jeudi 10 novembre 2022

BD - Guerre fratricide dans le 66e album des Tuniques Bleues

Si Lambil dessine toujours les Tuniques Bleues, ce 66e album est écrit par Kris. Il y est question de l’immigration irlandaise vers cette Amérique si prometteuse. Mais arrivés en pleine guerre civile, certains ont dû faire des choix. Nord ou Sud ? 

A l’arrivée, des frères devenaient des ennemis. Une histoire qui se termine souvent tragiquement comme dans ces longs combats où Blutch et Chesterfield vont tout faire pour les sauver. 

Un album qui sort un peu de l’esprit de la série, le ton grave l’emportant sur l’humour que Cauvin maniait à la perfection. 

« Les Tuniques bleues » (tome 66), Dupuis, 11,90 €

De choses et d’autres - Vite, un Goncourt !

Donc, au cas où vous avez loupé l’information qui a tourné en boucle jeudi sur toutes les radios et hier dans presque tous les journaux de France et de Navarre, une femme a remporté le prix Goncourt. Brigitte Giraud décroche le prix littéraire français le plus prestigieux pour son roman d’autofiction Vivre vite, paru aux éditions Flammarion.

Une récompense plus que méritée pour ce texte dont l’Indépendant avait fait la critique dimanche dernier dans sa page « Livres ». Le titre du roman est extrait de cette expression prêtée à Lou Reed, « Vivre vite, mourir jeune ». Une phrase présente dans le livre que le mari de Brigitte Giraud lisait la veille de sa mort.


En 1999, il s’est tué au guidon d’une moto japonaise, une Honda 900 CBR Fireblade, un engin surnommé par les motards européens « la moto de la mort ». Ce Goncourt est très rock. Comme la passion du mari de Brigitte Giraud, critique musical au Monde.

La romancière, dans un exercice de style brillant, tente de comprendre l’inexplicable : la fabrication d’un fait divers. Exactement l’enchaînement des circonstances qui font qu’en ce mois de juin 1999, dans une rue de Lyon, un homme meurt sur le bitume. Comprendre, 20 ans après les faits, pour enfin tourner la page. Elle se trouve nombre de raisons pour estimer que c’est sa faute, sa très grande faute, si son mari n’a jamais vécu dans la maison qu’ils venaient d’acheter trois jours auparavant. Mais estime aussi que si ce n’était pas à cause d’elle, d’autres événements extérieurs auraient conduit à la même fin inéluctable.

Un grand livre, sur la mort et surtout les mille raisons, bonnes ou mauvaises, futiles ou essentielles, que l’on se découvre pour continuer à vivre vite après un deuil.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 5 novembre 2022

mercredi 9 novembre 2022

BD - Indiana Mickey

Les personnages de Walt Disney redeviennent très modernes depuis que des dessinateurs renommés en animent de grandes aventures pour Glénat. 

Alexis Nesme pour la seconde fois s’amuse à plonger Mickey, Donald et Dingo dans une ambiance terrifiante. Partis à la recherche d’un explorateur, ils débarquent sur une île peuplée de créatures inquiétantes. Et pour trouver le trésor du crâne de diamant, ils devront affronter des pièges dignes d’Indiana Jones. 

D’une beauté graphique époustouflante, cette aventure a de plus bénéficié d’une prépublication dans le Nouveau Journal de Mickey.

« Terror-Island », Glénat - Disney, 15 €

De choses et d’autres - Un peu de covid pour finir l’année ?

Cela fait plusieurs mois que je ne vous ai pas parlé, dans cette chronique, de la pandémie de covid. Pourtant, la crise sanitaire est loin d’être terminée. Souvenez-vous, tout avait débuté en Chine. Un pays toujours obnubilé par sa politique zéro covid. En clair, dès qu’un cas est détecté, la réaction est démesurée, pour empêcher toute propagation.

Des millions de personnes confinées et des restrictions de liberté sans commune mesure avec notre propre confinement.

Cette semaine, une femme ayant le covid est passée par le parc d’attractions Disney de Shanghai. Résultat, les autorités ont bouclé la structure, avec à l’intérieur les 6 000 chanceux qui avaient acheté un billet pour profiter des animations mises en place pour Halloween.

J’imagine leur réaction. Dans un premier temps, ils sont contents. La journée d’amusement va se prolonger un peu plus longtemps que prévu. Et puis, l’inquiétude monte. Un vrai cauchemar. Car la police empêche quiconque de quitter les lieux. Combien de temps vont-ils devoir rester cloîtrés avec fantômes et autres monstres ? Et si la maladie était virulente ? Et si le virus avait muté, les transformant tous en zombies ?

Finalement, l’enfermement n’aura duré que 24 heures. Et il suffisait de faire un test et d’être négatif pour sortir libre.

Parfois, je rêve qu’une telle mésaventure arrive à un public que je ne tiens pas en haute estime. Genre les spectateurs d’une corrida, obligés de regarder l’agonie des animaux durant de longues heures, les supporters de l’OM ou du PSG, privés de ravitaillement en liquide mousseux, voire les députés de la majorité relative, contraints de voir l’opposition profiter du blocage pour faire adopter une motion de censure.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 4 novembre 2022

mardi 8 novembre 2022

BD - Paris est magique


Le Paris des Merveilles est une série de romans signés Pierre Pevel. Un monde de fantasy, où le monde magique d’Ambremer communique avec le Paris du début du XXe siècle. 

Etienne Willem s’est approprié ce monde pour en signer une adaptation BD parfaite. Ceux qui connaissent déjà cet univers retrouvent Louis Griffont, un mage luttant contrer les forces maléfiques. 

Ce premier tome est une sorte de mise en situation, l’occasion de présenter les protagonistes, une belle et mystérieuse cambrioleuse et une très méchante entité démoniaque.

« Le Paris des Merveilles » (tome I), Bamboo Drakoo, 14,90 €

De choses et d’autres - Députés fantômes

Pas très sérieux, ce qui se passe, en ce moment, à l’Assemblée nationale. Les députes discutent du projet de budget 2023. Beaucoup d’argent à la clé, mais un investissement minimum de la part des élus de la majorité gouvernementale, se transformant, en cette période d’Halloween, en fantômes de la démocratie.


Durant la nuit de vendredi à samedi dernier, les débats autour du budget de la mission outre-mer ont pris un tour assez fantastique. Dans un premier temps, les élus de gauche (majoritaires dans les DOM-TOM), annoncent qu’ils ne voteront pas ce budget, jugé insuffisant. Mais au fil des débats, ils s’aperçoivent que si le ministre est bien présent pour défendre son texte, les élus de Renaissance ont déserté l’hémicycle. Conséquence, de nombreux amendements sont déposés, tous adoptés par une large majorité des présents.

De 300 millions, la somme totale est passée à 380 millions. Une belle rallonge, votée pour, entre autre exemple, fournir « 30 millions d’euros pour l’aide alimentaire à destination des foyers ultramarins », « renforcer le parc des Ehpad » ou, de façon plus anecdotique, « créer une allocation de 45 000 €, afin d’accueillir des apprentis au service militaire adapté en 2023 ». Résultat final : le budget est voté sans coup férir.

En réalité, les élus macronistes n’ont pas participé au débat, car ils savent parfaitement que le 49.3 sera utilisé par la Première ministre. Et que les amendements seront tous effacés. Voilà comment on douche les espoirs de nos compatriotes d’outre-mer, mais surtout, qu’on montre, avec une rare morgue, que les débats parlementaires ne servent absolument à rien, quand, la majorité des députés se transforment en véritables ectoplasmes.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 3 novembre 2022

lundi 7 novembre 2022

Roman d'espionnage - Les « Paysages trompeurs » des nouveaux barbouzes


Le second titre de la toute nouvelle collection Espionnage des éditions Gallimard résonne étrangement. Les espions qui traversent ce récit de Marc Dugain semblent tous un peu en bout de course. L’un des personnages a cette réflexion : « On fait un drôle de métier, à contre-courant de notre époque, qui est celle de l’exhibitionnisme, où chacun veut exister dans le regard des autres. Nous, vivants ou morts, on est des ombres, on fait le boulot et on disparaît ensuite sans bruit, sans reconnaissance. »  Trois d’entre eux vont décider de quitter les rangs, devenir indépendants, retrouver leur libre arbitre, exister. 

Le premier à abandonner ses illusions se nomme Ben. Tireur d’élite d’un commando des forces spéciales françaises, il bascule en pleine opération en Afrique. Il couvre ses camarades qui vont délivrer des otages des mains de terroristes. Mais quand il découvre le visage fin et délicat d’une jeune femme dans la lunette de son fusil, il décide de ne pas tirer pour l’éliminer. Cela coûtera la vie aux otages et à tous ses amis. Seul survivant avec une sacrée culpabilité sur les épaules. 

Dans sa cavale il sera rejoint par un producteur de films documentaires (sa couverture) et sa maîtresse, ancienne du Mossad. Ils vont tenter de dérober une centaine de millions à des narcos en passe de les blanchir en Iran. Ce roman d’espionnage alterne moments d’action (l’attaque en Afrique, le vol du pactole des trafiquants de drogue) et des explications plus spirituelles sur les motivations de ces hommes et femmes qui mettent leur vie entre parenthèses, en danger permanent, pour des causes qui souvent les dépassent. 

Et comme c’est Marc Dugain qui est à la manœuvre, en plus d’un réalisme à toute épreuve, le style fait plus penser à une étude savante entre philosophie et analyse de la société qu’à un simple roman de gare avec un fond d’espionnage. De la grande littérature, mais en prise directe avec l’actualité. 

« Paysages trompeurs » de Marc Dugain, Gallimard, 19 €


Littérature - « Vivre vite », le roman des ‘si’ de Brigitte Giraud remporte le prix Goncourt

Le prix Goncourt 2022 a été attribué à Brigitte Giraud pour son roman "Vivre vite" (Flammarion), dans lequel elle revient sur la mort de son mari dans un accident de moto en 1999.

Comment évacuer la culpabilité ? Comment se persuader que non, si mon mari, Claude, est mort dans un accident de moto, ce n’est pas de ma faute ! Vivre vite, roman et récit signé de Brigitte Giraud explore ce thème douloureux. A la base, la romancière est persuadée que « par ma volonté, j’avais préparé, sans le savoir, les conditions de l’accident. » Le roman, lauréat du Goncourt 2022, revient 20 ans après les faits sur l’enchaînement fatal. Et l’autrice de se demander comment elle aurait pu éviter ce cauchemar.

Elle va donc chercher à comprendre, en listant tout ce qui a conduit au drame, savoir s’il était évitable. « Si je n’avais pas voulu vendre l’appartement. Si mon frère n’avait pas garé sa moto pendant sa semaine de vacances. S’il avait plu. » Au total une quinzaine d’interrogations et autant de chapitres pour au final se demander « si les journées qui ont précédé l’accident ne s’étaient pas emballées dans une suite d’événements tous plus inattendus les uns que les autres, tous plus inexplicables. » Ce cheminement Brigitte Giraud le partage avec le lecteur, lui permettant de se glisser dans son esprit bourré de culpabilité « qui m’a obsédée pendant toutes ces années. Et qui a fait de mon existence une réalité au conditionnel passé. » Construction d’un récit inhabituelle, brillante et angoissante à la fois. On sait comment cela se termine, on ose espérer que oui c’était évitable. Et pourtant.

Infimes modifications

Ce texte, roman autobiographique d’une étonnante sincérité, raconte aussi les moments de bonheur. Car Brigitte et Claude, jeune couple qui vit à Lyon, ont tout pour s’épanouir. Il vit de sa passion, la musique. Elle commence une carrière de romancière prometteuse. Ils ont un petit garçon et viennent d’acheter une maison avec jardin dans le quartier où ils vivent depuis quelques années.

Cette maison qui semble être le déclencheur du malheur. Elle est omniprésente au début du récit, 20 ans aprèsle drame. Brigitte va la vendre, tirer un trait sur ce rêve immobilier, bâti à deux, mais qu’elle a longtemps traîné comme un boulet. La maison qui a un garage. Où le frère de la romancière gare une moto exceptionnelle. Moto surpuissante que le mari emprunte pour aller au travail. Et le soir, au retour, il en perd le contrôle et se tue. Sans maison, pas de garage, pas de moto, pas d’accident. Mais d’autres infimes modifications du déroulé de la journée auraient pu aussi éviter le pire. Écouter une dernière chanson plus courte. Ne pas retirer de l’argent à un distributeur. Donner une information cruciale à son mari à propos de son fils. Avoir un téléphone portable… Si…

Mais avec des si, ce texte n’aurait pas vu le jour et le lecteur serait privé de cette matière incandescente pour s’interroger, à son tour, sur le chemin de sa vie et les différentes bifurcations prises ou évitées en fonction de ce « conditionnel passé », véritable maître de notre existence.

« Vivre vite » de Brigitte Giraud, Flammarion, 20 €

dimanche 6 novembre 2022

BD - Eclaircie chez Margaux Motin

Dessinatrice talentueuse, star de l'illustration et conteuse hors-pair, Margaux Motin se dévoile dans le tome 2 de la série Le printemps suivant. Rien ne va plus dans son couple. 

Pacco, le père de ses enfants, fait la tête. Et un peu plus même : Margaux va-t-elle devoir vivre sans lui ? Comment le retenir ? Dans la première histoire, elle se souvient de ce barbecue en famille. La petite Margaux joue dans le jardin. Et quand elle se sent menacée par une guêpe (phobie qui la poursuit aujourd'hui encore), elle se réfugie sur les épaules de Papa. Papa qui déménage peu de temps après. Le divorce brise le coeur des petites filles. 

Des tranches de vie universelles dans des décors de toute beauté. 

"Le printemps suivant" (tome 2), Casterman, 22 €

Cinéma - Pétaouchnok, presque un « western » entièrement tourné dans les Pyrénées-Orientales

Le film Pétaouchnok, tourné dans les Pyrénées-Orientales, sort ce mercredi 9 novembre dans toutes les salles de France. L'occasion de découvrir une comédie d'aventure dans les paysages magnifiés des Pyrénées.

Les habitants des Pyrénées-Orientales reconnaîtront quelques endroits du département dans le film Pétaouchnok d'Etienne Leduc avec Pio Marmaï et Philippe Rebboh. Par exemple le café où la compagne de Ludo travaille est à Tautavel. C’est là que les scènes de village ont été tournées. Le ranch est celui de Las Caneilles à Tautavel aussi. On distingue aussi les tours du Moulin à Vent de Perpignan. Mais l’essentiel du film se déroule en pleine nature. De longues semaines passées dans la montagne, dans les environs des Angles. On est rapidement subjugué par la beauté des paysages.

Que cela soit dans les prairies dans les hauteurs, avec simplement quelques pics en décor ou au cœur de forêts qui semblent aussi profondes et sauvages que le grand nord canadien ou le long d’un cours d’eau, toutes les images sont belles et dépaysantes. Mais ce n’est pas un clip publicitaire pour la montagne.

Au contraire, Pétaouchnok c’est une vision réaliste et sincère d’une région qui sait encore être sauvage, pas toujours hospitalière, mais où les sensations sont démultipliées.