samedi 5 mars 2022

De choses et d’autres - Renard en liberté

Pour ceux qui doutent que 2022 est en bonne voie pour devenir la pire année du XXIe siècle (surtout la dernière pour les plus pessimistes…), voilà une information passée inaperçue la semaine dernière, mais qui semble confirmer la tendance générale.

Sur l’île de Honshu au Japon, dans une zone volcanique, une grosse roche s’est fendue en deux. Rien de bien exceptionnel pour les scientifiques qui se demandent, simplement, si c’est l’érosion naturelle qui a causé la fracture ou une intervention humaine.

Mais pour les habitants du secteur, la cassure de la pierre est un très mauvais signe. Selon la légende, depuis douze siècles, la roche serait l’abri ou plus exactement la prison de l’esprit d’un renard à neuf queues, nommé Tamamo-no-mae. Ce démon, après avoir pris forme humaine (une belle femme, comme par hasard), aurait fomenté un complot pour, finalement, destituer l’empereur Toba qui régna sur le Japon de 1107 à 1123. Depuis, prisonnier, il n’était plus en mesure de nuire.

Son évasion serait donc un signe supplémentaire confirmant que ce monde ne tourne décidément plus rond. Les superstitieux se demandent, dès lors, ce que va faire ce renard maléfique ? Les plus optimistes le voient en route vers le Kremlin pour mettre au point un autre complot pour destituer Poutine.

D’autres s’interrogent sur son influence auprès du gouvernement japonais. Car, pile au moment de la cassure de la pierre magique, le Premier ministre a de nouveau évoqué le sort des îles Kouriles, différend territorial, vieux de plus d’un siècle, entre l’empire du soleil levant et la Russie.

Mais si le renard à neuf queues permet l’ouverture d’un second front à l’Est pour affaiblir Poutine, on lui pardonnera la chute de Toba, en 1123.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 15 mars 2022

vendredi 4 mars 2022

Cinéma - De multiples énigmes à tiroir dans “Murder Party”

Jeanne (Alice Pol) soupçonne tout le monde. Même l’héritier si mignon, Théo (Pablo Pauly). Kazak Productions

Un peu accro aux médicaments (calmants et autres anxiolytiques), Jeanne (Alice Pol), est une architecte d’avenir. Elle vient de finaliser un gros projet : transformer le manoir d’un millionnaire du jeu de société en vaste complexe à la gloire… du jeu. Quand elle arrive dans cette propriété reculée du centre de la France, elle découvre la famille très déjantée du patriarche César (Eddy Mitchell). Il y a ses enfants, Théo et Léna, sa seconde femme, Salomé, sa sœur, directrice financière (Miou-Miou) et un majordome (Gustave Kervern). Quand César est retrouvé mort empoisonné, ils se retrouvent tous dans la peau de suspects. Et la Murder Party débute. Tous enfermés dans le manoir, ils doivent participer à des épreuves pour gagner des indices qui leur permettront de démasquer le meurtrier. Cela les libérera. Mais si un joueur se trompe, c’est la mort. 

Cette comédie policière a parfois des airs de Squid Game, la série coréenne trash et gore de Netflix, l’humour et le décalage en plus. Car rien ne semble très sérieux dans ce jeu. Jeanne, qui se retrouve coincée à ses dépens, est persuadée que c’est une farce. Jusqu’à ce qu’il y ait un second meurtre. Elle panique, tente de sortir, abuse de médicaments puis décide de s’en passer. Par contre les autres membres de la famille, qui ont toujours baigné dans l’univers du jeu, semblent véritablement s’amuser et participer à cet escape game dangereux avec un ravissement de tous les instants.

Premier long-métrage de Nicolas Pleskof, Murder Party, écrit avec la collaboration d’Elsa Marpeau (la créatrice de l’inspecteur Marleau), est loufoque et iconoclaste. L’action semble de dérouler dans les années 70, mais dans des décors des années 50 avec des évolutions techniques actuelles comme les smartphones et la réalité virtuelle. Un monde étrange et irréel qui renforce les effets de surprise quand le scénario part de plus en plus loin, multipliant les coups de théâtre et les énigmes à tiroir pour finalement offrir pas moins de trois fins successives aux amateurs de polars tordus.  

Film français de Nicolas Pleskof avec Alice Pol, Miou-Miou, Eddy Mitchell




De choses et d’autres - Travail au sommet

Vu sur certains réseaux sociaux une offre d’emploi qui fait beaucoup parler. Un travail saisonnier comme il en existe tant dans les régions touristiques. En l’occurrence le job dure quatre mois de juin à septembre 2022. Sa particularité : il est situé à une altitude très élevée. Vous ne postulez pas à devenir hôtesse de l’air mais responsable de l’accueil des randonneurs au refuge de la Tête Rousse sur la voie normale d’accès au Mont-Blanc.

Le refuge, qui peut accueillir 72 couchages en été dans son dortoir, se trouve à 3 165 mètres d’altitude.

Un boulot de rêve ? Assurément si on aime la montagne. Mais attention, pour avoir une chance de décrocher le poste, vous devez remplir pas mal de conditions. La première, évidemment, est d’être un professionnel confirmé de la montagne titulaire d’un brevet d’État d’alpinisme. De plus vous devez avoir une bonne connaissance des voies d’accès du Mont-Blanc.

Déjà, cela devrait limiter le nombre des postulants. Mais la suite de l’annonce va encore plus écrémer les candidats potentiels. Le poste exige d’avoir un bon sens des relations humaines. Plus compliqué, le sélectionné devra avoir une expérience professionnelle de trois ans.

Mais finalement ce n’est pas la condition la plus restrictive de l’annonce. Car le postulant devra « maîtriser cinq langues dont l’anglais, l’italien, le russe et l’allemand ». Ce n’est plus un passionné de la montagne que le refuge recherche, mais un surdoué des langues.

Vous me direz qu’un poste avec de telles exigences doit être bien rémunéré. Perdu. Si vous bénéficiez de l’avantage d’être hébergé sur place, vous ne toucherez qu’un misérable smic. Le boulot est au sommet, pas la paye.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 25 février 2022

jeudi 3 mars 2022

DVD - Project Gemini, SF russe à l'accent anglais

En pleine guerre entre l’Ukraine et la Russie, ce film de science-fiction prouve que le cinéma russe lorgne de plus en plus vers l’ouest. Du moins un certain cinéma commercial qui va jusqu’à tourner en anglais pour mieux s’exporter. 

« Project Gemini », qui sort directement de DVD chez Condor Vidéo, rassemble dans un même scénario des bribes de fin du monde et d’Alien avec un soupçon de paradoxe temporel. Alors que la Terre se meurt, des scientifiques découvrent une machinerie extraterrestre dans une caverne permettant de voyager instantanément vers une planète qui peut être transformée. Mais arrivés sur place, un invité surprise va méthodiquement supprimer l’équipage. 

Si les décors et effets spéciaux sont assez réussis, le jeu des acteurs n’est pas à la hauteur. Dommage. 


Série télé - L’équipe de Space Force de retour à la base


Après une première saison très mouvementée qui se passait en grande partie sur la Lune, Space Force est de retour sur Netflix pour un second opus qui se déroule exclusivement dans la base du Colorado. Ces huit épisodes permettent de retrouver Steve Carell (photo ci-dessus) au meilleur de son humour. Il récupère un rôle qu’il adore : petit chef d’une équipe complètement barrée. La similitude avec The Office est cette fois flagrante. La personnalité du général Naird est très proche du légendaire Michael Scott : irascible, un peu niais et souvent à côté de la plaque. 

Ensuite les divers membres de la Space Force ont tous de sérieux problèmes, du docteur Mallory (John Malkovich), trop distingué pour supporter d’être au service de militaires américains complètement abrutis à l’astronaute Angela Ali (Tawny Newsome), première femme noire à avoir marché sur la Lune, mais qui ne supporte plus d’être présentée comme une héroïne après son retour sur Terre, en passant par le responsable de la communication de la Space Force, Tony Scarapiducci (Ben Schwartz), incapable de rester plus d’une minute sans consulter son smartphone. 

Moins d’effets spéciaux, plus de vie quotidienne et surtout une avalanche de gags font de cette seconde saison un objet télévisuel plus classique. Mais finalement, on y gagne au change car Steve Carrell et Greg Daniels excellent dans ce genre. Et visiblement une saison 3 est en préparation vu le suspense insoutenable des dernières secondes du dernier épisode.  

De choses et d’autres - L’essence de la campagne

En précisant que la nouvelle mesure du gouvernement pour alléger la facture énergétique des Français prendrait effet le vendredi 1er avril, certains ont pensé que Jean Castex se moquait de ses concitoyens en dévoilant le pire poisson d’avril 2022. C’est pourtant tout ce qu’il y a de plus sérieux, à partir de ce jour, tout client bénéficiera d’une ristourne de 15 centimes par litre acheté.

Pourquoi 15 ? Pourquoi le 1er avril ? Il est parfois des questions qu’il ne faut pas poser. Car au train où va l’inflation de l’essence, ces 15 centimes seront soustraits à un carburant qui dépassera les 3 euros. Autre problème qui se profile, durant cette semaine qui débute le lundi 28 mars, plus personne ne va faire le plein, attendant le vendredi et provoquer sans doute des files d’attente monumentales.

Sans compter les aigris qui vont souligner que ce cadeau électoral d’un président-candidat, n’intervient que 10 jours avant le premier tour. Est-ce suffisant pour obtenir leur voix ?

Et si par un incroyable concours de circonstances, Emmanuel Macron n’était pas réélu, son successeur maintiendrait-il la mesure où ferait mieux ? Car pour ce qui est des promesses sur le prix de l’essence, la surenchère est aisée. Zemmour promet de bloquer le prix du litre à 1,80 €. Sans doute avec du pétrole russe acheté à vil prix. Mélenchon promet encore plus d’économies avec le litre bloqué à 1,40 €. Là, ce sont des millions de barils de pétrole vénézuélien qu’il faudra importer en France.

Et puisqu’on parle provenance de la matière première, j’attends que des distributeurs précisent l’origine des carburants vendus à la pompe. Faire le plein c’est bien, mais faire le plein avec de l’essence garantie sans pétrole russe ni la moindre goutte de sang ukrainien, c’est quand même mieux.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 13 mars 2022

mercredi 2 mars 2022

DVD - Drive my car, théâtre des émotions

Drive my car, film de Ryusuke Hamaguchi fait figure de favori dans la course à l’oscar du meilleur film étranger. Mais ce chef-d’œuvre en langue japonaise qui vient de sortir en DVD et blu-ray chez Diaphana Vidéo, réussit l’exploit de briguer trois autres statuettes : meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté et surtout meilleur film tout court, en compétition avec Licorice Pizza, Dune ou The Power of the dog. Mais on ne peut que vous conseiller, avant le verdict du 27 mars, de « rattraper » ce film dans sa version vidéo. Tiré d’une nouvelle de Haruki Murakami, cette histoire de deuil tourne autour du théâtre. 

Voiture rouge

Yûsuke Kafuku (Hidetoshi Nishijima) est metteur en scène. Il travaille sur la pièce Oncle Vania de Tchekov. Sa femme, scénariste pour la télévision, trouve ses idées en faisant l’amour. Les 20 premières minutes du film (qui dure au total 2 h 45), montrent ce quotidien très millimétré du couple, marqué par de nombreux trajets dans la voiture d’un rouge rutilant de Yûsuke. La première bascule intervient quand il apprend que son épouse le trompe avec le jeune acteur d’une de ses séries. Peu de temps plus tard, il la retrouve morte dans l’appartement, victime d’une hémorragie méningée. Deux ans plus tard, Kafuku se rend à Hiroshima pour mener un atelier international toujours sur Oncle Vania. Il a une chauffeuse pour lui faire les trajets entre le théâtre et sa résidence provisoire. Misaki Watari (Toko Miura), jeune provinciale est une taiseuse. Au fil des trajets, ils vont se découvrir et comprendre qu’ils ont un point commun : un deuil récent. La femme de Yûsuke d’un côté, la mère de Misaki de l’autre. Et chacun se sent responsable de cette mort. 

Théâtre universel

Le film devient grandiose au fur et à mesure du rapprochement de ces deux écorchés, continuant à vivre, travailler et à avancer, mais sans la moindre envie. Et pour donner encore plus de corps à ce propos fort, le réalisateur filme longuement les répétitions de la pièce, décortiquant avec minutie la technique de travail d’un metteur en scène exigeant et original. C’est ce parallèle entre la plongée dans le monde intérieur des protagonistes et l’universalité d’une œuvre culturelle qui a traversé les siècles et les continents qui donne sa formidable maestria à ce film envoûtant. Du très grand cinéma. L’académie des Oscars ne s’est pas trompée.


De choses et d’autres - Un (très) léger retard

Certaines informations semblent parfois tomber comme un cheveu sur la soupe. Lundi le masque ne sera plus obligatoire dans les lieux clos soumis au passe vaccinal. De plus, selon Gabriel Attal, la prochaine étape courant mars sera la levée dudit passe tant décrié par les « adorateurs de la liberté individuelle ». Bref, sur le front du Covid, tout va mieux.

On n’est pas sorti de la crise, mais on a l’impression de pouvoir reprendre une vie normale. C’est pile à ce moment tant attendu depuis des mois et des mois par les Français épuisés après couvre-feu, attestation de déplacement, confinement et triple vaccination que le laboratoire français Sanofi annonce la mise au point de son vaccin anti-covid.

Dans un proche avenir, l’expression « arriver après la bataille » sera remplacée par « utiliser le vaccin Sanofi ».

J’espère que le gouvernement ne s’est pas engagé à acheter des millions de doses de ce nouvel anti-virus car au rythme où est tombée la vaccination ces dernières semaines, il faudra des années pour écouler tous les flacons. On est comme ça en France : quand la situation est grave, on prend son temps pour réagir. Et même quand on arrive longtemps après la plupart, on continue à claironner qu’on est une grande puissance.

Par chance, cette annonce du vaccin de Sanofi est passée relativement inaperçue dans le flot d’informations de la journée de mercredi. Pas à cause de la crise ukrainienne. Non, un certain Douglas (qui en réalité se nomme Clovis) a agité la sphère des commentateurs politiques. Douglas, le premier des chiens à voter lors de la primaire des Républicains.

Non mais sans blague, cette campagne n’est plus « Impossible n’est pas français », mais plutôt « le pire est toujours français ».

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le 24 février 2022

mardi 1 mars 2022

Série animée - The Boys Diabolical


Amazon Prime Vidéo prolonge le succès de sa production originale, « The Boys ». La série de super-héros pas du tout politiquement correcte bénéficie d’une déclinaison en version animée interdite aux moins de 18 ans. « The Boys Diabolical » vient de débarquer sur la plateforme de streaming et les amateurs de second degré, de gore et d’excès en tout genre seront comblés. Ces épisodes de 14 minutes sont indépendants les uns des autres. Ils utilisent les ressorts du monde imaginé par Eric Kripke. Les Supes sont au centre des intrigues. 

Le premier épisode, quasiment muet, comme un toon de la grande époque, raconte comment un chercheur de chez Vought, tente de sauver un bébé dont les pouvoirs ne sont pas convaincants. Un adorable bébé qui devient redoutable quand il éternue : ses yeux se transforment en laser et détruisent tout ce qu’il regarde. Un exemple parmi les 8 épisodes qui semblent aller crescendo dans l’hémoglobine

De choses et d’autres - Menu unique : poutine

Poutine par-ci, Poutine par-là : l’actualité internationale manque de diversité. Le maître du Kremlin impose son tempo et dicte son menu à tous les autres grands du monde. Il n’y a qu’au Canada que le Vladimir est considéré avec amusement. Car là-bas, le mot Poutine, loin de signifier une menace de 3e guerre mondiale est associé au plat national. La poutine canadienne est par excellence le plat qui réchaufferait un mort par - 40 degrés.

Des frites chaudes, garnies de morceaux de fromage (généralement de la mozzarella) et recouvertes d’une sauce brune à base d’échalotes, de sucre, de maïzena et de bouillon de volaille. Environ un million de calories aux 100 grammes. Il est sûr que si Poutine mange une bonne part de poutine, après le repas du midi, il n’aura pas envie d’aller guerroyer aux frontières de l’Ukraine mais plus certainement de s’allonger dans un canapé et de lentement digérer cette arme de destruction massive fabriquée outre-Atlantique.

On pourrait d’ailleurs imaginer une tactique culinaire des alliés occidentaux pour mettre l’ours russe hors d’état de nuire. Le chancelier allemand arrive avec une choucroute, le président Macron avec un cassoulet, Joe Biden avec une dinde de Thanksgiving (minimum 5 kg, avec la confiture aux airelles qui colle aux dents) et Boris Johnson avec n’importe quoi de mitonné dans un foyer anglais.

Si après ça Justin Trudeau propose une poutine à Poutine pour clore les négociations, on assistera à une débandade intestinale du nouveau Tsar.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le 23 février 2022