrait trouver que ce pays est un paradis. L'absence du père et la violence de l'oncle gâche tout. Il va maintenant falloir à Laurand transformer ce premier essai pour donner toute sa mesure à cet univers charmeur. (Les Humanoïdes Associés, 10,40 €)









