lundi 10 janvier 2022

Cinéma - On lève la tête pour Don’t look up


Attendu par nombre de fans, le nouveau film d’Adam McKay s’est révélé être un parfait cadeau de Noël. Mis en ligne au niveau mondial le 24 décembre sur Netflix, la société productrice, Don’t look up bénéficie d’un casting cinq étoiles, de Leonardo DiCaprio à Cate Blanchett en passant par Jennifer Lawrence et Meryl Streep. 

Le top du cinéma américain pour une histoire moins marrante qu’il n’y paraît. Pourtant Adam McKay est connu pour ses comédies parfois un peu potaches. Mais en écrivant cette fantaisie apocalyptique, il franchit un cap. Certes on rit souvent, les situations sont cocasses et la critique de la société US féroce, mais le fond du récit a tendance à faire froid dans le dos. Certains y ont vu une façon de vilipender l’inaction des USA face au réchauffement climatique ou la pandémie. 

Tout commence par une belle découverte. La jeune doctorante Dibiasky, un peu gothique, sans doute gauchiste et écolo, identifie une comète. C’est la fête dans l’observatoire. Son professeur, le Dr Randall Mindy ouvre le champagne. Ça se gâte quand il calcule la trajectoire de cet objet spatial mesurant plus de 10 km de diamètre. Dans six mois exactement, il va s’écraser sur terre et détruire toute vie de la surface. Il faut réagir. Alors ils tentent de prévenir l’État, la présidente US, l’armée. Pas une bonne idée : avant de sauver la planète, il faut gagner les élections… 

Les scènes dans la Maison Blanche sont sans doute les plus corrosives. Reste la solution des médias. Mais là aussi, comment la fin du monde peut-elle faire le poids face à la réconciliation, en direct, entre une chanteuse pop et son mari infidèle, rappeur ? Le film constate qu’en fait, apocalypse ou pas, les Humains restent fascinés par les minuscules tracas et informations insignifiantes de leurs tristes petites vies.

 Et quand la comète est si près de la terre qu’elle en devient visible à l’œil nu, le mot d’ordre le plus suivi est « Don’t look up », soit « Ne levez pas les yeux » pour continuer de ne pas voir l’inéluctable catastrophe.  

De choses et d’autres - Un sondage en mauvaise santé


 

Si certains journaux comme Ouest France par exemple ont décidé de se passer de sondages pour cette présidentielle, d’autres vont profiter des créneaux laissés libres pour multiplier les enquêtes d’opinion. Avec parfois des questions assez déconcertantes comme celle posée pour le Journal du Dimanche paru hier : « Quel est le candidat à la présidentielle, selon vous, qui ferait mieux qu’Emmanuel Macron en matière de gestion de la pandémie s’il était au pouvoir ? ». La réponse majoritaire est bien évidemment « Aucun ».

 

Pas si étonnant tant la santé est affaire de spécialistes. Pour trouver meilleur que le banquier Macron, ce n’est pas chez l’avocate Marine Le Pen, le polémiste (quelle drôle de profession, pas très positive et peu constructive) Zemmour, encore moins l’inspectrice du travail Anne Hidalgo qu’il faut chercher des lumières. Qu’auraient-ils pu faire de mieux quand la France était en pleine pénurie de masques et face à l’absence de vaccin en 2020 ? Ils n’auraient même pas pu dénoncer cet état de fait puisqu’en tant que simples candidats, ils n’ont pas accès aux dernières études des scientifiques.

Non, face à cette question légèrement orientée, les Français sont obligés de répondre que personne n’aurait pu mieux gérer la crise sanitaire que le président actuel. Pour avoir une chance de trouver mieux il aurait fallu taper un peu plus haut, du genre De Gaulle ou Mitterrand.

Ou chercher des figures médicales d’envergure comme Pasteur. Le risque bien évidemment c’est que certains aient la tentation de ressortir le dr Douste-Blazy de la naphtaline. Ou pire, de proposer le nom du professeur Raoult à la primaire citoyenne.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 10 janvier 2022

dimanche 9 janvier 2022

Série Télé - « The Witcher », ce père qui s’ignore


Seconde saison de la série ambitieuse de Netflix The Witcher. La plateforme cherche à marcher dans les traces de Game of Thrones en lançant un univers de fantasy peuplé de magiciens et de monstres. Trois personnages émergent de cette histoire inspirée des romans de l’auteur polonais Andrzej Sapkowski. Celui qui donne son nom à la série, The Witcher (le sorceleur en français), Geralt de Riv (Henry Cavill), la femme qu’il aime, la sorcière Yennefer (Anya Chalotra) et une jeune princesse, sa fille adoptive, Ciri (Freya Alan, photo ci-dessus). 

Dans les premiers épisodes de cette seconde saison, Yennefer a utilisé tous ses pouvoirs pour sauver une ville. Geralt, qui protège Ciri, est persuadé que sa belle sorcière est morte. L’essentiel de l’intrigue porte sur la relation entre le sorceleur, sorte de mercenaire chargé de tuer les monstres qui errent dans le pays, et la jolie blonde, princesse orpheline mais aussi dotée de pouvoirs sans doute plus puissants que toutes les sorcières réunies. Ciri, à l’image de son mentor, veut intégrer l’ordre des sorceleurs. 

Elle va s’entraîner dur pour manier épée avec dextérité. Pendant ce temps, Yennefer, est enlevée par des elfes. Un peuple de déplacés, subissant le racisme des humains et qui fomente une révolte. 

En huit épisodes, on suit les aventures des uns et des autres, avec rebondissements et réunion pour le final. Les paysages sont à couper le souffle et les effets spéciaux dignes des meilleurs films. Seul bémol, certains comédiens manquent cruellement de charisme et de talent. Par chance, ceux qui assurent permettent de faire oublier cette petite faiblesse de l’ensemble.  

BD - Amour divin à Lore Olympus



La bande dessinée s’adapte aux nouvelles technologies. Les jeunes ne lisent plus que sur leur smartphone. Donc des auteurs ont totalement déstructuré leurs récits pour s’adapter à ce mode de consommation différent. Cela donne des histoires ou le lecteur découvre l’intrigue image par image. Rachel Smythe, autrice néo-zélandaise, est devenue la championne de cette mode. 



Ses dessins, très stylisés et colorés, s’adaptent parfaitement à ce format. Sa série Lore Olympus est numéro 1 sur la principale plateforme, Webtoon, et compte déjà 175 épisodes. Logiquement ce succès planétaire est adapté pour retrouver un format plus classique de roman graphique sur support papier. 

Le volume 1 de 360 pages vient de paraître et raconte la version très moderne de l’enlèvement de Perséphone par Hadès, souverain des Enfers. 

« Lore Olympus » (tome 1), Hugo, 24,95 €

samedi 8 janvier 2022

De choses et d’autres - Gare à la crevette brésilienne

 


Au Brésil, le 5 janvier est désormais célébré comme le « jour national de la crevette antifasciste ». Une crevette élevée au rang de guerrière intransigeante contre la politique de droite très dure du gouvernement de Jair Bolsonaro. Un phénomène totalement délirant et pourtant sur les réseaux sociaux la crevette est devenue un symbole brandi par tous les démocrates. L’histoire est assez croquignolesque.

 

Le 2 janvier, les Brésiliens apprenaient que leur président venait d’être hospitalisé après des douleurs à l’abdomen. Blessé d’un coup de couteau lors de la campagne électorale de 2018, il a subi plusieurs opérations. Mais finalement, pour une fois, ce ne sont pas les séquelles de l’attentat mais une bête occlusion intestinale. Le président est ressorti le lendemain et les toubibs ont donné les vraies raisons de l’hospitalisation.

Et c’est là qu’on retrouve la fameuse crevette. Car Bolsonaro a mangé des crevettes avant le déclenchement de l’occlusion. Notamment une qui n’aurait pas été assez mastiquée et qui donc a bloqué toute la machinerie.

Voilà pourquoi cette petite crevette se retrouve élevée au rang de guerrière antifasciste par tous les démocrates brésiliens. Car Bolsonaro, déjà en campagne, espère être réélu. Il va devoir cependant se méfier des crevettes.

Et d’un calamar. Mais celui-là, sera plus compliqué à avaler et à digérer. Calamar en brésilien se dit Lula, comme le nom de l’ancien président et leader syndicaliste qui a retrouvé la liberté et brigue de nouveau le poste suprême.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 8 janvier 2022

BD - U4 : un virus sélectif


Encore une histoire de virus. Mais U4 est apparu bien avant notre Covid-19. Par contre il est beaucoup plus dangereux. Une grande partie de la population a été décimée en quelques jours. Ne restent en vie dans une société en totale déliquescence, comme immunisés, les jeunes âgés de 15 à 18 ans. La parution simultanée des quatre albums permet de suivre la trajectoire de quatre d’entre eux : Stéphane, Jules, Yannis et la Bretonne Koridwen. 


Adaptée d’un roman, cette BD est écrite par Lapière et Renders est dessinée par Huelva. Un Espagnol qui ne rechigne pas à la tâche : chaque titre compte plus de 120 pages. Construite comme un puzzle, l’histoire est composée de ces quatre titres qui peuvent être lus dans n’importe quel ordre. Par contre pour connaître le dénouement, commun, il faudra attendre la parution du 5e titre, Chronos. 

« U4 » (tomes 1 à 4), Dupuis, 14,50 €

vendredi 7 janvier 2022

De choses et d’autres - Tout augmente mon bon monsieur...

 


Il y a 20 ans, l’Europe est devenue une réalité tangible pour les Français. Impossible de l’ignorer puisqu’en 2001 l’euro a remplacé le franc. Je me souviens avoir méchamment phosphoré dans le but de trouver une astuce afin de convertir facilement les prix. Au début j’ai eu du mal. Impossible de me défaire de ces francs, que mes parents, jusqu’à leur mort, affublaient de la précision désuète de « nouveaux ».

 

Aujourd’hui je suis totalement incapable de déterminer l’équivalence en francs (anciens comme nouveaux) de 10 euros. Par contre, il est certain que tout a augmenté. Alors que bruissent des rumeurs d’explosion du prix de la baguette pour cause de raréfaction de la farine, ou des chocolatines en raison du beurre presque aussi cher que l’or (ils ont déjà la même couleur), la meilleure façon de savoir si la vie en euros est beaucoup plus chère qu’en francs, c’est de demander à un certain Patrick, cadre bancaire à la retraite vivant en région parisienne.

Un article du journal Le Parisien raconte comment ce fou du classement a conservé dans des boites soigneusement rangées par année toutes les notes de ses courses du quotidien depuis 1967. Il peut ainsi faire une courbe hyperréaliste du prix d’une boîte de cassoulet ces 50 dernières années. Certes, ça ne sert strictement à rien, mais Patrick semble un peu psychorigide sur le sujet.

Le plus étonnant, sur la photo illustrant l’article, Patrick tient une liasse de notes qu’il vient de sortir d’une boite de chocolats de la marque catalane Cémoi. Et je me pose la question : a-t-il acheté ces chocolats car ils étaient bons ou simplement car la boite semblait idéale pour collecter les notes de ses courses ?

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 7 janvier 2022

BD - Avenirs parallèles avec Demain chez Delcourt

Léo et Rodolphe multiplient les séries de SF. En plus d’Amazonia, ils ont signé Centaurus chez Delcourt. Et lancent toujours pour cet éditeur Demain. Ils quittent le space opéra pour la SF plus conventionnelle. 

Deux univers parallèles avec un garçon et une fille qui apparaissent dans les rêves de l’autre. Une partie uchronie, aux USA dans les années 50, des jeunes découvrent une mystérieuse pièce noire, une autre partie du récit se déroulant en France dans une époque postapocalyptique. Deux ambiances très différentes mais un seul dessinateur, Louis Alloing, qui rejoint la galaxie Léo-Rodolphe. 

Un premier tome de plus de 50 pages avec, les fans apprécieront, quelques grosses bestioles agressives comme seul Léo sait les inventer.  

« Demain » (tome 1), Delcourt, 13,50 €

jeudi 6 janvier 2022

De choses et d’autres - Trop jeunes pour mourir

 


Les avis de décès sont de plus en plus nombreux. Des personnes physiques qui ont croisé malencontreusement un virus en évitant soigneusement auparavant de prendre rendez-vous avec un vaccin, mais aussi des entreprises qui pourtant étaient plus que prospères il y a quelques années.

 

Ainsi ce fabricant de téléphone mobile avait écoulé 10,6 millions d’appareils durant le premier trimestre 2010. 11 ans plus tard, les derniers smartphones encore en service ne fonctionnent plus depuis hier car le système d’exploitation est devenu obsolète. Pourtant ces téléphones, lourds et résistants, très efficaces et sécurisés, étaient synonymes à l’époque de ce qui se faisait de mieux dans le secteur. L’erreur fatale de ses dirigeants aura été de ne pas croire au clavier tactile. Persuadé que les utilisateurs préféreraient le petit clavier physique, BlackBerry a dénigré avec beaucoup de morgue l’iPhone d’Apple. Les acheteurs ont vite tranché. Malgré sa relative jeunesse, BlackBerry est mort et enterré.

Une autre entreprise a fermé boutique cette semaine. Moins connu du grand public car ouvertement dans l’illégalité, le site de streaming pirate Popcorn Time a publié son propre avis de décès en envoyant un mail annonçant sa fermeture aux rédactions. Devenu l’ennemi public numéro 1 de Netflix, le vilain Popcorn permettait de voir séries et films sans débourser un centime, grâce aux liens détenus par d’autres.

Netflix va pouvoir continuer sa marche en avant, comme Apple. Mais gare, ces deux mastodontes ne sont malgré tout pas à l’abri d’une mort prématurée face à de nouveaux concurrents plus innovateurs et inventifs qu’eux.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 6 janvier 2022

Roman. Houellebecq écrit, gare à l’anéantissement



Que serait la littérature sans les quelques auteurs qui en plus d’un indéniable talent de plume savent bousculer les idées reçues tout en critiquant la société contemporaine ? Un nouveau roman de Michel Houellebecq c’est la certitude qu’on va mieux comprendre le monde dans lequel on vit, que certains romans auront désormais un goût particulièrement fade et que certaines scènes vont longtemps rester présentes à notre esprit, tel un phosphène dans la rétine de l’idiot qui a osé regarder le soleil. Anéantir, paru cette semaine, caracole en tête des ventes. 

Copieux, sous une couverture rigide, le roman suit la trajectoire de Paul, un énarque qui fait carrière dans l’ombre de Bruno Juge, ministre de l’Économie. Située dans un futur proche, l’intrigue semble montrer la fin du second mandat d’un Macron facilement réélu. Il doit passer la main. Bruno fait figure de favori. La France, grâce à son action efficace, a retrouvé de sa splendeur industrielle. Mais il n’est pas aimé de tout le monde. Pour preuve cette vidéo qui tourne sur internet qui montre un montage au cours duquel il est guillotiné. 

A cette intrigue politique (on assiste à la campagne, avec son lot de surprises tout à fait transférables en ce début 2022), s’ajoutent les doutes de Paul, cinquantenaire sans enfant, qui voit son couple se déliter. Un homme qui doute, surtout de lui : « C’était probablement mauvais signe d’avoir envie de se replonger dans ses années de jeunesse, c’est probablement ce qui arrive à ceux qui commencent à comprendre qu’ils ont raté leur vie. » Paul a une sœur, très croyante et un frère, très artiste. Son père, ancien haut responsable de l’espionnage français, est à la retraite. Il s’est remarié avec une femme beaucoup plus jeune que lui. Il vient d’avoir un AVC, elle s’occupe de lui avec dévouement : « La fin de vie pouvait peut-être dans certains cas ne pas être tout à fait malheureuse, se dit-il ; c’était surprenant. » Pas très gai, avouons-le, Anéantir est du pur Houellebecq, presque comme un testament littéraire agrégeant l’esprit de ses précédents ouvrage. Mais reste bien dans l’air du temps car Houellebeck reste avant tout un romancier du présent.

 « Anéantir » de Michel Houellebecq, Flammarion, 26 €