mercredi 31 janvier 2024

BD - Quand les enfants esclaves deviennent presque des Dieux


Bénédiction ou malédiction ? Ils sont certains à se poser la question après être devenus des Semi-Déus, des presque dieux aux pouvoirs  magiques dans ce monde imaginé et dessiné par Juliette Fournier et Jean-Gaël Deschard. Dans ce royaume de Sayran, le pouvoir de la reine s'appuie sur les pouvoirs des Semi-Déus, des enfants aux dons extraordinaires. Asmodée en fait partie. 

Pourtant l'histoire de cette fillette n'est pas si heureuse que cela. Sa famille, de simples paysans, affamée après une mauvaise récolte, décide de la vendre contre de la nourriture. Asmodée sera transformée en petit monstre avec d'autres filles et garçons recueillis par le clergé. Elle a la possibilité de prendre l'apparence de qui elle veut. 

Pour l'instant son pouvoir ne sert qu'à réaliser des petits larcins avec une camarade qui a le don de dupliquer, temporairement, des objets. La fillette, pour s'acheter de belles tenues,change d'apparence et revend des objets d'art rares à des marchands cupides. 

Son destin va changer quand elle sera chargée de remplacer une importante personnalité du royaume. 

On apprécie dans cette BD de fantasy l'histoire simple et inventive, sans trop de magie mais toujours merveilleuse malgré tout. Les dessins, doux, finement colorés et très expressifs, apportent un plus dans le côté monde fantastique et onirique de la série. Sans oublier le message politique : les pouvoirs ne sont pas sans conséquence et impliquent une grande responsabilité des bénéficiaires. Un apprentissage qui pour l'instant n'est pas essentiel à Asmodée. 

"Les Semi-Déus" (tome 1), Vents d'Ouest, 56 pages, 11,95 €

Cinéma - « La zone d’intérêt » montre l’horreur bucolique

 A quelques mètres des fours d’Auschwitz, sollicités à outrance, une famille profite d’une existence bucolique. Jonathan Glazer filme un certain paradis aux portes de l’enfer. 



Au lendemain de la diffusion sur France 2 de Shoah (disponible en replay), film documentaire aux images édifiantes de Claude Lanzmann, la sortie en salles de La zone d’intérêt de Jonathan Glazer prouve qu’il existe plusieurs façons pour dénoncer l’abomination des crimes nazis. Présenté à Cannes en compétition officielle (récompensé du Grand Prix), ce film prend le parti de raconter le quotidien du camp d’extermination d’Auschwitz du point de vue des tortionnaires.

C’est l’été. Une famille bronze et se baigne dans un lac en Pologne. Petites filles blondes qui ramassent des mures, jeunes hommes musclés, épanouis. Quand ils rentrent chez eux, on devine au loin des miradors, des barbelés au sommet des murs et de grosses cheminées qui crachent de la fumée noire. La petite famille exemplaire est celle de Rudolf Höss (Christian Friedel), le commandant du camp d’Auschwitz.

Petit paradis aux portes de l’enfer

Avec sa femme Hedwig (Sandra Hüller), ils ont transformé leur maison en petit paradis. Chambres spacieuses, chauffage central, grand jardin avec piscine, potager et quantité de fleurs. Même de la vigne au fond du terrain. Mais surtout, pour cacher les premiers baraquements du camp. Un camp qu’on ne voit jamais à l’écran. Par contre, on entend tout ce qu’il s’y passe.

Comme l’a expliqué le réalisateur, la bande-son, sorte de parasite auditif à la limite du soutenable, est un film dans le film. Pendant que Hedwig se prélasse au soleil dans son jardin, des rafales d’armes automatiques font régner l’ordre de l’autre côté. Elle essaie un manteau de fourrure volé à une déportée qui, si ça se trouve, est cette femme qui hurle sous la torture. Certes la mère et ses enfants ne voient pas les horreurs à l’intérieur du camp, mais ils ne peuvent ignorer ce qui s’y trame. Comment dès lors arriver à vivre dans ces conditions ? Pourtant, jamais ils ne se rebelleront, ne feront le moindre geste vers les condamnés. Ils profitent du système, de la mort planifiée. A ces images ensoleillées, presque jolies et bucoliques, s’opposent les sons mais aussi la musique, omniprésente. Elle donne parfois l’impression que ce ne sont pas des instruments qui jouent mais que le compositeur, Mica Levi, a mixé les millions de hurlements des Juifs assassinés à Auschwitz.

On ne sort pas indemne de La zone d’intérêt. Mais c’est toujours le cas quand le cinéma raconte, montre ou dénonce, cette solution finale pourtant toujours remise en cause au XXIe siècle par des négationnistes.

Film de Jonathan Glazer avec Christian Friedel, Sandra Hüller, Johann Karthaus
 

Bande dessinée - Lewis Trondheim ou Didier Tronchet : ils racontent leur vie sur du papier

L’autofiction peut aussi se décliner en BD. C’est plus rare et beaucoup plus marrant que du Christine Angot quand c’est Lewis Trondheim ou Didier Tronchet qui se racontent. 

Les chemins de traverse de Trondheim


Cela faisait quelques années que Lewis Trondheim n’avait pas publié de recueil de ses « Petits riens ». Des planches, souvent faites sur le vif, où il raconte des anecdotes tirées de sa vie, de ses voyages, de la Corse à la Californie en passant par le Japon ou le Golfe persique.

Dans cette 9e livraison, il explique ce que sont les chemins de désir, ces traces faites par les piétons qui prennent des raccourcis. Il en fait même le titre, comme pour nous persuader de faire attention à ces traces du quotidien que l’on a tendance à ignorer, trop occupés par d’autres futilités ou pire le nez collé à notre smartphone.

Le créateur de Lapinot, dans un salutaire exercice d’autodérision, ne cache rien de ses manies. Ses angoisses existentielles qui lui pourrissent la vie, partout et sans raison. On notera toute une série de gags autour des toilettes. Comme ce grand ratage, à la fin d’un vol long-courrier. Il laisse sa femme, Brigitte, attendre les valises alors qu’il va soulager sa vessie.

A son retour, persuadé qu’il va falloir encore attendre de longues minutes l’apparition des valises, il constate avec étonnement qu’elles sont déjà là. Sa femme explique : « C’était les deux premières à sortir. C’est la première fois que ça arrive. » Réaction de Lewis : « Rhâââââ… J’ai raté l’événement le plus fou du voyage… »

Autre exemple, il campe dans le désert en Arabie. Au petit matin, il se lève, s’éloigne un peu et urine sur une dune. Puis va se recoucher au lieu d’attendre une petite heure pour contempler le lever du soleil. Moralité par ce penseur souvent très clairvoyant : « Mince, j’ai résumé l’Humanité actuelle. Je pisse sur la planète et je n’apprécie pas la beauté du monde… »

Une BD à déguster lentement, pour ne pas rater ces petits riens qui forcément embellissent notre vie.

Dans le faux potager de Tronchet


Notre planète va mal. Pas la peine d’être un grand devin pour en avoir la certitude. De quoi se faire du mouron. Ou plonger dans l’éco-anxiété comme Didier Tronchet et sa femme. Un état d’esprit qu’il raconte, en s’en amusant, dans l’album Les Catastrophobes.

Suite logique, ils décident de quitter la ville pour se réfugier à la campagne. Avec la volonté, surtout chez madame, de « réinventer notre vie, être autosuffisant, en harmonie avec la nature… » Un beau programme qui fait pourtant encore plus flipper Tronchet qui se voit mal vivre sans pizza surgelée, WC modernes et encore moins de se priver de wifi et de réseaux sociaux. Cette succession de gags, qui racontent une année loin du bruit de la ville, fera rire les sceptiques, ceux qui sont persuadés que ce n’est qu’une lubie de privilégié, de bobo en manque de boue.

Les autres, ceux qui effectivement sont persuadés que le lombric est le meilleur protecteur de la vie et que les toilettes sèches sont un progrès pour l’Humanité, riront jaune. Voire pas du tout… Pas toujours facile de se moquer en conscience de ses propres dérives.

« Les petits riens de Lewis Trondheim » (tome 9), Delcourt, 128 pages, 13,50 €

« Tous à la campagne ! », Fluide Glacial, 56 pages, 13,90 €

Cinéma - « Argylle », parodie futée d’un film d’espionnage

 

On retrouve dans Argylle, nouveau film de Matthew Vauhn (Kick-Ass, la série des Kingsman), toute son originalité doublée d’une saine autodérision sur les poncifs du genre. Il s’attaque cette fois au film d’espionnage pur et dur. James Bond devrait trembler. S’il ne craint pas les méchants, il ferait mieux de se méfier des persifleurs. L’agent secret, l’espion en chef, se nomme Argylle.

Grand, baraqué, toujours avec un coup d’avance, il est interprété par un Henry Cavill décidément meilleur comédien que ne le laissent entrevoir Superman ou The Witcher. Un espion trop beau pour être vrai. Après une scène d’ouverture qui relègue Tom Cruise et ses Mission Impossible au rang de film français barbant, on découvre qu’Argylle est l’invention d’Ely Conway (Bryce Dallas Howard), romancière célibataire qui partage sa vie de perpétuelle stressée avec Artie, un chat « tromignon ».

Tout se complique quand elle est abordée dans un train par un véritable espion, Wilde (Sam Rockwell), qui lui révèle que les intrigues de ses romans improbables sont en réalité tout à fait vraies. Ely va alors mélanger dans des scènes d’action au fort potentiel comique Argylle et Wilde. La suite est rythmée par une dizaine de coups de théâtre, rebattant sans cesse les cartes sur les identités de tous les protagonistes de ce film d’espionnage qui dynamite joyeusement un genre se prenant trop souvent au sérieux.

Le duo Conway-Wilde fonctionne à merveille, les comédiens en font des tonnes mais à bon escient et au final, même si les ultimes péripéties sont un peu sirupeuses, Argylle permet enfin aux spectateurs critiques de rire aux déboires des gentils comme des méchants.

Film de Matthew Vaughn avec Henry Cavill, Bryce Dallas Howard, Sam Rockwell, John Cena, Bryan Cranston

 

mardi 30 janvier 2024

Roman - Le roman des ours pyrénéens

Sur plusieurs époques et avec différents points de vue, Clara Arnaud nous plonge au cœur du territoire des ours pyrénéens dans ce roman au titre énigmatique, « Et vous passerez comme des vents fous ». 


 


La montagne en général, les Pyrénées en particulier, restent des lieux uniques où la difficulté reste la règle principale. Vallée, forêt, prairies d’estive, éboulis, pic rocheux : les paysages sont multiples, entre ambiance bucolique et pure sauvagerie. Un décor de rêve pour le roman de Clara Arnaud, Et vous passerez comme des vents fous. Un livre sur les ours pyrénéens, du présent et du passé.

Pour parler de l’animal, l’autrice utilise plusieurs voix, plusieurs sensibilités, points de vue. Il y a Gaspard, le berger. Un homme originaire de la vallée, mais qui a décidé de la quitter, d’aller vivre en ville. Il s’est marié, a eu des enfants. Et a regretté son ancienne liberté. Avec l’accord de sa femme, il a tout plaqué, racheté une vieille ferme accrochée aux coteaux et a appris ce métier si particulier de berger pyrénéen, celui qui passe trois mois loin de la civilisation, en estive, à surveiller ses centaines de brebis ivres de liberté et d’herbe grasse. Dans la forêt, il croisera Alma, la scientifique.

Éthologue, chercheuse pour le centre national de la diversité, elle étudie les mœurs des ours réintroduits dans ce massif. Des ours qui ont longtemps cohabité avec les habitants de la région. Pour s’en persuader, il suffit de découvrir, un peu émerveillé, l’histoire de Jules, un gamin qui à la fin du XIXe siècle, a osé pénétrer dans la tanière d’une ourse pour lui dérober un bébé. Son ourse, son animal qu’il a domestiqué, dressé et qui lui permettra de changer de vie, allant jusqu’en Amérique pour devenir riche et montrer les prouesses de celle qu’il considère de plus en plus comme sa compagne.

La vie des sommets

Et puis il y a aussi les autres éleveurs, ceux qui sont contre la réintroduction, qui redoutent les attaques et n’ont qu’une obsession : tuer la bête sauvage. Notamment cette femelle solitaire, la Negra, qui semble de moins en moins effrayée par les patous protecteurs.

Une grande partie du roman se déroule l’été, quand les bergers sont à l’estive. Gaspard profite pleinement de cette parenthèse enchantée gorgée de nature. Une vie simple, rustique, authentique. « On ne s’embarrassait de rien, là-haut : de quoi manger, dormir au chaud, du sel pour les brebis, des croquettes pour les chiens et quelques produits vétérinaires. On y était vite ramené à sa place, un corps parmi les roches, les bêtes, les cieux, les champignons, les bactéries. La vie de cabane relevait presque d’un manifeste politique. […] La vie de berger était âpre, elle surmenait le corps. Mais elle réservait des moments de grâce qui justifiaient les angoisses et les doutes lorsque, embrassant l’horizon du regard, il ne faisait plus qu’un avec la montagne, les brebis. » Une plénitude que la présence de l’ours semble rendre très fragile.

Face à ce prédateur, Gaspard et Alma vont avoir des réactions différentes. Même si ces deux amoureux de la nature sauvage s’accordent pour admettre qu’il a toujours été à sa place sur ces parois abruptes, bois sombres et couloirs d’avalanche couverts de rocailles instables. L’ours est chez lui dans ces Pyrénées encore sauvages. Nous ne serons à jamais que des locataires temporaires. À moins que ces locataires n’arrivent, une seconde fois, à tous les exterminer.

« Et vous passerez comme des vents fous » de Clara Arnaud, Actes Sud, 384 pages, 22,50 €

lundi 29 janvier 2024

Roman - François Garde sur les traces de son vieil oncle d’Australie

À la mort de son père, François Garde décide d’élucider le mystère de l’oncle d’Australie. Marcel Garde, exilé en 1900 à l’autre bout du monde par sa famille. 



Dans toutes les familles, il existe des secrets plus honteux que d’autres. François Garde découvre tout à fait par hasard l’existence d’un oncle installé en 1900 en Australie. Exactement l’oncle de son père. C’est par son intermédiaire qu’il découvre Marcel Garde. Il a 20 ans quand il part pour l’Australie depuis Marseille. Depuis, plus aucunes nouvelles.

Quand François interroge son père sur cet aventurier, le seul de la lignée qui a osé quitter la France, il avoue ne rien savoir. Pour une bonne et simple raison : si Marcel est parti, c’est pour éviter un scandale qui aurait nui à la réputation des Garde, famille d’industriels de Provence. Voilà pourquoi François Garde a entamé, il y a près de dix ans, ce roman-récit-enquête. Sans témoignages directs, il va tenter d’imaginer les circonstances de ce départ et les premiers mois de la vie aux antipodes.

La fiction vient alors au secours de l’histoire familiale. Même si le résultat ne satisfait pas l’écrivain. « De ces vies préexistantes, écrit-il à propos de quelques-uns de ses parents, je ne suis que le scribe, et non le grand ordonnateur. […] Hélas, je ne peux écrire que sur des fragments. Des ruines de cette vie, extraire les morceaux épars d’un récit. Je suis un faussaire faisant négoce de vestiges qui ne lui appartiennent pas. » Cela donne pourtant des pages sublimes sur l’exil, la perte de la famille, la volonté de s’en sortir, malgré la difficulté de la langue et face à l’injustice. Marcel, n’est « plus le fils de son père, mais le fils de lui-même, créateur et créature à la fois. Non pas orphelin ou exilé, mais né à vingt ans à la descente du bateau. » Une histoire familiale doublée d’un récit à rebondissements.

Certaines archives permettent à François Garde de retrouver la trace de Marcel. Mais pas du tout en Australie. Son aller simple l’a bien conduit loin de la France et de sa famille, mais pour de tout autres raisons et une destination encore plus redoutable. Un roman aussi passionnant qu’un polar rondement mené.

« Mon oncle d’Australie » de François Garde, Grasset, 240 pages, 20 €
 

Cinéma - Toute la carrière de Bourvil en un livre

 




Un peu oublié, voire complètement ignoré des nouvelles générations, Bourvil a pourtant été durant de longues décennies,, un des comiques les plus apprécié des Français. Ce joli bouquin, richement illustré, retrace toute sa carrière. Car Bourvil, avant de remplir les salles de cinéma avec des films devenus culte comme La grande Vadrouille ou Le corniaud, a débuté à la radio, sur les planches des music-halls. Il a aussi été un chanteur renommé qui vendait des millions de disques. Pour ce qui est du cinéma, cette biographie par thème permet de découvrir de nombreuses anecdotes sur les tournages.

On découvre ainsi qu’il a tourné un western. Sérénade au Texas, avec Luis Mariano a en réalité été tourné en Provence et est en réalité une des dernières opérettes ou les airs romantiques sont plus nombreux que les coups de feu.

On retrouve aussi le comédien, en 1970, à Cerbère et sur la côte Vermeille, pour son dernier film sous la direction de Jean-Pierre Mocky. L’étalon a aussi pour vedette Francis Blanche et fait la part belle à la libération sexuelle des femmes. Les images ne sont pas choquantes (à part un Bourvil, déjà malade et le crâne rasé), mais le film, par son propos et ses idées, écope d’une interdiction aux moins de 18 ans pour… pornographie.

Enfin, petit clin d’œil, son dernier film, où il,ne fait qu’une petite apparition, n’est jamais sorti en salles. Clodo de Georges Clair a finalement été remonté, rallongé de quelques scènes pornographiques et est sorti en 1975 dans les salles spécialisées.

« Bourvil » par Luc Larriba, Hugo Images, 19,95 €

Une BD hommage : Thorgal Saga, 2e tome

 


Ils ont sauté sur la proposition. Corentin Rouge et Fred Duval ne se sont pas fait prier quand les éditions du Lombard leur ont proposé de signer un album hommage à Thorgal. Wendigo se déroule après le cycle du Pays Qâ. Le héros et sa famille échouent en Amérique.

Aaricia, blessée, ne pourra être soignée que si Thorgal tue avec une flèche magique le Wendigo qui terrorise la tribu d’Indiens qui l’accueille. Nouvelles légendes, nouveaux ennemis pour ce gros album qui explore la forêt sauvage de l’Amérique du Nord, ses peuplades et ses mythes. Une réussite qui plaira aux anciens comme aux nouveaux lecteurs de Thorgal.

« Thorgal Saga, Wendigo », Le Lombard, 128 pages, 24,50 €

Un album jeunesse : La coccinelle sans ses points

 


Catastrophe. La petite coccinelle Vibidia vient de perdre deux points sur son permis de voler. Des points, elle n’en a que 12. Pourtant, le petit insecte, tout occupé à aller manger sa gourmandise préférée, de « l’oïdium, une moisissure blanche » qui colonise les feuilles des arbres, ne marque pas un stop et vole à contresens.

Résultat, les 12 points blancs qui ornent ses petites ailes rouges sont effacés par la « Coccinelledarmerie nationale ». Mais comment se nourrir quand on ne peut plus voler ? Ce petit conte écrit par Pascal Parisot est illustré par Marc Boutavant, plus connu pour avoir imaginé le célèbre Chien Pourri.

« Vibidia, la coccinelle super inquiète », L’École des Loisirs, 64 pages, 7,50 €

dimanche 28 janvier 2024

BD – Dinosaures, animaux et douleur : vous avez dit pédagogie ?

 Longtemps honnie par le corps enseignant, la BD permet désormais d’apprendre facilement. Une pédagogie par l’image parfois très sérieuse, d’autres beaucoup moins…  


Fascinants dinosaures

Rares sont les dessinateurs de BD qui osent s’aventurer en dehors du cocon douillet de leur studio de création. Sédentaires, ils aiment s’évader par la pensée. Aussi quand un artiste décide de s’enfoncer dans la jungle hostile du Laos à la chasse aux restes de dinosaures, on se doute que l’aventure sera belle et palpitante. Ce parcours, c’est Mazan qui l’offre à ses lecteurs dans cette BD entre récit de voyage, séquence pédagogique et reportage dessiné.

Passionné par les dinosaures dès son plus jeune âge, Mazan, installé près d’Angoulême, a longtemps dessiné des récits historiques avec sa compagne Isabelle Dethan. La passion des dinos est revenue quand il découvre un chantier de fouilles près de chez lui. Il copine avec les paléontologues, devient bénévole, dessine leurs fouilles et finalement s’intègre à l’équipe de Ronan Allain qui s’envole pour le Laos en 2012.

Durant un mois et demi, Mazan va participer à l’expédition, manier la pioche et le pinceau. De toute beauté, ce roman graphique retrace la démarche du dessinateur, des chercheurs, raconte dans le détail le voyage en Asie, les déceptions et découvertes enthousiastes.

On apprend beaucoup sur les dinosaures (attention, c’est la partie la plus pédagogique mais aussi la plus complexe), mais surtout on rêve dans les pas de ces aventuriers du XXIe siècle et face à ces aquarelles parfois réalisées dans le feu de l’action, entre boue, attaques de moustiques et crainte de croiser un scorpion.

Kipling insolite

Grand écrivain britannique, Rudyard Kipling prix Nobel de littérature en 1907, a régulièrement séjourné à Vernet-les-Bains dans les Pyrénées-Orientales. C’est peut-être là, au calme d’un hôtel et d’une station thermale, qu’il a imaginé ces petits contes animaliers adaptés par le dessinateur espagnol vivant à Barcelone, Pedro Rodriguez.

Kipling, avec une malice redoutable, explique comment la peau du rhinocéros est devenue épaisse et fripée, pourquoi le léopard a un pelage tacheté, d’où vient la trompe de l’éléphant ou la bosse du chameau. On pourrait penser à première vue que c’est un album on ne peut plus sérieux traitant de l’évolution des espèces. C’est mal connaître ce conteur savant mais surtout très imaginatif.

Dans le premier conte, le rhinocéros, qui au début avait une peau douce et lisse, doit sa transformation à son comportement social « rustre et égoïste », à son amour des gâteaux et à la vengeance d’un Parsi, habitant de cette petite île de la Mer Rouge. On rit beaucoup de ces aventures loufoques, qui s’achèvent à chaque fois par un poème de Kipling.

Le dessin de Rodriguez, simple et expressif, renforce le côté ludique et comique de l’ensemble, très éloigné d’une simple BD pédagogique, mais le lecteur ne s’en plaindra pas.

Santé et douleur par l’humour

Quand un médecin rhumatologue, spécialiste de la douleur, s’associe à un dessinateur humoristique, cela donne cet album simplement intitulé « Aïe ! ». Patrick Sichère a écrit les scénarios de ces huit histoires complètes et les a confiés à Achdé, dessinateur repreneur de Lucky Luke.

Prépubliés dans Fluide Glacial, ces récits abordent entrer autres les problématiques des dents, du dos ou des pieds. L’occasion de revenir sur les débuts de la médecine, quand souffrir était un gage important pour se persuader qu’on était bien soigné. Et parfois cela marchait. L’arracheur de dent, ancêtre du dentiste, avait un truc infaillible pour faire oublier la douleur lancinante de l’abcès mal placé.

Avec presque un gag par dessin, cet album a le double avantage de faire sourire et de nous faire oublier que l’on est malade. Par contre, c’est une lecture à déconseiller aux hypocondriaques car ils pourraient découvrir de nouvelles maladies encore non envisagées.

« Les dinosaures du Paradis », Futuropolis, 224 pages, 26 €

« Les observations animalières de Rudyard Kipling », Aventuriers d’Ailleurs, 146 pages, 18,90 €

« Aïe ! La douleur se traite aussi avec humour », Fluide Glacial, 58 pages, 13,90 €