La littérature islandaise est plus riche qu'on ne le croit. Si les auteurs de polar ont beaucoup fait pour sa reconnaissance en France, ils savent également aborder des sujets plus classiques. Arni Thorarinsson délaisse son héros récurrent de journaliste bourru pour raconter l'histoire tragique d'une famille. Tout commence comme un conte de fée. Une rencontre à la fac. Le coup de foudre. Une petite fille née. La mère, le père et l'enfant vivent heureux. Une dizaine d'années. Et puis un jour, la révélation, un secret de famille. Tout bascule. La mère devient alcoolique, la fille va vivre chez ses grands-parents, le père tente de survivre malgré la culpabilité. Le roman se passe le jour des 18 ans de l'enfant. Ses parents ont promis de tout lui expliquer. Mais comment faire sans la détruire elle aussi ? Laissez vous émouvoir par cette écriture aussi tranchante qu'un rasoir. « Le crime, histoire d'amour » d'Arni Thorarinsson. Métailié, 17 euros
Faille spatio-temporelle pour Luc Leroi, l'anti héros de Jean-Claude Denis. Toujours amoureux de la belle Alinéa, tahitienne mélancolique, il l'accompagne à Tahiti une seconde fois. Mais il ne peut pas rester. En repartant seul, il ne se doute pas qu'en franchissant la ligne de changement de date il fait un grand saut dans le passé. Arrivé à Paris, il est plongé en pleine fin du XIXe siècle. C'est là qu'il est invité à la célèbre soirée du lundi chez Paul Gauguin. Luc, déraciné, va rencontrer le grand artiste, lui expliquer son admiration, ce que ce dernier se moque éperdument, tirant le diable par la queue. Heureux de rencontrer son idole mais désespérée d'avoir perdu sa fiancée, notre héros toujours aussi tendre et naïf, va finalement refermer sa boucle spatiale grâce à sa vielle Vespa 400. Superbement dessinée, subtil et malin, cette résurrection du héros préféré de Jean-Claude Denis intervient après une parenthèse de 15 ans. "Luc Leroi, plutôt plus tard", Futuropolis, 16,50 euros
Pour quitter sa morne famille, Mona se vieillit et entre dans l'industrie porno californienne.
A 25 ans seulement, Sacha Sperling signe un roman fort et âpre, où l'horreur de notre société, prête à tout pour quelques dollars, éclabousse tout, même les petites filles innocentes. Mona n'a que quinze ans quand elle décide de prendre le large. Mère dépressive, beau-père libidineux, petit ami sans ambition : rien de sa vie ne lui convient. Pourtant Mona a un amant qui pourrait être son père. Un homme marié, bien sous tout rapport mais qui a craqué pour cette Lolita effrontée. Est-ce qu'elle l'aime ? Un peu, mais pas trop. Car comme elle l'explique "Peu importe qui s'endort à côté de moi, je finis toujours par rêver seule." Terminé la petite vie étriquée dans la ville endormie, elle part à Los Angeles avec un but bien précis : devenir une star du porno.
Le plan de Mona
Racontée à la première personne, sa conquête de la Cité des Anges est décrite avec minutie par cet écrivain français mais au style très américain. Elle change de tête, de brune passe blonde. Aux yeux bleus avec des lentilles. Elle vole également des papiers et rattrape ces trois années qui lui manquent pour être majeure. Ensuite, il lui suffit de faire le vide, de se concentrer sur autre chose et les longues heures de tournage ne deviennent plus un problème. Une question lancinante taraude le lecteur tout au long de ces scènes, parfois horribles et humiliantes : pourquoi fait-elle cela. On devine qu'elle a un plan, et c'est la grande force du roman. La petite fille, paquet de chair malmené, est une bombe à retardement. Mona, devenue Holly dans les vidéos, garde bien au creux de la main le détonateur. Et quand elle décide de se faire sauter, gare aux dommages collatéraux.
« Histoire de petite fille » de Sacha Sperling. Seuil. 18 euros
Le mois de mars est celui de Caryl Férey. Cet auteur de polar est doublement à l'honneur de la collection Folio policier. En plus de 'Mapuche', les deux titres formant la saga maorie sortent dans un volume compact et enrichi d'un chapitre inédit. Retrouvez ces deux flics dans une Nouvelle-Zélande déchirée par des conflits ethniques. Et pour les fans, 'Condor' vient de sortir en série Noire. 'Saga maorie', Folio Policier, 11 euros
Le Sud des États-Unis n'en a pas terminé avec l'esclavage et la ségrégation raciale. Ce roman de Sue Monk Kidd, se déroule au XIXe siècle à Charleston. Deux fillettes se lient d'amitié. Mais si Sarah est libre, Handful, Noire, est son esclave personnelle. Cette romance palpitante retrace leur parcours vers la liberté et l'émancipation. Un très beau texte par l'auteur du best-seller 'La vie secrète des abeilles'. 'L'invention des ailes', 10/18, 9,10 euros
Si l'envie de découvrir la science-fiction vous titille, n'hésitez pas à faire l'acquisition de cette réédition de 'Dune' de Frank Herbert. Un chef-d'œuvre présenté dans sa version originale. Dune, la planète inhospitalière, aux redoutables vers des sables. Mais c'est dans cette région aux conditions de vies abominables que les prospecteurs trouvent la rare et très recherchée épice de longue vie. 'Dune', Pocket, 11,20 euros
La semaine dernière, après avoir parcouru le livre sur la vie d'Alphonse Allais, j'ai cherché dans Gallica, le site de la bibliothèque nationale, à quoi ressemblait "Le Journal", quotidien qui a publié nombre de ses chroniques. Des milliers d'exemplaires numérisés sont à la disposition des visiteurs. Plongé dans ces vieux papiers avec délice, je vais de découverte en découverte. J'épluche les pages, fasciné par la liberté de ton des rédacteurs, j'arrive enfin aux petites annonces. Dans un numéro de janvier 1902, je tombe des nues en découvrant la quantité astronomique de messages de solitaires cherchant l'âme sœur, aux intitulés particulièrement explicites. Les dames, généralement "bien sous tout rapport", cherchent un homme "distingué et riche". La fortune demeure un paramètre essentiel. Certaines n'hésitent pas à placer la barre très haut en précisant qu'elles ne répondront qu'aux messieurs au compte en banque bien garni. Exemple cette jeune femme de 23 ans à la recherche d'un "homme véritablement du grand monde, ayant une rente d'au moins 40 000 francs." Et l'histoire se répète dans l'autre sens quand je découvre la demande de cet "officier de marine, 24 ans, désirant mariage avec fille unique pour succéder à beau-père dans commerce, industrie ou grande exploitation agricole, France ou étranger." Il aurait pu préciser, "laide, grosse ou cul-de-jatte, je prends quand même... » Après ça, qu'on ne me dise pas que notre société contemporaine s'est déshumanisée à cause du progrès.
Intelligent, beau, fluide et passionnant : "L'hermine" de Christian Vincent offre à Fabrice Luchini un grand rôle très éloigné de ses trop fréquents cabotinages. Il n'a pas remporté le César pour l'interprétation de ce président de cour d'assises, par contre sa partenaire dans le film, Sidse Babett Knudsen a décroché celui de meilleur second rôle féminin. Luchini s'est consolé avec le prix de l'interprétation au festival de Venise. Des prix mais surtout un film passionnant, notamment pour les amateurs d'histoires judiciaires. "L'hermine", Gaumont, 19,99 euros
Sacré à juste titre comme plus grand cinéaste de son temps, Terrence Malick est aussi le réalisateur américain le plus proche de certains artistes européens. Si ses grandes fresques historiques ("La ligne rouge" ou "Le nouveau monde") placent la barre très haut dans un certain académisme, il en est tout autre dans ses dernières réalisations, plus intimes et abstraites.
Sur un scénario minimaliste (un scénariste d'Hollywood en pleine dépression existentielle va de femme en femme), dans "Knight of Cups" il filme Los Angeles et Las Vegas comme personne. Chaque plan est composé comme un tableau. Avec le mouvement en plus. Que cela soit dans des décors urbains, en plein désert ou dans une piscine, on ne peut que rester hypnotisé par une telle maestria de cadrage. Quasiment tourné comme un documentaire, le jeu des acteurs semble le dernier des soucis de Malick. Christian Bale, le scénariste, ne dit pas un mot durant le 1 h 50, promenant son indifférence au monde entre parties et rencontres amoureuses. Il croise ainsi la route de Cate Blanchett, Natalie Portman, Freida Pinto et la pétulante Teresa Palmer. "Knight of Cups" est une superbe réussite esthétique, hypnotisante de bout en bout. "Knight of Cups", Metroplitan, 19,99 euros le DVD, 24,99 euros le blu-ray avec un livret.
Depuis tout petit je suis fan du concours de l'Eurovision. Pas pour la musique mais à cause des bizarreries de certains candidats. Chaque année, comme dans tout bon feuilleton, quelques polémiques grondent ou alors un pays sort un artiste on ne sait d'où. Même si souvent on a l'impression que les sélections se déroulent dans les hôpitaux psychiatriques. La Biélorussie semble avoir décroché le gros lot en 2016. En désignant un certain Ivan pour la représenter, le buzz est assuré. Ce jeune homme filiforme, aux longs cheveux blonds, a tout simplement l'intention d'interpréter sa chanson entièrement nu et accompagné de loups. Tout nu, avec des loups. Difficile de faire plus surréaliste que ce mélange d'à poil et de poils. On a déjà vu le travesti à barbe, les hard-rockers sataniques, le transsexuel israélien, le groupe de trisomiques et autre candidate sans petite culotte, mais des loups, jamais. Reste maintenant au producteur d'Ivan à obtenir l'autorisation des organisateurs pour faire monter ses animaux sur scène. Pour ce qui est de la nudité, il y a toujours moyen de filmer intelligemment pour cacher l'essentiel. Quant à la philosophie de l'ensemble, elle est expliquée par le fameux producteur, persuadé que son poulain va l'emporter : "Toute personne s'identifie avec une sorte de totem animal. Nous voulons que chacun sente ce délicat équilibre entre l'homme et la nature." Je ne sais pas ce qu'ils fument en Biélorussie, mais cela me paraît sacrément gratiné. A moins qu'Ivan, en allant baguenauder dans la forêt en compagnie de ses loups préférés, ne soit tombé sur des champignons un peu spéciaux.
Tiré d'une histoire vraie, le film de Farid Bentoumi avec Sami Bouajila raconte l'incroyable épopée d'un Algérien pour se qualifier aux Jeux olympiques d'hiver en ski de fond.
Parfois, les meilleurs sujets de films se trouvent à notre porte. Quand Farid Bentoumi, jeune cinéaste d'origine algérienne, veut se lancer dans la réalisation de son premier long-métrage de fiction, il ressort l'incroyable aventure vécue par son propre frère quelques années auparavant. En 2006, Noureddine Maurice Bentoumi a participé aux Jeux olympiques de Turin sous la bannière algérienne. Ce skieur de fond, loin d'avoir les performances de Martin Fourcade, a pourtant suscité intérêt médiatique et enthousiasme national pour sa performance. Car avant de s'élancer sur la piste italienne, il a dû lutter pour réaliser les minima lui ouvrant les portes de l'Olympe. Le film de Farid Bentoumi va un peu plus loin. Outre le portrait de cette famille d'immigrés encore partagée entre nouvelle vie en France et reste de la famille, il y met une bonne dose d'économie avec à la base la volonté d'une petite PME française de sauver son activité. Stéphane (Franck Gastambide), ancien champion de ski de fond français, a créé sa propre marque de matériel. Du haut de gamme, fabriqué avec soin par des professionnels. À la tête de l'entreprise, Samir (Sami Bouajila), un ingénieur, fils d'émigré algérien. Après quelques années florissantes, la crise et la concurrence obligent la petite société à voir plus grand. Ils signent un contrat de sponsoring avec un skieur suédois. À la clé des médailles aux prochains JO et une sacrée publicité. Poussé par sa fédération, le champion revient sur sa signature. À terme, c'est la faillite de la boîte.
Neige et oliviers
Stéphane a alors l'idée de trouver un remplaçant. Ce sera Samir. Pour la bonne et simple raison qu'il est Algérien et qu'il pourra représenter son pays. Avec une belle histoire en plus à raconter par les médias. Samir, acculé, accepte et se lance dans un entraînement effréné. Mais le chemin est long avant d'atteindre les minima imposés. Un peu trop linéaire et classique, le film se déroule entre superbes paysages enneigés des Alpes et champs d'oliviers en Algérie. Car Samir, pour obtenir l'aval de sa fédération doit se rendre en Algérie. Il y retrouvera ses cousins, restés au bled pour vivre simplement de la culture des oliviers. Un choc de civilisation qui constitue le véritable intérêt du film. Entre cette société ancestrale et le jeune chef d'entreprise beaucoup plus Français qu'Algérien, c'est rapidement l'incompréhension. Au final on se retrouve face à un "feel good movie" un peu trop aseptisé. Par manque de temps, le réalisateur fait l'impasse sur certaines problématiques qui auraient mérité plus de profondeur comme la corruption en Algérie ou la condition des femmes. L'émotion est quand même au rendez-vous, avec quelques rires grâce à Franck Gastambide et Bouchakor Chakor Djaltia, l'interprète de Kader, le père de Samir, toujours entre naïveté et tendresse. __________________
Franck Gastambide : un acteur est né
Dans le second rôle du film de Farid Bentoumi, on retrouve Franck Gastambide, un chauve qui va faire de plus en plus parler de lui. Étonnant parcours de ce natif de Melun, dont la formation de base est le dressage de chiens. Il découvre le milieu du cinéma sur le tournage des "Rivières pourpres". Enthousiaste, il devient un professionnel recherché. Et petit à petit il va quitter sa spécialisation pour faire l'acteur. Ce sera l'aventure du "Kaïra Shopping" pour Canal + en 2009 transformé en film qui fera près d'un million d'entrées en 2012. Devenu comédien à temps complet, il se risque dans des rôles plus dramatiques comme pour "Enragés" et "Made in France" ou comique dans "Good Luck Algeria". Surtout, il récidive à la réalisation. Mais sans ses potes Kaïras cette fois, en tournant "Pattaya". Une comédie complètement barrée à base de boxe thaïe et de nains. Il écrit, réalise et interprète le premier rôle du film phénomène de ce printemps. Un banlieusard amateur de musculation pour ressembler à... Vin Diesel. Un énorme éclat de rire, toujours à l'affiche et qui remplit les salles (1,7 million d'entrées en quatre semaines d'exploitation...). Après ce carton au box-office, il faudra désormais compter avec cet acteur et ce metteur en scène passionné.
Arleston aime jouer avec les Dieux. Ils sont omniprésents dans cette nouvelle série dessinée par Stephen Lejeune. Oscar, jeune étudiant en médecine, est expédié dans le passé par Athéna. Il devra combattre un autre voyageur du passé, un soldat américain de la guerre de Sécession. Le premier est l'ingénieur du second propulsé pharaon car l'action se déroule en Egypte ancienne. Si Oscar est partagé, désirant revenir dans son présent, Pharaon est persuadé qu'avec leurs connaissances technologiques, ils pourront dominer le monde. Ils vont finalement s'affronter, comme le veut les Dieux de l'Olympe qui n'y voient qu'une distraction. Une série dotée d'un fort potentiel de développement. "Odyxes" (tome 2), Soleil, 14,50 euros