mardi 16 novembre 2021

Cinéma - Musiques “Magnétiques”


Souvenez-vous de mai 1981. L’élection de François Mitterrand a déclenché une vague de joie et de liberté dans une France sclérosée par 7 années de Giscardisme. Ce premier film de Vincent Maël Cardona se déroule à cette époque. Le réalisateur était encore en couches-culottes, mais cette époque a irradié encore de longues années. Avec plusieurs scénaristes, il a écrit ce film, sorte de témoignage sur un moment unique de la France. Il y a un peu tout dans Les Magnétiques : l’épopée de radios libres, quand n’importe qui depuis son grenier pouvait émettre et partager ses passions musicales, le drame du service national, vaste jeu pour la majorité des jeunes Français cherchant par tous les moyens à obtenir le statut de P4, synonyme de retour à la maison sans passer par la case « sous les drapeaux », la guerre froide et l’encroûtement de la province. 

Un peu trop de sujets qui s’entrechoquent avec une histoire d’amour compliquée. Le film est dense, un peu trop superficiel sur certains sujets, mais l’ambiance est méticuleusement retranscrite. Philippe (Thimotée Robart), est le technicien de la radio libre animée par son frère Jérôme (Joseph Olivennes). Le premier ne parle pas mais manie les sons et la musique à la perfection, le second est un bavard qui sait raconter des histoires, joyeuses ou tristes. Entre eux, une femme, Marianne (Marie Colomb). 

Quand Philippe part faire son service militaire à Berlin, il découvre et travaille pour le monde de la véritable radio, celle qui sert à inonder les pays du bloc de l’Est des musiques du monde libre. Il pourrait s’éclater mais ne pense qu’à une seule et unique chose : Marianne, la petite amie de son grand frère. La tragédie est palpable dès les premières images. Car sous couvert de modernité, c’est un drame antique qui se joue entre Berlin, la province et le salon de coiffure de Marianne

Film français de Vincent Maël Cardona avec Thimotée Robart, Marie Colomb, Joseph Olivennes

De choses et d’autres - Les images du capitalisme

Même les plus beaux symboles de nos jeunes années sont susceptibles de cacher des pièges impitoyables. J’ai découvert avec stupéfaction en écoutant France Culture que « l’album Panini est le premier contact de l’enfant avec le capitalisme. » Le bête album pour collecter les images de nos idoles, parfois offert gratuitement, serait en réalité une machine diabolique pour rendre l’enfant totalement dépendant à l’argent.

Je ne suis pas certain de la justesse de l’analyse, mais en y réfléchissant, on s’aperçoit que ce n’est pas totalement faux. Car, pour compléter son album, il faut acheter beaucoup de sachets d’images. L’album est gratuit, mais pour avoir une chance de collecter tous les visages, c’est un pont d’or qu’il faudra donner au marchand. Et quand il ne manquera plus qu’une seule image, la possibilité de la trouver est à peu près égale à celle de gagner le gros lot à l’Euromillions ou de décrocher un CDI avant d’avoir 35 ans. Et le chroniqueur de France Culture de souligner le « caractère profondément déceptif » du capitalisme.

Pourtant, il existe un moyen de penser du bien du capitalisme et de sa loi de l’offre et de la demande. Au lieu d’images Panini, il fallait collectionner des cartes Pokémon. Les chanceux qui ont une « Espeon ? 16/17 POP Series 5 » pourraient la revendre plus de 2 300 $ sur les sites spécialisés. En voilà du capitalisme utile et efficace.


Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 19 novembre 2021

De choses et d’autres - De la privatisation des étoiles

Si toutes les belles promesses de la COP26 ne sont finalement pas tenues (comme les précédentes, l’optimisme béat a des limites), il ne nous restera plus qu’à quitter la pauvre Terre carbonisée par le réchauffement climatique et se réfugier dans des stations spatiales. Pour l’instant, il n’y en a qu’une et les places sont assez chères. Et pas sûr que l’ISS survive au nuage de débris provoqué par le tir de missile russe sur un vieux satellite

La solution viendra peut-être du privé. Deux entreprises du secteur sont en train de monter un projet de station en dehors de tout giron étatique. Blue Origin et Sierra Space ont annoncé vouloir construire une station spatiale privée pouvant accueillir jusqu’à 10 personnes. Son nom ? « Orbital Reef » soit « récif orbital ».

Mais, construire une station dans l’espace n’est pas aussi facile que de finaliser une centrale nucléaire de type EPR (même si ça reste à prouver). Le projet n’est pas annoncé avant 2050. Au mieux.

Le récif de l’espace ne sera pas une base de recherches pour savants en apesanteur, mais plus prosaïquement un « parc commercial ». Car, il y a beaucoup d’argent à se faire dans l’espace. Les milliardaires sont de plus en plus nombreux sur terre et ne savent plus quoi faire de leur pactole exponentiel. Les promoteurs de la station privée leur proposeront donc d’ici peu des vacances totalement inédites. Au moins, ils ne risqueront pas de croiser de simples millionnaires.

Reste le problème du petit personnel. Qui va préparer le petit-déjeuner de Jeff Bezos quand il sera en orbite ? Pas Elon Musk quand même. À moins qu’ils ne tirent, chacun, à pile ou face chaque matin.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 17 novembre 2021

lundi 15 novembre 2021

BD - Princesse des bêtes


Parmi les excellents dessinateurs actuels, Vincent Mallié occupe une place à part. Il sait parfaitement mêler fantastique et réalisme. Le grand Mort (série en huit tomes) terminée, il se lance dans un conte écrit par Hubert. Ténébreuse raconte l’histoire d’une princesse et d’un chevalier. La première vit retirée dans un château sinistre, entourée de bêtes, le second est engagé pour la libérer. 


Mais en réalité la belle Islen veut rester au château avec ses chères bêtes. Arzhur remplit cependant son contrat, comprenant trop tard qu’il a été trompé. Entre ces deux réprouvés on sent que l’amour pourrait tout remettre en cause. Mais, avant, il va falloir surmonter bien des épreuves et comprendre qui est Islen, pourquoi elle a si peur de ses pouvoirs. Une belle histoire, une des dernières d’Hubert disparu prématurément l’an dernier.   

«Ténébreuse» (tome 1), Dupuis, 19,95 €


De choses et d’autres - La croisière s’ennuie

Les chiffres de l’Audimat sont impitoyables. Si à la faveur de la pandémie et surtout des confinements, les audiences de la télévision ont connu un net rebond en 2020, il n’en est rien depuis quelques mois.

Les Français regardent de moins en moins le petit écran. Une baisse de plus de 30 minutes quotidiennes. Ils restent encore plus de 3 heures, mais la dégringolade est nette, même par rapport à 2019. On pourrait accuser les nouvelles plateformes de streaming, mais il faut aussi faire avec des programmes peu convaincants comme l’émission de C8 sur les animaux des stars, déprogrammée au bout d’une semaine. La vie rêvée des toutous bichonnés n’a pas accroché.

Il existe aussi toute une frange du public qui ne jure que pas le « c’était mieux avant ». Comme ce fan absolu de la série La croisière s’amuse. Il a visionné les génériques des 250 épisodes pour dresser la liste complète et exhaustive de la multitude de gueststars. Il en a fait un montage qui dure plus de 46 minutes…

J’avoue ne jamais avoir visionné un seul épisode de cette Croisière en réalité assez mortifère dans sa répétition. Il y a dans chaque épisode les trois mêmes intrigues qui finissent toujours de la même façon : Un couple se dispute et se réconcilie, deux inconnus se rencontrent et s’aiment, un membre d’équipage retrouve une vieille connaissance dans les passagers. Le seul intérêt de la série aura été de donner sa chance à de jeunes acteurs ou actrices en devenir. On retrouve au générique visible sur le net Tom Hanks, Courteney Cox, Tori Speeling, Michael J. Fox ou Jamie Lee Curtis.

Mais on retrouve aussi nombre de vieux comédiens en mal de cachet dont le regretté Jean-Pierre Aumont ou Ross Martin, longtemps après les Mystères de l’Ouest où il incarne le farfelu Artemus Gordon. Sans oublier le plus étrange des seconds rôles crédité au générique : Elizabeth, un koala…

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le 18 novembre 2021

dimanche 14 novembre 2021

BD - Le retour du Rectificateur


Didier Convard, créateur du Triangle secret et des nombreuses séries dérivées, se lance dans un nouveau développement de cet univers secret. Toujours dessinée par Denis Falque, avec des couvertures d’André Juillard, on suit plus spécialement les activités de Jean Nomane, dit le Rectificateur

Dans cette première affaire, qui n’est pas à suivre, il doit tenter de déjouer un complot politico-religieux mené par les membres de la secte dite de La Fratrie. Une tentative d’infiltration de l’Etat à son plus haut niveau. Le président de la République est directement visé. Et à la manœuvre, on retrouve un jeune ministre ambitieux, qui démissionne pour se présenter contre celui qui lui a mis le pied à l’étrier... 

«Rectificando» (tome1), Glénat, 14,95 €

De choses et d’autres - Intelligence fromagère

Il n’existe pas une seule et unique intelligence artificielle mais une multitude de programmes et d’algorithmes. Certaines sont très spécialisées comme cette Chezam découverte sur le net.

Un développeur a mis au point, selon sa présentation, « l’intelligence artificielle des fromages. » Non, ce n’est pas une trouvaille qui va permettre aux fromages d’être doué de raison mais plus simplement un petit programme qui peut vous donner le nom du fromage que vous avez dans votre assiette. Il suffit de le prendre en photo et Chezam vous dit ce que vous allez déguster. Je n’ai pas résisté à la tentation de la tester.

Premier essai avec un peu de roquefort. Pas de souci, Chezam me répond : « Je suis tout à fait sûr que c’est un fromage à pâte persillée. Il en existe deux sortes, certaines au goût très prononcé (Roquefort) mais certaines sont plus douces (Bleu de Gex). Le banyuls sera parfait avec. » Pas bête cette intelligence artificielle. Non seulement elle voit juste, mais en plus elle me conseille un vin de la région.

Deuxième essai : un morceau de camembert. Et là je m’offusque : « Hum, c’est probablement un fromage de chèvre. » Confondre un chèvre avec du camembert, personne ne peut faire un tel impair. Sauf bien sûr si on a le nez bouché. Et en deux tests je tombe sur le principal défaut de Chezam : elle n’a pas d’odorat. Or, souvent, l’odeur du fromage est plus parlante à nos papilles que son aspect.


Alors juste pour me moquer, j’ai récupéré une photo de la carte de France des principaux fromages (une bonne quarantaine). C’en était beaucoup trop pour Chezam qui a répondu : « Je ne vois pas de fromage ». Et moi de lui rétorquer « Je ne vois pas d’intelligence » !

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 16 novembre 2021

samedi 13 novembre 2021

BD - Lanfeust des bois


Non, Lanfeust n’est pas abandonné par ses deux parents, Arleston et Tarquin. Il a simplement pris quelques années de vacances et revient, muri et reposé. Dans ce 9e tome de la première époque, le héros est devenu forgeron itinérant

Retiré des affaires, mais pas pour longtemps. Il est sollicité par son ami le Troll Hébus (devenu Maître bibliothécaire) car de nombreux sages, nécessaires à l’équilibre de la magie dans le monde de Troy, disparaissent. 

Aidé par Aspette, sa nièce, une ado très insolente et catastrophe, jeune étudiant, il va s’enfoncer dans une forêt douée de conscience. Des bois peu amicaux, bourrés de pièges. 

On retrouve avec plaisir la verve d’Arleston, ses jeux de mots approximatifs et ses situations improbables. Le meilleur retour de 2021. 

«Lanfeust de Troy» (tome 9), Soleil, 14,95 €

De choses et d’autres - Symboles urbains

Étonnant comme d’un pays à l’autre certains symboles urbains sont interprétés de façon diamétralement opposée. En Italie, dans la ville de Conegliano, une voiture est garée à la même place depuis 47 ans. Une vieille Lancia datant de 1963, que l’on peut admirer sur Google Maps. Grise et très rouillée, elle est devenue une attraction touristique à visiter.

Pourtant, une épave qui traîne au même endroit dans une rue durant plus d’une année, dans d’autres pays, c’est vite interprété comme le signe que la ville se paupérise, voire se transforme en zone de non-droit. A Paris, la même voiture aurait été érigée en symbole de la décrépitude de la capitale par les armées de petites mains qui alimentent au quotidien les photos siglées #SaccageParis.


Un mouvement encore plus fort, comme c’est étonnant, depuis que la maire, Anne Hidalgo, est candidate à l’élection présidentielle.

Dernier en date à s’offusquer : Stéphane Bern. Il a annoncé vouloir quitter son appartement parisien pour aller vivre en province à Thiron-Gardais dans le département de l’Eure-et-Loir. Je ne vous cache pas mon étonnement : j’ai toujours cru que le M. Royauté de la télé française vivait au château de Versailles.

Et pour revenir aux symboles urbains, après la voiture qui ne bouge plus, va-t-on avoir le même phénomène avec le radar rouillé de l’avenue Foch ? Un radar tombé sous les assauts des Gilets jaunes (ou autre mécontent, ça ne manque pas en France), qui a scié le mat et y a mis le feu. Selon des riverains, cela fait depuis deux ans et demi qu’il est abandonné sur le trottoir.

Cela ne vaut pas les 47 ans de la voiture italienne, mais renseigne quand même un peu sur l’état de notre société.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 15 novembre 2021

vendredi 12 novembre 2021

Thriller - Compte à rebours pour sauver un enfant dans « Trompe-l’œil »

En général, les héros de romans policiers ou de thrillers, sont soit policier, soit journaliste. Anne Mette Hancock n’a pas choisi et a préféré raconter les aventures mouvementées d’un policier et d’une journaliste danois. D’un côté Héloïse Kaldan, reporter pugnace qui aime les enquêtes au long cours sur des sujets de société. 

Actuellement, elle est sur le problème du retour des soldats danois en stress post-traumatique après leur service d’active en Irak ou en Afghanistan. Face à elle, Erik Schafer, le prototype du flic increvable et prêt à tout pour boucler les coupables. Ce roman, qui mérite tout à fait son titre de « Trompe-l’œil », débute par la disparition de Lukas, un enfant qui n’est jamais arrivé en classe ce matin-là. Il y a été conduit par son père, médecin. Ce dernier est prévenu alors qu’il ausculte Héloïse. Enceinte, celle-ci souhaite avorter. Comme elle comprend une partie de la conversation, elle se précipite à l’école et retrouve son ami Schafer. 

Rapidement, une course contre la montre s’engage. S’il a été enlevé, l’enfant doit être retrouvé sans traîner. Mais, l’enquête sera plus lente que prévu et passera par plusieurs pistes, plus ou moins bonnes, comme ce M. Pomme, handicapé mental qui aime donner des pommes aux écoliers, des réfugiés politiques qui pourraient être radicalisés, des soldats durement éprouvés par les atrocités de la guerre, sans oublier les secrets de la famille de Lukas. 

Le roman, sans le moindre temps mort, accorde aussi de l’importance aux vies des deux héros récurrents tout en offrant une fin véritablement étonnante. 

« Trompe-l’œil » d’Anne Mette Hancock, Albin Michel, 21,90 €