Le cinéma c’est la réalité déformée. Mais quand un film raconte la réalité déformée, est-ce du double cinéma ? On peut se poser la question en visionnant Hypnotic, film de Robert Rodriguez avec Ben Affleck en vedette qui sort en DVD et blu-ray chez M6 Vidéo. Policier à Austin, Danny Rourke est à la recherche de sa fille. Enlevée dans un parc.
Quand il se retrouve sur la piste d’un homme expert en hypnose, il croit avancer vers la vérité. Mais les apparences sont trompeuses. Un film dédale, labyrinthique, qui débute comme un film d’action classique, se poursuit sur le mode paranoïaque pour basculer dans la science-fiction. Le final est encore plus étrange et étonnant.
Le genre de réalisation qui fait osciller le spectateur entre distraction, prise de tête et remise en question.
Les enfants de la Terre de Jean M. Auel fait partie des phénomènes éditoriaux de ces dernières années. Pas moins de 45 millions d’exemplaires vendus de par le monde Une immense saga préhistorique imaginée par Jean M. Auel et publiée aux Presses de la Cité en France.
Pour retranscrire les aventures de Ayla et ses amis du clan de l’Ours des Cavernes, c’est Camille Moog qui a été choisie. Plus exactement c’est elle qui est à l’origine du projet après qu’elle a découvert ces romans qui deviendront pour elle « une véritable source d’émerveillement, celui de l’exploration de nos racines humaines. »
Un dessin simple et efficace tant au niveau de la lisibilité que de la mise en page permet au lecteur de plonger aisément dans cette survie permanente. Car à cette époque, 35 000 ans avant notre ère, éléments naturels et animaux féroces semblaient s’allier pour empêcher les Humains de vivre sereinement.
Sans compter les bisbilles au sein des clans. Mais cela reste avant tout une belle histoire d’intégration car Ayla est une Homo Sapiens recueillie par une tribu de Néanderthaliens. A redécouvrir d’urgence.
« Ayla, le clan de l’ours des Cavernes » (tome 1), Jungle, 136 pages, 18,50 €
Réalisatrice italienne, Alice Rohrwacher a un véritable talent pour filmer l’Italie authentique. Son nouveau long-métrage, La chimère, présenté en compétition lors du dernier festival de Cannes, se déroule durant les années 80. Arthur (Josh O’Connor) est un Anglais, féru d’archéologie, qui a échoué dans cette région rurale. Il a un don de sourcier. Mais ce n’est pas de l’eau qu’il repère avec sa baguette mais des tombes étrusques. Il est devenu la pierre maîtresse de cette bande de « tombaroli », des pilleurs de tombes, trafiquants d’objets sacrés et autres œuvres d’art volés dans ces cavités parfois inviolées depuis des siècles.
Arthur vient de passer quelques mois en prison. Il hésite à reprendre du service. Mais ce quasi clochard ne sait rien faire d’autre. Il va donc de nouveau aider ses amis brigands, tout en cultivant sa mélancolie. Son amoureuse est morte. Il tente de se rappeler les bons moments passés avec elle. C’est elle, cette chimère qu’il cherche sous terre. Pourtant il aurait l’occasion de repartir sur de nouvelles bases en compagnie d’Italia (Carol Duarte), une jeune femme, mère de deux enfants, domestique chez Flora (Isabella Rossellini), la mère de la défunte fiancée.
Un film à l’ambiance très poétique et artistique, longue bataille entre riches et pauvres, présent et passé, cupidité et joie de vivre. Le genre d’œuvre aboutie, époustouflante de luminosité, qui vous redonne envie de profiter des belles choses. Tout simplement.
Film italien d’Alice Rohrwacher avec Josh O’Connor, Carol Duarte, Isabella Rossellini
En très peu de temps, Nicolas Beuglet est devenu une signature qui compte dans le monde des thrillers. Son imagination débordante, toujours étayée par des faits réels à la base, lui a permis de conquérir des milliers de lecteurs.
Un de ses premiers succès, Le cri, est désormais disponible aussi en bande dessinée. C’est le vétéran Makyo qui a signé le scénario, confié à Laval NG, dessinateur mauricien remarqué après sa reprise de la balade au bout du monde (déjà avec Makyo au scénario). Un duo très expérimenté mais un album qui dénote car l’ambiance graphique est très sombre.
Par une froide nuit en Norvège près d’Oslo, l’inspectrice Sarah Geringën se rend dans un hôpital psychiatrique à la sinistre réputation. Un malade a été retrouvé mort. Selon un des gardiens, il aurait tenté de s’étrangler avec ses propres mains. Sarah, rousse taiseuse, a l’intuition qu’elle se trouve devant une mise en scène. À force de questions et d’observation elle parvient à découvrir que le malade, qui a un chiffre, le 488, tatoué sur le front, est mort ailleurs que dans sa chambre.
Elle va découvrir qu’il était utilisé dans des expériences scientifiques qui n’ont rien d’éthiques. La suite de ses investigations la conduit en France et sur une île perdue de l’Atlantique. Très technique parfois, les passages sur le cerveau reptilien de l’homme sont ardus, ce thriller offre aussi quantité d’action et de course-poursuite et suffisamment de scènes différentes pour donner à Laval NG l’occasion de s’affirmer sans conteste comme un des plus talentueux dessinateurs actuels.
Les amateurs de jeux vidéos l’adorent. Kid Paddle est le héros dans lequel tous les petits garçons experts en manettes se reconnaissent à un moment ou un autre. Lancé dans les pages de Spirou en 1996, le jeune héros imaginé par Midam est devenu un succès en librairie.
La recette est toute simple : ayez de l’imagination, c’est forcément marrant. Et de l’imagination, Kid Paddle n’en manque pas. On lui présente une simple agrafeuse ? Il transforme le petit objet en tête d’Alien crachant des dents acérées (les agrafes).
Comment interdire les brocolis dans les menus ? Facile, il suffit de beaucoup travailler à l’école, de devenir un super savant, , devenir directeur de l’organisation mondiale de la santé et réformer le Nutriscore. Réflexion de son meilleur ami : « Le plan est parfait, mais ça va être long ».
On retrouve aussi dans cet album la participation, involontaire de la petite sœur de Kid, toujours victime de ses idées incongrues. Et Midam propose aussi quelques gags de son autre série, Game Over. Parfait pour retrouver (ou conserver) son âme d’enfant.
Alors que le nouveau ministre de l’Éducation multiplie les interventions médiatiques pour redorer le blason du Mammouth (et préparer son avenir présidentiel…), la réalité de la vie des enseignants est beaucoup plus réaliste dans la série écrite par Erroc et Sti et dessinée par Léturgie. Réaliste et surtout très comique. Car toutes les aberrations qui font que l’Éducation nationale marche souvent sur la tête, sont transformées en multiples sources de gags.
Ce 26e recueil de gags aborde notamment la question du recrutement. Plus personne ne veut enseigner. Pourtant on semble beaucoup s’amuser dans ce lycée imaginaire. Un manque de vocation qui pousse l’équipe pédagogique de mettre en place un plan afin d’attirer les talents. Pas facile de trouver des volontaires. Comme si le prétendu « plus beau métier du monde » avait perdu de sa superbe. Alors le livreur de pizza, qui encaisse la commande en disant « Grazie mille ! » se retrouve bombardé prof d’Italien instantanément.
Un tel manque de volontaires que même Boulard, le pire cancre de tous les temps (ex æquo avec Ducobu) pourrait même être engagé en CDI.
Il ne manque à cet album que la caricature du nouveau ministre. Son air premier de la classe sera, on n’en doute pas, une nouvelle occasion aux auteurs de titrer sur l’ambulance.
Occupé à montrer son exposition un peu partout en Europe, Philippe Geluck a délaissé un peu son personnage emblématique. Cela faisait trois ans que Le Chat n’était pas revenu sous forme d’album, deux Noëls où les fans devaient trouver une autre idée pour le cadeau parfait.
Pour ce 24e recueil, l’auteur, en plus de retrouver sa verve et son humour, a rempli 64 pages de dessins, strips, planches et même histoires courtes pour célébrer dignement les 40 ans du personnage. Un feu d’artifice pour tous les drogués à l’absurde en manque depuis trop longtemps.
En résumé, sachez que le Chat est toujours aussi philosophe, parvenant à dédramatiser les pires situations de la vie quotidienne. Il ose aussi l’aphorisme politique quand le placide matou affirme que « Celui qui se soucie vraiment de la souffrance animale ne devrait manger que des œufs pondus sous péridurale. »
Tout l’esprit de la série est condensé dans cette histoire au cours de laquelle le héros doit présenter son prochain scénario au « Bureau de validation des gags ». Il y est question de pont. Mais c’est tout l’esprit de la bureaucratie qui est épinglé avec brio.
Publié pour la première fois en 1490, le roman de chevalerie catalan a été traduit et édité en français dans son intégralité pour la première fois il y a 20 ans. Les éditions Anacharsis de Toulouse, proposent une réédition en cette fin d’année.
Jeune chevalier breton, Tirant le Blanc s’est illustré en combattant les envahisseurs avec l’empereur de Byzance. L’épopée de cette vie tumultueuse est décrite dans « Tirant le Blanc », roman de chevalerie paru en 1490 et signé Joanot Martorell.
Une épopée chevaleresque étonnamment moderne pour l’époque. Un texte majeur, le plus important de la littérature médiévale catalane, cité en exemple (« le meilleur livre du monde ») dans le Don Quichotte de Cervantes. Traduit un peu partout en Europe, il n’était disponible en France que sous forme de résumé. Jean-Marie Barberà, professeur de linguistique hispanique, a mis 20 ans à le traduire à partir de la première édition en catalan.
Un texte édité en 2003 par les toutes jeunes éditions Anacharsis, fondées par deux historiens à Toulouse. 20 ans plus tard, on retrouve Tirant dans cette réédition, devenue référence et agrémentée d’une préface de Marie Cosmay. L’occasion pour Claude Faber, libraire à Port-Vendres (Oxymore) de redécouvrir ce roman qui laisse « une place importante aux femmes fortes, des femmes de conseil. Il y a beaucoup d’érotisme et de scènes explicites pour l’époque. »
Dans un futur proche, dix Américains tentent d’échapper à la surveillance d’un géant des réseaux sociaux. Un thriller d’anticipation avant déconnexion.
Entre algorithmes et intelligence artificielle, les Humains semblent sur la bonne voie pour s’autodétruire à brève échéance. Mais avec des si mignonnes vidéos de chatons… Cette extinction programmée se déroule sur les réseaux sociaux.
Des milliards d’utilisateurs mais encore quelques récalcitrants qui ont envie de tirer la sonnette d’alarme. C’est le cas d’Anthony McCarten, romancier néo-zélandais qui vient de sortir Objectif Zéro. Le titre du livre est aussi le nom d’une opération secrète, un bêtatest dans le jargon des geeks, associant la CIA et WorldShare, une multinationale qui ressemble étrangement à Méta de Facebook.
Mais comme l’auteur n’est pas avare de critique, le patron de WorldShare a des airs de ressemblance avec Elon Musk.
La CIA sélectionne 10 Américains, des anonymes et des spécialistes de la cybersécurité. Ils ont pour mission de disparaître dans le pays durant un mois. WorldShare assure les retrouver avant la date fatidique. Sinon, les candidats empochent 3 millions de dollars. Et WorldShare fait une croix sur un contrat avec l’État de plusieurs milliards. La première partie du roman raconte comment ils tentent de se cacher et comment ils se font prendre.
A une semaine de l’échéance, il ne reste plus qu’une fugitive, Kaitlyn Day, une simple bibliothécaire.
La seconde partie, encore plus retorse, explique les véritables motivations de Kaitlyn et du patron de la multinationale. En refermant ce thriller exceptionnel vous aurez envie de supprimer vos comptes sur les réseaux sociaux, ne plus utiliser que de l’argent liquide et bénir l’incurie de certains départements qui permettent encore de « bénéficier » de zones blanches.
Bref, Objectif Zéro rend paranoïaque, voire survivaliste. À moins que l’on n’appartienne à la frange de la population visée par WorldShare : ceux qui « se sentent tellement seuls qu’ils troquent leur vie privée avec soulagement. Ils crèvent d’envie d’être connus, de sortir de l’incognito… Parce que être observé… ça donne un peu l’impression d’être aimé. » À part ça, bienvenue en 2024 !
Quand il découvre qu’une de ses informatrices vient d’être sauvagement assassinée, Alex Dumas, flic à Saint-Brieuc, enquête malgré les réticences de sa hiérarchie. Un polar breton signé Denis Lépée.
Dans la galerie des flics de papier (héros de romans policiers), Alex Dumas imaginé par Denis Lépée fait figure de dernier des Mohicans. Il a l’honneur chevillé au corps. Sans doute un reste de son expérience militaire, avant de devenir responsable des stups à Saint-Brieuc. Inflexible, droit, rigoureux, il n’hésite pourtant pas à prendre parfois des libertés avec les règlements qui ont tendance à lui compliquer la vie.
Après avoir monté un dossier officiel d’informateur pour une éducatrice qui baigne dans le milieu de la jeunesse défavorisé, il a regretté qu’elle n’ait pas bénéficié de ce statut avantageux.
Mais a quand même continué à échanger avec elle. A son grand regret quand il découvre qu’elle vient d’être sauvagement assassinée, après avoir été torturée. Alex Dumas craint que cela ait un rapport avec son enquête très officieuse sur un trafiquant de drogue local de plus en plus ambitieux.
Car « Il n’y a pas que les cadres qui rêvent de vivre en province. Les trafiquants de drogue aussi ont compris l’intérêt du développement du business dans les villes moyennes ». Ceux qui ne restent pas sous-traitants « peuvent se tailler des empires très rentables ». Ce serait le cas d’Alan Kerdec, « un vrai givré » selon l’avis de Dumas. Mais Kerdec semble être protégé en plus haut lieu. Pire, Dumas a l’impression qu’on le surveille, permettant au gros dealer d’avoir toujours un pion d’avance sur lui. La paranoïa est puissante quand on menace directement sa femme et ses enfants.
Ce premier polar de Denis Lépée, plutôt spécialisé dans les romans historiques, est très réaliste. On suit pas à pas l’enquête du héros, ses doutes, sa façon de rebondir et surtout de déjouer les nombreuses chausse-trapes déposées sur son chemin avant un final explosif.