jeudi 19 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Il fait chaud


Moi je vous le dit : le monde est complètement détraqué. Hier à 13 heures, le thermomètre de ma voiture affiche 25°. Le 18 novembre, 25° ! Aussi chaud qu'un mois de juin. Ou la température moyenne d'un mois de juillet dans le nord de la France. 
En temps normal, ce réchauffement climatique (l'été indien pour les climato-sceptiques) représentait la discussion de prédilection du Français ordinaire. La météo, thème de conversation préféré des Français croit-on. Trop chaud, trop froid, trop venté, un élément dérange toujours. En réalité le temps qu'il fait ne nous passionne pas, il a simplement l'avantage de constituer un motif de conversation consensuel. La chaleur excessive de ce mois de novembre pas comme les autres ne discrimine pas. Tout le monde la subit de la même façon, quels que soient son âge, son sexe ou sa religion. Ennemie universelle ou alliée de poids pour les habitants du Sud qui se félicitent de ne pas frissonner en hiver. Le sujet par excellence pour lancer une conversation. 
Mais depuis vendredi dernier, malgré la COP21 qui se profile dans à peine un mois, chacun paraît moins sensible aux variations du thermomètre. Même si certaines des victimes sont tombées sous les balles car elles profitaient de cette douceur pour prendre un verre en terrasse. Des records de chaleur ont peut-être été battus. Mais tout le monde s'en moque. Sans doute le signe que ce qui arrive au pays est grave, très grave.

mercredi 18 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : En guise de conclusion

Dans cette chronique, depuis quatre ans, je tente au quotidien de parler de choses et d'autres. En clair, un espace, en fin de journal, pour sourire ou se moquer, parfois réfléchir ou s'indigner. Un petit moment en décalage avec ce que vous avez pu lire de très sérieux dans les précédentes pages.
Depuis vendredi soir, difficile de penser à autre chose que ce carnage dans Paris. Pourtant la vie continue. Laissons aux politiques les grandes tirades sur la "guerre", la "riposte", aux policiers la "traque". Pour notre part, simples Français lambdas, une fois le temps du recueillement et du deuil passé, contentons-nous ce que nous savons faire de mieux : vivre. Alors allons travailler, amusons-nous, partageons avec nos amis. En tentant d'imposer leur terreur dans notre société, les assassins essaient aussi, et surtout, de détruire une conception du vivre ensemble.
La meilleure façon de leur prouver qu'ils ont échoué, et qu'ils n'y arriveront jamais, reste de les ignorer. Non, vous ne parviendrez pas à nous empêcher de prendre un verre ni de fumer une cigarette en terrasse d'un café, à Paris où ailleurs. Non, vous ne ferez pas taire les milliers de groupes de rock qui n'ont rien de satanique.
Et naturellement, l'immense majorité de la jeunesse se laissera entraîner par ces rythmes qui lui permettent de se sentir exister. Musique qui accompagne si bien la joie et le bonheur. Deux concepts que les djihadistes semblent détester au plus haut niveau. Désolé, votre monde de haine, de sang et de fanatisme on n'en veut pas.
La vie est trop courte pour ne pas en profiter pleinement.

(Chronique parue ce mardi 17 novembre en dernière page de l'Indépendant du Midi.)

mardi 17 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Du meilleur au pire sur le net après les attentats

Les réseaux sociaux ont montré depuis vendredi soir toute leur utilité. Avec le meilleur. Le pire aussi. Vendredi soir, alors que les forces de l'ordre prenaient le Bataclan d'assaut après avoir bouclé le quartier, le mot-dièse #PortesOuvertes s'est répandu comme une trainée de poudre. Des Parisiens signalaient qu'ils acceptaient d'héberger des "naufragés", bloqués dans la capitale. La solidarité, l'entraide immédiate : la meilleure réponse à la terreur.
Facebook a pris le relais. Une page permettait de dire que l'on est en sécurité, chez soi, des voisins ou des connaissances. Des milliers de notes succinctes pour rassurer encore plus d'amis, virtuels ou réels.
Samedi, d'autres messages ont commencé à émerger, largement repris par la communauté. Des avis de recherche. Notamment des jeunes qui étaient au Bataclan. Parfois la réponse arrivait rapidement. Sain et sauf, parfois blessés, mais en vie.
Le pire a commencé en milieu d'après-midi. 129 morts cela signifie 129 personnes, souvent jeunes, aimant la vie au point de prendre un verre en terrasse ou de dépenser quelques dizaines d'euros pour écouter et danser sur des rythmes rock. Et Twitter s'est transformé en immense page d'avis de décès, avec photo des morts, souvent prise sur leurs statuts des réseaux sociaux, souriants, heureux, du temps où ils croyaient au bonheur, à l'avenir...
Ces visages, d'anonymes, ce sont autant d'histoires brisées net par le fanatisme de ces assassins, abominables monstres osant se féliciter d'avoir tué des "idolâtres". Ces visages, ces sourires, ne les oublions jamais.

lundi 16 novembre 2015

BD : Aux amis morts



Si Jim est longtemps passé pour un dessinateur humoristique, spécialiste de la rigolade avec des titres comme la série « 500 idées... », il s'est finalement fait connaître comme un scénariste sensible et attentif à la grande désespérance des hommes modernes. Les éditions Bamboo lui ont fait confiance et il multiplie les récits réalistes touchants et émouvants. Après « Une nuit à Rome » en solo, il a écrit les scénarios d'« Héléna » pour Chabane et « Où sont passés les grands jours ? » pour Alex Tefenkgi. Cette série voit sa conclusion dans un second tome beaucoup plus optimiste que le premier. C'est le récit d'une amitié terminée. Quatre copains, depuis des années, sont bouleversés par la mort d'un des leurs. Il a préféré se tirer une balle dans la tête après une rupture douloureuse. Ils restent donc trois, perdus, à se poser des questions sur leur vie. Ils se comportent comme des enfants mais sont pourtant adultes depuis longtemps. Personnages à la psychologie complexe, bourrés de doutes et d'interrogations, ils agissent comme des miroirs pour le lecteur qui se reconnaît forcément un peu dans ces existences.
« Où sont passés les grands jours ? » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 16,90 €



dimanche 15 novembre 2015

BD : Requin pirate



Matthias Schulteiss est le dessinateur allemand le plus connu en dehors de ses frontières. Depuis le début des années 80 son univers violent est régulièrement traduit en France. Il a pourtant cessé de publier durant de longues années pour se consacrer à l'écriture de séries télé. On ne peut donc que se réjouir de son retour devant sa planche à dessin avec un second cycle de sa série emblématique, « Le rêve du requin ». Lambert, rescapé d'un long voyage en enfer, est « secouru » par une mystérieuse organisation mafieuse. Rien de philanthropique : il doit simplement prendre le commandement d'un bateau pirate pour écumer la mer de Chine. Ce second volume se consacre essentiellement à la formation de son équipage. Lambert, hanté par des démons qui lui demandent sans cesse plus de sang et de morts, fait régner la terreur pour s'imposer à l'équipage asiatique. Lors de leur première sortie, en plus de tester vitesse et résistance du bateau, il décide de passer à l'action et capture un riche héritier du Golfe voguant sur son yacht de luxe. Mauvaise pioche : c'est un des clients de l'organisation.? Lambert n'a plus qu'une solution : reprendre sa liberté.
« Le rêve du requin » (tome 2), Glénat, 13,90 €



samedi 14 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Votez pour eux

Le 6 décembre, vous aurez le choix entre 11 listes dans notre nouvelle grande région. Ailleurs aussi les candidats se bousculent au portillon. Et parfois l'intitulé des listes laisse songeur. Comme s'il fallait se cacher, ou au contraire tout miser sur un parti ou une tête de liste un peu célèbre. Ainsi difficile de compartimenter entre la gauche ou la droite à propos des listes « Ça va changer », « La Guyane en prospective », « Faisons ensemble » ou « Nous, c'est la région ! ». 
Plus problématique, celle de l'UPR d'un certain François Asselineau. Son slogan use de pirouette : « Le parti qui monte malgré le silence des médias ».
 Quant au Front national, il joue à fond la carte Marine Le Pen. La présidente apparaît dans l'intitulé de toutes les listes, excepté celle qu'elle mène dans le Nord nommée « Une région fière et enracinée ». Serait-elle sa meilleure ennemie ? Il reste heureusement quelques listes atypiques comme ces « Citoyens tirés au sort ».  
A la Réunion, les candidats ont simplement utilisé un système de loterie pour nommer leur liste. 19 chanceux ont accepté, des volontaires ont complété les 47 noms nécessaires. Question renouvellement des politiciens, difficile de trouver mieux.  
La palme enfin à la liste F.L.U.O. (Fédération Libertaire Unitaire Ouverte) en Ile de France : elle se présente comme celles « des drogués, des putes et des exclus ». On retrouve dans ses rangs des membres du Parti Pirate, de Cannabis sans frontières, d'Act-Up et des organisateurs de raves. La liste a failli s'appeler « Bougeons-nous le cul ! ». Élégant.

vendredi 13 novembre 2015

BD : Clarke, version noire et pessimiste


Quatre cases carrées par planches, quatre planches en noir et blanc cauchemardesque par histoire : Clarke pour son nouvel album ne choisit pas la facilité des récits humoristiques qui l'ont fait connaître à un large public (Mélusine, Cosa Nostra). Au contraire, il ne cherche pas à faire sourire mais à nous filer les chocottes dans ces histoires courtes sans espoir. Les psychanalystes en herbe adoreront ces 150 pages toutes plus pessimistes les unes que les autres. Il y est souvent question de double, comme un reflet dans un miroir mais animé d'une propre existence. Et généralement, il ne veut pas du bien à l'original. Des histoires de subconscient, de dédoublement de la personnalité, voire de folie pure et simple. On se demande où l'auteur va chercher toutes ces idées macabres et terrifiantes. Mais plus on se plonge dans la lecture de ce bel objet carré, on se reconnaît dans ces cauchemars. Ils ne sont que la retranscription de nos nuits agitées. Trop souvent, au réveil, ils disparaissent et se perdent dans les méandres de nos esprits. Clarke a de la mémoire et semble particulièrement sensible à ces rêveries obliques.

« Réalités obliques », Le Lombard, 16,45 €


Cinéma : L’amour n’a pas droit de cité chez “Les anarchistes”

Le policier infiltré tombe amoureux d’une belle révolutionnaire.



À la fin du XIXe siècle en France, le pouvoir bourgeois se retrouve face à une menace incontrôlable : le mouvement anarchiste. Très actifs dans le milieu ouvrier, ces idéalistes, férocement individualistes, sont parfois de doux rêveurs. D’autres envisagent de passer à l’action armée. Une période historique passionnante reconstituée fidèlement par Elie Wajeman, le réalisateur de ce film qui mélange allègrement les genres. Entre policier, romance et histoire, “Les anarchistes” est avant tout le portrait croisé d’une bande d’amis, une communauté du genre post-mai 68 avant l’heure.

Voler pour vivre
Dans un grand appartement bourgeois, ils vivent tous les uns avec les autres, partageant repas, discussions, sorties et amour. Des hommes et des femmes libres, qui ont fait le choix de voler. Travailler ils ne veulent plus, pas question de cautionner l’emprise des patrons. Mendier n’est pas dans leur mentalité. Ils cambriolent les bourgeois ou volent dans les banques. Prendre l’argent là où il se trouve... La police, pour démanteler ces groupes, a l’idée de les infiltrer. Jean (Tahar Rahim), jeune agent de police sans famille ni attache, est sélectionné par sa hiérarchie pour infiltrer le groupe d’Elisée Mayer (Swann Arlaud). Ouvrier dans une clouterie, il se lie d’amitié avec Biscuit, un des membres de la troupe. Il sauve Elisée d’une rafle et peut ainsi découvrir leur cache puis s’installer avec eux. Jean va rapidement être écartelé entre travail et amour naissant pour la fougueuse Judith (Adèle Exarchopoulos). “Les anarchistes” pèche un peu par son manque de moyens. Reconstituer le Paris d’il y a un siècle n’est pas toujours aisé.
Mais l’ensemble est rattrapé par les excellentes performances d’acteurs. Tahar Rahim est très convaincant dans son rôle de traître. Motivé par l’envie de progresser socialement, il se découvre une famille, des amis et une femme qui l’aime. Adèle Exarchopoulos, après «La vie d’Adèle », cherche des rôles dans la lignée de son personnage de révoltée. Judith, froide et déterminée, s’abandonne dans les bras de Jean autant par dépit que par amour.
Les autres anarchistes sont tout aussi convaincants, avec une mention spéciale pour Guillaume Gouix, déjà vu dans la série « Les revenants ».

DE CHOSES ET D'AUTRES : Identité régionale


Dans moins d'un mois toute la France votera pour désigner les conseillers régionaux. Les listes sont connues, mais dans six des nouvelles régions, le nom définitif du territoire n'est toujours pas arrêté.
Un beau débat en perspective. Chaque terroir veut éviter d'être fondu dans une appellation générique trop large. Si Occitanie semble en bonne voie chez nous et Aquitaine chez les voisins basques, béarnais, limousins et charentais, cela n'empêche pas certains plaisantins (auxquels j'avoue appartenir) d'imaginer des solutions plus biscornues. En choisissant la piste de l'acronyme comme PACA, certaines trouvailles se révèlent carrément hilarantes. Ainsi Aquitaine - POitou - Limousin donne la région APOIL.
Dans le même ordre d'idée Roussillon n Occitanie n Midi se transforme en région ROM ce qui, si elle était dirigée par l'extrême-droite, ne manquerait pas de faire jaser. Plus littéraire, Pyrénées - Occitanie - Languedoc - Aveyron - Roussillon nous conduit direct au pays du POLAR. En voulant faire plaisir à trop de monde on pourrait même devenir Pyrénées - Occitanie - Roussillon - Catalan soit un assez peu engageant PORC. Se méfier également des acronymes qui une fois prononcés deviennent moins aguicheurs comme Causses - Languedoc - Occitanie - Aveyron - Catalan, soit CLOAC...
A choisir, la région qui procurerait du rêve à l'envi reste Pyrénées - Ariège - Roussillon - Aveyron (DIte) Septimanie. Mais soyons lucides, ce n'est pas demain la veille que je me retrouverai au PARADIS.

jeudi 12 novembre 2015

Cinéma : Arménie, du génocide à la folie


Robert Guédiguian boucle sa trilogie sur le génocide arménien avec « Une histoire de fou ». Récit de la dérive violente d'une génération enragée.



Robert Guédiguian personnifie Marseille. La diaspora arménienne aussi. Le cinéaste engagé à gauche, a plus de mal avec cette notion de racines, de terre natale. Il a pourtant consacré plusieurs films à cette tragédie que constitue le génocide du peuple arménien par la Turquie en 1915. Dans "Une histoire de fou", il semble vouloir refermer la plaie avec ce film débutant en Allemagne en 1921 et se terminant deux générations plus tard, dans le jardin d'une église en ruines dans cette Arménie encore soviétique mais plus pour longtemps. Le film est né d'un constat. Pour les fils de ces réfugiés, ayant échappé par miracle au massacre, la notion d'Arménie "n'existe que grâce au génocide. Nous sommes nés sur une montagne de cadavres." Ce paradoxe, Robert Guédiguian en a fait le cœur du film, avec notamment l'explication de la lutte armée de toute une génération d'exilés.

Thelirian, l'exemple
Le film débute comme un documentaire. En 1921, Soghomon Thelirian, un jeune idéaliste arménien, abat froidement dans la rue Talaat Pacha, principal responsable du génocide. Le procès permet de mettre en lumière ce crime contre l'humanité perpétré en toute impunité en 1915 en pleine guerre mondiale. A la surprise générale, Thelirian est acquitté. La suite se déroule à Marseille durant les années 70. Aram (Syrus Shahidi), étudiant, se revendique de Thelirian. Il accuse ses parents Hovannes et Anouch (Simon Abkarian et Ariane Ascaride) d'avoir abandonné le combat. Avec d'autres jeunes il rejoint l'armée de libération de l'Arménie. Il participe à un attentant en plein Paris. Une bombe tue l'ambassadeur de Turquie. Elle blesse aussi grièvement un cycliste qui passait par hasard. Pendant qu'Aram prend la fuite pour intégrer un camp au Liban, sa mère va tenter de présenter ses excuses au blessé, Gilles Tessier (Grégoire Leprince-Ringuet). Le film raconte la dérive d'Aram et la rage de Gilles. Jusqu'à leur rencontre dans une petite cour d'un hôtel à Beyrouth. "J'essaie d'être tous les personnages à la fois", confie Robert Guédiguian qui endosse à tour de rôle le point de vue des deux protagonistes de l'histoire. Avec pour lien le rôle de la mère, tenu par une émouvante Ariane Ascaride. Sans porter le moindre jugement sur l'action violente des années 70, avec pose de bombes tuant des innocents, Robert Guédiguian reconnaît simplement que c'est depuis cette période que le génocide arménien a commencé à occuper les premières pages des journaux. Si aujourd'hui de nombreux pays ont condamné la Turquie, cette dernière campe sur sa position. "Cette histoire c'est la folie de l'Humanité", considère Robert Guédiguian. D'où le nom de ce film qui replace la tragédie arménienne dans une globalité mondiale.