lundi 18 avril 2022

Série télé - « Drôle » mérite bien son nom


Parfaitement écrite, jouée à l’unisson par quatre comédiens inspirés, alternant humour et émotion : Drôle, la nouvelle série de Fanny Herrero (créatrice de Dix pour cent) est une parfaite réussite. Il faut parfois dire clairement et noir sur blanc des évidences. Car, trop souvent on aime détester pour de mauvaises raisons des œuvres qui pèchent essentiellement par leur diffusion. Les productions françaises de Netflix n’ont souvent pas très bonne presse. À juste titre, quand on repense à la catastrophe Marseille. Avec Drôle, la plateforme a trouvé son programme culte. Pas comme Lupin, qui en plus s’exporte. Mais qui va plaire à toute une génération (jeune) de Français qui vont se reconnaître dans ces quatre portraits si attachants. C’est bien le paradoxe de la série qui, normalement, a pour but de montrer les coulisses du monde du stand-up. De l’humour, mais aussi des vacheries. Et, au final, des tonnes d’émotion. 

Dans ce bar qui fait aussi plateau de stand-up, le soir, le patron est un ancien du milieu. Bling (Jean Siuen) a connu son heure de gloire. Mais est en plein doute. Il n’a plus d’idées et, de toute manière, consomme un peu trop de drogue pour faire bonne figure. Il a investi dans ce lieu qui donne sa chance aux jeunes humoristes de la capitale. Aïssatou (Mariama Gueye) y teste des idées, avant de les finaliser pour son spectacle dans un petit théâtre. Elle est la meilleure amie de Nezir (Younès Boucif), roi de la repartie, qui travaille ses chutes tout en pédalant, car il doit livrer kebabs et sushis pour vivre. La quatrième héroïne de Drôle c’est Apolline (Elsa Guedj). Au début elle n’est que dans le public. Cette fille de grand bourgeois fait des études d’art. Mais rêve de monter sur scène et de faire rire. 

Les six épisodes racontent, en parallèle, ces quatre destins. Aïssatou perce et devient une vedette nationale, au risque de détruire son couple. Bling va tenter un come-back, en utilisant le talent d’écrivain de Nezir. Ce dernier, pour payer le loyer, va accepter d’écrire pour une star de la télévision. Sans jamais être crédité, évidemment. 

Toute la richesse de Drôle réside dans l’arrivée, au cœur de ce milieu, de la très délirante Apolline. Elle va craquer pour Nezir, mais mettra longtemps avant de l’admettre et lui donner sa chance. Une superbe histoire d’amour qui vient apporter son lot d’émotions à une série qui est, avant tout, une succession de vannes et de bons mots. Car, si Fanny Herrero assure l’écriture de l’intrigue, elle a confié à des pros du stand-up (dont Fanny Ruwet et Jason Brokerrs) la partie scène qui est drôle, très drôle !

 


BD - Nostalgie métallique, deux fois !


En redécouvrant Métal Hurlant, l’an dernier, dans les librairies, les nostalgiques de la grande époque du magazine de BD et de science-fiction n’ont pas caché leur déception. On était loin des provocations des années 80, sous la houlette de Dionnet. 

Des critiques qui ont sans doute porté, puisque le second numéro est un spécial nostalgie. Dionnet y est interrogé sur son « management » et les meilleurs récits courts sont repris dans ces 300 pages très denses. On retrouve, avec plaisir, Moebius ou Druillet, mais aussi des auteurs emblématiques, aujourd’hui un peu oubliés comme Macedo, Nicollet, Voss, Nicole Claveloux, Chantal Montellier ou le regretté Michel Crespin.   

« Métal Hurlant » (numéro 2), 19,95 €

dimanche 17 avril 2022

Série télé - « Upload », seconde génération


Les plaisirs de la réalité virtuelle… après la mort. Dans Upload, série créée par Greg Daniels (The Office) pour Amazon, les riches peuvent continuer à vivre après leur mort dans un monde parfait. Il suffit de se faire « uploader » la mémoire… et de payer très cher. La saison 1 présentait aux téléspectateurs Nathan (Robbie Amell), jeune informaticien assassiné mais qui a été uploadé par sa fiancée richissime et Nora (Andy Allo, photo ci-dessus), la technicienne chargée dans la vraie vie de l’assister, son Ange dans l’Upload. Dans la saison 2, Nora a quitté la société pour rejoindre les technophobes qui luttent contre l’Upload. Nathan n’est plus seul puisque sa fiancée le rejoint dans l’Upload. 

L’intrigue criminelle (qui a tué Nathan, pourquoi ?), sans être abandonnée, est moins présente. Les créateurs ont préféré se concentrer sur les formidables possibilités de l’Upload où en réalité tout est possible. On rit beaucoup aux délires d’Ingrid (Allegra Edwards), la fiancée de Nathan. Son meilleur ami dans l’Upload, idiot et excessif dans tout, est aussi une source de gags sans limite. On apprécie aussi cette idée, folle mais digne de ce futur cauchemardesque, de proposer aux locataires de ce monde virtuel d’adopter un bébé numérique pour redécouvrir les joies de la famille. 

Et comme souvent dans les séries de Greg Daniels, les nombreux personnages secondaires, toujours très travaillés, apportent une grande richesse à un ensemble parfait pour se distraire tout en réfléchissant aux limites du virtuel.

 


BD - Panne de réseau


Histoire d’adolescents dans ce Moon signé Cyrille Pomès. Un roman graphique se déroulant, en septembre, dans une cité balnéaire inspirée du Barcarès, dans les Pyrénées-Orientales. Les touristes sont partis. Ne restent que les autochtones. L’auteur raconte le quotidien de plusieurs adolescents qui s’éveillent à l’amour. 

Il y a Gabriel, peu bavard et Luna, insolente et provocatrice. Ils vont se trouver, se découvrir à la faveur d’une panne complète de l’antenne relais du réseau de téléphone portable. Privés de leur drogue quotidienne, ils vont tous devoir réapprendre à vivre, sans partager photos et messages toutes les 10 secondes. Un album entre réalisme et poésie, aux décors lumineux, malgré la désolation de la période.   

« Moon », Rue de Sèvres, 18 €

samedi 16 avril 2022

Cinéma - Plus de famille, moins d’animaux fantastiques

Le 3e volet de cette saga imaginée par J. K. Rowling, maman de Harry Potter, s’intéresse aux secrets des frères Dumbledore.


Pour le troisième volet de la saga des Animaux fantastiques de J. K. Rowling, le réalisateur David Yates a mis un peu moins de bestioles étranges et un peu plus de tension familiale. Que les fans de la francise se rassurent, il reste nombre d’espèces magiques (notamment le qilin, au centre de l’intrigue), mais le film est essentiellement porté par les déboires et lourds secrets du passé de la famille Dumbledore. Une trame plus humaine (même si c’est dans une lignée de sorciers), qui permet au public de mieux s’identifier aux personnages principaux. 

Albus Dumbledore (Jude Law) vit avec son frère Aberforth, aubergiste à Poudlard. Ils sont tourmentés après la mort tragique de leur jeune sœur. De ce drame, on va découvrir les tenants et les aboutissants durant cette quête mouvementée, menée par Norbert Dragonneau (Eddie Redmayne) et son équipe. De Berlin et sa prison gardée par des monstres, New York ou le Royaume du Bouthan, en passant par une jungle non identifiée, lieu de naissance du qilin, Les animaux fantastiques : Le secret des Dumbledore en met plein la vue à un public conquis et qui ne sera pas déçu. Sauf les fans de Johnny Deep, obligé d’abandonner le rôle du grand méchant Gellert Grindelwald, confié à un Mads Mikkelsen encore plus crédible.

Film américain de David Yates avec Eddie Redmayne, Jude Law, Mads Mikkelsen, Jessica Williams, Dan Fogler

Roman - Un fantôme nommé Marcello

Mais qui est ce vieil homme qui tombe littéralement sur la tête du narrateur ? Ce roman de Thomas Vignau, se déroulant dans une ville fantasmée qui ressemble étrangement au Montpellier de sa jeunesse, fait se croiser deux originaux. 

Le narrateur, donc, un étudiant qui ne sait plus trop quoi faire de sa vie entre études dilettantes, boulot alimentaire (à cuire des frites), soirées destroy avec les potes, fumette et visionnage intensif de films du patrimoine. Il se cherche. Tous les jours : « Aujourd’hui était une montagne devant moi. Chaque matin je me retrouvais à ses pieds et je recommençais l’escalade à zéro. L’unique caillasse que je trimballais sous les nuages […], c’était ma solitude. » L’autre protagoniste de Marcello & Co c’est justement le fameux Marcello. On ne sait pas s’il s’appelle véritablement comme ça. Mais pour le narrateur, sa ressemblance avec l’acteur italien de 8 et demi est une évidence. Marcello, tombé du ciel en pleine rue, qui va tous les matins boire des rosés en lisant le journal avant de distribuer des petits bouts de papiers à des connaissances. Le narrateur l’observe, se passionne pour cet homme énigmatique et ses rituels, s’interroge aussi : « Pourquoi est-ce que cela me faisait tant d’effet ? Est-ce que je commençais simplement à partir en sucette ? »

Le style direct et sans fioritures de Thomas Vinau permet au lecteur de ressentir la curiosité de l’étudiant, découvrant avec lui ce jardin merveilleux, préservé en pleine ville, sorte d’antre de savant fou. Une échappée vers le fantastique, qui donne une ampleur à ce texte très étonnant. Finalement, après une partie d’une poésie absolue, on comprend la finalité de ce qui ressemble à la naissance d’une vocation quand il prend conscience que « chaque expérience, même quotidienne, même triviale, heureuse ou pas, pourrait m’aider à écrire. Et inversement, que le moindre moment consacré à la littérature m’aiderait à vivre. »

« Marcello & Co » de Thomas Vinau, Gallimard, 19 €

vendredi 15 avril 2022

Cinéma - Les cœurs du chœur carcéral

Mais quel joli film choral et musical que cet A l’ombre des filles d’Étienne Comar. Pourtant l’exercice s’annonçait périlleux.


Luc (Alex Lutz) est un célèbre chanteur lyrique. Il semble obligé de faire une pause dans sa carrière, après un événement dramatique. Loin des scènes européennes ou des festivals estivaux, il va passer une partie de l’été à animer un atelier de chant dans une prison pour femmes. La première partie du film va permettre au spectateur de faire connaissance avec ces femmes, ce professeur si particulier et cet univers oppressant. 

Si Luc n’en dit pas beaucoup sur sa carrière, il n’en demande pas plus à ses stagiaires. Comme il l’explique, un peu plus tard, il ne veut pas savoir pourquoi elles sont en prison, ce qui l’intéresse c’est leur personnalité. Le tour de force du film aura été de réunir un casting assez incroyable pour un film choral au ton très social. 

Parmi les chanteuses, qui au final se produiront devant les autres détenues, il y a Carole (Veerle Baetens), grande gueule qui espère devenir chanteuse pro, star exactement,  Jeanine (Marie Berto), la plus âgée, la moins douée et qui sait parfaitement qu’elle mourra en détention, Jess (Hafsia Herzi), la plus jeune, la plus fragile, bourrée de médocs, au ralenti, brindille portée par le courant, Noor (Fatima Berriah), la politique qui n’hésite pas à dire ses 4 vérités au prof qui vient s’acheter une bonne conscience, Marzena (Anna Najder), polonaise qui espère surtout améliorer son français. 

Dernière composante de la chorale : Catherine (Agnès Jaoui). Une voix pure, d’exception. Luc est en admiration. Mais chanter ne l’intéresse pas du tout. Elle ne fait cet atelier que pour obtenir une réduction de peine… 

Le reste du film montre ces répétitions, compliquées, enthousiasmantes, interrompues parfois par une bagarre. On n’oublie jamais que l’on est dans une prison. Notamment lors du spectacle final, apothéose d’un film musical pas comme les autres.

"A l’ombre des filles", film d’Etienne Comar avec Alex Lutz, Agnès Jaoui, Hafsia Herzi, Veerle Baetens, Marie Berto


De choses et d’autres - Brosse à mascara originale

Je vous ai raconté ici même, il y a quelques semaines (le 14 février dernier exactement, jour de la Saint-Valentin...), comment des chercheurs britanniques ont découvert que l’intérieur de certaines voitures étaient encore plus sales que des cuvettes de WC.

Ces chercheurs anglais sont visiblement passionnés par la saleté sous toute ses formes puisqu’une nouvelle étude vient de mettre en évidence un objet là aussi encore plus sale que ces fameuses cuvettes. En découvrant l’étude, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si c’étaient de nouveaux WC qui étaient analysés ? 

Si c’est bien le cas, je plains ce chercheur, persuadé au début de son cursus scientifique qu’il va décrocher un Nobel dans quelques décennies et qui se retrouve toutes les trois semaines à ponctionner à l’aide de cotons tiges les pires recoins des toilettes publiques de son laboratoire... On n’a pas toujours la carrière à laquelle on rêve en étant jeune. Quelle que soit sa spécialité.
Cette fois ce sont les pinceaux de maquillage contenus dans les trousses qui seraient beaucoup plus infectés par des microbes, bactéries et autres crasses rédhibitoires. Sur les 12 pinceaux testés, les scientifiques ont découvert plus de 4000 colonies de levures et de bactéries.

Cette étude scientifique on ne peut plus sérieuse se termine par une image qui risque de me hanter longtemps : En clair, mesdames, c’est comme si vous vous mettiez du mascara mais avec la brosse des WC. Pas pratique et vraiment dégoûtant.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 22 avril 2022

jeudi 14 avril 2022

DVD - "Le vétéran" vous tiendra éveillé...

DVD et Blu-ray. Un film avec Liam Neeson en vedette, c’est l’assurance qu’on ne s’endormira pas en cours de route. L’acteur aime l’action et les rôles qui dépotent. Il n’est pas déçu dans « Le vétéran », un film inédit en salles de Robert Lorenz qui vient de sortir en DVD et blu-ray chez M6 Vidéo. On retrouve dans la distribution de ce road movie à travers les étendues sauvages des USA, Katheryn Winnick (Vikings) et Juan Pablo Raba.  

Le scénario est classique dans le registre de la veuve et l’orphelin secourus par le « bon ». Poursuivis par les membres d’un cartel mexicain, une mère et son fils traversent la frontière qui sépare le Mexique de l’Arizona et se retrouvent sur les terres de Jim Hanson. Aigri, vieillissant, le vétéran de guerre veuf et désabusé va aider le garçon orphelin à traverser les États-Unis, poursuivis par des criminels et des policiers corrompus.

BD – Le retour des Mémés trash

Les personnes âgées sont de plus en plus à la mode dans la bande dessinée humoristique. Le succès des Vieux fourneaux (bientôt une seconde adaptation au cinéma avec Pierre Richard) en est la preuve. Pourtant les vieux ont toujours eu une place à part dans les pages de Fluide Glacial.

Mais pas les gentils, les marrants, plutôt les hargneux, sales, méchants et dégoûtants. Pervers Pépère en tête, sans oublier Carmen Cru. Deux dignes représentants de la vieillesse indigne rejoints par Les Mémés de Sylvain Frécon. Un second tome de gags de ces trois mégères décaties devrait faire rire aux éclats toutes les générations.

Toujours très attirées par le sexe (même si elles ne pratiquent plus), elles se posent aussi beaucoup de questions sur la mort. Du moins en dehors des horaires d’ouverture du Coccimarket. Elles sont souvent malades, souffrent d’Alzheimer du dos ou d’œdipe du pied.

Il y a même une allusion aux prochaines élections. A la sortie du bureau de vote, Huguette demande à Lucette « Vous avez voté pour qui ? ». Réponse embarrassée de la copine « Je sais pas trop… j’ai oublié mes lunettes ! »

Rassurant quand on sait que le prochain président de la République sera essentiellement élu par le 3e âge.

«#Lesmémés » (tome 2), Fluide Glacial, 12,90 €

 

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 26 mars 2022