mercredi 20 juillet 2022

BD - Perceval et la fée

Pour beaucoup de spécialiste c’est le meilleur dessinateur animalier du moment. Federico Bertolucci, dessinateur italien, délaisse pourtant un peu son univers privilégié pour s’attaquer à une histoire fantastique. Remarqué dans les albums Love (sur des scénarios de Brrémaud), racontant les déboires sans la moindre parole d’un chien, d’un lion ou de dinosaures, il s’attaque cette fois à la légende de Perceval.


Exactement la légende oubliée. Perceval n’est encore qu’un gamin vivant avec sa mère dans la forêt. Il chasse et s’invente des exploits en
compagnie de son hermine apprivoisée. Alors que les Saxons débarquent et vont attaquer le roi Arthur. Perceval, qui ne se doute pas qu’il sera un grand chevalier de la Table ronde fonce pour prévenir le monarque. Mais croise sur sa route une petite fée mal en point.

Superbement dessinée, cette histoire prévue en quatre tomes, a tout pour devenir une référence dans le genre du fantastique teinté d’historique. On va suivre l’apprentissage de Perceval et les aléas de la vie du petit peuple de la forêt.

« La légende oubliée de Perceval » (tome 1), Vents d’Ouest, 14,50 €

mardi 19 juillet 2022

Cinéma - Tous les films de Mia Hansen-Love au festival Ciné-rencontres de Prades

Après un florilège des films des frères Dardenne, le festival Ciné-rencontres de Prades propose un focus sur les œuvres de Mia Hansen-Love. La réalisatrice, présente dans la capitale du Conflent, apprécie que tous ses films, huit au total, soient programmés, dont "Un beau matin" en avant-première, sa dernière réalisation, présentée au festival de Cannes et qui ne sort qu'en octobre prochain. Rencontre.

Pourquoi avoir accepté de venir à Prades présenter votre travail aux cinéphiles de la région ? 

On m'avait déjà sollicité l'an dernier, mais je n'ai pas pu répondre positivement car je n'étais pas libre. J'ai été très sensible au fait qu'on me réinvite l'année d'après. Je suis toujours touchée quand il y a une certaine fidélité ou patience. J'ai eu un bon contact avec le président Jean-Pierre Abizanda et de la façon dont il parlait de son festival.

Connaissiez-vous la région ? 

Pas du tout. Je ne suis pas du Sud. J'ai passé tous mes étés d'enfance dans la maison familiale de Haute-Loire. Pour mon travail, j'ai beaucoup voyagé dans le monde mais je connais très mal la France. Aujourd'hui, je suis très contente de découvrir la France. Il y a deux semaines j'étais au festival de La Rochelle, c'est une ville magnifique. Depuis mon arrivée à Prades, j'ai visité Saint-Michel de Cuixa et j'aimerais aller à Serrabone. Je suis particulièrement sensible à ces lieux spirituels quand ils sont dans un cadre comme ceux-là c’est-à-dire au milieu de la nature.  

Appréciez-vous que le festival programme l'ensemble de vos films ? 

C'est déjà arrivé et pas mal de fois, mais c'est la première fois en France. Donc je suis très heureuse et j'y accorde beaucoup d'importance d'autant plus que dès mon premier film, d'une certaine façon, j'ai pensé en termes d'œuvre. Cela peut paraître prétentieux, j'espère que ça ne l'est pas. J'ai toujours été intéressée à la cohérence de ce que je faisais. J'ai toujours eu envie que le sens de mon travail ne vienne pas seulement des films pris séparément mais de la façon dont ils se répondraient. Je voulais que mes films aient un dialogue entre eux, un lien organique. Donc, je trouve que j'ai beaucoup de chance que les huit films soient montrés ensemble et pas séparément. 

Samedi soir, en clôture du festival, vous présenterez votre dernière réalisation, "Un beau matin". Que représente ce film dans votre parcours ? 

Après avoir réalisé Bergman Island qui se déroulait beaucoup dans la nature en Suède, un film romanesque dans des espaces ouverts et qui échappait à une certaine forme de réalisme, quand j'ai commencé à écrire Un beau matin j'ai eu le sentiment de revenir à la maison après m'être échappée en Suède. Je suis revenu à la maison dans le sens que c'est un film autobiographique. Il est question de la relation entre un père et sa fille. Un père malade ayant une maladie neurodégénérative. Au-delà de ça, c'est un film tourné à Paris dans des décors très proches de moi, de mon quotidien, qui me ramène peut-être au réel auquel j'ai voulu échapper en Suède. Là, au contraire, j'ai voulu m'y confronter. 

Quels sont vos projets après le festival ? 

Je vais accompagner la sortie d'Un beau matin. Avant sa sortie mercredi 5 octobre en France, je serai aux USA, notamment à Los Angeles puis en compétition au festival de Toronto au Canada. Ensuite, je vais continuer à écrire un projet de mini-série assez atypique en six épisodes sur la vie d'Annemarie Schwarzenbach, une journaliste, voyageuse, écrivaine, suisse allemande, morte en 1942. Son parcours, son histoire, son œuvre, me hantent depuis très longtemps. J'ai pris conscience il y a quelques années que cela ne correspondait pas au format d'un film en termes de durée, ce qui m'a conduit à le transformer en série de six épisodes. Je commence à travailler dessus, mais c'est vraiment un projet de longue haleine avec beaucoup de recherches historiques. Je commence juste à écrire le premier épisode, donc je ne suis pas près de revenir au cinéma. 

Cinéma - La solitude de “Tempura”


Dans le Japon moderne, aimer devient une véritable aventure. Une épreuve aussi. Pour soi, l’image que l’on donne, ce que l’on désire obtenir, que l’on est prêt à donner. Tempura d’Akiko Ohku est un film profond sur la solitude, l’amour de soi, de l’autre aussi. Une fable qui devrait aussi parler aux Occidentaux que nous sommes même si l’héroïne, Mitsuko (interprétée par la comédienne nommée Non), est l’archétype de la Japonaise contemporaine.

La jeune femme ne l’est plus tout à fait selon les codes rigides de cette société. Elle a plus de 30 ans et est toujours célibataire. Employée discrète, elle apprécie de cuisiner. Mais personne ne profite de ses tempuras, succulents beignets. Le début du film permet au spectateur de découvrir le quotidien de cette habitante de Tokyo.

Premier étonnement, elle vit seule mais parle sans arrêt à un personnage imaginaire qui vit dans sa tête : A. Son double, plus aventureux, qui parfois lui donne de très mauvais conseils comme sortir avec son dentiste. Mais A est surtout une création pour lui permettre de supporter les épreuves psychologiques compliquées comme prendre l’avion ou inviter un collègue à venir manger chez elle. Mitsuko serait-elle en train de tomber amoureuse de Tada (Kento Hayashi), un commercial de son entreprise, plus jeune qu’elle. Qu’est-ce qui est le pire ? Être célibataire à plus de 30 ans ou vivre avec un homme plus jeune que soi ? En réalité, ces questionnements de Mitsuko, s’ils étaient avant au centre des us et coutumes japonais, sont désormais sans importance. Aujourd’hui, elle doit avant tout s’affirmer et vivre simplement, à l’écoute de ses sentiments, sans la béquille d’A.

Un très beau film particulièrement sensible sur la solitude, assumée ou forcée, les mystères de l’amour et cette façon très délicate de débuter un bout de chemin à deux. Loin du coup de foudre et du paraître.


lundi 18 juillet 2022

Cinéma - Sorogoyen filme la Galice profonde dans “As Bestas”


Rodrigo Sorogoyen aime la France. Le public français aime ses films. Après le succès de Que Dios nos perdone, il confirme avec El Reino sur les magouilles politiques de l’Espagne contemporaine. Il prend un tournant francophone avec Madre, le récit se déroulant sur la côte landaise. Il poursuit sur cette voie avec deux comédiens français en vedette de son nouveau film, As Bestas.

Denis Ménochet et Marina Foïs interprètent un couple s’installant dans un village de Galice. Ils vivent dans une ferme et retapent des maisons abandonnées afin de faire revenir des habitants dans cette région durement touchée par l’exode rural. Un beau projet qui ne plaît pas à tout le monde.

C’est là que le film de Sorogoyen devient universel. Deux frères, vivant depuis toujours sur ces terres, ne supportent pas cette arrivée de sang neuf. De sang étranger surtout. Car pour eux, les Français ne sont pas, et ne seront jamais, chez eux. C’est leur terre, leur pays, leur propriété. Un conflit qui arrive si souvent de nos jours, attisant les rancœurs, les frustrations, développant la violence. Le film va ainsi devenir de plus en plus oppressant, à mesure que l’affrontement semble inéluctable.

Sorogoyen se révèle toujours aussi doué avec notamment un plan séquence qui devrait être enseigné dans toutes les écoles de cinéma.

Film de Rodrigo Sorogoyen avec Marina Foïs, Denis Ménochet, Luis Zahera.

 

dimanche 17 juillet 2022

Roman - Léa Tourret raconte quand la jeunesse plonge

A quoi pensent les jeunes filles d’aujourd’hui, ces adolescentes, âgées entre 13 et 17 ans, le regard toujours rivé sur leur téléphone portable ? Vous aurez en partie les réponses à cette interrogation en lisant le premier roman de Léa Tourret, La fille de la piscine.

C’est l’été. Léna passe une grande partie de ses journées à la piscine municipale en compagnie de sa meilleure amie, Max. Léna raconte tout ce qu’elle voit, ce qu’elle pense, ses désirs et ses peurs. Dans une langue très actuelle, sans fioritures ni effet de style, l’autrice plonge dans la psyché de cette plus tout à fait gamine, mais pas encore femme. Léna qui est dans cette période de sa vie où l’on n’a pas confiance en soi, que notre corps nous révulse et que tous les garçons semblent laids, même si, étrangement, ils l’attirent. Deux garçons vont justement entrer dans la vie des deux copines. Yannis et Lounès.

Au petit jeu de la drague, Max a l’avantage. Léna se retrouve seule, désespérée, obligée de se choisir une nouvelle meilleure amie, Sabrina. Un roman à lire à la mer ou à la piscine, tout en observant d’un coin de l’œil ces jeunes, fidèles reflets de Léna et ses amies.

« La fille de la piscine » de Léa Tourret, Gallimard, 16 €

samedi 16 juillet 2022

BD - Ces soldats invisibles agissent « Au nom de la République »

Le 14 juillet, les héros militaires de cette nouvelle série de Bartoll et Guzman ne défileront pas sur les Champs-Élysées. Normal, leur corps n’existe pas officiellement. La cellule dite des « Défenseurs », rattachée à la DGSE (le contre-espionnage français), agit dans l’ombre, uniquement sur ordre du président de la République.

Des missions très dangereuses d’élimination préventive de terroristes sur le point d’agir contre les intérêts de la France, Au nom de la République.

Cette première mission débute en Turquie. Un groupe de Défenseurs est sur le point de neutraliser une cargaison d’armes destinée à Daech. Ils tombent dans une embuscade et meurent tous. En conseil de Défense, décision est prise d’éliminer en priorité cette cellule qui semble vouloir frapper un grand coup médiatique.
Le Renard, agent d’élite, est mis sur le coup. Il va sillonner l’Europe, notamment en Allemagne, pour pister les assassins de ses collègues et amis. Le final se déroule au Maroc. Bartoll, au scénario, apporte toute son expertise d’un milieu qu’il côtoie depuis des années.

« Au nom de la République » (tome I), Soleil, 15,50 €

vendredi 15 juillet 2022

Jeunesse - Papi et mémé, ces héros

Mais que seraient les grandes vacances des enfants sans leurs grands-parents ? Un long tunnel d’ennui, entre jeux vidéo et télé… Ces deux petits romans (à partir de 7 ans), mettent en vedette les « anciens », souvent plus farfelus que leur descendance.

Ainsi Mémé, selon sa petite-fille, serait un agent secret. Le texte d’Emmanuel Villin raconte comment elle va déjouer le plan machiavélique d’un savant fou qui risque d’obliger toute la population de Paris à se nourrir avec de la malbouffe. Une histoire très contemporaine illustrée par Frédéric Rébéna.

Dans le 3e tome de Papi est un super menteur de Grégory Nicolas (illustrations de Jeremy Parigi), ce papi très mythomane explique à ses deux petits-enfants, Marcel et Apolline (sans oublier le doudou de cette dernière, la pieuvre Dédette) ébahis, qu’il a participé à la prise de la Bastille en 1789. Un énorme mensonge mais qui permet aux jeunes lecteurs de découvrir de façon très ludique et comique ce pan essentiel de l’Histoire de la France.

« Bons baisers de Mémé », L’école des loisirs, 8 €

« Papi est un super menteur - La super prise de la Bastille », PKJ, 5,95 €

jeudi 14 juillet 2022

BD - Karaté Girl alias Miss Shaolin


La couverture du premier tome de Miss Shaolin, écrite par Bottier et Kravtchenko et dessinée par Tozzi est un peu trompeuse. On pourrait penser que cette histoire se déroule dans la Chine médiévale. En réalité, c’est une histoire très classique ayant pour cadre un collège français contemporain. La jeune Bo a des origines chinoises par sa mère. Elle vit essentiellement chez son grand-père maternel, grand spécialiste des arts martiaux. Mais pas autant que des jeux vidéo…

Elle passe des heures à s’entraîner et sous ses airs timides se cache une redoutable combattante. Une petite bande de caïds l’apprend à ses dépens. Seule, elle les met tous au tapis en quelques secondes. Comme l’exploit est filmé par Martin, un geek, un peu amoureux de la jolie Bo, elle devient la star de l’établissement scolaire et hérite du titre de Miss Shaolin.
Si la vie des jeunes est très bien retranscrite, dommage que la seconde moitié de l’album soit consacrée à un tournoi d’art martial avec accumulation des combats. Sympa à dessiner pour Tozzi, virtuose italienne, mais un peu répétitif pour les lecteurs.

« Miss Shaolin » (tome 1), Jungle, 11,95 €

mercredi 13 juillet 2022

Roman - Un homme, trois femmes dans « Assemblées », premier roman de Clémentine Autain

Ce premier roman de Clémentine Autain laisse perplexe. La députée de gauche raconte de l’intérieur la vie de l’Assemblée nationale. Mais bizarrement, les trois femmes qu’elle met en scène sont toutes sous le charme d’un député de droite, mâle alpha de la politique française, macho assumé et grand prédateur de petite culotte. 

Si quelques passages du livre racontent comment certaines femmes se mobilisent pour faire changer le regard des hommes sur les femmes dans ce milieu très rétrograde, les trois héroïnes ressemblent plus à des caricatures de femmes enamourées comme on en croisait tant et tant dans les vieux romans à l’eau de rose.

Lila, brillante économiste, femme élevant seule son fils, devient une bête groupie dès qu’elle croise la route du député Antoine Polin. De même, Jeanne, assistante parlementaire d’un élu de gauche, se donne sans réserve de 5 à 7 à ce même Polin. Qui par ailleurs a une femme depuis 25 ans, Estelle, cocue mais si heureuse avec son homme de pouvoir qu’elle voit conquérir l’Élysée.

Parfois, Assemblées ressemble à du Marlène Schiappa…

« Assemblées » de Clémentine Autain, Grasset, 20 €

mardi 12 juillet 2022

Roman noir - Loubards des années 80 en galère dans la « Banlieue noire »

Sympathique nouvelle collection aux éditions du Cherche-Midi. Baptisée Borderline, elle a pour but de publier ou remettre au goût du jour des textes qui « s’adressent à tous les lecteurs avides de vigueur, de bonne santé et d’insolence. » Une nouveauté pour inaugurer cette bouffée d’air pur dans une littérature trop souvent corsetée par un politiquement correct qui empêche de dire clairement les choses, Banlieue noire de Rémi Pépin. Une plongée salutaire dans les années 80.

Exactement l’action débute le soir du 10 mai 1981. Alors qu’une partie de la France fait la fête dans les rues de Paris et la proche banlieue, trois amis semblent insensibles à cet espoir de jours meilleurs. Il est vrai que Riton, Momo et Jean-Claude savent que ce ne sont pas quelques ministres de gauche qui vont changer leur quotidien de loubards de banlieue. Ce dimanche soir, ils ont un autre projet, plus excitant : se bourrer la gueule, fumer quelques joints et aller récupérer la voiture de leurs rêves, une traction avant, l’auto des gangsters par excellence. Les trois potes, une fois au volant, vont voir leur destin méchamment contrarié. En plus de planter la caisse, ils trucident un inconnu, compagnon de beuverie, embarqué dans leur virée. Paniqués, ils décident de l’enterrer dans un terrain vague. Les ennuis vont commencer…
Beaucoup de tendresse en fait dans ce texte quand l’auteur parle des trois losers, amis d’enfance qui zonent depuis trop longtemps dans cette banlieue sinistre. Ils aiment se retrouver et faire des conneries car « ensemble ils étaient forts, solidaires, insolents, arrogants. Seuls, ils redevenaient ce que le monde entier, flics, profs, parents ou patrons, s’appliquait à leur répéter chaque jour depuis leur plus tendre enfance : des pas grand-chose, des rien du tout. Voire des moins que rien du tout. »

« Banlieue noire » de Rémi Pépin, Borderline, 15 €