Yann Barthès sur TMC, Thomas Thouroude sur France 2, Yves Calvi sur LCI, Victor Robert aux rênes du Grand Journal : la rentrée médiatique, vaste jeu de chaises musicales, est pourtant incomplète cette année. Normalement, chaque soir, entre 18 heures et 19 heures, le grand bateleur des news, le roi du direct, du rire sardonique et du dentier éclatant de blancheur devait animer une session d'informations sur Cnews, la nouvelle Itélé. Heureusement pour Cyril Hanouna et ses concurrents, ce monstre de travail, abonné aux audiences exponentielles et aux scoops de dernière minute, a déclaré forfait à l'ultime limite. Pas de son plein gré. Une triste histoire avec la justice pour des castings gays et vaguement pornos. Jean-Marc Morandini (même les plus isolés du fin fond de la montagne l'auront reconnu dans ce portrait bourré de superlatif, comme ses émissions) attend toujours de savoir si les plaintes de plusieurs comédiens pour « corruption de mineur » et « harcèlement sexuel et travail clandestin » vont le conduire devant les prétoires ou lui rendre ses fauteuils à Europe1 et Cnews, blanchi de tout soupçon (comme ses dents). En attendant, terminée la ration de Morandini en direct. Il n'y a bien que Nicolas Canteloup qui se permette de l'imiter dans sa chronique matinale. Mais on devine des rires jaunes dans le studio. Les fans doivent se contenter de « Crimes », émissions enregistrées sur NRJ12. En attendant son nouveau concept qu'il trépigne de lancer : « Déclaré innocent ! »
Quand la BD décide d'investir le créneau du "livre de développement personnel", on peut s'attendre au pire. Pourtant "Le jour où le bus est reparti sans elle" écrit par Béka (Les rugbymen) et dessiné par Marko (Les Godillots) parvient à émouvoir sans mièvrerie. Clémentine, jeune femme en quête de sagesse et d'harmonie, décide de participer à un séminaire de méditation en groupe. En chemin vers le domaine où tous vont tenter de découvrir les voies de la sagesse, ils font un arrêt dans une épicerie. Clémentine va aux toilettes. Quand elle en sort, le bus est parti. Seule, abandonnée, sa confiance en elle en prend un sacré coup. Mais il y a l'épicier qui se révèle beaucoup plus intéressant. Subtil, parfois amusant, illustré de contes zen, cet album regonflera automatiquement votre joie de vivre. "Le jour où le bus est reparti sans elle", Bamboo, 15,90 €
Ah le coquin ! Éric Ciotti, un des fervents défenseurs de la droite dure, réclame le retour du service militaire obligatoire. Il sait de quoi il parle... puisqu'il ne l'a pas fait. Avant d'être député des Alpes-Maritimes, il a été jeune. Et comme cela date d'il y a quelques années, il devait comme tout jeune Français effectuer son service militaire. A 25 ans, il a déjà repoussé au maximum son incorporation. Le Canard Enchaîné paru hier prouve, document à l'appui, qu'il a tenté d'échapper à ces dix mois sous les drapeaux. À l'époque il était assistant parlementaire de Christian Estrosi. Ce dernier a sollicité François Fillon qui a donc écrit à Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Défense de l'époque, pour exempter le jeune Ciotti. Un passe-droit sans effet car si finalement le futur député de droite échappe au devoir national, c'est pour "soutien de famille", son épouse attendant un enfant. Cette petite histoire est pleine d'enseignements. Sans s'étendre sur le double langage des politiques, du style : "Je suis pour le service militaire mais personnellement j'ai magouillé pour ne pas le faire", on apprend que Ciotti, assistant parlementaire puis élu, n'a jamais non plus véritablement "travaillé" dans ce secteur privé, pourtant glorifié par son camp. Il en a sans doute été exempté comme pour sa carrière militaire. Autre bizarrerie, sa réaction publiée par le Canard : il nie toute demande de piston. Mieux, il pense que les initiatives d'Estrosi et de Fillon partent d'un bon sentiment et ont été réalisées dans son dos. "À l'insu de mon plein gré !" Ciotti et Virenque, même combat.
Virginie Efira interprète "Victoria", jeune femme dévorée par son métier d'avocate, délaissant ses enfants ainsi que toute envie de romantisme et par là même sa vie sexuelle.
Si certains films français ont la mauvaise habitude de commencer mollement, ce n'est pas le cas de "Victoria" de Justine Triet. Dès les premières minutes on est emporté dans la tornade de la vie de cette avocate jouée par Virginie Efira. Toujours en train de courir, dépassée par les événements, elle se fait virer par son baby-sitter (elle a deux petites filles qu'elle élève seule depuis le départ de son ex, écrivain maudit), en trouve une de rechange (une amie bonne poire) à la dernière minute pour aller à un mariage. Là elle boit trop, se fait draguer par un scientifique assommant et doit subir les jérémiades de son meilleur ami, Vincent (Melvin Poupaud) en pleine rupture avec sa petite amie. Elle croise aussi Sam (Vincent Lacoste), un de ses anciens clients, dealer d'occasion, à la recherche d'un stage dans le milieu juridique. Dix premières minutes où le spectateur est scotché à son siège, subissant cette vie de folie. Pourtant Victoria s'ennuie. Profondément, abominablement, désespérément. Virginie Efira est parfaite en executivewoman, sans cesse occupée mais à la vie triste et creuse. Dans ce mariage, tout le monde fait la fête autour d'elle, mais cela n'a plus prise sur sa réalité. On la devine torturée par son existence vaine. Bien des questions se bousculent dans son inconscient. Elle tente de les mettre à plat lors d'une psychanalyse. Ou lors de séances de voyance. Mais n'est-ce pas au final pour trouver les mêmes réponses ? La vie de Victoria bascule à la fin du mariage. La petite amie de Vincent revient sur la piste de danse le ventre en sang. Elle l'accuse de l'avoir poignardé après avoir fait l'amour dans les toilettes. Garde à vue, interrogatoires… Vincent veut absolument que Victoria la défende. Une grave erreur qui risque de plomber sa carrière en robe noire.
Film sucré-salé
Le film utilise ce procès en fil rouge, avec notamment le témoignage du chien de la victime (lire ci-contre). Mais la vie de Victoria est affreusement compliquée. Son ex dévoile ses turpitudes passées dans un blog littéraire. Nouveau procès. Mais dans le rôle de la victime cette fois. Sans baby-sitter, elle se décide à recruter Sam. Et comme il est à la rue, elle l'héberge dans le salon. Il dort dans le canapé quand la jolie blonde, reçoit les hommes dragués sur une application de rencontre. Et ce qui devait arriver arriva : Victoria craque. S'inspirant des grandes comédies américaines, la réalisatrice dont c'est le second film réussit la prouesse de rendre sympathique cette avocate un peu fofolle mais surtout totalement irresponsable, plus que borderline. Sa chute a dans les trente-sixièmes dessous fait basculer le film dans le mélodrame. Tel un plat sucré-salé, "Victoria" doit se déguster sans a priori ni dogmatisme, accepter simplement ce contraste de sensations, de situations, un mélange des genres qui fait phosphorer le cerveau au même titre que les papilles d'un gastronome. _________
Un chien à la barre
"Victoria" reste avant tout un portrait de femme. Trop active, débordée, lassée des échecs sentimentaux, obligée de se forger une carapace pour ne pas se faire engloutir par un métier encore dominé par les hommes. On rit pourtant beaucoup durant le film de Justine Triet. Pas aux dépens de l'héroïne, mais lors du procès de son ami accusé d'avoir poignardé sa petite amie. L'agression s'est déroulée dans les toilettes à la fin d'une soirée de mariage où ils étaient tous invités (Victoria compris). C'est parole contre parole car le personnage interprété par Melvin Poupaud affirme que sa maîtresse s'est auto poignardée après qu'il lui a annoncé son intention de la quitter. Il y a pourtant un témoin de la scène : le chien de la victime. Le juge d'instruction décide de tester les réactions de l'animal en présence de Vincent. Un expert vient à la barre, avec l'animal, pour expliquer que ce dalmatien réagit quand il est face à une personne qui fait du mal à sa maîtresse. Loufoque ? Pas du tout car la réalisatrice a confié s'être inspirée d'un véritable fait divers. "Celui d'une femme qui a été retrouvée pendue et de tests pratiqués sur son dalmatien pour évaluer comment il réagissait à l'odeur de ses proches accusés." Un procès dans le film marqué par le règne animal, le dénouement étant finalement fourni par une preuve irréfutable apportée par… un chimpanzé.
On parle beaucoup de sexisme, mais un autre fléau passe trop souvent inaperçu : le racisme anti-gros. La semaine dernière sur le plateau du Grand Journal de Canal +, Jonah Hill est invité pour parler de son nouveau film, "War dogs", dans toutes les salles dès aujourd'hui (lire en page cinéma). Jonah Hill fait partie de ces acteurs au physique atypique. Comique talentueux, capable d'endosser toutes les personnalités, ses rondeurs et son esprit caustique le transforment en l'un des comédiens les plus en vue d'Hollywood. Quand je dis rondeurs, d'autre pensent "gros, adipeux, obèse... » Opinion sans nul doute ancrée dans le crâne de la nouvelle Miss Météo, censée faire rire avant de décrire le temps du lendemain. Grande, maigre et forcément belle (selon les canons de beauté des miss) elle manque surtout de tact. "J'ai un fantasme avec vous Jonah, explique Ornella Fleury. Ça serait qu'on se retrouve tous les deux dans une chambre d'hôtel le soir. On discute, vous me faites rire, vous me faites beaucoup rire, et là, d'un coup, vous ramenez vos potes DiCaprio et Brad Pitt... Et vous partez." Traduit en langage clair de gravure de mode : "je veux bien que le petit gros me fasse rigoler. Mais pour coucher je veux du beau, du musclé, du classe. Comme moi quoi... » Mesquin et prétentieux. Réponse du comédien, un peu blessé quand même : "Je ne suis vraiment pas venu pour rien. D'être ridiculisé par la miss météo locale, ça fait plaisir... Merci beaucoup." Elle a beau s'être excusée le lendemain, nous, les gros, on s'en souviendra !
Réveillés aux aurores, Christian et Carole vont vivre une véritable journée de merde. Ce samedi matin, ils doivent aller à la ville déposer un chèque et faire des courses. Un couple assez dépareillé, marqué par la vie. Christian, grand angoissé, travaille dans une scierie. Il habite dans une vieille bicoque loin, très loin d'un petit village. Carole a tout plaqué pour le retrouver. Avant tout le monde elle a senti venir la mode des vêtements vintage. Après achat dans des friperies, elle les "customise" et les vend sur le net. Ils ne roulent pas sur l'or, s'aiment tant bien que mal, et cette journée de merde ressemble en fait à toutes les autres. Myriam Chirousse (photo ci-dessus), dont c'est le troisième roman, s'approche d'un naturalisme extrême. Elle décrit la route sinueuse, les centres commerciaux sans personnalité et les angoisses du quotidien. Christian se sent agressé par l'extérieur. Carole au contraire est indifférente, persuadée que personne ne la remarque. Leur relation est résumée dans cette tirade de la jeune femme : "Dans le fond on est pareils. Peut-être qu'en apparence on ne le dirait pas, toi qui t'énerves et moi qui pleurniche, mais aucun n'arrive à se contrôler. Ça nous prend et on ne sait pas quoi faire. Mais faut qu'on essaie de se maîtriser, qu'on fasse un effort pour que ça ne se passe plus comme ça." Et pour terminer, un sanglier fera son apparition... "Le sanglier" de Myriam Chirousse, Buchet-Chastel, 14 €.
Ce week-end, dans mon village, les associations étaient à la fête. Un "Forum" chargé de présenter aux visiteurs d'un jour la diversité des activités culturelles ou sportives proposées par le foisonnant tissu associatif. En déambulant dans l'allée centrale sous un soleil de plomb, entre le maire qui serrait des mains et l'animateur chargé de rendre joyeuse et informative cette après-midi, je me suis senti bien petit face à ces passionnés, capables de sacrifier un samedi et surtout nombre de journées et de soirées. Du rugby féminin à l'escrime en passant par la broderie ou les danses de salon, le choix était vaste. Le café philo a choisi pour le thème de sa rentrée un sujet d'actualité "Fanatisme et tolérance". Espérons que d'ici le rendez-vous, le 24 novembre à la Brasserie de l'Europe, les fanatiques n'aient pas apporté un peu d'eau au moulin de notre limite de tolérance. Les judokas, par besoin d'espace, sont restés dans leur salle attitrée, à une dizaine de mètres du forum. Les majorettes, courageuses, défilaient devant les badauds, transpirant dans leurs bottes et corsets serrés. Je les ai plaints. Et pour illustrer immédiatement cette fameuse tolérance, le stand du Krav maga faisait face à celui du Taï chi. D'un côté une technique de combat redoutable, de l'autre le must de la relaxation chinoise. Le ying et le yang. Mais tous se retrouveront certainement les 12 et 13 octobre chez les donneurs de sang, toujours en quête de bonnes volontés pour sauver des vies. Sans nul doute la meilleure des façons de donner un peu de sa personne.
Bienvenue dans Karma City, la ville où on ne peut entrer que si son karma est positif. Dans ce futur proche, après une catastrophe (la vague), des scientifiques ont mis au point des machines capables de mesurer son karma, soit le "baromètre en temps réel de sa santé mentale et de son état psychique". Cela ressemble un peu au monde de 1984, beaucoup de policiers pour contrôler papiers et état d'esprit. Autour de Karma City, une zone grise et, encore plus loin, les zones barbares. Une jeune chercheuse en archéologie karmique revient de la zone grise. Elle passe les barrages et sur la route sa voiture plonge dans un ravin. Victime d'un AVC foudroyant. Rien de naturel pour l'inspecteur Napoli qui fait équipe avec la jeune et brillante Kate Cooper, un peu trop psychorigide à son avis. Une enquête policière classique se greffe sur cette réflexion sur la recherche du bonheur. Mais peut-on encore parler de bonheur quand il est imposé ? Découpé comme un comics par grands chapitres d'une trentaine de pages, cet album au trait sombre et réaliste embarque le lecteur dans un cauchemar encore plus horrible qu'il n'y paraît. Distrayant tout en étant très instructif : un des albums les plus originaux de cette rentrée. "Karma City" (tome 1), Dupuis, 20,50 €
"Je regrette d'avoir acheté ce truc !" L'aveu, entre deux quintes de toux, est sans appel. Depuis trois jours, mon épouse est malade. Un bête refroidissement contracté alors qu'elle m'accompagnait à une visite... chez le médecin. De la salle d'attente hyper climatisée au bureau du toubib, on comptait bien 15 degrés de différence. Situation idéale pour lui obstruer le nez, la faire tousser et cracher ses poumons. Samedi, direction la pharmacie. La responsable de l'officine lui conseille un produit fort et efficace . De retour à la maison, elle lit la notice et découvre une méthodologie pour le moins étrange. "Se placer devant un lavabo, renverser la tête en arrière et faire couler le produit dans une narine. Respirer par la bouche en prononçant de façon répétée la syllabe "ké"". "Ké" ? Kézaco ? Bonne élève, elle s'exécute. La scène vire au surréalisme. Ma chérie, consciencieusement placée devant l'évier de la cuisine, se remplit la narine et tente de prononcer le mot magique. Au bout de trois "ké", elle manque de s'étouffer, crache tout par la bouche et les narines en poussant un râle de fin d'existence. Elle tente l'autre narine. Encore moins concluant car, sans pitié, j'éclate de rire. Rire contagieux. Ses "ké" se terminent dans un fou rire entre crachats et reniflements. Le pire ? Elle n'est pas guérie. Oublié le "ké", place aux inhalations d'huile essentielle d'eucalyptus. En silence et sous un torchon. Moins marrant mais plus efficace. En bonus, du "Ké ! Ké ! Ké !" en live...
Marié, père de famille, Morgan Navarro a le malheur de ne côtoyer que des bobos, dangereux extrémistes de gauche et même, le pire parmi la lie de l'humanité avec qui il doit partager l'air qu'il respire : des féministes, lesbiennes, vegan et tatouées. Morgan Navarro, on l'a compris, n'est pas un homme de progrès, ouvert d'esprit. Sous sa calvitie bonhomme se cache un véritable réactionnaire, nostalgique du passé, celui de Pompidou, pas de Mitterrand. Il transforme ses colères et indignations en histoires courtes publiées sur la plateforme du Monde (Le Figaro doit se mordre les doigts). Cette opposition entre des hommes et femmes humanistes et partageurs et Morgan, indécrottable pessimiste, persuadé que le monde court à sa perte, se révèle un ressort comique inépuisable. Et tout le paradoxe de cette BD, au trait classique cela va de soit, est que le réac reste sympathique. Car il a conscience de ses dérives, pour preuve il se sent sans cesse obligé de demander à ses potes d'origines maghrébines s'il est raciste. La réponse, tout en lui faisant un peu honte, le rassure. Paradoxe d'un homme mal dans son temps mais qui n'a jamais perdu le sens de l'autodérision. Preuve au final, qu'il n'est pas si réac que cela finalement... «Ma vie de réac", Dargaud, 17,95 €