jeudi 18 novembre 2010

BD - Un Lucky Luke très politique


Espionnage, fichage, chantage : la nouvelle aventure de Lucky Luke a un air étrangement d'actualité. Le cowboy imaginé par Morris et repris graphiquement par Achdé affronte dans cet album le redoutable Pinkerton. Le célèbre détective privé semble pourtant lui aussi du bon côté de la Justice. 

Il démarre très fort en capturant les Dalton et en démantelant un gang de faux-monnayeurs. Mais ce n'est que façade. Pinkerton n'a qu'une ambition : devenir l'homme de confiance du président Lincoln. A la clé, les juteux contrats de sécurité que l'Etat ne manquera pas de lui commander... Toute ressemblance avec une actualité récente, tant en France qu'aux Etats-Unis n'est pas un hasard. 

Cette aventure de Lucky Luke est scénarisée par un duo d'auteurs n'ayant pas peur de dénoncer. Tonino Benacquista s'est associé à Daniel Pennac pour signer cette histoire qui fait référence aux grandes trouvailles de Goscinny. Une très bonne surprise après les titres en demi-teinte de Laurent Gerra.

"Lucky Luke" (tome 4), Lucky Comics, 9,95 € 

mercredi 17 novembre 2010

BD - Magasin général change de propriétaire

Depuis six ans c'est devenu une très bonne habitude. Loisel et Tripp nous entraînent dans un voyage au Québec. Magasin général était un peu un ovni lors de sa première apparition. Deux dessinateurs renommés fusionnaient leurs talents pour raconter les aventures des habitants de Notre-Dame-des-Lacs, un hameau perdu dans le nord canadien. Six tomes plus tard, force est de reconnaître que « Magasin général » est une valeur sûre, un feuilleton qui rencontre un important public de plus en plus demandeur. 

Marie est toujours à Montréal, la grande ville. La propriétaire du Magasin général manque aux habitants (surtout les hommes). C'est Serge qui va tenter d'assurer la relève. Mais s'il est parfait aux fourneaux, il est moins crédible en commerçant. 

Un peu plus sombre, cet épisode est cependant tout aussi prenant, l'accent et les expressions québécoises donnant toujours un air primesautier à cette bande dessinée détruisant définitivement la réputation de Loisel d'être un dessinateur « lent et peu productif ».

"Magasin général" (tome 6), Casterman, 14,95 € 

mardi 16 novembre 2010

BD - Hybrides contre Stryges

« Pouvoirs », 13e titre de la série « Le chant des Stryges » et premier de la troisième saison, est le 200e scénario publié de Corbeyran. Il en profite pour remercier tous ceux qui l'ont aidé, soutenu ou inspiré. Une longue liste où l'on retrouve notamment tous les dessinateurs qui ont travaillé sur les créations de ce scénariste abonné aux succès. 

Richard Guérineau est bien évidement dans la liste. Il dessine depuis le début cette histoire de créatures vivant cachées depuis des millénaires. Des Stryges qui sortent de plus en plus de leurs cachettes. Ils sont pourchassés par une organisation puissante. Ce sont les Hybrides, humains ayant bénéficié de certains de leurs pouvoirs. Cette nouvelle guerre sera au centre de ce troisième cycle, palpitant dès les premières pages. 

On retrouve les personnages principaux, Kevin et Debrah entre autres et quelques nouveaux comme Austin Carson, un méchant appelé à jouer un rôle crucial dans la suite des événements.

« Le chant des Stryges » (tome 13), Delcourt, 13,50 € 

lundi 15 novembre 2010

BD - Bureaucratie soviétique mortelle

Dictature et bureaucratie ne riment pas avec efficacité. Notamment en matière de santé. Staline en a fait les frais. Le 28 février 1958, le dirigeant soviétique est victime d'une attaque cérébrale. Muré dans son isolement de maître tout puissant, il n'est découvert inanimé qu'au petit matin. 

Les membres du comité central se rendent dans sa datcha et décident de se réunir pour savoir qui va appeler les médecins. Puis quels médecins. Ce sont des heures de perdues qui ont prolongé l'agonie. Il ne sera déclaré mort que trois jours plus tard. Ce pan de l'histoire contemporaine est raconté dans le détail par Fabien Nury qui s'est beaucoup documenté pour se rapprocher au plus près de la réalité. Il se permet cependant, en début d'ouvrage, de trouver une explication au déclenchement de l'attaque. 

Un prélude musical montrant déjà la terreur qui régnait dans ce pays dès que le nom de Staline était cité. 

Dessiné par Thierry Robin, cet album aux teintes sombres et rougeoyantes, se lit comme un roman de Kafka : absurde et cruel.

« La mort de Staline » (tome 1), Dargaud, 13,50 € 

dimanche 14 novembre 2010

BD - Redécouvrir la vie de Milady, espionne complexe


Agnès Maupré, dessinatrice de bande dessinée, en lisant « Les trois mousquetaires » d'Alexandre Dumas, découvrait un roman complexe, bien loin de l'image de simple aventure de cape et d'épée. « La vie tragique de Milady m'a particulièrement captivée » explique-t-elle. L'espionne du méchant cardinal va l'obséder au point qu'elle prend vie sur des carnet de croquis puis devient le personnage principal du premier tome de cette nouvelle série. 

Milady, femme bafouée, tente de refaire sa vie en Angleterre. Elle y deviendra Mme de Winter. Rapidement veuve, par sa faute, elle paiera son erreur en devant élever un enfant qu'elle ne désirait pas. Finalement, le cardinal de Richelieu la sortira de son exil pour la transformer en redoutable espionne. Elle croisera D'Artagnan qui, tout en étant son ennemi, succombera à ses charmes. 

Un portrait de femme tout en nuances par une auteure complète, Agnès Maupré avouant son admiration pour Johann Sfar. Son dessin, esquissé, aérien, donne encore plus de force à cette femme forte en apparence, fragile intérieurement.

« Milady de Winter » (tome 1), Ankama éditions, 14,90 € 

samedi 13 novembre 2010

Classique - Alice aux Pays des merveilles

Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll fait partie des chefs-d'œuvre de l'imaginaire. Une histoire devenue universelle qui a nourri l'imagination de centaines d'artistes. 

Après les visions modernes de Tim Burton au cinéma, les éditions Omnibus rééditent la version illustrée par Arthur Rackham. Cet artiste anglais, mort en 1939, était un célèbre illustrateurs de livres pour enfants. Ses gravures et planches en couleurs permettent au lecteur de retrouver l'ambiance d'origine du récit de la jeune Alice passée de l'autre côté du miroir. 

Les dessins de Rackham que l'on retrouve dans « Le Noël de Monsieur Scrooge », un conte de Charles Dickens. (Omnibus, 17 € chaque volume) 

vendredi 12 novembre 2010

Roman jeunesse - Le royaume de Ga'Hoole


Pour accompagner la sortie du film, Pocket Jeunesse sort en un volume grand format les trois premières aventures des Gardiens de Ga'Hoole écrit par Kathryn Lasky. Une fantastique allégorie du Bien contre le Mal au royaume des hiboux et des chouettes. Entre la jeune chouette Soren et son frère Kludd, ce n'est pas le grand amour. Leur rivalité tourne au drame la nuit où Soren tombe du nid et se fait kidnapper. Enfermé dans un orphelinat, il désespère de retrouver un jour la liberté. Mais sa rencontre avec d'autres oisillons courageux va tout changer. Convaincus qu'une grave menace pèse sur les royaumes des chouettes, ils décident de s'évader et de partir en quête des légendaires Gardiens de Ga'Hoole, ces justiciers au coeur noble qui ont bercé leur enfance...

Si le film en 3D de Zack Snyder vous a plu, vous pourrez retrouver ce monde poétique dans les romans originaux. A l'inverse, après avoir lu ces histoires de volatiles, n'hésitez pas à aller voir le film, fidèle au récit original et particulièrement réussi au niveau des effets spéciaux. (Pocket Jeunesse, 16 €) 

jeudi 11 novembre 2010

Thriller - Maxime Chattam et le Mal dans "Léviatemps"

Maxime Chattam lance son héros, un écrivain, aux trousses d'un tueur. Pas pour faire justice, mais pour contempler et comprendre le Mal en action.


Quand on ouvre un thriller de Maxime Chattam, on n'est sûr que de deux choses : on ne sait jamais où l'auteur va nous entraîner, mais ce sera passionnant. « Léviatemps » n'échappe pas à la règle même s'il s'aventure sur des chemins moins habituels pour lui. Pour une fois il ne plante pas son intrigue dans notre époque contemporaine mais dans le Paris de 1900, en pleine exposition universelle. Cela donne une impression de roman feuilleton à la Eugène Sue, avec des considérations psychologiques poussées en prime.

Le héros, Guy de Timée, est écrivain. Il a rencontré le succès, s'est bien marié et a une petite fille. Mais un jour, en panne d'inspiration, torturé par une existence rangée et bourgeoise qu'il vit de plus en plus mal, il décide de tout abandonner. Il quitte le foyer, change d'identité et repart à zéro. Son ambition est d'écrire des romans policiers, comme Conan Doyle. Il va chercher l'inspiration dans les bas-fonds, fréquentant notamment les prostituées. Client régulier d'une maison close, le Boudoir de soi, il s'y installe à demeure dans les combles, devenant l'homme à tout faire et le confident des pensionnaires.

Vidée de son sang

Une nuit, il est réveillé en sursaut par les cris de Faustine. Elle vient de découvrir sa collègue et meilleure amie, Milaine, morte dans la rue, devant le Boudoir. Lèvres retroussées, yeux révulsés, sa mort semble avoir été horrible : « Elle transpirait du sang. Par tous les pores de la peau, elle avait exsudé son précieux liquide comme si elle avait été plongée dans un bain de vapeur acide. » La police, en arrivant sur le lieux de ce qui semble bien être un meurtre, ne semble pas très motivée. Une enquête bâclée et classée avant même d'avoir débuté. Faustine et Guy sont persuadés, eux, que ce crime est l'œuvre d'un redoutable tueur et ils apprennent, par une indiscrétion de la police, que Milaine n'est pas la première. Faustine, pour venger son amie, Guy pour comprendre la mentalité du tueur, vont se lancer à ses trousses, aidé par un jeune policier qui fut l'amant de Milaine.

Le Mal personnifié

Cette enquête policière en temps réel va donner de la matière littéraire à Guy. Pour lui c'est une aubaine. Traquer le tueur c'est la meilleure étude de personnage possible, « Guy voulait contempler l'esprit du monstre. Il voulait plonger dans l'âme du Mal. » Et d'expliquer, enthousiaste, à ses deux camarades d'enquête « nous avons une opportunité d'approcher la nature criminelle dans ce qu'elle a de plus pur ! Nous pourrions contempler l'essence même du crime ! Car c'est ce qu'est cet homme, la répétition de ses actes abominables nous le prouve ! Le cerner, c'est un peu comme d'étudier Caïn en personne ! C'est toucher du doigt l'origine du crime ! »

Ce roman donne l'occasion à Maxime Chattam de promener le lecteur dans les différents lieux qui font l'originalité du Paris du début du XXe siècle, des Halles à la morgue en passant par l'exposition universelle et ses « sauvages » en exhibition ou le Cénacle des Séraphins, un club ésotérique. Un voyage dans le temps et la folie. Celle des hommes toujours avides de sensations fortes, au point d'en perdre la raison.

« Léviatemps », Maxime Chattam, Albin Michel, 22 € 

mercredi 10 novembre 2010

BD - Complot et uchronie pour Nico, nouvelle héroïne de Duval et Berthet


Philippe Berthet est abonné aux héroïnes aussi belles que dangereuses. Il a délaissé les aventures de Poison Ivy pour lancer Nico dans le grand bain de la BD de série B. C'est d'ailleurs Fred Duval, un des piliers de la collection chez Delcourt, qui signe les scénarios. L'action se déroule au début des années 60. Un passé légèrement différent, Kennedy est bien président, mais Staline est toujours vivant et Fidel Castro un simple espion du KGB. 

Il croisera la route de Nico, espionne de la CIA qui devra déjouer un complot fomenté par Ike Eisenhower, ancien général américain désirant déclencher le feu atomique. Cette BD pleine de trouvailles et de clins d'œil est divertissante, avec suspense, rebondissements et coup de théâtre final.

 Sans oublier un soupçon d'érotisme, Nico n'hésitant pas à dévoiler sa plastique parfaite.

« Nico » (tome 2), Dargaud, 13,50 € 

mardi 9 novembre 2010

BD - Ethan Fargo, looser désespéré face aux horreurs d'un snuff-movie


Ethan Fargo n'a rien du héros fier et sans reproche. Il broie du noir depuis la mort de sa femme et de ses enfants. Presque alcoolique, il martyrise des balles de golf au bord de l'océan et tente d'oublier son malheur en regardant des comédies musicales. 

Mais un soir, à la place de « La mélodie du bonheur », il visionne sur sa télé un snuff-movie, ces réalisations clandestines qui mettent en scène la mort d'une victime innocente. Ethan va alors être entraîné dans une histoire de vengeance dans une république bananière, une mission suicide idéale pour calmer son envie d'autodestruction. 

Ce thriller sombre et désabusé écrit par Philippe Nihoul est mis en images par Xavier Lemmens, au trait aussi coupant que les machettes du bourreau officiant dans le snuff.

« Snuff » (tome 1), Delcourt, 13,50 €