vendredi 4 février 2022

De choses et d’autres - Lapsus et fautes de Taubira

Il est des lapsus qui en disent plus que n’importe quel discours. Dimanche soir, en s’adressant à ses sympathisants après le résultat de la primaire populaire, Christiane Taubira a fait cette déclaration lunaire : « Merci d’être dès demain la cheville ouvrière d’une possible victoire en avril 2002. »

2002 ! Comme si l’ancienne garde des Sceaux voulait rejouer la présidentielle qui a vu l’élimination de Lionel Jospin à cause de la division de la gauche. Elle y croit sans doute à sa victoire. Persuadée qu’elle aura moins d’adversaires devant elle : Chirac mort, Le Pen, Jospin et Chevènement trop vieux… Elle s’est reprise dans la foulée, mais ce lapsus, même s’il n’a duré que quelques secondes, est révélateur de cette gauche qui vit dans le passé.

La même Taubira qui ne marque pas des points quand elle revendique une « laïcité qui n’écrase pas ». Désolé, mais jusqu’ici, ce sont plutôt les religions, toutes les religions, qui ont écrasé tous ceux qui ne voulaient pas croire en leur Dieu.

De toute manière, cette primaire populaire a tout de la mascarade démocratique. Pas de résultats chiffrés au final, juste une sorte de tableau d’honneur très scolaire avec des appréciations qui font un peu Bisounours. La candidate originaire de la Guyane récolte un « Bien », Yannick Jadot, en seconde position, un « Assez bien ».

Pourtant, à lire les énormes fautes d’orthographe relevées dans plusieurs messages pondus par les équipes de Christiane Taubira, c’est un « Nul » éliminatoire qui aurait dû être décerné à cette experte en division de la gauche.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 1er février 2022

jeudi 3 février 2022

BD - Savant tracassé


Dans la grande famille des savants fous de la BD, après Tournesol et Champignac, Le professeur Houfman de Mo/CDM occupe une place de choix. Il a régulièrement fait des apparitions dans Forbidden Zone mais cette fois il a sa propre série. 


Un premier album vient de paraître reprenant une dizaine de ses histoires courtes parues dans le magazine Fluide Glacial. Il y est aux prises avec quantité d’extraterrestres, de militaires obtus ou d’armée de son propre clone. C’est toujours complètement absurde, délirant et désopilant. Et comme Mo/CDM dessine aussi bine les monstres que Druillet, c’est en plus très joli à feuilleter.

« Les expériences secrètes du professeur Houfman », Fluide Glacial, 14,90 €


De choses et d’autres - Un revers pour la Russie

Rien ne va plus pour la Russie. Avant même de lancer sa formidable armada massée à la frontière, elle vient de subir une défaite cuisante. Poutine doit enrager au Kremlin. Pourtant tout avait bien commencé et les premières manœuvres donnaient largement l’avantage au canonnier russe.

Mais les forces de l’Otan avaient décidé de mettre en valeur une petite unité d’un pays satellite, pourtant très loin de la ligne de front. Vaillamment, sans jamais rechigner aux kilomètres parcourus et confiant dans sa bonne étoile (celle de Noël), le tirailleur espagnol a lâché quelques rafales totalement incroyables.

Le combat fut long, mais au final, l’ours russe a craqué face aux ruades du taureau ibérique. L’Ukraine n’est pas encore sauvée, mais la victoire de Nadal face à Medvedev ce dimanche en Australie apporte un peu d’espoir. À moins que, vexé comme un pou, Poutine décide sur le champ de lancer ses milliers de soldats à l’assaut du pays qui fait de la résistance.

Et pourquoi ne pas envahir aussi l’Espagne ? En espérant qu’il ne décide pas de débarquer entre Port-La Nouvelle et Le Barcarès pour lancer ses chars vers le sud par la route inverse d’Hannibal. A priori on ne risque pas grand-chose. L’Otan nous protège. Enfin si l’on en fait bien partie…

Un récent sondage nous apprend que seulement 66 % des Français le savent avec certitude. C’est mieux que les Américains qui ne sont que 65 %. Quant aux 11 % de Russes qui croient en faire partie, je serais eux, je me méfierais. Cela frise la trahison et pourrait les conduire directement dans les camps sibériens en compagnie de Navalny, officiellement estampillé la semaine dernière comme « terroriste ».

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 31 janvier 2022

BD - Le vrai Corto Maltese


L’histoire de certains héros se confond parfois avec celle de leurs créateurs. Corto Maltese, avant de promener sa nonchalance sur tous les continents, a vécu par procuration les aventures de son créateur Hugo Pratt

Une existence mouvementée racontée dans cette Ballade d’Hugo signée par Bepi Vigna et Mauro de Luca. De l’Afrique à Venise en passant par l’Argentine et la période Génoise, on découvre le parcours de ce fils de militaire, excellent dessinateur et raconteur d’exception. 

« La ballade d’Hugo », Glénat, 17,50 €


mercredi 2 février 2022

BD - Union féminine de plusieurs "Filles uniques"


Elles sont cinq à s’entraider dans la jungle du lycée. Ces Filles uniques racontées par Béka et dessinées par Méhu abordent avec intelligence les problèmes des adolescentes. 


Céleste, au centre su second épisode, est victime de harcèlement. Physique par des petits caïds, vite remis en place par Apolline, géante qui joue au rugby. Plus compliqué de découvrir qui envoie des sms en rafales à Céleste pour la rabaisser et lui faire perdre la rare confiance qu’elle a en elle. Une série qui plaira aux filles mais qu’il faut absolument aussi mettre entre les mains des garçons. 

« Filles uniques » (tome 2), Dargaud, 12 €

Polar - Dans un futur proche, les « Sens interdits » de la table

Entre polar et récit d’anticipation, le nouveau roman de Chantal Pelletier pose les jalons de ce que sera notre alimentation dans une vingtaine d’années. La romancière, experte en plaisirs de la table, imagine le pire pour nos assiettes. L’action se déroule en 2046 en Provence. La population française se compose de deux blocs antagonistes : ceux qui meurent de faim, se contentant de quelques épluchures, et les gourmets et autres privilégiés bénéficiant d’un permis de table. Pour faire respecter ces nouvelles règles draconiennes, une police alimentaire surveille les citoyens. 

Anna Janvier, bec gourmand qui ne manque jamais une occasion de profiter d’un repas savoureux fait équipe avec Ferdinand Pierraud, plus porté sur les compléments alimentaires sans saveur. Ils sont chargés de découvrir qui a tué une femme retrouvée dans sa cuisine ligotée et gavée d’un repas gargantuesque. Un roman alléchant, sur la bouffe, le réchauffement climatique et la meilleure façon de vieillir. Car on suit également un trio de vieillards assez iconoclaste. L’un d’eux a cette sentence éclairée : « Je ne sais pas quand la bascule s’est produite. En tout cas, j’étais déjà vieux et content de l’être. Je me disais je suis fâché avec ce monde, mais j’ai du bol, je suis vieux, ça ne durera pas longtemps. »

En refermant ce livre aux milles saveurs, on est tenté de faire un festin d’anthologie avant que tout ne soit interdit par les nouveaux gourous du goût. Voire, pour les plus audacieux, tenter l’expérience, au moins une fois, de la sitophilie.

« Sens interdits » de Chantal Pelletier, Série Noire, 19 €

De choses et d’autres - Défis pour les traducteurs

La semaine dernière, Joe Biden, en pleine conférence de presse, croyant que son micro était coupé, a lâché une appréciation peu reluisante à l’encontre d’un journaliste de Fox News. Une belle grosse insulte, de celles qui sont bipées dans les programmes de téléréalité. Certains s’offusquent, d’autres rigolent… Et puis, il y a les journalistes de l’Agence France Presse basés à Washington qui se posent des questions.

Dans un tweet, Sébastien Blanc, responsable du bureau américain de l’agence de presse française, résume le problème : « Gros débat au bureau de l’AFP, à Washington, sur comment traduire au mieux le dérapage de Joe Biden, qui a lancé à un journaliste de Fox News : « Stupid son of a bitch ». « Espèce d’enfoiré » ?, «Fils de pute » ?, «Gros connard » ?

Décision finale : « Espèce de connard » ! Voilà donc comment le mot « connard » s’est invité dans la diplomatie mondiale.

Mais ce n’était pas une première, car le dilemme inverse s’était présenté quelques jours auparavant. Cette fois c’était les journalistes anglo-saxons qui se sont arrachés les cheveux quand Emmanuel Macron a expliqué à des lecteurs du Parisien qu’il avait envie « d’emmerder les antivax ». Certains ont choisi la version light avec les verbes « to bug », plus proche d’embêter. D’autres ont bien compris l’intérêt du trash et le président français se retrouvait à scander du « piss off » à tire-larigot.

Bref, en « emmerdant les sons of a bitch », les plus hautes sphères parlent parfois aussi mal que dans les cours de récréation.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 29 janvier 2022

mardi 1 février 2022

Cinéma - « Arthur Rambo », double maléfique de l’écrivain

La gloire pour Karim D. avant que les tweets d’Arthur Rambo ne le rattrapent. Memento Films Distribution

Karim D. (Rabah Naït Oufella), jeune écrivain originaire de banlieue rencontre le succès avec son livre racontant la vie de sa mère. Mais derrière ce bon fils, talentueux et exemplaire se cache un certain Arthur Rambo. Sur Twitter, Karim/Arthur est homophobe, antisémite et racistes. Le jeune prodige est descendu en flèche par la même presse qui l’adulait auparavant. Karim tente de se justifier : c’est la création d’un personnage de fiction symbolisant son « double maléfique ».

Laurent Cantet s’est inspiré d’une histoire vraie pour signer un film grave et édifiant sur les apparences et la folie engendrée par les réseaux sociaux. Le début du film, très lumineux, montre un Karim souriant, honoré de cette reconnaissance. Il devient une célébrité, passe à la télévision. Il reçoit même une proposition d’adapter son roman au cinéma et de le réaliser. Une belle histoire comme aime les raconter la presse. Il suffit de quelques messages expliquant que Karim D. est également présent sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme d’Arthur Rambo pour que tout s’écroule. Car ce Rambo a la même violence que l’ancien soldat américain. 

Violence écrite avec des tweets d’un racisme ou d’un antisémitisme que rien ne peut excuser. Le film montre comment on peut se transformer de chouchou de la France d’en bas en véritable pestiféré. Presque filmé comme un documentaire, Arthur Rambo suit la dérive de Karim, prenant conscience, petit à petit, de la gravité de ces messages ignobles. Pourtant, il s’arc-boute sur son explication : Arthur Rambo est un personnage de fiction, jamais il ne pense ce qu’il écrit. Du moins tente-t-il de s’en persuader. C’est sa petite amie qui résume le mieux ce dilemme quand elle demande comment toute cette merde peut cohabiter dans une tête si intelligente. Le film ne l’explique pas. Ni Karim et encore moins Arthur.

Film français de Laurent Cantet avec Rabah Naït Oufella



De choses et d’autres - Test technique

Pour fabriquer ce quotidien, nous utilisons, journalistes et techniciens, un logiciel particulier. Mardi, nous sommes passés à la nouvelle version, la 7. Un transfert totalement transparent pour vous, lecteurs de l’Indépendant. Pourtant, il y a toujours des risques quand on mélange technique, test et mise en production.

Pour apprendre à maîtriser les nouvelles fonctionnalités offertes par la nouvelle version, on travaille dans des pages test. Et ces formations, parfois, ressemblent à des occasions inespérées de se décharger de toute la pression quotidienne. C’est la foire au mot d’esprit ou transgression qui, a priori, ne franchira jamais ces quatre murs.

Sauf quand on fait une fausse manœuvre. Je me souviens de cette grosse gaffe à Tahiti, un laborantin aigri, croyant que les clichés avaient déjà été utilisés, a gravé au cutter des insultes sur le visage du PDG apparaissant dans une soirée organisée par le journal. Photos qui ont été publiées avec les mots orduriers...

On ne compte plus les fois où un texte en latin a été imprimé. C’est en fait du texte de « remplissage » servant à en mesurer la longueur.

Des dérapages qui n’arrivent pas que dans les journaux. En début de semaine, tous les utilisateurs d’Air France (soit quelques millions de personnes) ont reçu un SMS assez abscons : « Test de Julien à nouveau. » Rien à voir avec les PCR qui nous bouffent la vie. Simplement un technicien travaillant sur l’appli de la compagnie aérienne a fait un test d’envoi de message. Mais au lieu de rester dans sa configuration de travail, il est passé en production et l’a envoyé à tous les clients.

C’est bon Julien, ça fonctionne !

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 28 janvier 2022

samedi 29 janvier 2022

De choses et d’autres - Téléphone muet

Grand spécialiste de la statistique en tout genre, l’Insee vient de publier une étude sur les Français et leur téléphone. Une montagne de chiffres et quelques pratiques étonnantes.

Car, au détour des différents tableaux, on apprend que 20 % de la population qui a un téléphone (fixe ou mobile) est, en réalité, quasiment injoignable. Mais alors, ça sert à quoi d’avoir un téléphone ? A téléphoner, me répondez-vous, comme si j’étais un demeuré de première. Certes, mais si tout le monde fait pareil et ne répond pas… En réalité, sur ces 20 %, il n’y en a que 1 % qui ne décroche jamais. Les autres filtrent.


En clair, si la personne qui appelle est présente dans le répertoire et clairement identifiée (et n’est pas une casse-bonbons de première), on accepte de décrocher. Pour les numéros inconnus, ou pire, les masqués, la prudence ou le dédain s’imposent. Une attitude qui va en s’amplifiant, plus on est âgé.

Au-delà de 75 ans, ils sont un tiers à faire les sourds. Je ne peux pas les blâmer, car trop souvent, quand on croit que c’est un appel important, on se retrouve à batailler avec un télévendeur de mutuelle qui tente de placer, le plus vite possible, ses arguments de vente. Et là, on regrette d’avoir répondu à cet appel. Quel que soit notre âge.

Enfin, cette étude nous apprend que 94 % des 15-29 ans ont un smartphone en 2021. Mais, ils s’en servent de moins en moins pour téléphoner. La preuve, chaque fois que les parents appellent, ils ne répondent pas. A croire qu’ils ont déjà plus de 75 ans…

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 27 janvier 2022