Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
samedi 23 septembre 2006
Roman - une baigneuse belle, mais morte
Moitié enquête policière, moitié réflexion sur l'art, ce premier roman de Philippe Authié laisse une impression bizarre d'inachevé, de mystère non résolu. Le narrateur quitte la capitale pour les montagnes ariégeoises. Il vient d'hériter d'une maison perdue dans une vallée après la disparition d'Adam, son cousin, un ancien peintre et critique d'art. Passé les premiers jours de tranquillité, le nouveau locataire découvre qu'Adam était obnibulé dans les derniers temps par un dramatique faits divers ayant secoué la région quelques mois plus tôt. Une jeune fille avait été retrouvée morte et nue au bord d'une rivière. Son père avait lui aussi été assassiné à quelques mètres. Une photo du cadavre a été pris et c'est ce cliché qui est au centre du roman. L'assassin a pris la peine de placer le corps exactement comme une peinture du XIXe siècle. La photo s'est retrouvée sur le net et un véritable culte s'est développé autour du "corps de la baigneuse". Gendarme curieux, photographe profiteur, antiquaire véreux... la galerie des personnages imaginés par Philippe Authié ne fait qu'accentuer la bizarrerie de ce roman qui fait par ailleurs la part belle à la place de l'art dans notre vie de tous les jours.
"Le corps de la baigneuse" de Philippe Authié. Editions du Seuil. 19 euros.
vendredi 22 septembre 2006
Roman historique - Alexandre et Alestria, amour historique
Alexandre le Grand a conquis la moitié de l'Europe et de l'Asie. Au prix de guerres sanglantes, romancées dans cet ouvrage épique de Shan Sa.
Alexandre le Grand fait partie de ces personnages historiques à la gloire sulfureuse auréolée de mystère. Un guerrier, un conquérant, intrépide et sans limite. Ce personnage, Shan Sa, se l'est approprié pour bâtir un roman épique et grandiose, plein de batailles, de complots, de grandes étendues sauvages... et d'amour.
Alexandre, quand il était enfant, s'habillait en fille. Le garçonnet, précieux et sensible, était à l'opposé de son père, Philippe, roi des rois, vainqueur des Grecs. Tout en recevant l'éducation d'Aristote, Alexandre doit finalement rejoindre l'école militaire sous les injonctions de son père. Un père violent, brutal, aimant faire la guerre et rudoyer son fils. Un fils qui en gagnant des amitiés dans la jeune élite de la Macédoine, va réussir là où beaucoup d'autres ont échoué : renverser Philippe. Il le fait assassiner et devient donc le maître incontesté en Macédoine et en Grèce. Mais cela ne suffit plus au guerrier fièrement monté sur son cheval Bucéphale. Il va partir à la conquête des territoires orientaux, attaquant les Perses pour étendre son empire. Partout où il passe, ses armées l'emporte. Il brûle des villes, récupère des généraux à l'adversaire, élabore des traités de paix audacieux, sait caresser dans le sens du poil avant de frapper à mort les comploteurs.
Au firmament du pouvoir
En quelques années d'une ascension continue, il règne sur un territoire immense. Tout le monde en parle comme le maître de l'univers. Alexandre en a conscience mais explique cette montée vers le firmament du pouvoir d'une façon très prosaïque : « Depuis la nuit des temps, la couronne terrestre n'attendait qu'un maître. Tous ceux qui la désiraient avaient échoué. Je l'avais saisie, non parce que j'étais plus fort, plus tactique, plus déterminé que mes rivaux. Moi, Alexandre de Macédoine, je ne craignais pas les astres de la décadence. Là où les hommes avaient reculé, j'avais avancé. Là où les hommes avaient renoncé, j'avais persévéré. »
Alexandre, très marqué par la violence de son père et la douceur de sa mère, espère toujours rencontrer la reine qui assurera sa descendance, sera une compagne pour la fin de ses jours. Mais il ne rencontre que courtisanes ou femelles obséquieuses. Il se console dans les bras de fiers guerriers comme Hephaestion ou Bagoas (il fait cependant émasculer ce dernier pour mieux le dominer).
Corps à corps avec une Amazone
Plus il avance vers l'Est, plus sa troupe s'amenuise. Il veut absolument tuer Darius, le roi des Perses, en fuite vers les steppes orientales. A la tête d'une petite troupe, il rencontre des guerriers nomades. Un combat féroce s'engage. Alexandre se lance dans un duel avec le plus fougueux d'entre eux. Durant quatre jours ils voyageront en se battant, s'isolant des autres militaires. Jusqu'à la révélation : le guerrier est une femme, une Amazone, Alestria. Alexandre est sous le charme, ils s'aiment, seuls dans les prairies immenses. Après, Alestria va se baigner, Alexandre raconte son bonheur : « Elle sortit de l'eau et vint vers moi. Son corps était celui d'une guerrière. Ses deux tresses noires scintillaient jusqu'à son nombril. Ses seins, ses hanches, ses cuisses brillaient et exhibaient de longues cicatrices et des plaies profondes comme des trophées. Son visage mouillé était celui d'une enfant aux lèvres charnues, aux joues brunies par le soleil. Elle me sauta au cou et me serra contre elle. » Début d'une belle histoire d'amour ? Ce serait sans compter avec les aléas de l'Histoire, la farouche détermination des Amazones, le sens tactique d'Alexandre. Sans oublier Shan Sa, seule maître à bord de ce roman rude, presque animal. Elle parvient à brosser les portraits de deux êtres d'exception, presque éternels. Victimes de leur amour fou.
« Alexandre et Alestria », Shan Sa, Albin Michel, 19,50 €
Alexandre le Grand fait partie de ces personnages historiques à la gloire sulfureuse auréolée de mystère. Un guerrier, un conquérant, intrépide et sans limite. Ce personnage, Shan Sa, se l'est approprié pour bâtir un roman épique et grandiose, plein de batailles, de complots, de grandes étendues sauvages... et d'amour.
Alexandre, quand il était enfant, s'habillait en fille. Le garçonnet, précieux et sensible, était à l'opposé de son père, Philippe, roi des rois, vainqueur des Grecs. Tout en recevant l'éducation d'Aristote, Alexandre doit finalement rejoindre l'école militaire sous les injonctions de son père. Un père violent, brutal, aimant faire la guerre et rudoyer son fils. Un fils qui en gagnant des amitiés dans la jeune élite de la Macédoine, va réussir là où beaucoup d'autres ont échoué : renverser Philippe. Il le fait assassiner et devient donc le maître incontesté en Macédoine et en Grèce. Mais cela ne suffit plus au guerrier fièrement monté sur son cheval Bucéphale. Il va partir à la conquête des territoires orientaux, attaquant les Perses pour étendre son empire. Partout où il passe, ses armées l'emporte. Il brûle des villes, récupère des généraux à l'adversaire, élabore des traités de paix audacieux, sait caresser dans le sens du poil avant de frapper à mort les comploteurs.
Au firmament du pouvoir
En quelques années d'une ascension continue, il règne sur un territoire immense. Tout le monde en parle comme le maître de l'univers. Alexandre en a conscience mais explique cette montée vers le firmament du pouvoir d'une façon très prosaïque : « Depuis la nuit des temps, la couronne terrestre n'attendait qu'un maître. Tous ceux qui la désiraient avaient échoué. Je l'avais saisie, non parce que j'étais plus fort, plus tactique, plus déterminé que mes rivaux. Moi, Alexandre de Macédoine, je ne craignais pas les astres de la décadence. Là où les hommes avaient reculé, j'avais avancé. Là où les hommes avaient renoncé, j'avais persévéré. »
Alexandre, très marqué par la violence de son père et la douceur de sa mère, espère toujours rencontrer la reine qui assurera sa descendance, sera une compagne pour la fin de ses jours. Mais il ne rencontre que courtisanes ou femelles obséquieuses. Il se console dans les bras de fiers guerriers comme Hephaestion ou Bagoas (il fait cependant émasculer ce dernier pour mieux le dominer).
Corps à corps avec une Amazone
Plus il avance vers l'Est, plus sa troupe s'amenuise. Il veut absolument tuer Darius, le roi des Perses, en fuite vers les steppes orientales. A la tête d'une petite troupe, il rencontre des guerriers nomades. Un combat féroce s'engage. Alexandre se lance dans un duel avec le plus fougueux d'entre eux. Durant quatre jours ils voyageront en se battant, s'isolant des autres militaires. Jusqu'à la révélation : le guerrier est une femme, une Amazone, Alestria. Alexandre est sous le charme, ils s'aiment, seuls dans les prairies immenses. Après, Alestria va se baigner, Alexandre raconte son bonheur : « Elle sortit de l'eau et vint vers moi. Son corps était celui d'une guerrière. Ses deux tresses noires scintillaient jusqu'à son nombril. Ses seins, ses hanches, ses cuisses brillaient et exhibaient de longues cicatrices et des plaies profondes comme des trophées. Son visage mouillé était celui d'une enfant aux lèvres charnues, aux joues brunies par le soleil. Elle me sauta au cou et me serra contre elle. » Début d'une belle histoire d'amour ? Ce serait sans compter avec les aléas de l'Histoire, la farouche détermination des Amazones, le sens tactique d'Alexandre. Sans oublier Shan Sa, seule maître à bord de ce roman rude, presque animal. Elle parvient à brosser les portraits de deux êtres d'exception, presque éternels. Victimes de leur amour fou.
« Alexandre et Alestria », Shan Sa, Albin Michel, 19,50 €
jeudi 21 septembre 2006
BD - Les portes magiques de Wisher
Les éditions du Lombard, pour leur 60e anniversaire, loin de se reposer sur leurs lauriers, lancent une nouvelle collection. Portail se veut une ouverture sur le monde fantastique : « Au-delà du Portail, la réalité que nous connaissons n’a plus cours », prévient l’éditeur. Wisher est donc le premier titre de cet univers nouveau mais que la vénérable maison belge connaît bien avec Thorgal ou Aria. Sébastien Latour, le scénariste, signe son premier album. Le second suit en octobre, toujours au Lombard, avec Griffo au dessin. De Vita s’est chargé de l’illustration de Wisher. Dans un Londres futuriste (mais pas trop), un jeune marchand d’art, Nigel, est sur le point de conclure une affaire importante avec un faussaire, Karfeld. Une rame de métro en décide autrement. Karfeld semble s’être suicidé. Mais tout le monde doute, Nigel le premier. Il va devenir un personnage très recherché découvrant qu’il est au centre d’une guerre millénaire entre les hommes et les créatures féeriques. L’intrigue est bien menée, certains personnages (comme les policiers du M10) très réussis. De Vita gagne en assurance et en inventivité à chaque album. Un surdoué qui ira loin. (Le Lombard, 13 €)
mardi 19 septembre 2006
BD - Fuis, petit, fuis !
1941, dans une campagne du Nord de la France. Le jeune Simon ne se doute pas du drame dans lequel est plongé le pays. Il aime, en allant à l’école, regarder les oiseaux. Il aime tant les voir voler. Simon est dans une pension chez le curé du village. Ce dernier, bon cœur, ne peut pas grand-chose contre les forces maléfiques qui s’abattent sur le région. Le Juif est devenu l’ennemi de la Nation. Simon est juif, ce n’est qu’un enfant, mais il est des « bons Français » pour le dénoncer. Et les gendarmes font leur travail. Sans trop se poser de question. Heureusement, le curé a de la ressource et envoie Simon à Paris, dans le dernier refuge qu’il connaisse : une maison de correction. Le petit Simon, l’ami des oiseaux, va se retrouver en cage avec des petits caïds qui vont eux aussi lui faire comprendre qu’il n’est pas comme les autres. Un peu dans la veine du « Sac de billes » de Joseph Joffo, cette BD de Galandon (scénario) et Monin (dessin) intitulée "L’envolée sauvage" raconte la fuite de cet innocent dans une France prête aux pires extrémités pour bien se faire voir de l’occupant. (Bamboo, Angle de vue, 12,90 €)
lundi 11 septembre 2006
BD - Amours transparentes ches les Passe-murailles
Ils sont jeunes, urbains, modernes. Ils ont l'air normaux. En couple ou célibataires, leur vie est faite de repas entre amis, de soirées, de journées de travail... Mais ils, ou plus exactement elles, ont un secret fantastique . Le pouvoir de passer à travers les murs et les êtres humains. Cette goutte d'extraordinaire dans un quotidien banal transforme ces tranches de vie en nouvelles passionnantes. Corinne, par exemple, partage sa vie entre son petit ami, Michel, son amie Brigitte et son python, Monty. Quand ce dernier avale la veste en latex de Michel, Corinne dévoile son secret et va récupérer le vêtement à l'intérieur de son serpent. Elle y trouve également un deuxième bout de tissu qui va changer sa vie. Corinne qui, quand elle était jeune, a joué avec son pouvoir, jusqu'à l'extrême. Laurence a le même don. Elle l'utilise, un soir de beuverie, pour se venger d'un voisin un peu trop dragueur. Sans en mesurer toutes les conséquences. Ecrites par Cornette, ces histoires sont dessinées par Oiry qui, sous un trait qui semble parfois hésitant, bluffe le lecteur par ses ambiances. (Les Humanoïdes associés, 10 €)
dimanche 10 septembre 2006
BD - Luka pratique un sport dangereux
Malgré toute sa bonne volonté et une cascade périlleuse, Luka n'a pas réussi à empêcher un commando d'enlever un jeune footballeur prometteur. Carlito Quaranta est d'origine cubaine. Repéré en Floride, il vient d'être « acheté » par un club de la côte d'Azur dont le président est très ambitieux. Mais le passé de Carlito semble le rattraper. Le passé de sa famille exactement car son père est un des responsables des associations anticastristes qui militent pour la chute de Fidel Castro. Luka, qui était chargé de le protéger, s'en veut énormément. Et se demande qui sont ces hommes sur armés arrivés en hélicoptère. Il aura un début de réponse quand le père de Carlito réapparaît et explique que la CIA serait derrière cette opération. Une course contre la montre est lancée. Denis Lapière, le scénariste, délaisse un peu la psychologie de ses personnages pour se concentrer sur l'action. Une aubaine pour Mezzomo, le dessinateur, qui jongle entre voitures, jets privés, blindés et autres moyens de locomotion. Et pour une fois, Luka n'utilise pas son VTT... (Dupuis, 9,80 €)
samedi 9 septembre 2006
BD - Grosses amourettes des coeurs boudinés de Krassinsky
Elles sont un peu rondes mais très appétissantes. Les trois héroïnes de ce deuxième tomes des « coeurs boudinés » de Krassinsky. Fanny, Martha et Mimi sont au centre de ces trois récits complets se déroulant dans le Sud de la France, New York et la région parisienne. Dans la première histoire, Ricky Duffaux, célèbre chanteur pour midinettes, tombe sous le charme de Fanny, jeune journaliste rondouillarde. Il devient rapidement la risée de la presse à scandale car il était plutôt abonné aux top-models. Martha est serveuse le jour, grande prêtresse d'une communauté gothique la nuit. Quand son patron lui refuse une augmentation et lui fait des remarques sur son embonpoint, elle se venge en demandant l'aide de ses amis disciples « vampires ». Enfin Mireille, récemment larguée, se lance dans des opérations de séduction tous azimuts tout en adoptant un chien. Mais à trop lancer de lignes, elles risquent de s'emmêler. Des nouvelles rafraîchissantes, parfaitement racontées et dessinées par Krassinsky. (Dargaud, 13 €)
vendredi 8 septembre 2006
BD - Le poney sauvage quitte son blog
Il y a eu Frantico, voici Lisa Mandel. Les blogs dessinés finissent parfois en album. Frantico était un imposture, Lisa Mandel elle est une véritable dessinatrice de BD. Nini Patalo chez Glénat, Eddy Milvieux chez Milan : elle s'adresse plutôt aux jeunes. Dans ce blog, commencé en août 2005 et terminé en mars 2006, elle raconte notamment son installation provisoire en Argentine. Dans un avant-propos inédit, elle explique au lecteur l'avantage du blog : « Je peux y raconter mon quotidien, tout en préservant mon intimité. C'est aussi un moyen de relativiser, de prendre de la distance avec les événements ». C'est dans ce dernier exercice qu'elle excelle le plus. Elle n'a pas son pareil pour se moquer de sa fainéantise, de sa parano, de tous ces travers qui lui pourrissent la vie. En Argentine elle tente de prendre un nouveau départ. A l'issue de ce premier séjour, elle décide de s'y installer définitivement quelques mois plus tard. (Delcourt, 12,90 €)
jeudi 7 septembre 2006
Roman - L'appel du collège
Jeanne Benameur, riche de son expérience personnelle dans l'enseignement, raconte par le menu le quotidien d'un collège dans "Présent !".
Dans un collège, la première chose que l’on fait une fois en classe, c’est l’appel. La principale, en marchant dans les couloirs vides, le constate. « Les professeurs s’assurent, nom après nom, que les élèves sont bien là. De qu’elle présence s’assure-t-on ainsi chaque matin ? On fait l’appel à l’armée, dans les prisons, à l’école. Comme si, dans les lieux clos, il fallait toujours que la présence soit établie. Il faut un registre, une feuille ; il faut noter. C’est un comble. Est-ce que la clôture crée le doute ? » Jeanne Benameur, professeur dans les établissement dits difficiles jusqu’en 2001, aborde un thème qui visiblement lui tient très à cœur. Il y a eu déjà des centaines d’essais sur l’enseignement, le blues des professeurs, la baisse de niveau des élèves et autre problème perpétuellement remis sur le tapis. Mais Jeanne Benameur, loin de l’étude théorique, s’est appuyée pour écrire ce roman sur ce qu’un collège a de plus cher : les êtres humains. Car un professeur, un élève et même la principale restent avant tout des êtres humains, avec leurs doutes et leurs passions.
Le miracle Kafka
Par petites touches, comme des scènes en couleur dans une longue journée grise, on va faire connaissance avec quelques-uns de ces habitués du collège. Il y a le prof de littérature, qui ne lit plus par plaisir, le gardien, insipide, invisible, mais qui sait tout des 30 dernières années du collège, la déléguée de classe prenant son rôle, comme la démocratie, très au sérieux, la jeune prof en pleine dépression, l’élève introvertie ou la petite brute qui pense que le respect ne s’obtient que par la force. Tout un petit monde, résumé de notre société ne fonctionnant que grâce à ses contradictions. Il y a surtout dans ce roman plusieurs moments très émouvants comme quand le prof de français décide de ne pas faire l’appel, de simplement lire un texte de Kafka à ses élèves et qu’il s’étonne de les voir captivés. Ou quand la responsable du centre de documentation justifie la réussite de ses ateliers d’écriture car « quand les élèves croient en ce qu’ils font, ils ne s’arrêtent plus. Ils travaillent. Ne rien faire n’est pas ce qu’ils recherchent. Il faut du sens à ce qu’on leur demande, c’est tout. »
Inoubliable aussi le portrait de cette professeur des Sciences de la vie et de la terre, larguée, désespérée, incapable de retourner en classe. « Elle se regarde dans le miroir de la salle de bains. Si on lui disait Demain tu ne verras plus d’élèves, tu gagneras ta vie autrement, elle se sentirait libre et joyeuse à nouveau. Jeune. Elle aurait à nouveau envie de tout ».
Une journée au collège qui s’achève par le conseil d’orientation d’une classe de troisième. Des gamins qui ne savent pas ce qu’ils vont faire de leur vie. Et qui risquent déjà de se retrouver sur une voie de garage. Loin de la caricature, Jeanne Benameur offre une galerie de portraits émouvants et justes.
« Présent ! » de Jeanne Benameur. Éditions Denoël. 16 euros.
Dans un collège, la première chose que l’on fait une fois en classe, c’est l’appel. La principale, en marchant dans les couloirs vides, le constate. « Les professeurs s’assurent, nom après nom, que les élèves sont bien là. De qu’elle présence s’assure-t-on ainsi chaque matin ? On fait l’appel à l’armée, dans les prisons, à l’école. Comme si, dans les lieux clos, il fallait toujours que la présence soit établie. Il faut un registre, une feuille ; il faut noter. C’est un comble. Est-ce que la clôture crée le doute ? » Jeanne Benameur, professeur dans les établissement dits difficiles jusqu’en 2001, aborde un thème qui visiblement lui tient très à cœur. Il y a eu déjà des centaines d’essais sur l’enseignement, le blues des professeurs, la baisse de niveau des élèves et autre problème perpétuellement remis sur le tapis. Mais Jeanne Benameur, loin de l’étude théorique, s’est appuyée pour écrire ce roman sur ce qu’un collège a de plus cher : les êtres humains. Car un professeur, un élève et même la principale restent avant tout des êtres humains, avec leurs doutes et leurs passions.
Le miracle Kafka
Par petites touches, comme des scènes en couleur dans une longue journée grise, on va faire connaissance avec quelques-uns de ces habitués du collège. Il y a le prof de littérature, qui ne lit plus par plaisir, le gardien, insipide, invisible, mais qui sait tout des 30 dernières années du collège, la déléguée de classe prenant son rôle, comme la démocratie, très au sérieux, la jeune prof en pleine dépression, l’élève introvertie ou la petite brute qui pense que le respect ne s’obtient que par la force. Tout un petit monde, résumé de notre société ne fonctionnant que grâce à ses contradictions. Il y a surtout dans ce roman plusieurs moments très émouvants comme quand le prof de français décide de ne pas faire l’appel, de simplement lire un texte de Kafka à ses élèves et qu’il s’étonne de les voir captivés. Ou quand la responsable du centre de documentation justifie la réussite de ses ateliers d’écriture car « quand les élèves croient en ce qu’ils font, ils ne s’arrêtent plus. Ils travaillent. Ne rien faire n’est pas ce qu’ils recherchent. Il faut du sens à ce qu’on leur demande, c’est tout. »
Inoubliable aussi le portrait de cette professeur des Sciences de la vie et de la terre, larguée, désespérée, incapable de retourner en classe. « Elle se regarde dans le miroir de la salle de bains. Si on lui disait Demain tu ne verras plus d’élèves, tu gagneras ta vie autrement, elle se sentirait libre et joyeuse à nouveau. Jeune. Elle aurait à nouveau envie de tout ».
Une journée au collège qui s’achève par le conseil d’orientation d’une classe de troisième. Des gamins qui ne savent pas ce qu’ils vont faire de leur vie. Et qui risquent déjà de se retrouver sur une voie de garage. Loin de la caricature, Jeanne Benameur offre une galerie de portraits émouvants et justes.
« Présent ! » de Jeanne Benameur. Éditions Denoël. 16 euros.
mercredi 6 septembre 2006
BD - Chasse à la bête dans le Marquis d'Anaon
Pas facile de se faire un nom dans les dessinateurs réalistes. Après les Giraud, Hermann et autres Blanc-Dumont on se dit que tout a déjà été fait. Que ce niveau de perfection est inégalable, qu'on ne peut pas faire mieux. Erreur. Mathieu Bonhomme avec sa série « Le Marquis d'Anaon » prouve que des jeunes, dans cet exercice de classicisme périlleux, peuvent se hisser au niveau des grands maîtres. Ce quatrième tome des aventures de ce anti-héros absolu relate la chasse, dans les Alpes, d'une bête qui décime les troupeaux. Ecrite par Fabien Vehlmann, cette BD se retrouve au coeur de l'actualité avec la mort de l'ourse Palouma. Mais ce n'est qu'une anecdote à côté des planches, véritables tableaux, se passant dans les sommets enneigés.
Dargaud, 13 €
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