Affichage des articles dont le libellé est justine triet. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est justine triet. Afficher tous les articles

jeudi 24 août 2023

Cinéma - “Anatomie d’une chute” et doute assourdissant

La justice décortiquée, dans ses doutes et ses raccourcis, grâce au film de Justine Triet, Palme d’Or à Cannes.


Palme d’Or plus que méritée au dernier festival de Cannes, Anatomie d’une chute de Justine Triet est un thriller judiciaire captivant. On ne voit pas passer les 2 h 30 du film tant la tension et l’intrigue sont minutieusement distillées par la réalisatrice et ses interprètes. L’histoire d’une romance qui finit mal, dans le sang qui tache la neige. 

En hiver, dans la région de Grenoble, Sandra (Sandra Hüller), romancière allemande, vit dans un chalet isolé en compagnie de son mari, Samuel, originaire de la région, professeur d’université. C’est leur fils, Daniel (Milo Machado Graner) qui, au retour d’une balade avec son chien Snoop, découvre son père, mort devant la maison. Il était en train de faire des travaux dans les combles. 

Chute mortelle ? Les gendarmes doutent. La veille, Sandra et Samuel se sont violemment disputés. À l’issue d’une enquête compliquée, Sandra est accusée du meurtre et se retrouve aux assises. La première heure du film permet de contextualiser les rapports de la famille. Comprendre notamment que Daniel est aveugle après un accident dont Samuel serait responsable. 

Le doute omniprésent

Vient ensuite l’heure du procès. Le corps du film, filmé en plans resserrés, avec tous les effets de manche comme autant de trucs de comédiens de théâtre. L’avocat général (Antoine Reinartz) multiplie les questions piège pour acculer Sandra dans ses derniers retranchements. Car elle n’a pas tout dit aux enquêteurs. 

Elle pourra compter sur le calme et la rigueur méthodique de son avocat, Vincent (Swann Arlaud), qui a bien connu Sandra dans sa jeunesse. Cette partie est brillamment réalisée. Justine Triet y déploie sa science des cadrages, des dialogues et des silences parlants pour amener le spectateur à se poser les mêmes questions que les jurés : Sandra est-elle coupable ? A-t-elle tué son mari depuis la terrasse ? A moins que ce dernier ne se soit tout simplement suicidé en sautant dans le vide ? 

Malgré l’enquête, les avis des experts certifiés qui défilent à la barre, les déclarations de Daniel qui raconte ce qu’il croit avoir entendu, les arguments de la défense comme de l’accusation, le déroulement des faits reste une simple hypothèse. Pas de preuves formelles. 

On est alors pris d’un doute, incapable de savoir ce qu’il s’est véritablement passé. Pourtant tout procès doit, au final, délivrer son verdict. C’est aussi la grande leçon de ce film qui place la justice à son véritable niveau : une simple approximation.

Film français de Justine Triet avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner


mercredi 14 septembre 2016

Cinéma : Victoria, femme à problèmes

victoria,justine triet,virginie efira,vincent lacoste,procès,chien
Virginie Efira interprète "Victoria", jeune femme dévorée par son métier d'avocate, délaissant ses enfants ainsi que toute envie de romantisme et par là même sa vie sexuelle.


Si certains films français ont la mauvaise habitude de commencer mollement, ce n'est pas le cas de "Victoria" de Justine Triet. Dès les premières minutes on est emporté dans la tornade de la vie de cette avocate jouée par Virginie Efira. Toujours en train de courir, dépassée par les événements, elle se fait virer par son baby-sitter (elle a deux petites filles qu'elle élève seule depuis le départ de son ex, écrivain maudit), en trouve une de rechange (une amie bonne poire) à la dernière minute pour aller à un mariage. Là elle boit trop, se fait draguer par un scientifique assommant et doit subir les jérémiades de son meilleur ami, Vincent (Melvin Poupaud) en pleine rupture avec sa petite amie. Elle croise aussi Sam (Vincent Lacoste), un de ses anciens clients, dealer d'occasion, à la recherche d'un stage dans le milieu juridique. Dix premières minutes où le spectateur est scotché à son siège, subissant cette vie de folie. Pourtant Victoria s'ennuie. Profondément, abominablement, désespérément. Virginie Efira est parfaite en executivewoman, sans cesse occupée mais à la vie triste et creuse. Dans ce mariage, tout le monde fait la fête autour d'elle, mais cela n'a plus prise sur sa réalité. On la devine torturée par son existence vaine. Bien des questions se bousculent dans son inconscient. Elle tente de les mettre à plat lors d'une psychanalyse. Ou lors de séances de voyance. Mais n'est-ce pas au final pour trouver les mêmes réponses ?
La vie de Victoria bascule à la fin du mariage. La petite amie de Vincent revient sur la piste de danse le ventre en sang. Elle l'accuse de l'avoir poignardé après avoir fait l'amour dans les toilettes. Garde à vue, interrogatoires… Vincent veut absolument que Victoria la défende. Une grave erreur qui risque de plomber sa carrière en robe noire.
Film sucré-salé
Le film utilise ce procès en fil rouge, avec notamment le témoignage du chien de la victime (lire ci-contre). Mais la vie de Victoria est affreusement compliquée. Son ex dévoile ses turpitudes passées dans un blog littéraire. Nouveau procès. Mais dans le rôle de la victime cette fois. Sans baby-sitter, elle se décide à recruter Sam. Et comme il est à la rue, elle l'héberge dans le salon. Il dort dans le canapé quand la jolie blonde, reçoit les hommes dragués sur une application de rencontre. Et ce qui devait arriver arriva : Victoria craque.
S'inspirant des grandes comédies américaines, la réalisatrice dont c'est le second film réussit la prouesse de rendre sympathique cette avocate un peu fofolle mais surtout totalement irresponsable, plus que borderline. Sa chute a dans les trente-sixièmes dessous fait basculer le film dans le mélodrame.
Tel un plat sucré-salé, "Victoria" doit se déguster sans a priori ni dogmatisme, accepter simplement ce contraste de sensations, de situations, un mélange des genres qui fait phosphorer le cerveau au même titre que les papilles d'un gastronome.
_________
 Un chien à la barre

victoria,justine triet,virginie efira,vincent lacoste,procès,chien"Victoria" reste avant tout un portrait de femme. Trop active, débordée, lassée des échecs sentimentaux, obligée de se forger une carapace pour ne pas se faire engloutir par un métier encore dominé par les hommes. On rit pourtant beaucoup durant le film de Justine Triet. Pas aux dépens de l'héroïne, mais lors du procès de son ami accusé d'avoir poignardé sa petite amie. L'agression s'est déroulée dans les toilettes à la fin d'une soirée de mariage où ils étaient tous invités (Victoria compris). C'est parole contre parole car le personnage interprété par Melvin Poupaud affirme que sa maîtresse s'est auto poignardée après qu'il lui a annoncé son intention de la quitter.
Il y a pourtant un témoin de la scène : le chien de la victime. Le juge d'instruction décide de tester les réactions de l'animal en présence de Vincent. Un expert vient à la barre, avec l'animal, pour expliquer que ce dalmatien réagit quand il est face à une personne qui fait du mal à sa maîtresse. Loufoque ? Pas du tout car la réalisatrice a confié s'être inspirée d'un véritable fait divers. "Celui d'une femme qui a été retrouvée pendue et de tests pratiqués sur son dalmatien pour évaluer comment il réagissait à l'odeur de ses proches accusés."
Un procès dans le film marqué par le règne animal, le dénouement étant finalement fourni par une preuve irréfutable apportée par… un chimpanzé.