lundi 21 novembre 2022

Fantastique - "Les habitants du mirage" chez Callidor


Il y a 90 ans, Abraham Merritt publiait ce roman, considéré comme le premier du genre de l’heroic fantasy. Une édition collector, avec les superbes et très modernes illustrations d’époque de Virgil Finlay permet à tous les fans du genre de redécouvrir ce texte à l’imagination féconde. Leif, au cœur des neiges éternelles de l’Alaska, rencontre la belle Evalie ainsi qu’une sorcière qui voit en lui la réincarnation du roi du temps jadis, Dwayanu. Un important cahier en fin d’ouvrage recontextualise ce roman dans son époque. 

« Les habitants du mirage », Callidor, 25 €


dimanche 20 novembre 2022

BD - Tueurs idéaux

Il n’existe pas un crime parfait, mais une multitude de morts dont personne ne soupçonne que ce sont des rimes. Sur ce concept, cher au roman policier, une dizaine d’auteurs de BD proposent des histoires courtes d’une dizaine de pages. 

Une anthologie criminelle qui débute par la danse de Ginette, fille de joie du Paris de la fin du XIXe siècle. Elle va se débarrasser de son maquereau, Momo la main lourde, avec une facilité déconcertante. Une première mise en bouche signée Gess. 

On trouve ensuite des récits de Moynot, Guérineau, Chabouté ou De Metter. La palme revient cependant à Rabaté qui imagine un étrange récit familial dans un train. Histoire qui finit mal… 

À noter à la fin de chaque histoire, la biographie du mort par Anaïs Bon.

« Le crime parfait », Philéas, 19,90 €


Gastronomie - L’arrière-cuisine est à savourer

Bernard Thomasson est l’ami des grands chefs. Il suit depuis des années ces virtuoses des fourneaux. Une expertise qu’il a transformée en beau livre avec L’arrière-cuisine. Il y raconte les trucs des meilleurs. Des portraits de 25 chefs français avec, comme de bien entendu, des recettes qui vont avec. 

Parmi les signatures, Gilles Goujon, qui « dès son arrivée à Fontjoncousse dans l’Aude, et malgré les difficultés, s’attache à mettre en valeur le terroir qui l’entoure. » Et pour vous donner l’eau à la bouche, plongez dans la recette du paleron de veau en blanquette.

« L’arrière-cuisine », Herscher/Franceinfo, 25 €

samedi 19 novembre 2022

BD - Un père en perdition dans "Le labyrinthe inachevé"


Jeff Lemire est l’auteur complet nord américain le plus étonnant de ces dix dernières années. Il peut passer du monde des super-héros à des récits intimistes avec un fond de fantastique. Le labyrinthe inachevé est un long cauchemar de 250 pages. 

Le mauvais rêve de Will, père brisé depuis la mort d’un cancer de sa petite fille. Une nuit, son téléphone sonne. C’est sa petite chérie qui lui demande de la retrouver au centre. Au centre de ces labyrinthes qu’elle affectionnait tant de résoudre. 

Armé du plan de Toronto, il va déambuler dans ces rues, croiser un chien qui parle, une voisine pleine d’empathie et un Minotaure effrayant. Un roman graphique un peu hypnotique, la faute aux cercles concentriques des labyrinthes. 

« Le labyrinthe inachevé », Futuropolis, 27 €


De choses et d’autres - Cuisiner le vrai du faux

Plus qu’une mode, c’est un véritable phénomène de société qui traverse nombre de médias. Les services de fact-checking, cellules chargées de faire la chasse aux fake news et autres affirmations hasardeuses, gonflent, chaque jour, de plus en plus. Un phénomène de société qui nous pousse au doute, même dans notre vie de tous les jours.

Par exemple, ce week-end, une envie subite m’a pris de faire un peu de cuisine. La recette précisait qu’il faut intégrer de l’ail coupé en petits morceaux. Je découpe trois gousses et, machinalement, enlève le germe qui commence à être de plus en plus important.


Mais pourquoi enlever le germe ? Est-ce nécessaire ? D’où me vient cette habitude ? Et me voilà à endosser, inconsciemment, le costume du fact-checkeur en quête de vérité. Un petit tour sur le net et me voilà sur les traces des méfaits du germe d’ail. À première vue. J’ai plutôt juste puisque « Le germe n’est pas toxique. Il serait même très intéressant d’un point de vue nutritionnel. »

Mais comme toujours, dans ces vérifications, il y a un mais : « Il est conseillé de retirer cette petite pousse verte à cause de sa forte teneur en soufre qui la rend indigeste pour certaines personnes. » Donc, j’ai à moitié vrai. A un tiers exactement : « On peut conserver les gousses d’ail entières pour le rôti de bœuf, gigot d’agneau ou encore légumes rôtis au four. »

Sans réponse évidente, je continue ma popote. Il faut que j’émince des oignons. Mais pourquoi les oignons font pleurer ? Et comment contourner ce désagrément ? Le problème, quand je décide de faire la cuisine, c’est qu’une recette estimée à 20 minutes de préparation me prend plus d’une heure de vérifications.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 29 novembre 2022

vendredi 18 novembre 2022

Cinéma - “Les Amandiers” : des talents chez Chéreau

Le théâtre des Amandiers et Patrice Chéreau sont au centre de ce film qui fait la part belle aux étudiants.

Patrice Chéreau (Louis Garrel) au plus près de ses jeunes comédiens. Ad Vitam Production - Agat Films et Cie


« Pourquoi voulez-vous devenir comédien ou comédienne ? » Tous les candidats à l’admission à l’école du théâtre des Amandiers à Nanterre ont certainement longuement préparé leur réponse. Ils savaient que leurs mots comptaient pour beaucoup dans leur chance d’être repéré par Pierre Romans (Micha Lescot), le directeur et âme de l’école. Et surtout ensuite de pouvoir travailler avec la légende française du théâtre : Patrice Chéreau (Louis Garrel). 

Réalisé par Valeria Bruni Tedeschi, Les Amandiers raconte comment, au milieu des années 80, une bande de jeunes artistes talentueux vont se trouver, s’aimer et former une famille de scène. La comédienne et réalisatrice a débuté elle aussi aux Amandiers. Elle s’est librement inspirée de son histoire pour raconter l’enthousiasme de Stella (Nadia Tereszkiewicz) et le désespoir d’Étienne (Sofiane Bennacer). La première, riche fille de bourgeois, semble vouloir faire du théâtre pour s’occuper. Mais elle possède au plus profond de son être une rage, une passion, qui vont lui permettre d’émerger dans le groupe de candidats pour finalement terminer dans le groupe des 12, ceux qui auront la chance d’aller à New York suivre un stage à l’Actor’s Studio puis de travailler avec Patrice Chéreau. Étienne aussi va être de l’aventure. Lui, c’est pour impressionner sa mère qu’il fait tout pour réussir. Charmeur, triste et toujours sur la corde raide de la drogue, il irradie une force et un nihilisme incandescent. 

Une histoire d’amour (qui finit mal) en filigrane du film mais qui ne pollue pas trop l’essentiel du propos : montrer la fabrique du théâtre. Louis Garrel, dans la peau de Patrice Chéreau, apporte cette rigueur et cette exigence, marques de fabrique du metteur en scène. Au plus près de ses interprètes, Chéreau travaille comme une brute, malmenant les élèves, hurlant, menaçant sans cesse de tout arrêter. Une tension perpétuelle, sorte de carburant essentiel chez lui. Moins chez les comédiens en devenir, encore insouciants, comme moqueurs face à ces exigences trop sérieuses. 

Quand ils interprètent Tchekhov, ils n’en oublient pas que ce qu’ils font s’appelle aussi jouer. Un jeu au cours duquel ils rient, s’amusent ouvertement, parodient. Le spectateur se régale au cours de ces répétitions devenant le témoin privilégié de cette alchimie si particulière du théâtre à la mode Patrice Chéreau. 

 Film français de Valeria Bruni Tedeschi avec Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel, Miche Lescot.


Thriller - Adieu à Rebecka Martinsson dans "Les crimes de nos pères" d'Asa Larsson

Dans le petit monde des auteurs de polar suédois, Asa Larsson est la plus lue. La personnalité de son héroïne récurrente, Rebecka Martinsson, y est pour beaucoup. Une jeune femme de son temps, libre, pleine de contradictions, qui ne s’enferme pas dans une routine et remet souvent son existence en question. Les crimes de nos pères est le sixième « épisode » de ses aventures. Le dernier aussi. 

Comme toujours, l’action se déroule dans la petite ville de Kiruna, au nord de la Suède. Le printemps arrive doucement. Une renaissance pour beaucoup. Sauf Ragnild Pekkari, une infirmière à la retraite depuis six mois. Elle a pris sa décision. Tôt le matin elle va traverser un pont de neige fragilisé par les températures douces et tomber dans les eaux encore glaciales de la rivière. Une mort accidentelle pour tout le monde. Une façon de tirer sa révérence en toute discrétion. Mais juste avant de s’engager sur le chemin de la mort, elle reçoit un coup de téléphone à propos de son frère. Elle abandonne son projet macabre et va sur une petite île, là où croupit cet ivrogne depuis toujours. 

Ragnild le découvre « allongé sur le dos, dans le canapé. Immobile. Visage tourné vers le dossier. Un corps si frêle, telle une carcasse de vieux canot enfouie dans les broussailles sur la berge, dont il ne reste que la quille et la membrure. Elle s’approcha. Il ne respirait plus. » Elle fouille la maison et dans un vieux congélateur découvre un second corps. 

L’affaire revient à la procureure Rebecka Martinsson qui avec l’aide de son équipe va remuer quelques affaires très anciennes où gravitent un ancien boxeur, le roi des airelles, la mafia russe et les fantômes de sa propre famille. 

Écriture trépidante, personnages complexes et attachants : ce final ne décevra pas les fans. Et si vous découvrez Rebecka, il vous donnera furieusement envie de lire les cinq précédents titres.

« Les crimes de nos pères » d’Asa Larsson, Albin Michel, 22,90 €


De choses et d’autres - Supporters problématiques


Je la sens bien cette coupe du monde de football au Qatar. Non seulement elle va occuper quelques-unes de nos longues soirées d’hiver, mais elle va être une grande pourvoyeuse de scandales et autres affaires pas nettes. Je me réjouirais presque d’avance face aux sujets incroyables qui vont émerger.

Mais il y a un bémol : la vie d’innocents (les milliers de travailleurs immigrés) est menacée et les droits de l’Homme bafoués au quotidien. Est-il bien responsable de se moquer (ce dont je ne me prive que rarement dans ces lignes) dans ces conditions ? Personne n’a la réponse à cette interrogation.


Sûrement pas les supporters des différentes équipes qui seraient déjà sur place pour faire la fête. J’utilise le conditionnel car les images diffusées par les télévisions locales ont provoqué une vague de scepticisme aigu. Notamment en Angleterre. Ce seraient de faux fans, payés par l’organisation. Rien de certain, mais en détaillant les images des supporters tricolores défilant dans les rues de Doha, force est de constater qu’ils ne parlent pas la langue de Molière.

En réalité ce serait les membres indiens d’un club de supporters des bleus. Mais alors qui défile pour les Allemands, les Brésiliens ou les Anglais ?

Dans le camp de ces derniers, l’équipe nationale ne devrait pas accueillir dans ses rangs ces deux joueurs d’une même équipe de Premier League qui ont annoncé à leurs coéquipiers être en couple. Cela vaut sans doute mieux pour eux car au Qatar, le « crime » d’homosexualité est tout simplement passible de la peine de mort si vous êtes de confession musulmane. Ça refroidit toute envie de coming out.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 14 novembre 2022

jeudi 17 novembre 2022

Série télé - En direct du couloir de la mort dans "Inside man

Annoncée comme une mini-série, Inside Man se révèle machiavélique et pourrait bien revenir pour une seconde partie. Paradoxe de la mise en ligne sur les plateformes où le succès ou l’indifférence ont plus d’importance que les projets des créateurs. Pour Inside Man, les réactions sont très partagées. Certains rejettent les incohérences, d’autres s’extasient devant l’engrenage mis en place par le showrunner, Steven Moffat. Mais une dernière scène, après le générique de fin, laisse entendre que M. Grieff (Stanley Tucci), même s’il ne lui reste qu’une semaine à vivre, pourrait revenir pour une seconde saison.


Cette production de la BBC a pour vedette David Tennant, bien connu de Steven Moffat puisqu’ils ont travaillé ensemble sur la série Docteur Who. Il endosse le costume d’un pasteur dans ces quatre épisodes d’une heure. Toute la subtilité de l’histoire réside dans le fait que parfois, il faut peu de choses pour qu’on se transforme en meurtrier.  Le pasteur Watling, après l’office, voit son bedeau arrivé affolé dans la sacristie. Il lui confie une clé USB avec, dit-il, des images que sa mère ne doit pas voir. 

Le pasteur rentre chez lui, dépose la clé avec ses clés de voiture et vaque à ses occupations alors que Janice (Dolly Wells), professeur de math, arrive pour donner un cours à Ben, le fils du pasteur. 

Ce dernier s’empare de la clé USB et la donne à l’enseignante pour qu’elle copie des fichiers. Tout bascule au moment où elle découvre les photos. Elle alerte le pasteur et le prévient qu’elle va immédiatement prévenir la police. Ce dernier tente de dire la vérité, mais elle ne le croit pas. Il va alors, pour protéger sa famille, prétendre être le véritable propriétaire des fichiers et l’enfermer dans la cave pour tenter de trouver une solution. Une solution qui devient de plus en plus évidente : il ne faut pas qu’elle sorte vivante de la maison. 


Une intrigue qui serait banale si M. Greiff (Stanley Tucci) n’entrait pas en jeu. Dans une prison d’Arizona, ce condamné à mort résout des affaires criminelles juste par déduction. Quand une amie de Janice, inquiète de sa disparition, le contacte, il va tout mettre en œuvre pour la retrouver et lui sauver la vie. Mais comment aider une femme prisonnière en Angleterre quand on est dans le couloir de la mort aux USA ? 


Le scénario, palpitant, aux multiples rebondissements, certes parfois un peu excessifs mais tout à fait plausibles, est un exemple pour nombre de raconteurs d’histoires. De plus le personnage du condamné à mort apporte une touche peu banale à l’ensemble. Plus que de la rédemption, son action pour aider Janice est une obligation pour tenter, lui aussi, d’échapper à la chaise électrique. 

L’ensemble est donc dans l’ensemble excellent, d’autant que les acteurs secondaires (notamment Atkins Estimond autre pensionnaire du pénitencier) sont remarquables. Sans oublier la musique du générique interprétée par John Grant. 


De choses et d’autres - Soins express

La prolifération des données et leur libre accès permettent à nombre de passionnés de bâtir des tableaux complexes, mais souvent édifiants. Sur une action toute simple, commune à l’ensemble des habitants de cette terre, il est facile de comparer entre différents pays. On sait, par exemple, que la France est championne de la fécondité, puisque chaque Française a en moyenne 1,9 enfant contre seulement 1,31 en Espagne.

Pourtant, les Françaises sont parmi les plus vieilles à se marier. L’âge moyen est de 28,6 ans, contre seulement 25,6 au Portugal.


Dans tous ces chiffres disponibles quotidiennement, une liste de données m’a interpellé. L’organisme Statista a révélé la durée moyenne des consultations chez un médecin. La France est dans la moyenne, 16 minutes, soit un gros quart d’heure pour expliquer au toubib de quoi on souffre, qu’il établisse son diagnostic et rédige l’ordonnance. C’est un peu plus long, en Suède, où le toubib met exactement de 22 minutes et 30 secondes pour relâcher son patient.

Par contre, je ne vous souhaite pas de tomber malade en Chine ou au Pakistan. Dans ces deux pays, le rythme de travail des médecins est infernal. Si la médecine chinoise est réputée être douce, la consultation est, avant tout, violente et rapide. Extrêmement rapide, puisqu’elle dure, en moyenne, deux minutes.

C’est pire au Pakistan, le tête à tête avec le généraliste ne dépassant pas ces deux minutes pourtant déjà très brèves. Mieux vaut ne pas être bègue. Ni de souffrir de deux maladies, car au-delà de trois médicaments prescrits, le temps qui vous est imparti est terminé. Une autre façon d’aborder la médecine dite de l’urgence.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 12 novembre 2022