Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
lundi 24 juillet 2006
BD - Dieu est un buveur de coca
Entre délire loufoque et violente critique sociale, cette série de la collection 32 sort des sentiers battus. Premier épisode des aventures de James Dieu. Enfin Dieu tout court. Il a l'apparence d'Elvis Presley (à la fin de sa vie), vit dans une canette de coca-cola et avoue que sa seule erreur, la création de notre monde, est la conséquence d'une soirée trop arrosée. L'Humanité, ce n'est que la résultante d'un vomi d'ivrogne. Un préambule déconcertant dans un contexte beaucoup plus terre à terre. Un chicano immigré à New York est au chômage depuis six mois. Depuis que l'usine de Coca qui l'employait a été délocalisée... au Mexique. C'est lui qui a découvert la canette contenant Dieu. Il est un peu chamboulé par cette révélation, tant est si bien qu'il ne voit pas que sa femme, harcelée sexuellement par son employeur est en train de craquer. Fred Pontarolo lâche les brides de son imagination. L'opposition entre le réalisme social et la folie de Dieu confère à cette BD une ambiance unique. Et comme le premier épisode s'achève sur un coup de théâtre, on attend avec impatience la suite... (Futuropolis, 4,90 €)
dimanche 23 juillet 2006
BD - Lucille, la fuite et la faim
Le livre est presque aussi lourd que son héroïne. 544 pages écrites et dessinées par Ludovic Debeurme, racontant le passage à l’âge adulte de Lucille, une adolescente anorexique. Lucille va rencontrer Arthur, autre adolescent mal dans sa peau. Au début, ces deux écorchés vifs vivent leurs malheurs chacun de leur côté. Lucille est devenue un squelette ambulant pour ressembler à sa poupée longiligne alors qu’elle était une fillette plutôt grassouillette. Arthur rejetant son père, son métier de marin et surtout son alcoolisme chronique. Ils vont se croiser une première fois à l’hôpital. Et puis ce sera le coup de foudre et l’envie de partir ensemble, le plus loin possible. Ce sera l’Italie et sa douceur de vivre. Mais ce n’est pas parce que l’on change d’horizon que l’on n’emmène pas avec soi ses problèmes. Certes ils sont maintenant deux et peuvent s’épauler, reste que les blessures sont trop profondes pour guérir en si peu de temps. Roman graphique dépouillé, Lucille permet à Ludovic Debeurme de démontrer tout son talent de montreur d’âmes. (Futuropolis, 27,90 €)
samedi 22 juillet 2006
BD - Poison Ivy, inquiétante pin-up
Une nouvelle fois, Dottie Partington, alias Poison Ivy, a changé d'aspect et d'identité. Elle chasse le serpent venimeux dans les eaux chaudes d'Hawaï. Un serpent aquatique très dangereux. Pas spécialement agressif, sauf quand il se trouve en présence de sang. Après avoir collecté le venin, elle le vend à un laboratoire qui en fait du sérum. Soleil et mer à gogo : la vie de Dottie semble idéale, mais elle sait que ce répit est de courte durée. Son ancien employeur est toujours à sa recherche. Et pas pour lui souhaiter un bon anniversaire. Il envoie une tueuse sur place pour définitivement éliminer Dottie de ce monde. La belle a cependant d'autres soucis. En priorité effacer les trois lettres tatouées sur son épaule. A la place elle fera dessiner un serpent. Un tatouage très discret à côté des multiples motifs ornant le corps du sculptural Marlon. Un Kanak, fier de ses origines, recherché par la police pour le meurtre d'une touriste australienne. Yann, au scénario, a multiplié les intrigues autour du fil rouge de la fuite de Dottie. Berthet dessine avec toujours autant de grâce et de de brio les courbes parfaites de son héroïne préférée. (Dargaud, 13 €)
vendredi 21 juillet 2006
Roman - Flèche jaune dans une Russie à l'agonie
Viktor Pelevine raconte un voyage improbable dans un train russe traversant éternellement un pays en pleine décomposition.
Considéré en Russie comme un des auteurs les plus prometteurs de sa génération, Viktor Pelevine, dans ce court roman publié initialement en 1994, décrit une société russe refermée sur elle même, avançant indéfiniment dans une direction qu'elle n'a pas choisi mais qu'elle accepte, résignée. Toute l'action se passe dans un train, la « Flèche jaune », évocation de la Flèche rouge, fleuron de la technologie ferroviaire soviétique qui relie Moscou à Saint-Pétersbourg. A son bord, Andreï, jeune Russe survivant grâce à une bonne dose de philosophie. Il a la chance de dormir dans une couchette et parvient sans trop, de problème à subvenir à ses besoins ce qui n'est pas le cas de tout le monde dans le long convoi. Il ne sait plus depuis combien de temps il est enfermé dans la Flèche jaune. Ni ce qu'il y fait exactement. Seule certitude, le train ne s'arrête jamais et donc il est totalement impossible de s'arrêter. Cela ne l'empêche pas de rêver et de s'émerveiller en voyant un coucher de soleil. Mais l'inactivité aidant, il gamberge, et ne peut s'empêcher de comparer les rayons du soleil à des existences : « Et le pire était que toutes ces flèches jaunes qui tombaient obliquement par la fenêtre pouvaient fort bien posséder une conscience, l'espoir d'une vie meilleure et le sentiment de la vanité de cet espoir. Tout comme l'homme, elles disposaient peut-être de tous les ingrédients nécessaires pour souffrir ».
Etrange faune voyageuse
Dans les couloirs des wagons, Andreï fait d'étranges rencontres comme des businessmen véreux fans de Saddam Hussein ou des farfelus n'ayant rien trouvé de mieux que d'inventer une religion sanctifiant la locomotive qui emporte tout ce petit monde vers une destination inconnue et improbable. Certains prétendent qu'un jour le chemin de fer s'arrêtera et que tous mourront dans un déraillement gigantesque. Mais sans que l'on sache pourquoi, ce jour n'est pas venu et la Flèche jaune poursuit sa route avec son lot de prisonniers. Et puis un jour, en risquant sa vie, Andreï parvient à monter sur le toit du wagon. Il y découvrira une seconde communauté, tout aussi prise au piège, mais au grand air. Il y croisera aussi Khan, celui qui va l'obliger à prendre son destin en main. Sans véritablement l'encourager : « Khan lui dit qu'il était non seulement inutile, mais même plutôt nocif de grimper sur le toit, car les possibilités de s'évader du train – pour de vrai - étaient encore moindres que de l'intérieur. Mais ils continuaient cependant à le faire, pour échapper durant quelque heures à l'espace étouffant de la vie et de la mort commue. » Entre désespoir et nostalgie, Andreï trouvera quand même la force pour regarder le monde en face. Un monde pas obligatoirement en perpétuel mouvement.
« La Flèche jaune », Viktor Pelevine, Denoël, 10 €
Considéré en Russie comme un des auteurs les plus prometteurs de sa génération, Viktor Pelevine, dans ce court roman publié initialement en 1994, décrit une société russe refermée sur elle même, avançant indéfiniment dans une direction qu'elle n'a pas choisi mais qu'elle accepte, résignée. Toute l'action se passe dans un train, la « Flèche jaune », évocation de la Flèche rouge, fleuron de la technologie ferroviaire soviétique qui relie Moscou à Saint-Pétersbourg. A son bord, Andreï, jeune Russe survivant grâce à une bonne dose de philosophie. Il a la chance de dormir dans une couchette et parvient sans trop, de problème à subvenir à ses besoins ce qui n'est pas le cas de tout le monde dans le long convoi. Il ne sait plus depuis combien de temps il est enfermé dans la Flèche jaune. Ni ce qu'il y fait exactement. Seule certitude, le train ne s'arrête jamais et donc il est totalement impossible de s'arrêter. Cela ne l'empêche pas de rêver et de s'émerveiller en voyant un coucher de soleil. Mais l'inactivité aidant, il gamberge, et ne peut s'empêcher de comparer les rayons du soleil à des existences : « Et le pire était que toutes ces flèches jaunes qui tombaient obliquement par la fenêtre pouvaient fort bien posséder une conscience, l'espoir d'une vie meilleure et le sentiment de la vanité de cet espoir. Tout comme l'homme, elles disposaient peut-être de tous les ingrédients nécessaires pour souffrir ».
Etrange faune voyageuse
Dans les couloirs des wagons, Andreï fait d'étranges rencontres comme des businessmen véreux fans de Saddam Hussein ou des farfelus n'ayant rien trouvé de mieux que d'inventer une religion sanctifiant la locomotive qui emporte tout ce petit monde vers une destination inconnue et improbable. Certains prétendent qu'un jour le chemin de fer s'arrêtera et que tous mourront dans un déraillement gigantesque. Mais sans que l'on sache pourquoi, ce jour n'est pas venu et la Flèche jaune poursuit sa route avec son lot de prisonniers. Et puis un jour, en risquant sa vie, Andreï parvient à monter sur le toit du wagon. Il y découvrira une seconde communauté, tout aussi prise au piège, mais au grand air. Il y croisera aussi Khan, celui qui va l'obliger à prendre son destin en main. Sans véritablement l'encourager : « Khan lui dit qu'il était non seulement inutile, mais même plutôt nocif de grimper sur le toit, car les possibilités de s'évader du train – pour de vrai - étaient encore moindres que de l'intérieur. Mais ils continuaient cependant à le faire, pour échapper durant quelque heures à l'espace étouffant de la vie et de la mort commue. » Entre désespoir et nostalgie, Andreï trouvera quand même la force pour regarder le monde en face. Un monde pas obligatoirement en perpétuel mouvement.
« La Flèche jaune », Viktor Pelevine, Denoël, 10 €
jeudi 20 juillet 2006
BD - Tony Corso voyage (un peu...)
Tony Corso, le privé de la jet-set, quitte pour quelques pages la côte d'Azur pour découvrir les charmes du Belize. Ce petit état d'Amérique centrale est une plaque tournante du blanchiment de l'argent sale. C'est dans ce pays corrompus que le fils de Warren Bullet a disparu. Le vieil homme, multimillionnaire, est victime d'un chantage. Mais en même temps que le kidnapping de son fils, tous ses comptes en banque ont été vidés. Pour payer la rançon il n'a plus qu'une solution : vendre sa propriété en bord de mer. Il charge quand même Tony Corso de retrouver son fils sous les tropiques. Tony va entraîner dans sa galère un copain d'enfance, Madgid, et un chauffeur de taxi d'origine antillaise. Le dénouement de l'affaire se déroulera pas loin de Saint-Tropez, sur cette riviera où les crocodiles aux dents longues et acérées grouillent à tout heure de la journée. Olivier Berlion parvient à renouveler l'entourage de son héros, lui trouvant un associé sympathique et une ennemie que l'on devine rancunière et de nouveau prête à en découdre avec Tony. (Dargaud, 9.80 €)
mercredi 19 juillet 2006
BD - Pauvre petit Pascal Brutal
Pascal Brutal, c'est le héros de l'avenir. Un futur proche, dans quelques années, quand Alain Madelin sera président de la République et que la société française sera devenue ultra-libérale. Une société qui donne sa véritable place à un homme musclé et sans tabou. Pascal Brutal règne en maître dans sa ville. Les filles sont à ses pieds, les garçons aussi. Car Pascal, monstre de virilité, ne se refuse pas parfois une petite aventure homosexuelle. C'est tellement agréable de rejeter, le lendemain, son amant d'une nuit. Les pleurs sont encore plus déchirants. Pascal Brutal sait être odieux. Imaginé par Riad Sattouf, l'homme à la gourmette en argent n'est pas très sympathique d'un premier abord. Mais toute l'astuce de Sattouf est de dévoiler, par petites touches, le côté gros bébé de Pascal. Il refoule son complexe d'oedipe, n'est pas remis de son amour caché pour une ancienne professeur et pleure en voyant des chatons. Loin de tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant dans le domaine de l'humour corrosif, Riad Sattouf a inventé la psychologie de la testostérone. (Fluide Glacial, 9,95 €)
mardi 18 juillet 2006
BD - Pétanqueurs presque trop vrais
Curd Ridel, déjà comblé avec sa série Le Gowap et Angèle et René, se lance dans une nouvelle aventure en créant « Les pétanqueurs » avec Cazenove au scénario. Installé dans le sud de la France, le dessinateur a visiblement pris beaucoup de plaisir à illustrer les mésaventures de de trio de lanceurs de boules. Pour bien jouer aux boules il faut avant tout beaucoup de bagout, une mauvaise foi à toute épreuve et une liste de jurons longue comme un jour sans pain. Jurons ou expressions typiques de la région dont le lecteur pourra découvrir la véritable signification en fin d'ouvrage dans un lexique qui explique, par exemple, que « mounine » est la partie intime des jeunes filles. Mais un couillon de la mounine, c'est un simple d'esprit. « Estoquefiche » est une insulte dérivée du stockfish (bien connu dans le Bassin) qui sert aussi à dire d'une fille qu'elle est tellement maigre qu'on lui voit plus que le profil. Ridel dessine aussi quelques pin-ups vêtues courts et bien développées du côté poitrinaire. Mais elle ne valent pas Fanny qui mérite qu'on achète cet album rien que pour découvrir à quoi elle ressemble... (Bamboo, 9,45 €)
lundi 17 juillet 2006
BD - Les Cyclistes, du gros braquet
Le Tour de France vient de prendre le relais des footballeurs à la une de l'actualité et sur le petit écran, l'occasion pour découvrir ce deuxième album de la série « Les cyclistes » de Panetier (scénario) et Ghorbani (dessin). Les cyclistes en question n'ont rien des professionnels avalant les cols comme d'autres des olives à l'apéro. Nico, Chris, Doumé et Alain sont de jeunes sportifs découvrant sous la houlette d'un vieux de la vieille, Monsieur B., les secrets de ce sport exigeant et beaucoup plus technique qu'il n'y paraît. Mais comme c'est avant tout un recueil de gags, on n'en sort pas plus savant sur la science des dérailleurs et autres boyaux, et vos zygomatiques seront certainement plus fatigués que vos mollets. De plus Candice, charmante jeune femme à la recherche de sensations fortes apporte une note de fraîcheur dans une série parfois lourde, notamment quand intervient Doumé, le petit gros vulgaire et boulimique de service. (Vents d’Ouest, 9,40 €)
dimanche 16 juillet 2006
Roman - Une traque russe racontée par Henri Troyat
Un jeune idéaliste russe décide d’assassiner le meurtrier du grand poète Pouchkine. Un roman historique de vie et de mort signé Henri Troyat.
Alexandre Rybakoff, jeune Russe de bonne famille, vient d’achever ses études dans le même lycée que le poète Pouchkine a fréquenté dans sa jeunesse. Pouchkine mort il y a 32 ans dans un duel. Le Russe avait provoqué un officier français tournant autour de sa femme. Le baron Georges de Heeckeren d'Anthès, sans coup férir, tua l’écrivain jaloux, plongeant le monde littéraire russe dans un deuil interminable. D’Anthès, après quelques remontrances de sa hiérarchie militaire, a pu retourner dans son pays. Et quand Alexandre apprend que ce dernier mène la vie brillante d’un sénateur du Second Empire, il se jure de venger Pouchkine.
Découverte de la vie
Une vengeance littéraire, telle est la trame de ce nouveau roman de Henri Troyat, académicien infatigable malgré ses 95 ans. Il est vrai qu’il aborde là un milieu qu’il connaît parfaitement, ayant signé il y a fort longtemps une biographie de Pouchkine. Mais cette fois il s’est intéressé au gagnant du duel, obscur militaire, devenu homme politique et grand serviteur de Napoléon III. Prétextant le besoin d’une cure au soleil du Midi de la France, Alexandre quitte les froidures de Saint-Pétersbourg et s’arrête à Paris. Jeune étudiant idéaliste, il va découvrir, au cours de sa quête de l’homme honni, l’exaltation des Républicains et le charme incendiaire des petites femmes de Paris.
Mais même les plaisirs de cette vie nouvelle, loin de sa mère et de ses professeurs, ne l’empêchent pas de pister sa proie. C’est pratiquement dans une enquête policière qu’il se lance, repérant grâce à beaucoup de persévérance le meurtrier de Pouchkine, l’observant discrètement, cherchant à découvrir ses habitudes pour tenter de trouver une faille. Car il veut le tuer, mais également lui expliquer les raisons de cet acte.
Entre haine et sympathie
Il trouvera finalement une ouverture grâce à un ami journaliste qui lui conseille de postuler au poste de secrétaire traducteur. Alexandre, sans trop y croire, écrit à D’Anthès et se retrouve engagé en moins d’une semaine. Cachant ses intentions, le tueur en puissance va tout faire pour devenir un familier de sa future victime. Et au fil des séances de travail, Alexandre va mieux connaître cet homme politique réactionnaire mais bon père de famille. Et petit à petit le doute va s’immiscer dans l’esprit d’Alexandre : « L’idée que le meurtrier de Pouchkine était capable de sentiments humains me dérangeait dans ma haine. J’aurais voulu qu’il fût un bloc de défauts. Seul un monstre intégral pouvait me renforcer dans ma décision. Mais les monstres n’existent que dans l’imagination des romanciers. La vie nous apprend à détester ou à aimer des gens qui ne sont ni totalement détestables, ni totalement aimables. La jeunesse méprise le juste milieu, l’âge mûr en fait son ordinaire ».
Le cas de conscience d’Alexandre est de plus en plus flagrant. Va-t-il respecter son engagement ou au contraire, la raison lui dictera d’épargner ce vieil homme ? C’est dans ce questionnement que repose toute l’intrigue du roman. Henri Troyat, en vieux routier de l’âme humaine, va décortiquer les errements, hésitations et exaltations du jeune Alexandre, avec en toile de fond historique les prémices de la guerre de 70 entre la France et la Prusse. Un roman exemplaire sur le façonnement de la personnalité d’un homme, quel qu’il soit.
« La traque », Henri Troyat, Grasset, 16,90 €
Alexandre Rybakoff, jeune Russe de bonne famille, vient d’achever ses études dans le même lycée que le poète Pouchkine a fréquenté dans sa jeunesse. Pouchkine mort il y a 32 ans dans un duel. Le Russe avait provoqué un officier français tournant autour de sa femme. Le baron Georges de Heeckeren d'Anthès, sans coup férir, tua l’écrivain jaloux, plongeant le monde littéraire russe dans un deuil interminable. D’Anthès, après quelques remontrances de sa hiérarchie militaire, a pu retourner dans son pays. Et quand Alexandre apprend que ce dernier mène la vie brillante d’un sénateur du Second Empire, il se jure de venger Pouchkine.
Découverte de la vie
Une vengeance littéraire, telle est la trame de ce nouveau roman de Henri Troyat, académicien infatigable malgré ses 95 ans. Il est vrai qu’il aborde là un milieu qu’il connaît parfaitement, ayant signé il y a fort longtemps une biographie de Pouchkine. Mais cette fois il s’est intéressé au gagnant du duel, obscur militaire, devenu homme politique et grand serviteur de Napoléon III. Prétextant le besoin d’une cure au soleil du Midi de la France, Alexandre quitte les froidures de Saint-Pétersbourg et s’arrête à Paris. Jeune étudiant idéaliste, il va découvrir, au cours de sa quête de l’homme honni, l’exaltation des Républicains et le charme incendiaire des petites femmes de Paris.
Mais même les plaisirs de cette vie nouvelle, loin de sa mère et de ses professeurs, ne l’empêchent pas de pister sa proie. C’est pratiquement dans une enquête policière qu’il se lance, repérant grâce à beaucoup de persévérance le meurtrier de Pouchkine, l’observant discrètement, cherchant à découvrir ses habitudes pour tenter de trouver une faille. Car il veut le tuer, mais également lui expliquer les raisons de cet acte.
Entre haine et sympathie
Il trouvera finalement une ouverture grâce à un ami journaliste qui lui conseille de postuler au poste de secrétaire traducteur. Alexandre, sans trop y croire, écrit à D’Anthès et se retrouve engagé en moins d’une semaine. Cachant ses intentions, le tueur en puissance va tout faire pour devenir un familier de sa future victime. Et au fil des séances de travail, Alexandre va mieux connaître cet homme politique réactionnaire mais bon père de famille. Et petit à petit le doute va s’immiscer dans l’esprit d’Alexandre : « L’idée que le meurtrier de Pouchkine était capable de sentiments humains me dérangeait dans ma haine. J’aurais voulu qu’il fût un bloc de défauts. Seul un monstre intégral pouvait me renforcer dans ma décision. Mais les monstres n’existent que dans l’imagination des romanciers. La vie nous apprend à détester ou à aimer des gens qui ne sont ni totalement détestables, ni totalement aimables. La jeunesse méprise le juste milieu, l’âge mûr en fait son ordinaire ».
Le cas de conscience d’Alexandre est de plus en plus flagrant. Va-t-il respecter son engagement ou au contraire, la raison lui dictera d’épargner ce vieil homme ? C’est dans ce questionnement que repose toute l’intrigue du roman. Henri Troyat, en vieux routier de l’âme humaine, va décortiquer les errements, hésitations et exaltations du jeune Alexandre, avec en toile de fond historique les prémices de la guerre de 70 entre la France et la Prusse. Un roman exemplaire sur le façonnement de la personnalité d’un homme, quel qu’il soit.
« La traque », Henri Troyat, Grasset, 16,90 €
samedi 15 juillet 2006
BD - Une étoile toujours aussi mystérieuse
La réédition des fac-similés des premiers albums de Tintin en couleurs permet aux jeunes lecteurs de redécouvrir les versions originales de ces bandes dessinées entrées dans la légende du neuvième art. Certaines aventures étaient très différentes. D’autres sont restées presque identiques. Les modifications sont minimes. « L’étoile mystérieuse », parue en noir et blanc sous forme de strips dans le quotidien belge le Soir, est sortie en albums en 1942. Directement en couleurs. Hergé n’y était pas très favorable. Les éditions Casterman ont réussi à le convaincre. Plus d’un demi siècle plus tard vous pouvez vous plonger dans cette aventure de Tintin comme les jeunes francophones l’ont découverte en pleine guerre. Dos toilé, papier épais, coloris aux tons chauds, la réédition est remarquable. L’histoire n’a pas changé : un morceau d’astéroïde est tombé ans le grand Nord et deux expéditions concurrentes se font la course pour s’en accaparer. La différence essentielle c’est la nationalité des concurrents peu scrupuleux de l’équipe européenne menée par Tintin et Haddock. Financée par un banquier juif américain pour le compte des USA. Après guerre, ce détail faisait tâche… (Casterman, 17,95 €)
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