samedi 8 octobre 2022

De choses et d’autres - Manger autrement

Pénurie de moutarde, de canard et d’huile de tournesol, nos menus sont en train de changer. Pourquoi ne pas se laisser tenter par de nouvelles recettes, plus originales, voire déconcertantes. Même si vous ne me verrez jamais manger du ketchup au foin ou des dés d’algues surgelés.

Le premier produit est une invention d’étudiants en BTS Bioqualité du lycée de Charolles en Saône-et-Loire. L’idée était de proposer une préparation végétale permettant d’accompagner la viande star de la région : la charolaise. Avec des tomates déclassées, ils ont concocté cette recette qui vous conduit directement dans l’étable des bestiaux puisque le produit, selon l’étiquette, est « parfumé au foin ». Une drôle d’idée, qui interpelle. Car manger du foin n’a jamais été une riche expérience culinaire pour un gourmet qui se respecte.


Encore du végétal avec la médaille d’or de l’innovation du SIAL (Salon international de l’alimentation) de cette année. Le produit remarqué se nomme Io’Dés. En provenance de Bretagne, ce sont des « dés d’algues surgelés à poêler, avec texture croustillante et à base de macro-algues bretonnes ». Des algues croustillantes… Mais pourquoi ça ne me fait pas envie ?

Dans le genre il y a aussi ces lentilles d’eau riches en protéines végétales. Une médaille d’argent la lentille d’eau, très connue en Asie, est « source de protéines végétales et donc une alternative intéressante aux protéines animales. » Par contre je suis plus intéressé par le prix du public décerné à la Truitelle. Des « truites de montagne biologiques dans une conserve ». Mieux que des sardines ! Et en plus, cocorico puisque ce produit, commercialisé depuis novembre 2021, est élaboré artisanalement à Festes-et-Saint-André dans l’Aude, département où on sait bien manger.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 18 octobre 2022

vendredi 7 octobre 2022

BD - Titans spatiaux de "Prima Spatia"

Splendide saga de science-fiction lancée par Filippi et Camboni après leur Voyage extraordinaire. Très loin dans les confins de l’espace, des chasseurs capturent des créatures stellaires gigantesques pour en utiliser un fluide aux grands pouvoirs. 

A bord de la Flèche, les temps sont durs. Après avoir sauvé deux naufragées de l’espace, l’équipage parvient à neutraliser un spécimen encore plus grand que tout ce qui a été répertorié. Jackpot. Mais ces êtres ne sont-ils pas doués d’intelligence ? Pourquoi les tuer ?

 Une jolie réflexion sur l’utilité de la chasse et la préservation des espèces. 

« Prima Spatia » (tome 1), Vents d’Ouest, 14,95 €

De choses et d’autres - Ville futuriste rouge sang

Vous avez peut-être remarqué cette publicité qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux pour une ville du futur. Plus qu’un spot, une véritable œuvre de science-fiction à la Avatar, avec images de synthèse et réalisation soignée. Le projet global se nomme Neom et la ville The Line.

Sa particularité : deux immenses gratte-ciel de 500 mètres de haut et longs de 170 km. Dans l’absolu, cet ensemble architectural devrait être achevé en 2030 et héberger 9 millions de personnes.


En visionnant la pub, avec une jeune femme qui plane entre des taxis volants entre des arbres qui poussent autour de cascades d’eau claire, je ne vois que de l’utopie complète et absolue. Et pourtant, on sait déjà que les prochains jeux asiatiques de 2029 se dérouleront dans un autre quartier de Neom, un complexe de loisir et de sport à 2000 mètres d’altitude.

Car Neom sera construite en Arabie saoudite. Le financement de 500 milliards de dollars n’est pas un problème pour le prince Mohammed ben Salmane. The Line prendra place en plein désert. Peu d’habitants. Mais certains sont hostiles au projet. Trois bédouins par exemple ont osé contester leur expropriation. Problème vite résolu : ils viennent d’être condamnés à mort par la justice du pays. The Line sera un paradis, mais avec un peu de sang dans les fondations.

De toute manière ce n’est pas pour vous ni moi. La brochure vantant Neom précise que ce sera «Là où vivent les meilleurs et les plus brillants.» Et pour la construction en moins de dix ans, comme pour les stades de la coupe du monde du Qatar, des milliers d’ouvriers venus du Pakistan ou d’Afrique seront sollicités.

Car avant de construire le Paradis pour quelques privilégiés, d’autres vivront (et sans doute mourront) en Enfer.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 17 octobre 2022

jeudi 6 octobre 2022

BD - Ultra baston

Les amateurs de combats entre superhéros et monstres malfaisants seront comblés avec ces 216 premières pages de la série UltraMéga de James Harren. Dans ce monde futuriste, un fléau cosmique a bouleversé la vie de milliers de personnes. 

Des gens ordinaires se transforment en Kaijus, êtres hybrides horribles et violents. Pour contrer cette malédiction, ils ne sont que trois à avoir des pouvoirs, les UltraMegas. Le talent graphique de James Harren explose dans ces pages de baston hyperréalistes.

« UltraMega » (tome 1), Delcourt, 17,95 €

De choses et d’autres - Découverte routière

Cette semaine, j’ai du faire des centaines de kilomètres en voiture. Le genre mauvais karma. Pile au moment où tout le monde se rue sur les stations service et que le carburant devient plus rare qu’une augmentation de salaire, je dois faire de multiples allers-retours vers l’est, l’ouest et même le nord. Je ne suis jamais tombé en panne, le réservoir à sec, mais je me suis fait quelques frayeurs.

Pour retrouver quelques adresses peu fréquentées, j’ai sollicité les applications de guidage. En récupérant quelqu’un de la famille à l’aéroport de Toulouse pour la conduire dans le Tarn, puis revenir sur Perpignan, elle m’a fait l’article sur une application très en vogue en Belgique.


Waze permet de trouver les bons itinéraires, de découvrir des raccourcis et d’être informé, en temps réel, par la communauté, des soucis sur le chemin (voiture arrêtée, bouchon, contrôle radar inopiné). La difficulté, pour moi, c’est de taper sur l’écran tactile tout en conduisant.

J’évite, car c’est l’assurance de provoquer un suraccident. Je suis un homme incapable de faire deux choses en même temps, contrairement à vous mesdames, selon la légende urbaine.

Par contre, j’ai bien rigolé en testant les voix disponibles dans l’application. Si Vanessa est la seule, en français, à « comprendre les noms de rues », j’ai un faible pour Mireille qui a un accent provençal. Respect pour le plus près de chez nous, un certain Antonin, prétendument toulousain.

Dépaysement assuré avec Biloute qui parle comme un ch’ti. Beaucoup plus inquiétant, les voix à la mode zombie ou survivaliste.

Le risque c’est de ne plus faire attention au fond : « tournez à droite », au détriment de la forme : « Tournez à droite ou vous allez vous faire attaquer ! » (voix d’outre-tombe).

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 15 octobre 2022

mercredi 5 octobre 2022

Série télé - Divan, bis


Après une première saison absolument passionnante, En thérapie (Arte), série d’Eric Toledano et Olivier Nakache revient pour une seconde saison. Nouveaux patients mais toujours le même psy, Frédéric Dayan, interprété par un Frédéric Pierrot de plus ne plus émouvant et humain. Il se retrouve cette fois face à quatre patients et est lui même en difficulté, obligé de consulter. Les faits se déroulent cinq ans après les attentats du Bataclan. Au cours des 35 épisodes, il reçoit dans son cabinet un adolescent harcelé en raison de son surpoids, un chef d’entreprise en plein scandale médiatique, une étudiante  malade et une avocate solitaire à la vie trop lisse. Des tranches de vie passionnantes;, interprétées par Jacques Weber, Suzanne Lindon, Eye Haidara et Aliocha Delmotte. 

La nouveauté dans cette saison deux c’est la mise à nue du psy. Attaqué en justice, mis en difficulté, il se retrouve obligé de demander de l’aide à Claire, une consœur célèbre dans les médias. La confrontation entre Frédéric Pierrot et Charlotte Gainsbourg donne une direction différente à une série qui parvient ainsi à se renouveler. 

De choses et d’autres - Religions contre fantômes

Comme tous les ans, vers la mi-octobre, les histoires d’épouvante reviennent sur le devant de l’actualité. Normal, Halloween s’approche à grand pas. La tradition, débarquée des USA depuis quelques années, en dehors de son côté mercantile, est surtout une bonne occasion pour promouvoir tout un pan de notre imaginaire, celui qui nous fait frémir. Plus rares, les histoires réelles.

On rencontre beaucoup plus de fantômes sur grand écran, dans les séries ou les livres que dans la vraie vie. Peut-être parce qu’ ils n’existent pas, tout simplement.

Ce n’est pas l’avis des habitants d’un immeu
ble à Fontenay-aux-Roses, dans les Hauts-de-Seine. Au 100 de la rue Gabriel-Péri, ils sont une dizaine de locataires à demander leur relogement d’urgence, ailleurs. La cause : l’immeuble est hanté. Coupures de courant inexplicables, ombres sur les murs, bruits étranges : leur quotidien est devenu trop angoissant.

Et, comme le bailleur ne semble pas réagir assez vite, certaines des victimes de cette malédiction digne du film The conjuring, ont carrément demandé une cérémonie d’exorcisme, comme le révèle Le Parisien. Cérémonie qui sera menée conjointement par un prêtre et un imam. Preuve que, parfois, sur le dos des puissances démoniaques, deux religions qui se sont longtemps farouchement combattues parviennent tout à fait à trouver un terrain d’entente.

Mon vieux fond de mécréant pragmatique me souffle que c’est, sans doute, pour ne pas laisser à l’autre le monopole du rôle de protecteur contre l’inexpliqué.

Et en attendant, d’autres illuminés se rendent en pèlerinage à l’adresse hantée, comme pour se persuader que les fantômes, comme les différents dieux des nombreuses religions, existent véritablement.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 13 octobre 2022

mardi 4 octobre 2022

Série télé - Mental, série totalement dingue

A ceux qui se demandent encore à quoi sert Netflix dans le PAF (paysage audiovisuel français), l’exemple de Mental est un cas d’école. Cette série française, produite par France Télévision et diffusée exclusivement sur sa plateforme a eu de bons retours mais n’a pas explosé les audiences. Vitrine un peu étriquée pour une création qui méritait mieux. La période d’exclusivité étant terminée pour les deux saisons (toujours disponibles gratuitement sur France.tv), Mental peut migrer vers une structure plus grosse, diffusée dans des dizaines  de pays pour une exposition maximale. Mental a tout pour se faire remarquer d’un public jeune qui aime picorer sur les centaines de propositions de la plateforme mondiale. 

Encore mineur, Marvin (Constantin Vidal) échappe à la prison. Habitué des petits délits, les juges préfèrent l’envoyer se faire soigner dans une clinique psy spécialisée pour les adolescents. Son arrivée aux Primevères ne passe pas inaperçue. Marvin n’aime pas les fous. Il rue dans les brancards et cause beaucoup de problèmes aux autres patients. Qui eux pourtant sont enchantés de cette arrivée. Simon (Louis Peres), son colocataire de chambre, excentrique et hyper actif, rêve de conclure avec ce beau gosse. Mélanie (Alicia Hava) aussi, bipolaire assumée, est très sensible au charme brut de ce rebelle. Enfin Estelle (Laurena Thellier), schizophrène dans un corps d’enfant, tente de l’amadouer avec ses nombreuses peluches qui ont trop tendance à lui parler en mal. Une petite bande qui est sous la responsabilité d’une psy bienveillante, interprétée par l’humoriste Nicole Ferroni utilisée à contre emploi. Une série authentique, parfois comique, souvent grave et émouvante, qui aborde tous les problèmes de la vie en milieu fermé de façon assez cash, du sentiment d’exclusion, au harcèlement par certains soignants ou les tentations de fuir ou d’en finir. 

Après dix épisodes de 20 minutes pour une saison 1 ramassée et surprenante (malgré quelques moments manquant un peu de rythme), place à une seconde partie, toujours de dix épisodes et elle aussi disponible sur Netflix. On retrouve une partie des patients, mais le personnel soignant est totalement renouvelé. On note surtout l’arrivée de nouveaux jeunes en difficulté aux Primevères, notamment Max (Déborah Lukumuena, découverte dans Divines er vue récemment dans Robuste avec Depardieu), jeune femme victime de troubles alimentaires. Un renouvellement bienvenu pour une série qui est définitivement et complètement dingue. 

De choses et d’autres - De l’utilité des réquisitionnés

Petite démonstration par l’absurde, autour de la pénurie d’essence. Hier, la Première ministre a annoncé vouloir « réquisitionner les grévistes des raffineries d’Esso ». Ceux-là même, avec Total, qui demandent une augmentation de salaire. Que les directions de ces grands groupes pétroliers refusent, n’ayant même pas ouvert les négociations.

Mais pourquoi réquisitionner ces « bloqueurs » de dépôt ? Peut-être, car ils sont « essentiels » (souvenez-vous de ce terme, si débattu lors des confinements), contrairement aux actionnaires. Personne n’a envisagé une seconde de les réquisitionner ces actionnaires.


Pourtant, après les records de bénéfices, les milliards leur ont été distribués sans rechigner. Le problème, c’est que ces actionnaires se révèlent, aujourd’hui, tout à fait inutiles face à la situation de crise.

Par contre, ce serait double peine pour les grévistes « réquisitionnés » : non seulement ils ne touchent pas un centime de plus à la fin du mois, malgré l’inflation, mais en plus ils se retrouvent obligés de travailler, de casser leur mouvement social. Si on avait un doute sur le déséquilibre entre actionnaires et salariés, cette sortie d’Élisabeth Borne, entre autoritarisme et indignation, démontre, une nouvelle fois, que le capital, seul, n’est pas d’un grand secours dans notre vie de tous les jours.

Ce sont, pourtant, ceux qui ont les comptes en banque les plus garnis qui vont tirer les marrons du feu. Et eux ne revendiquent rien. Ils se contentent de toucher des dividendes de plus en plus élevés, indexés sur le prix de l’essence qui tutoie de nouveaux sommets.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 12 octobre 2022

lundi 3 octobre 2022

Cinéma - Raymond & Ray, l’adieu au père détesté

Nouveau film d’une exceptionnelle qualité mis directement en ligne sur la plateforme Apple TV +. Raymond & Ray vaut en grande partie par les performances des deux acteurs principaux, Ewan McGregor et Ethan Hawke. Ils interprètent deux demi-frères très différents. Âge identique, mères différentes mais un même père, Ray Harris, tyran qui les a martyrisés durant toute leur enfance. 

Devenus adultes, ils ont rompu les liens. Famille éclatée. Raymond se remet difficilement de son troisième divorce, Ray vivote de petits boulots, toujours pas remis de la mort d’un cancer de sa femme aimée. Une nuit, Raymond débarque chez Ray et lui annonce que le père est mort. Les obsèques ont lieu le lendemain, Il lui demande de l’accompagner. Ce drame, sombre mais au final assez lumineux, est réalisé par Rodrigo Garcia sur son propre scénario. Ces obsèques devraient marquer dans l’histoire du cinéma tant elles se déroulent de façon surréaliste. Car une des dernières volontés du père détesté par ses deux fils est que ces derniers creusent eux-mêmes, avec une simple pelle, sa tombe. Une cérémonie qui va aller crescendo dans la folie et l’émotion. 

Un grand film porté par deux comédiens au diapason, complémentaires et étonnamment humains.