lundi 25 avril 2022

BD - Cauchemars insulaires


Conçu comme une histoire complète, l’album L’île oubliée devient finalement une série face au succès de cette histoire fantastique. Un couple avec deux adolescentes, dérive en Méditerranée sur son voilier. 

La famille se retrouve prisonnière d’une île où les rêves sont impossibles. Bétaucourt au scénario et Antista au dessin tentent de retrouver la magie du début. C’est un peu moins convaincant, plus délayé. Reste que les déboires de Mia et Eve plairont aux plus jeunes et les dessins colorés et très beaux les feront longtemps rêver.

« L’île oubliée » (tome 2), Jungle, 12,95 €

BD - Paris nostalgie


Pierre Christin, scénariste de Valérian, cultive depuis quelques années sa nostalgie du XXe siècle. Il a confié à Jean-Michel Arroyo (dessinateur biterrois), l’illustration de cette tranche de vie d’un provincial monté à Paris en 1950. 


Antoine débarque de l’Aubrac et se retrouve embauché comme homme à tout faire dans un cabaret. Jolies nanas, trafics en tout genre et surtout mainmise de la mafia corse dans un milieu où il faut souvent oublier la légalité. Dans un noir et blanc au lavis, le Pigalle d’antan revit avec fusillades, jambes levées et amours impossibles. .

« Pigalle, 1950 », Dupuis, 25,95 €

dimanche 24 avril 2022

Science-fiction - L'avenir très obscur sous la plume de Philippe Testa

Dans un futur proche, le monde est au bord du chaos. Les riches, toujours plus riches, écrasent au quotidien, les pauvres, de plus en plus soumis. Pour décrire cette société cauchemardesque dans L’obscur, Philippe Testa suit les pas du narrateur, un solitaire qui n’a pas trouvé sa place dans ce monde très formaté. Mathématicien, il travaille dans une multinationale. Exactement il passe ses journées dans un box à scruter un écran. Souvent il s’évade en consultant les réseaux sociaux ou en s’informant sur le GS, le Global Screen, seule source d’information. Il vit dans un petit appartement, entretient une relation avec Pia, jeune femme au chômage qui passe l’essentiel de ses journées au lit. Ce qu’il aime le plus, aller se promener le long du lac Léman. 

Dans un premier temps, L’obscur, roman entre essai social et récit apocalyptique, plonge le lecteur dans cette réalité qui n’est pas si éloignée de notre quotidien. Travail précaire avec toujours le risque de perdre son emploi et de se retrouver à la rue. En Suisse, pourtant, tout le monde semble privilégié en comparaison avec les révoltes sociales violentes des pays pauvres. Sauf quand il y a des coupures de courant : « L’électricité n’est pas revenue ; elle semble avoir disparu. Elle nous a échappé. Comment allons-nous nous protéger de l’obscurité quand la nuit sera tombée ? » Cette seconde partie du roman, on peut facilement l’imaginer dans notre quotidien. Que deviendrions nous sans électricité ? La société s’écroulerait en moins d’une semaine. 

Tout ce qui nous permet de survivre sans se poser de question deviendrait un souvenir virtuel. Et la fin du roman nous montre un homme errant dans un paysage de mort, cherchant de la nourriture, perdant toute humanité et vivant dans la peur permanente. Notre avenir en quelque sorte. Sombre et obscur. 

« L’obscur » de Philippe Testa, Folio SF, 7,60 € 


BD - Rêve et réalité


Délaissant l’humour de récréation de Titeuf, Zep signe régulièrement des romans graphiques ambitieux sur l’avenir de notre société. Ce que nous sommes se penche sur l’arrivée du virtuel dans notre réalité quotidienne. 


Dans un futur lointain, les riches vivent des milliers de sensations et de vies grâce à des consciences numériques stockées dans d’immenses data-bases. Quand Constant se fait pirater, il redevient un humain de chair et de sang, incapable de se débrouiller seul. Mais est-ce un mal ou un bien ? De la philosophie binaire. 

« Ce que nous sommes », Rue de Sèvres, 20 €

samedi 23 avril 2022

BD - Drôles de plumes


Ils sont tous très beaux les oiseaux sélectionnés par Jean-Luc Garréra et Alain Sirvent dans le 3e tome de cette série humoristique. Beaux mais aussi un peu idiots (pour ne pas dire pire). Comme la coracine casquée et sa caroncule ridicule ou le Nestor Kéa, seul perroquet carnivore mais qui est surtout un voleur de nourriture au point de devenir le cauchemar des touristes en Nouvelle-Zélande. 

Mélangeant habilement humour et pédagogie, Jean-Luc Garréra, le scénariste audois, trouve un juste milieu entre distraction et enseignement. On apprend beaucoup de choses, parfois futiles mais toujours intéressantes, sur ces oiseaux malheureusement de plus en plus menacés de disparition.   

« Les oiseaux en BD » (tome 3), Bamboo, 10,95 €


BD - Atlantide en perdition


Dessinateur réaliste italien, Stefano Martino se lance en solo dans une série de fantasy grandiose. Le continent oublié de l’Atlantide a perdu de son prestige. Une guerre fait rage pour le pouvoir. 


Le roi Leoden est sous la coupe d’un prêtre. Il redoute le retour de son frère, Eolen. Il y a dix ans, la belle Leyon a fait son choix entre les deux frères. Une intrigue classique sur le pouvoir avec un triangle amoureux. Tout l’intérêt de la série réside dans le dessin, grandiose, exceptionnel, notamment dans le cahier graphique en fin de volume.  

« Les chroniques d’Atlantide » (tome 1), Glénat, 15,95 €


vendredi 22 avril 2022

BD - Viollet-le-Duc, un bâtisseur


Il est passé par Narbonne et a rénové de fond en comble la Cité de Carcassonne. Viollet-le-Duc est le premier personnage à avoir les honneurs de la collection des « Bâtisseurs ». C’est essentiellement sur sa restauration et remise en état d’origine de Notre-Dame de Paris que les auteurs espagnols (Salva Rubio, scénario, Eduardo Ocana, dessin) dressent le portrait de celui qui a marqué l’histoire de France. 


À cette époque, le gothique est considéré comme un art barbare ? Les églises sont en ruines. Notre-Dame sert d’entrepôt. Il est le premier à redonner ses lettres de noblesse à cette architecture. Un combat qu’il a mené avec Prosper Mérimée et un autre architecte oublié : Lassus. 

« Viollet-le-Duc », Delcourt, 15,95 €

BD - Jouez maintenant !


Si vous avez des difficultés à faire décrocher vos enfants des jeux vidéo, précipitez-vous sur cet album de Damian et Hernandez. Dans un futur proche, tout est devenu virtuel. Quand Daniel doit aller passer deux semaines en vacances chez ses grands-parents, il redoute le pire. Ils vivent loin de la civilisation, sans connexion internet. 


Mais Papi et Mamie ont plus d’un tour pour transformer le séjour en vaste chasse au trésor dans les bois, ,découverte de la rivière,  fabrique de cerf-volant et surtout rencontre avec la légendaire reine Louve.

« Game au vert », Bamboo, 15,90 €


jeudi 21 avril 2022

BD - Tueur d’État dans les années 50


Les années 50 redeviennent à la mode. Après le récit de Christin et Arroyo, ce sont Noël Simsolo et Dominique Hé qui restituent le Paris de cette époque. Dan est le patron d’une boîte de nuit. Une couverture pour cet ancien Résistant qui a accepté de faire partie des services spéciaux de l’État français. 

Son rôle : éliminer en toute illégalité des hommes qui complotent contre la France. Il a commencé en tuant des collabos, il continue en assassinant ceux qui aident les mouvements indépendantistes, notamment d’Afrique du Nord. Un récit assez sombre, où le héros, perdant toute notion de bien ou de mal, tue sur commande. Mais cela risque de se retourner contre lui et le second tome devrait apporter un peu de rédemption à un homme aux mains sanglantes.

« Du côté de l’enfer » (tome 1), Glénat, 14,50 €


Roman - La fille-troll cherche sa sœur

En Islande, la moindre parcelle de terre est habitée par des êtres minuscules et magiques. Une omniprésence du surnaturel sans doute pour compenser le climat si rude. Le nouveau roman noir de Lilja Sigurdardottir se déroule en été. Les températures ne sont donc pas glaciales.  10° en pleine journée. Mais le soleil ne se couche plus. Difficile dès lors de bien dormir. 

C’est dans cette ambiance déstabilisante que débarque à Reykjavik Aurora. Elle est missionnée par sa mère pour obtenir des nouvelles de sa grande sœur, Isafold

Femme battue

Aurora et Isafold sont aussi différentes que leurs deux parents. Le père (mort depuis quelques années) était un pur Islandais, immense, blond et fier de ses traditions, la mère une écossaise qui n’a jamais su s’adapter à cette terre volcanique légendaire. Si Aurora, grande, musclée et sportive a le gabarit de l’Islandaise de base, elle vit pourtant en Écosse. Isafold, petite et fine, réside depuis quelques années avec Björn, un Islandais qui n’a jamais quitté son île. Le père des deux sœurs si dissemblables a théorisé ce grand écart. Aurora se souvient : « Les filles-elfes et les filles-trolls n’ont pas les mêmes besoins. Pour le petit-déjeuner il place deux toasts dans l’assiette d’Isafold et plusieurs tranches de bacon dans la mienne. Après le repas, elle ira courir et moi j’irai à la salle de musculation avec lui. » La même Aurora confesse à Daniel, un policier séduisant, « qu’elle se sentait parfois comme une sorte de pendule oscillant sans cesse entre la sage Grande-Bretagne et la folle Islande. »

Devenues adultes, l’entente entre les deux sœurs s’est détériorée. Isafold a souvent appelé à l’aide sa sœur car son compagnon la bat. Elle est toujours venue. Mais Björn arrivait toujours à la récupérer. Jusqu’à l’incartade suivante.  Cela fait trois semaines qu’Isafold ne donne plus de nouvelles à sa mère. Aurora débarque et Björn prétend qu’elle est repartie en Grande-Bretagne. Où est Isafold ? Que lui est-il arrivé ? 

Ces questions sont au centre de ce polar même si l’essentiel du récit n’est pas policier. On est surtout happé par les personnages secondaires du récit : Grimur, un homme étrange, visiblement dérangé, qui se rase l’ensemble du corps au moins trois fois par jour, voisin et amoureux transi d’Isafold, Olga, autre voisine d’Isafold, mère dévastée par la mort de son fils, qui revit depuis qu’elle héberge clandestinement un réfugié syrien, Hakon, un propriétaire d’hôtels, grand magouilleur devant l’éternel, expert en détournement de fonds et qui intéresse doublement Aurora, professionnellement et sexuellement. Et puis il y a bien évidemment l’Islande, ses ambiances si particulières, l’ensemble de ses habitants, uniques et aux mœurs incompréhensibles pour nous, Européens du sud. Des filles-trolls comme des filles-elfes.  

« Froid comme l’enfer » de Lilja Sigurdardottir, Métailié Noir, 21 €