mercredi 24 mai 2023

BD - Sel, travail des enfants et Schtroumpfs

Comment faire passer des messages politiques dans les BD pour les plus jeunes ? Les scénaristes des Schtroumpfs ont parfaitement assimilé le concept.

Sous couvert d’aller chercher un peu de sel dans une mine secrète, les Schtroumpfs vont se retrouver à dénoncer le travail forcé des enfants ainsi que la libération des femmes puisque la Schtroumpfette va constater que porter le pantalon est plus pratique que la robe. Reste une jolie histoire d’entraide dessinée dans le style de Peyo par Miguel Diaz Vizoso.

« Les Schtroumpfs » (tome 40), Le Lombard, 11,50 €

mardi 23 mai 2023

BD - Guerre fratricide chez les Tuniques Bleues

Si Lambil dessine toujours les Tuniques Bleues, ce 66e album est écrit par Kris. Il y est question de l’immigration irlandaise vers cette Amérique si prometteuse. Mais arrivés en pleine guerre civile, certains ont dû faire des choix. Nord ou Sud ?

À l’arrivée, des frères devenaient des ennemis. Une histoire qui se termine souvent tragiquement comme dans ces longs combats où Blutch et Chesterfield vont tout faire pour les sauver. Un album qui sort un peu de l’esprit de la série, le ton grave l’emportant sur l’humour que Cauvin maniait à la perfection.

« Les Tuniques bleues » (tome 66), Dupuis, 11,90 €

lundi 22 mai 2023

BD - Indiana Mickey par Alexis Nesme

Les personnages de Walt Disney redeviennent très modernes depuis que des dessinateurs renommés en animent de grandes aventures pour Glénat. Alexis Nesme pour la seconde fois s’amuse à plonger Mickey, Donald et Dingo dans une ambiance terrifiante.

Partis à la recherche d’un explorateur, ils débarquent sur une île peuplée de créatures inquiétantes. Et pour trouver le trésor du crâne de diamant, ils devront affronter des pièges dignes d’Indiana Jones. D’une beauté graphique époustouflante, cette aventure a de plus bénéficié d’une prépublication dans le Nouveau Journal de Mickey.

« Terror-Island », Glénat - Disney, 15 €

dimanche 21 mai 2023

Thriller - Sharko et Lucie à la frontière de la mort dans le roman "La faille"

Franck Sharko et sa compagne Lucie Henebelle sont de retour. Ils vont se retrouver aux prises avec un ennemi de taille : le diable. Voyage aux limites de la mort pour les policiers imaginés par Franck Thilliez.


Devenus encore plus populaires depuis l’adaptation de leurs enquêtes pour TF1, Franck Sharko et Lucie Henebelle, policiers à la brigade criminelle de Paris, sont de retour pour un roman inédit toujours signé par Franck Thilliez. Construit comme un long feuilleton qui dure depuis plus d dix ans, les aventures (et amours) de Sharko et Lucie prennent souvent un tour tragique. Le romancier n’hésite pas à leur faire subir des coups du sort que le commun des mortels ne surmonterait pas.

Mais ces deux personnages sont d’une rare solidité, notamment depuis qu’ils se sont trouvés et sont toujours présents l’un pour l’autre dans l’adversité.

La faille débute comme un roman policier classique. Deux flics, Audra et Nicolas, sont en planque de nuit au fin fond de la campagne française. Sur la piste d’un tueur en série. Quand le monstre sort de sa tanière, Sharko et son équipe lancent l’opération d’interpellation. Mais rien ne se passe comme prévu. Le tueur s’enfuit, blesse Audra et meurt sous un train.

Un fiasco lourd de conséquence. La jeune policière qui attend un enfant du second de Sharko, Nicolas, est dans le coma. Son cerveau est irrémédiablement touché. Jamais elle ne se réveillera. Le polar prend des airs de livre politique d’actualité avec ce cas sujet à polémique : faut-il débrancher Audra et entraîner la mort du fœtus ou maintenir le corps en fonctionnement pour permettre à l’enfant de se développer durant quelques mois encore et de naître… d’une mère morte ?

Expérience de mort imminente 

Des considérations quasi philosophiques qui font écho au sujet de l’enquête. Sharko est sur la piste d’une jeune chercheuse disparue depuis trois mois. Elle tentait de définir la notion de mort. Avec d’autres passionnés, elle cherchait des témoignages de personnes ayant vécu une expérience de mort imminente négative. Négative car au lieu de passer par un grand couloir lumineux qui monte vers les cieux, leur départ se traduit par une descente dans un endroit noir et glauque peuplé de démons.

Les rescapés affirment avoir rencontré le diable en personne. Et comme l’écrit le romancier, « Sharko ne croyait pas au diable. Mais ce n’était pas pour ça que le diable n’existait pas. » L’enquête progresse, permettant aux policiers de mettre hors d’état de nuire quelques malfaisants. Un Sharko en plein questionnement existentiel, père de plus en plus malheureux de ses absences, fatigué car proche de la soixantaine : « L’âge se faisait sentir, mais tant que Franck en aurait la force, il retournerait dans la cage aux lions. Une goutte d’eau dans l’océan, certes, mais chaque ordure qu’il envoyait derrière les barreaux lui enlevait un poids sur le cœur. » Le roman flirte avec le fantastique. Ponctué de tableaux dignes des plus horribles des films de genre : morgue, catacombes, autopsie, tortures…

Mort et résurrection du cerveau 

Lucie est presque convaincue que la mort n’est pas une fin, qu’il y a une suite, que l’âme reste présente quelque part, paradis, purgatoire ou enfer. Sharko, cartésien, n’a pas de doute. Notamment quand il découvre un électroencéphalogramme chez un suspect : « La mort, pensa Franck. Elle se dressait là, devant lui, crue, avec un autre visage que dans les catacombes, mais tout aussi effrayant : celui de la science. L’enregistrement de l’activité d’un cerveau en train de mourir. »

La faille fait partie des romans de Franck Thilliez les plus sombres. Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire les descriptions des scènes de meurtre découvertes par les deux policiers. Et on tremble souvent quand eux-mêmes se retrouvent à la limite de la Faille, cette barrière symbolique, limite ténue où il serait possible de voir la mort puis de revenir à la vie.

«La faille» de Franck Thilliez, Fleuve Noir, 22,90 €

samedi 20 mai 2023

BD - Sarah, fille de Marseille


Sarah doit avoir une petite voix intérieure. Mais elle n’intervient pas dans cet album très moderne de Lili Sohn (scénario) et Elodie Lascar (dessin). Sarah a 35 ans, vit à Marseille, gagne sa vie en faisant des livraisons à vélo, passe ses nuits à faire la fête avec des amies, des filles célibataires comme elle ou des couples gays. 

Un peu ronde, croquant la vie par tous les bouts, elle semble pourtant aussi malheureuse que Fleur. Car Sarah rêve de trouver l’amour, le vrai, de dormir contre son corps, voire d’avoir des enfants comme l’espèrent ses parents.


Ce roman graphique, aux dessins modernes (gros traits noirs, aplats de couleur rose), raconte aussi la vie à Marseille. Entre délire dans les lieux nocturnes et lente cuisson au soleil sur les plages en bord de Méditerranée. Une dérive sans fin jusqu’à la rencontre qui va tout changer. 

Un récit où le hasard fait bien les choses. Surtout si, comme Sarah, on sait lâcher prise, oublier ses préjugés et oser le grand saut en avant.
«Sultana», Steinkis, 22 €

vendredi 19 mai 2023

BD - Une Fleur qui entend une voix

Fleur entend des voix. Exactement une voix, la sienne, qui lui conseille de reprendre sa vie en main. Fleur est une jeune femme de nos jours, la célibattante qui donne l’impression d’être bien dans ses baskets. Mais qui en réalité souffre de cette existence qu’elle ne semble pas avoir choisie.

Ce portrait de femme est criant de vérité. Sans doute car au scénario on trouve Manon, elle-même jeune et active. Le dessin est assuré par son compagnon, Greg Blondin, dans un style mêlant astucieusement joli trait franco-belge et composition des planches à la japonaise. Fleur est encore couvée par ses parents. Ils lui ont trouvé un travail. Travail insipide et dévalorisant, avec collègues méchants.


Bref, le lundi matin, c’est le début du calvaire. Après un week-end déprimant, seule dans son petit appartement avec son chat, grosse boule de poils qui ne fait que des bêtises. Il y a bien les copines. Mais certaines sont toxiques, d’autres moins présentes. Quant aux amours… Fleur est très hésitante. Elle a découvert que son petit ami la trompait. Elle a donc rompu. Mais semble depuis regretter.

Quand la petite voix se fait plus forte et finalement prend la forme d’une jeune femme éthérée qui flotte au-dessus du parquet et qui répond au nom de Line, Fleur croit devenir folle. Mais finalement elle va accepter la situation et à contrecœur mettre en pratique les petits conseils donnés par cette autre elle-même. Il y a beaucoup d’humour et de tendresse dans ce récit qui pourtant s’apparente parfois aux livres de développement personnel. Un premier tome copieux (136 pages) prometteur. On attend avec impatience la suite de l’évolution de Fleur et de son dialogue avec Line, sa petite voix intérieure.

 «(Dé)rangée», Bamboo, 17,90 €

jeudi 18 mai 2023

Thriller - « Roches de sang », la violence en Corse racontée par Olivier Bal

Olivier Bal quitte les USA de son héros récurrent Paul Green pour l’Europe. "Roches de sang", un thriller entre Londres, La Haye, la Suisse, Belgrade et la Corse en bouquet final.


Excellent pour raconter l’Amérique contemporaine, Olivier Bal se révèle encore meilleur pour décrire cette terrible histoire de vengeance à travers les décennies et l’Europe. Un auteur qui ne cesse d’étonner par sa capacité à se renouveler et à aborder tous les genres avec brio.

Roman gigogne, Roches de sang propose deux récits en parallèle. Un premier se déroule l’été 1993 en Corse et suit les retrouvailles des frères Biasini, le second est contemporain et va de Londres à Belgrade en passant par La Haye, siège d’Interpol où travaille Marie Jansen. En 1993, Ange Biasini, en rupture familiale, tente de se faire oublier sur le continent. Mais les démêlés de sa famille avec la pègre ruinent ses envies de discrétion. Pour aider Théo, son jeune frère aux prises avec un parrain local, Venturi, Ange revient donc en Corse. 

Pour un dernier coup tonitruant. Avec ses amis d’enfance, il va braquer des yachts de luxe. Cette partie du roman, la plus copieuse, plante le décor de ce qui va devenir une tragédie et entraîner cette vengeance sanglante des années plus tard. Entre les deux frères, traumatisés par les violences du père, assassiné par un inconnu quelques années plus tôt, c’est une histoire compliquée qui se noue. L’un veut protéger l’autre qui cherche de son côté à se valoriser. Des non-dits qui vont entraîner leur chute.

Le destin des frères Biasini 

Mais avant de connaître le dénouement de 1993, le lecteur est régulièrement replacé dans notre époque contemporaine. Marie Jansen, policière à Interpol, cherche à faire tomber Horvat, un riche gangster serbe. Mais alors que le piège se referme sur ce monstre de cruauté, il est retrouvé mort dans son appartement luxueux. Douze coups de couteau et la gorge tranchée. Avec en plus un message sur les murs. Une phrase en corse qui dit : « Que ma blessure soit mortelle ». 

Quel rapport entre le Serbe et la Corse, qui est ce tueur invisible ? Marie, sans doute le personnage le plus torturé du roman (elle est jeune maman mais n’a aucune fibre maternelle et délaisse son mari au profit de son enquête), va suivre la piste de l’assassin en Suisse et en Serbie. Pour finalement se retrouver en Corse, là où des années auparavant les frères Biasini ont vu leur destin basculer.

Un thriller très réaliste, qui plonge le lecteur dans cette mafia corse si particulière, entre tradition à respecter, honneur à préserver et intransigeance mortelle. Le roman aborde aussi quelques thèmes typiques de notre époque comme la spéculation immobilière, la traite des êtres humains ou la corruption qui gangrène la société. Reste les doutes de Marie et surtout l’amitié fraternelle indestructible entre Théo et Ange, malgré les erreurs et mauvaises décisions de l’un comme de l’autre.

« Roches de sang » d’Olivier Bal, XO éditions, 21,90 €

mercredi 17 mai 2023

Cinéma - Toutes les horreurs, de l’Espagne au Japon, en DVD

Parfois plus convaincants que les grosses productions américaines, les films d’horreur espagnols et japonais sortent du lot. Faites-vous peur avec les versions vidéo de The communion girl et de Dark Water.


The communion girl.
Dans un petit village près de Tarragone en Catalogne, une légende prétend qu’une jeune communiante erre dans la campagne. Si vous la voyez, vous êtes maudit. C’est ce qui arrive à Sara (Carla Campra). Un film d’horreur signé Victor Garcia sur base de religion, de maltraitance et de rejet de l’étranger. Si le début du film est tout dans l’ambiance, avec image vintage (l’action se déroule à la fin des années 80), la suite se permet quelques effets spéciaux dont une communiante très effrayante. Une belle surprise, sortie directement en vidéo chez Wild Side.


Dark Water.
The Jokers ressort dans de superbes éditions collector les trois plus célèbres films d’horreur japonais contemporains : Audition (1999) de Takashi Miike, Ring (1998) et Dark Water (2002) de Hideo Nakata. Si les trois s’avèrent indispensables et n’ont rien perdu de leur capacité à filer une trouille terrible, on avoue une petite préférence pour le dernier cité. Cette histoire d’une mère en instance de divorce et sa fille qui échouent dans un immeuble qui va s’avérer bien pire que juste vétuste et humide, est non seulement un sommet absolu d’angoisse mais aussi un mélodrame remarquable !



 

Des lapins au centre de la Terre

Adapter le roman Voyage au centre de la Terre de Jules Verne en bande dessinée est une gageure. Encore plus quand on décide comme Rodolphe et Patrice Le Sourd que les personnages auront l'aspect de lapins. C'est pourtant ce que proposent les auteurs dans le premier tome de cette BD d'aventures. La tramer du roman est conservée. Une expédition, un savant, sa fille déguisée en garçon et une longue descente vers les entrailles de notre planète. Le premier tome semble un peu lent. 



En fait il ne se passe pas grand chose... Mais cela reste passionnant grâce aux dessins de Le Sourd. Il excelle dans ces compositions aux multiples hachures, telles des gravures d'époque. Et ses lapins sont adorables. Vivement la suite. Pour l'action. Les rencontres. 

"Voyage au centre de la Terre" (tome 1/2), Delcourt, 48 pages, 11,50 €

mardi 16 mai 2023

Essai - "Dans la peau d’un dinosaure" de Jean Le Loeuff, directeur du musée d’Espéraza


Créateur du musée des dinosaures à Espéraza dans l’Aude, Jean Le Loeuff est un paléontologue éclairé. Dans ce livre riche et divertissant, il met ses connaissances au service des lecteurs curieux.
On apprend des foules d’anecdotes sur le quotidien des dinosaures. On découvre ainsi que les ampelosaurus ou dinosaure du vignoble, qui vivaient dans l’Aude, ne savaient pas dire non. Exactement, ils étaient incapables de tourner la tête de droite à gauche.
Leur cerveau ne leur permettait que de l’incliner de haut en bas. Ce sont des centaines d’informations de ce style qui composent ce livre doté d’une version en réalité augmentée.

« Dans la peau d’un dinosaure » de Jean Le Loeuff, Humen Sciences, 19,90 €