
Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
dimanche 10 août 2008
SF - Arlequin protecteur

jeudi 7 août 2008
SF - Glissement dans le temps

Deux humains deviennent les acteurs involontaires d'une guerre du futur, se gagnant grâce à des bonds dans le passé.
Foisonnant, très imagé, plein de bruit et de fureur, ce roman de Neal Asher entraîne le lecteur dans une folle poursuite à travers le passé. Un glissement dans les premiers temps de la Terre, pour mieux repartir et empêcher l'avènement d'un groupe d'humains supérieurement développé mais totalement dépourvu de pitié et de compassion.
Cela débute comme un récit de SF à la Blade Runner. Dans un futur assez proche, Polly, droguée et prostituée pour se payer ses doses, rentre dans son appartement après une dure journée de labeur. Elle tombe nez-à-nez avec Nandru, un ancien militaire du gouvernement centralisé. Il lui reproche d'avoir tué sa sœur, colocataire de Polly, morte d'une overdose. Il explique que sa vengeance sera terrible. Et effectivement, la vie de Polly va basculer. Il implante dans sa nuque une puce d'intelligence artificielle qu'il a dérobé à l'armée. Il la rendra, intacte au gouvernement, si on lui verse une rançon. Mais rien ne se passe comme prévu. Le jour de l'échange, un monstre sortant de nulle part apparaît, une écaille tombe sur le bras de Polly et s'y greffe immédiatement. De plus un soldat du gouvernement, Tack, tue Nandru et prend en chasse Polly.
C'est le moment que choisit Neal Asher pour faire basculer son roman de la SF classique au paradoxe temporel. L'écaille est en fait un parasite qui n'a qu'un but, reculer dans le temps. Avec son porteur. Et tout ce qui se trouve à proximité. Ainsi, alors que Tack est sur le point de tuer Polly, la jeune femme « glisse » dans le passé, entraînant l'exécuteur. Des petits bonds de quelques dizaines d'années. Elle parvient ainsi à échapper à Tack. Mais en accélérant les bonds en arrière, elle comprend rapidement que le phénomène est inéluctable et irréversible. Les deux humains se séparent. Polly se retrouve au large de l'Angleterre en pleine seconde guerre mondiale, laissant Tack désemparé quelques années plus tard. Le soldat, humanoïde cloné, programmé pour tuer et ne pas se poser de questions, est totalement désemparé. Il décide de faire la seule chose qu'il maîtrise : tuer pour survivre.
Voyageur et sauveur
Mais au moment où il va exécuter une famille tranquille, un Voyageur apparaît : « Une silhouette grande et maigre, vêtue d'un long manteau , d'un pantalon ample et de chaussures pointues, sortit de l'ombre sur sa droite. Sa peau était blanche comme l'os, et ses cheveux pâles rassemblés en queue-de-cheval. Son visage n'exprimait que colère et mépris. » Le Voyageur, qui donne son nom au roman, entre enfin en scène. Il mène une guerre contre une congrégation d'êtres supérieurs tentant d'avilir l'humanité. Il va repartir dans le passé, avec Tack (qu'il va au passage « déprogrammer », permettant à l'humain de retrouver une conscience et un libre arbitre).
Ils vont devoir affronter dinosaures et autres grosses bêtes affamées avant de rejoindre une base permettant de remonter le temps. En parallèle, Polly tente de survivre. Accusée d'être une espionne allemande, elle parvient à sauver sa peau en glissant dans le passé. Elle se retrouve jongleuse devant le roi Henri VIII. Une expérience positive. Moins que sa rencontre avec Claudius, empereur roman en pleine conquête de l'île de la Bretagne...
Cette grande variété des scènes et des décors donne un attrait supplémentaire à ce roman qui est avant tout une réflexion sur l'éveil de la conscience d'êtres humains normaux placés dans une situation extraordinaire. Polly, perdant ses réflexes de droguée en manque, explique à Muse, son intelligence artificielle greffée : « Je ne veux pas simplement survivre. Je veux vivre. Je veux comprendre, ressentir. Je devrais considérer... ce voyage comme une chance. J'ai tant de chose à apprendre. » Même son de cloche du côté de Tack. Tueur antipathique au début, il se métamorphose en homme curieux et sensible, comme s'il rattrapait tout cet apprentissage de la vie, la vraie, dont il avait été privé. Une démarche humaine comme une immense bouffée d'espoir et d'air pur.
« Voyageurs », Neal Asher, Fleuve Noir, 22 €
BD - Musclons nos zygomatiques
Attention, jeux olympiques à l'horizon. Une veine qui devrait faire vendre quelques albums ayant judicieusement pris ce thème pour thématique centrale. "Les Zathlètes" n'est pas à proprement parlé un album olympique, mais l'athlétisme est un des sports roi des JO et la série écrite par Giga et dessinée par Bloz s'est offerte un consultant de choix en la personne de Stéphane Diagana.
Il intervient directement dans des planches didactiques sur des thèmes bien précis comme l'alimentation, l'équipement ou les starting-blocks. Un peu comme un petit prof revenu des années 80 (un personnage dessiné par Bédu dans l'hebdo Tintin), il amène des informations sérieuses contrebalancées par des images comiques. Mais les Zathlètes c'est aussi une BD classique avec ses personnages récurrents aux talents comiques prononcés comme Bi Louis, le lanceur, Jumper, le franchisseur de haies, Alex, spécialiste du sprint et de la drague, Fanny, la ravissante sauteuse en longueur et Touchatout, le polyvalent, une véritable catastrophe malgré une bonne volonté évidente.
Bref, de quoi fournir une belle quantité de gags à un Bloz (Les Fonctionnaires) de plus en plus à l'aise dans cet exercice.
"Les Zathlètes" (tome 1), Bamboo, 9,45 €
mercredi 6 août 2008
BD - Dieu aztèque
Entre histoire et fantastique, avec un soupçon de western, cette nouvelle série écrite par Moënard et dessinée par Otéro entraîne le lecteur au Mexique en 1917. Alors que la guerre fait rage dans les tranchées européennes, les Allemands tentent de propager la guerre au-delà de l'Atlantique. Ils envoient une délégation secrète à la rencontre du président mexicain afin qu'il entre en guerre contre les Etats-Unis. Un émissaire qui n'arrivera jamais à Mexico. Débarqué d'un sous-marin, il est capturé par des révolutionnaires. Ce derniers tentent de le vendre aux Américains contre des armes et des dollars. Mais intervient la prêtresse Marina. Cette fière descendante du peuple aztèque reconnaît dans Hugo, un des officiers allemands, "Quetzalcoätl, notre Dieu, le sixième soleil !".
Après une bataille rangée faisant de nombreuses victimes, le capitaine Hugo von Kreuz parvient à s'échapper et après avoir failli mourir dans le désert, est recueilli et sauvé par l'armée mexicaine.
Un album assez violent, plein de bruit et de fureur, avec des personnages féminins imposants. Le dessin d'Otéro fait parfois penser au style dépouillé du regretté René Sterne.
"Le sixième soleil" (tome 1), Glénat, 9,40 €
mardi 5 août 2008
BD - Les fantômes de l'immeuble
Will Eisner est considéré, à juste titre, comme le plus grand auteur de BD américain de tous les temps. Son Spirit a marqué des générations (le héros masqué devrait de plus être adapté au cinéma par Frank Miller en personne), mais ce sont ses histoires du réels qui restent, des décennies après leur première publication, de véritables bijoux. Les éditions Delcourt ont entrepris la réédition de ces récits complets dans une collection cohérente.
Le second tome de "New York trilogie raconte la ville, cette ville que Will Eisner connaissait si bien. "L'immeuble", la première histoire, retrace quatre existences qui à un moment de leur vie, sont passées par l'entrée de cet immeuble, le dernier à avoir cédé aux promoteurs dans ce quartier. Il y a un vieux célibataire qui va tenter de consacrer sa vie au bonheur des enfants, en vain ; une beauté qui ne saura pas choisir entre un poète et son patron, dentiste ; un violoniste amateur et un promoteur immobilier, obnubilé par cet immeuble, jusqu'à la ruine et la mort.
On trouve également dans ces 150 pages en noir et blanc des histoires courtes, joyeuses ou tristes, comme cette vie quotidienne que Will Eisner savait si bien croquer.
"New York trilogie" (tome 2), Delcourt, 14,95 €
lundi 4 août 2008
BD - Prédateurs financiers
Cette série, entre polar et analyse politique, est ancrée dans la réalité. Même si en préambule, l'auteur, Philippe Richelle, précise que "cette histoire est une oeuvre de fiction", on ne peut s'empêcher de retrouver dans ces planches des réminiscences d'une actualité récente. "Les coulisses du pouvoir" se passent en Angleterre, mais souvent la commission européenne joue un rôle important. Caine et Burkinshaw, duo d'enquêteurs, tentent de comprendre comment un administrateur de sociétés immobilières, John Atkins a pu se suicider de deux balles dans la tête.
Un de ses associés, McCaine, vient de disparaître. L'enquête progresse et les policiers anglais trouvent dans les casseroles des deux hommes une histoire d'escroquerie aux subventions européennes. Le commissaire européen de l'agriculture de l'époque semble avoir touché sa part. Un commissaire qui est aujourd'hui ministre de l'Economie... Ce sont donc les très gros bonnets qui se retrouvent impliqués dans ce meurtre maquillé en suicide. Et l'enquête progressant, d'autres crimes seront commis.
Richelle, qui a repris toute la série à son compte, décortique des rouages inéluctablement truqués du pouvoir.
"Les coulisses du pouvoir" (tome 8), Casterman, 9,80 €
dimanche 3 août 2008
BD - Un démon bleu
Cette série de Baker et Jurion est presque trop riche de personnages secondaires tous plus loufoques les uns que les autres. Baker, le scénariste, semble bouillonner d'idées. Il accumule les gags, jeux de mots, clins d’œil dans chaque case, parfois au détriment de l'intrigue, abandonnée au bord du chemin.
L'héroïne de la série, c'est Rose, une fillette qui a eu le malheur d'être habitée par une force démoniaque. Elle se transforme alors en démon aux pouvoirs dévastateurs. Seul Arno Von Malt, prêtre exorciste, parvient à la calmer. Avec son petit protégé, Woody, enfant cachant son visage derrière un masque de bois, il va tenter de ramener Rose au roi, une fois le démon la possédant mis hors de nuire. Avec pour seule arme un élixir aux effets secondaires ravageurs, il va devoir affronter un autre démon, Bleuet, et un couple de tueurs, Tristan et Yseult. Sans oublier la troupe d'un bandit de grand chemin, Romain Dix-doigts...
Une série à déguster lentement, nécessitant plusieurs lectures pour en saisir toutes les subtilités et la virtuosité du dessin, très rond et efficace, de Jurion, illustrateur d'Anachron sur un scénario de Cailleteau.
"Les démons de Dunwich" (tome 2), 9,40 €
vendredi 1 août 2008
Polar - Coup de froid pour San-Antonio
Mission au Québec pour le héros « dardien » chargé de mettre hors d'état de nuire un serial killer, le « Postier », s'attaquant aux blondes.
Le petit monde de San-Antonio, malgré la disparition en 2000 de Frédéric Dard, continue d'évoluer, le fils, Patrice, ayant repris cette petite entreprise littéraire, certainement la plus originale de la création française. Les puristes regretteront l'absence d'une certaine folie, typique de l'écrivain aux centaines de romans. Le fils, s'il a parfaitement saisi les psychologies des principaux protagonistes, ne semble pas encore oser se lancer dans des romans complètement délirants, comme seul Frédéric Dard osait, fort de son succès commercial qui ne s'est jamais démenti. Patrice fait donc encore du San-Antonio classique, presque trop. Mais cela reste quand même une bouffée d'air pur dans une production livresque française parfois triste pour ne pas dire sinistre.
Postier killer
De l'air pur et en l'occurrence très frais puisque cette nouvelle aventure du commissaire, chéri de ses dames, se passe en grande partie au Québec. Les premières pages montrent une équipe en pleine déroute. Pinaud envisage de prendre sa retraite, Jérémie Blanc est retourné en Afrique, de même que Mathias, Toinet, le fils de San-Antonio, s'est mis aux abonnés absents, trop occupé à suivre la grossesse de sa compagne, Amélie. Ne reste que Bérurier, complètement déprimé puisque sa Berthe a décidé de le quitter pour un jeune et vigoureux gigolo. Bref, rien ne va plus dans la maison poulaga.
C'est le moment qu'a choisi le président de la République en personne pour confier à San-Antonio une mission très spéciale. Dans un dialogue d'anthologie où le premier personnage de l'Etat fait les questions et les réponses, il demande à notre valeureux héros, de démasquer et de mettre hors d'état de nuire, le « Postier », serial killer s'attaquant aux jeunes et jolies blondes québécoises. Après leur avoir rasé le pubis et envoyé, par courrier, cette fine toison à des anonymes, il continue son découpage avec d'autres parties du corps qui elles, malheureusement, ne repoussent pas...
Piégés par Matignon
Antoine, avec pour seul renfort Béru, le dernier de la bande, se rend au Québec. Mais rapidement la mission part en eau de boudin. Papiers et bagages volés, ils tombent dans un guet-apens à leur hôtel : accusés de meurtre ils sont obligés de prendre la fuite et d'entrer en clandestinité. Mais ce ne sont pas ces quelques contrariétés qui vont décourager notre duo de choc.
Ils vont se lancer sur les pistes enneigées de la Belle Province, pistant le Postier et tentant de déjouer les pièges d'un service qui serait téléguidé, depuis Paris, par le Premier ministre en personne qui n'aurait trouvé que ce moyen pour tenter de se démarquer de son patron. Quelques scène osées et autres trouvailles du langage fleuri d'Alexandre-Benoît Bérurier donnent au lecteur son minimum syndical de rire. Avec parfois quelques perles de Béru comme cet abyssal « Si j'me sens m'nacé par la mort, j'mettrai fin à mes jours pour me simplifier la vie ! »
« Arrête ton char, Béru ! », Patrice Dard, Fayard, 15 €