lundi 13 juin 2016

BD : Femme au foyer experte en lames


Ne vous fiez pas aux apparences. Josie Schuller a tout de la parfaite femme d'intérieur. Mariée à un bon Américain, mère de deux ravissantes petites filles blondes comme les blés, elle sait parfaitement organiser de cocktails quand son mari reçoit ses collègues de boulot. Mais Josie est également experte en maniement du couteau. Pas pour éplucher des légumes. Pour tuer. Vite et discrètement. Sous couvert de bénévolat, la jolie jeune femme, aux airs de sorcière bien aimée (l'action se déroule dans les années 60), va remplir ses contrats de tueuses à gages. Imaginées et dessinées par Joëlle Jones (avec l'aide de Jamie S. Rich au scénario), les aventures de "Lady Killer" sont très divertissantes. L'opposition entre la gentille mère de famille et rageuse tueuse fait merveille. Le tout dans un style délicieusement rétro et un peu kitsch.
"Lady Killer" (tome 1), Glénat Comics, 15,95 euros


dimanche 12 juin 2016

BD : Baltimore, ses flics, ses crimes


Avant d'écrire le scénario de la série "The Wire", David Simon a été reporter. Il a notamment couvert les faits divers dans la ville de Baltimore. Durant l'année 1988, il a suivi tous les inspecteurs de la section des homicides de cette grande ville américaine, gangrénée par le trafic de drogue. Philippe Squarzoni, connu pour ses reportages dessinés, se lance dans l'adaptation de "Homicide" tiré des chroniques de Simon. On est à 1 000 lieues des "Experts" et autres séries télévisées américaines. À Baltimore, les flics chargés de résoudre les homicides sont surchargés de boulot. Trop souvent les affaires restent non résolues car impossible de trouver un témoin. Le mensonge est systématique. Ce sont donc des portraits d'hommes frustrés mais pas encore totalement découragés qui se succèdent dans ces 120 pages retraçant seulement un mois d'enquêtes. Et même si les faits datent de près de 30 ans, cela permet de mieux comprendre cette Amérique, violente, pauvre et abandonnée.
"Homicide" (tome 1), Delcourt, 16,50 euros

samedi 11 juin 2016

Livres de poche : les montagnes russes des émotions

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À la suite d'un accident d'escalade en montagne, Elsa est plongée dans le coma. Tandis que l'espoir de son réveil s'amenuise, Thibault, pénètre par erreur dans sa chambre. Traumatisé par le sort de son frère, qui a renversé deux jeunes filles en voiture, Thibault décide de se confier à Elsa malgré son mutisme. Ce roman sensible de Clélie Avit a remporté le Prix Nouveau Talent 2015.
« Je suis là », Le Livre de Poche 7,10 euros
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Quand Rosa découvre le journal de Marie Curie, commencé à la mort de Pierre son époux, les mots font écho à son propre deuil. Au-delà des époques, les deux femmes vivent la même douleur face à la perte. Leurs voix se mêlent pour raconter la reconstruction. Rosa Montero est née à Madrid où elle vit. Elle est l'auteur de plusieurs romans disponibles en Points.
« L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir », Points 6,70 euros
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Pour Becky, Hollywood est LA ville enfin à sa taille. Toutes ces stars à relooker, entre un cours de yoga avec Gwyneth et une séance maquillage avec Uma. Le rêve ! Hélas, le tapis rouge ne se déroule pas devant tout le monde. Sophie Kinsella n'en finit pas de nous faire rire avec son "Accro du shopping". (Parution simultanée de "L'accro du shopping à la rescousse" chez Belfond)
"L'accro du shopping à Hollywood", Pocket 7,80 euros

vendredi 10 juin 2016

Cinéma : Après la chute, la dure renaissance de Paul Sneijder

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Thomas Vincent adapte un roman de Jean-Paul Dubois retraçant "La nouvelle vie de Paul Sneijder" avec un remarquable Thierry Lhermitte en miraculé dépressif dans le rôle-titre.

Miraculé ! Paul Sneijder (Thierry Lhermitte) est un miraculé. Après un repas dans un restaurant panoramique au Québec, il prend l'ascenseur. Ce dernier lâche. Chute libre. Des cinq occupants de l'engin défectueux, seul Paul est retrouvé vivant. Une jambe cassée, mais vivant. Il pourrait s'en réjouir s'il n'avait pas dîné avec sa fille Marie. Le début de "La nouvelle vie de Paul Sneijder" donne le ton de l'ensemble. Dans une banlieue grise de Montréal, alors que le blizzard souffle et la neige tombe, Paul, claudiquant et s'aidant d'une canne, vient récupérer les cendres de Marie. Il attend dans cet univers impersonnel, avec une "musaque" d'ascenseur en fond sonore. On comprend que Paul est dépressif. Gravement dépressif.
Le film va-t-il être lui aussi désespérant ? Une petite réflexion de l'hôtesse d'accueil nous rassure. En plus de l'urne, elle propose à Paul un petit pendentif, pour conserver sur soi un peu de l'être aimé... L'humour sera noir. Le film n'en abuse pas, juste ce qu'il faut pour comprendre l'absurde de notre société face à un deuil impossible.
Crottes de chiens... bourgeois
Paul fait une fixation sur les ascenseurs. Il passe ses longues journées inactives à se renseigner sur ces machines. Sa convalescence sur le point de s'achever, il doit normalement reprendre son travail dans l'import-export de vins français. Impossible. Il doit prendre le bus. Rester enfermé sans une structure métallique le fait paniquer. Sa femme (Géraldine Pailhas) a d'autres projets pour lui. Il doit prendre un avocat, poursuivre la compagnie d'ascenseur et gagner le pactole. De quoi payer les études de leurs deux fils dans les meilleures universités américaines. Sur les conseils de son médecin, Paul marche beaucoup. Dans le froid et la neige du Québec hivernal. Il a alors l'idée de trouver un nouveau travail au grand air. Il parvient à se faire embaucher comme promeneur de chiens. Alors peut commencer la nouvelle vie de Paul Sneijder, même si ramasser les crottes de chiens appartenant à des bourgeois trop occupés pour les sortir n'est qu'une étape dans son long processus de reconstruction.
Entièrement tourné au Canada, par des températures très largement négatives, ce film permet aussi de découvrir quelques acteurs locaux remarquables. Guillaume Cyr interprète le nouveau patron de Paul. "C'est un acteur comique immense, à l'image de sa corpulence", estime le réalisateur. Autre révélation avec Pierre Curzi. Endossant le rôle de l'avocat de la partie adverse, il va se révéler comme étant celui qui comprend mieux les tourments de Paul. Au point de presque changer de camp et de l'aider quand il sera sur le point de résoudre, enfin, son problème avec les ascenseurs.
Après la chute, vient le temps de la renaissance, presque de l'envol. La fin est différente du roman, plus positive et ouverte. En un mot : lumineuse.

Thierry Lhermitte atteint des sommets

Attention, "La nouvelle vie de Paul Sneijder" n'est pas à proprement parler un film comique. On sourit parfois, mais rarement grâce au talent de Thierry Lhermitte. Le réalisateur a délibérément voulu utiliser l'ancien beau gosse du Splendid dans un contre-emploi absolu. Déprimé, triste, presque suicidaire, Paul Sneijder ne rayonne pas par sa joie de vivre. Un rôle de composition pour Thierry Lhermitte. La preuve de son grand talent aussi. Vieilli, malade, il se traîne lamentablement dans cette banlieue glacée, perpétuellement perdu dans ses pensées morbides. Plus rien ne le fait avancer. Si ce n'est la volonté d'être au niveau du sol. Et à l'air libre. Empêtré dans sa vie familiale, il va fuguer, tel un gamin capricieux. L'acteur français, aux succès mémorables dans les meilleures comédies de ces dernières décennies, a beaucoup travaillé pour être dans l'ambiance du personnage. "Dès qu'il y avait une once d'ironie dans mon regard ou dans mon interprétation, Thomas Vincent me l'enlevait, il n'en voulait pas", se souvient le comédien. Le résultat est étonnant. Il donne corps et force à cet homme qui, au lieu de profiter de la vie après l'accident auquel il a survécu miraculeusement, ne cesse de s'interroger sur sa relation avec sa fille. Un rôle en or, comme on en a peu dans une carrière.

jeudi 9 juin 2016

DVD et blu-ray : Étrange et surprenante "Danish girl" de Tom Hooper

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Lili est présente depuis toujours dans le corps d'Einar. Né homme, il se sent femme. Le phénomène transgenre est de plus en plus abordé dans le cinéma et dans la société, le "troisième sexe" devient un sujet de débat.

Mais dans les années 30, au Danemark très rigide au niveau des mœurs, un homme se doit d'être un bon époux. Donc Einar cache Lili au plus profond de lui et épouse Gerda. Un couple d'artistes qui semble s'épanouir dans un milieu relativement libre. Le film de Tom Hooper est tiré de l'histoire vraie d'Einar Wegener devenu Lili Elbe après une opération, la première du genre. Einar/Lili (Eddie Redmayne) est peintre et décorateur de théâtre. Il vit avec Gerda (Alicia Vikander), elle aussi peintre portraitiste.
Se travestir
Un jour, elle demande à Einar de se grimer en femme pour terminer un tableau. Le jeune homme y voit un signe. Gerda le pousse, par jeu, à aller plus loin. Il se déguise et va au bal des artistes, se présentant comme la cousine d'Einar. Une première sortie qui va le changer totalement. Le film ne se consacre pas uniquement à la transformation physique et psychique d'Einar. Il aborde aussi la problématique de l'amour de la femme pour un mari qui est en train de disparaître. Car si Lili veut vivre, elle doit tuer Einar. Gerda, se sent coupable mais ne peut s'empêcher d'aller contre la volonté de l'être aimé, quelles qu'en soient les conséquences.
Très académique, la mise en scène nuit un peu à la fluidité du récit. Alicia Vikander, à la beauté ravageuse, apporte fougue et dynamisme. On peut être moins convaincu par la performance d'Eddie Redmayne pourtant extraordinaire dans son interprétation de Stephen Hawking ("Une merveilleuse histoire du temps"). Sa transformation est bluffante, mais il reste trop dans la caricature.
Le DVD et blu-ray offre en bonus un petit making-of alors qu'on aurait aimé en savoir plus sur la véritable Lili Elbe.
"The Danish Girl", Universal, 16,99 euros le DVD, 19,99 euros le blu-ray.

mercredi 8 juin 2016

BD : Un mercredi tendre et émouvant

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Ce n'est pas une maison mais tout un immeuble qui est au centre de l'album « Mercredi », Juan Berrio, auteur complet espagnol. Un jour de semaine comme les autres, avec ses occupations routinières, l'extraordinaire et l'éternel recommencement de la vie quotidienne. Avec une virtuosité étonnante, l'auteur suit les différents habitants de l'immeuble, du jeune couple follement amoureux à la concierge maman poule en passant par le couple de petits vieux. Ils se lèvent, écoutent la radio, sortent, se rencontrent, vont faire leurs cours, déjeunent au restaurant, promènent leurs chiens. La douce poésie de la vie banale, de l'aventure au quotidien quand un voleur décide de sévir. L'amour frappe aussi en la personne d'une jolie touriste qui aime se faire photographier. Le dessin, ligne claire très stylisée, presque à angle droit, aux décors un peu de carton-pâte, donnent l'impression de se trouver dans une vieille comédie en noir et blanc. Une journée simple et finalement passionnante, avec au passage quelques très bonnes idées comme le dialogue sans cesse interrompu entre les deux jeunes amoureux.
« Mercredi », Steinkis, 15 euros


mardi 7 juin 2016

BD : Souvenirs et maison en héritage

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Paco Roca, dessinateur espagnol, aime particulièrement se pencher sur la transmission des souvenirs. Il avait signé une remarquable BD sur la maladie d'Alzheimer (« La tête en l'air », adaptée au cinéma) et livre un peu de sa propre histoire dans « La maison ». Un album à l'italienne, aux dessins d'une grande douceur, comme la campagne méditerranéenne environnant cette résidence secondaire familiale. La première planche montre un vieil homme qui sort de sa maison. La suivante retrace une année d'abandon. On comprend qu'il est mort et que ce n'est qu'une année après le décès que les enfants viennent s'occuper de cette bâtisse qui symbolise tous leurs souvenirs d'enfance. Le premier à remettre les pieds dedans est l'écrivain. Il n'est pas manuel, n'a jamais trop apprécié son père, trop terre-à-terre. Le second est l'ainé, celui qui a hérité de la force de travail physique du patriarche. Il est remonté contre l'écrivain, toujours en retard et indécis. Enfin la petite dernière regrette surtout que son père n'ait pas pu profiter de sa petite-fille. Les trois se retrouvent dans la maison pour la remettre en état. Le projet : la vendre le plus vite possible. Mais cela ne va pas se passer comme prévu, comme si les souvenirs du lieu se révolté contre l'oubli. Sensible et juste. Plein d'espoir aussi.
« La maison », Delcourt, 16,95 euros


lundi 6 juin 2016

Livre : l'abbé et l'eau

djemaï, lambert, oran, seuilBien que défroqué, l'abbé Lambert a continué à porter la soutane. Comme un uniforme. Abdelkader Djemaï, dans son style fleuri et imagé, refait vivre cette personnalité d'Oran. Le curé est surtout célèbre pour ses activités de sourcier. Ce "magicien" arrive à Oran au début des années trente pour alimenter la ville en eau potable. 
Il échouera et pour se venger, décidera de prendre la place du maire. L'eau, comme les femmes, il adore, même si "Lambert s'était souvent senti gêné vis-à-vis des femmes, mais cela n'empêchait pas le désir d'être toujours là, souterrain, vif et cristallin comme l'eau qu'il prenait plaisir à faire jaillir entre les cuisses fraîches et obscures de la terre." Portrait parfois émouvant d'un homme qui s'est trop souvent trompé, notamment dans ses positions racistes et antisémites.
"La vie (presque) vraie de l'abbé Lambert", Abdelkader Djemaï, Seuil, 16 euros

dimanche 5 juin 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Procrastination joyeuse


Rien ne m'insupporte plus que la maxime : "Il ne faut pas reporter au lendemain ce qui peut être fait aujourd'hui". Cette volonté du tout, tout de suite, est démontée de la plus belle des manières dans "L'encyclopédie joyeuse de la procrastination" de David D'Equainville. J'avoue être un adepte de cette pratique injustement confondue avec la paresse. Le "procrastineur" n'est pas inactif. Au contraire, ses multiples activités sont souvent responsables de son manque d'efficacité. A la lettre T, je découvre pratiquer sans le savoir le "tsundoku". Loin d'être un jeu de chiffres, il s'agit de l'action d'empiler des livres en se promettant de les lire... plus tard. Un mot apparu au début de l'ère moderne du Japon. Mon "tsundoku" atteint des sommets, mais cette présente encyclopédie est passée à travers. On rit, on réfléchit, on s'étonne au gré de la centaine de pages. Sans doute n'est-ce pas le meilleur livre sur le sujet. La référence en la matière est forcément toujours à l'état d'ébauche dans un coin du cerveau d'un maître de la procrastination.
"Encyclopédie joyeuse de la procrastination", éditions Contrepoint, 9,90 euros

samedi 4 juin 2016

Livres de poche : nouveaux territoires, ici et ailleurs


Raleigh, assureur, citoyen et père de famille modèle en Caroline du Nord, coule une existence gentiment planifiée. Jusqu'au jour ou son père fugue de l'hôpital, dans une Cadillac jaune et flanqué d'une ravissante adolescente noire qu'il veut épouser. Raleigh n'a pas le choix, il va devoir partir à sa recherche à travers les USA des années 80. Michael Malone signe un chef d'oeuvre d'humour.
« Le parcours du combattant », 10/18, 10,20 euros

Les descendants de deux spationautes échoués sur une planète inconnue se cantonnent toujours à cette vallée où une étrange faune et flore bioluminescente leur permet de survivre. Autour s'étend un monde sombre et glacé. John est prêt à partir vers l'inconnu, convaincu que son avenir ne pourra s'écrire que par-delà les ténèbres. Chris Beckett signe un roman de science-fiction ample et inventif.
« Dark Eden », Pocket, 8,50 euros

Ifemelu quitte le Nigeria pour aller faire ses études à Philadelphie. Elle laisse derrière elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de l'Amérique, qui compte bien la rejoindre. Mais la couleur de sa peau va tout compliquer. De son ton irrévérencieux, Chimamanda Ngozi Adichie fait valser le politiquement correct et nous offre une grande histoire d'amour, parcourant trois continents d'un pas vif et puissant.
« Americanah », Folio, 8,70 euros