jeudi 9 décembre 2010

BD - "Le testament de César", un nouvel Alix plein de promesses

Jacques Martin, le créateur d'Alix, a toujours voulu que son personnage lui survive. Plusieurs équipes se sont succédées pour animer les aventures du jeune Gaulois, ami de César. Parfois ce n'était pas très concluant, notamment au niveau du dessin. 

Ce « Testament de César » fait partie des excellentes cuvées. Pourtant c'est la première fois que Marco Venanzi s'attaque à ce monument de la BD francophone. Il assure même le scénario. Et au final, on a l'impression de replonger dans les meilleurs titres de la série du temps de Martin, avec complots et mensonges sur fond de découverte de la vie quotidienne des Romains. 

Cette histoire de testament gardé par les Vestales et de mariage annulé pour cause d'assassinat de la mariée, donne l'occasion à l'auteur de détailler les pratiques de ces religieuses très surveillées. On se se surprend également à être très intéressé par la méthode de mise à mort d'une femme ayant fauté : flagellée puis enterrée vivante. L'histoire comme on l'aime...

« Alix » (tome 29), Casterman, 10,40 €


mercredi 8 décembre 2010

BD - Le dernier Victor Sackville

Clap de fin pour Victor Sackville. C'est d'ailleurs clairement indiqué sur la couverture du tome 23 avec un gros « The end » ornant l'écran du cinéma où se déroule l'action. On regrettera cet espion anglais distingué, efficace et charmeur. Il est sorti de l'imagination fertile de François Rivière et de Gabrielle Borile. 

Côté dessin, c'est Francis Carin qui a donné corps à ses aventures, aux quatre coins du monde. Pour cette ultime énigme, Sackville est à Hollywood. Durant ces années 20, l'industrie cinématographique est en plein développement. Un agent dormant anglais aurait découvert un trafic avant de disparaître. Sackville va tenter de le retrouver. François Rivière semble avoir pris beaucoup de plaisir à décrire un milieu qu'il connaît particulièrement bien. 

Le portrait de la scénariste excentrique (cougar avant l'heure), est très réussi. Et pour donner un peu de piment à l'ensemble, un vieil ennemi refait son apparition : Tadjeff, mégalomane ayant endossé, sans problème le costume de producteur.

« Victor Sackville » (tome 23), Le Lombard, 10,95 € 

mardi 7 décembre 2010

BD - Yoko Tsuno affronte la servante de Lucifer

En se rendant en Écosse en compagnie de la jeune et espiègle Emilia, Yoko Tsuno va être confrontée à la « servante de Lucifer », prisonnière depuis le 13e siècle. Ce n'est pas une femme à proprement parlé mais un automate à la peau violette. N'écoutant que leur curiosité, les deux amies libèrent la servante de ses chaînes et immédiatement, cette dernière se réveille et les agresse. Mais elle n'a quasiment plus d'énergie et retombe en catalepsie. 

Yoko va appeler les Vinéens à la rescousse pour tenter de percer les mystères de l'automate. La 25e aventure de Yoko Tsuno est donc centrée sur le peuple de Vinéa, mais ne se passe pas dans l'espace. La suite de l'histoire conduit les héros imaginés par Roger Leloup dans les entrailles de la terre, dans cet enfer, résidence du fameux Lucifer, maître de l'automate. Un méchant pur et dur, ce qui est assez rare dans les albums de Leloup. 

Yoko Tsuno fait désormais partie des classiques de la BD franco-belge. Le trait est toujours aussi précis et minutieux, il n'a pas vieilli d'un iota.

« Yoko Tsuno » (tome 25), Dupuis, 9,95 € 

lundi 6 décembre 2010

Thriller - Kurtz, le retour

Personnage principal de la trilogie « Les voies de l'ombre », Kurtz hante de nouveau les pages de ce thriller de Jérôme Camut et Nathalie Hug.


Les serial killer ont-ils des enfants ? Une descendance ? Cette interrogation est au centre de « Rémanence », épilogue très psychologique de la trilogie « Les voies de l'ombre », des romans noirs qui font froid dans le dos. Le personnage principal, Kurtz, était devenu l'ennemi numéro 1 en France, ayant mis en place un vaste plan pour semer mort et chaos dans le pays. C'était presque à regret que le lecteur refermait « Instinct », Kurtz mis hors d'état de nuire. Les auteurs aussi, Jérôme Camut et Nathalie Hug, semblaient regretter d'avoir bouclé cette saga. Heureusement « Les voies de l'ombre se font entendre à nouveau ».

L'action se déroule quinze années après les premières vagues de terreur. Le bonheur est au rendez-vous pour Claire. Elle va épouser Edouard. Quelques heures avant les noces, un homme se présente à l'entrée de la luxueuse propriété des Morhange. Il désire parler à Claire. La jeune femme, intriguée, va à sa rencontre. Et elle a un choc : « Il a le front haut, des cheveux couleur de paille et ces traits si souvent imaginés qu'ils ont fini par se perdre dans sa mémoire. » Des pans du passé de Claire ressurgissent, quand elle était enfant, prisonnière de Kurtz. Elle s'est échappée avec Milan, le beau jeune homme qui réapparait, des années plus tard, le jour de son mariage. Milan qu'elle a tenté d'oublier. Et qui revient comme si de rien n'était.

Kurtz en quelques chiffres

Le lecteur va alors, par bribes, découvrir la dure existence de Claire. Son père faisait partie des « disciples » de Kurtz. Andréas a payé. Il vient de passer 15 années derrière les barreaux. Libre, il rédige un journal et il ne veut pas oublier les « chiffres bruts », « même si enfermer Kurtz dans des données est un exercice vain. Entre ceux qui sont morts dans ses fours, disparus, envolés, ceux qui ont sauté en mission, ceux qui ont disparu le jour de l'attentat au Stade de France, les chiens, les victimes des chiens, les infortunés qui ont croisé sa route, mauvais endroit mauvais moment, Kurtz est crédité d'à peu près 300 victimes ». Andréas est libre, Kurtz est mort. Mais il croit le voir, comme un fantôme revenant le hanter : « Je dois redoubler de prudence. Dans ce monde où Kurtz a vécu, tout est encore possible. »

L'ancien taulard, le jour de sa sortie, n'attend personne. Pourtant Claire a fait le déplacement. Elle veut solder son passé. Elle l'aborde alors qu'il attend sous un abribus. « Je suis venue mettre un terme à nos relations, papa » explique-t-elle en lui tirant dessus. Trois fois. Trois billes de paintball...

Deuil du père, deuil du mentor, deuil de son enfance : ce roman transpire la mort. Claire en est la figure centrale. Elle ne peut réfréner son attirance vers Milan, le mauvais garçon, l'antithèse de son mari, riche et casanier. Avec Andréas, la relation est encore plus complexe. Claire le rejette. Il va tout faire pour la protéger, malgré elle. Les trois personnages principaux présentés, Jérôme Camut et Nathalie Hug vont pouvoir déployer leurs talents de conteurs. Une dérive lente et inéluctable vers l'horreur, un cauchemar éveillé sans fin. Avec cette interrogation de plus en plus présente et obsédante : et si finalement Kurtz n'était pas mort ?

« Rémanence », Jérôme Camut et Nathalie Hug, Editions Télémaque, 19,50 €

dimanche 5 décembre 2010

BD - Les naufragés et les militaires

Arleston n'a pas que le monde de Troy à son actif. Il a également développé une autre série, tout aussi passionnante, sur le naufrage de trois voyageurs spatiaux sur la planète d'Ythaq. Dessinée par Adrien Floch, cette saga en est déjà à son 8e titre, l'avant-dernier, la suite et la fin étant annoncée dans le 9e titre, « L'impossible vérité », à découvrir en 2012. 

Un immense vaisseau spatial de l'armée vient de se poser sur Ythaq. Les militaires (ridiculisés à longueur de page par un Arleston sarcastique à souhait) doivent tenter de retrouver les 13 vaisseaux disparus aux alentours de cette planète même pas censée exister. Granite, la blonde, est toujours aussi vaillante et responsable, Callista, la belle brume ténébreuse, tente de retrouver un minimum de confort dans ce monde arriéré alors que Narvarth, le poète mécanicien, semble être aux prises avec des forces manipulant son esprit. 

C'est un peu bavard au début (il le faut bien pour placer les jeux de mots irrésistibles), et très mouvementé à la fin. Un subtil équilibre parfaitement maitrisé par Arleston.

« Les naufragés d'Ythaq » (tome 8), Soleil, 13,50 € 

samedi 4 décembre 2010

BD - Compagnie ténébreuse

Des nazis en cavale, des sacrifices humains, de jolies nanas, un héros complexe : les ingrédients servant au cocktail de « La compagnie des ténèbres » n'ont rien d'exceptionnel. Pourtant l'ensemble fonctionne et on se surprend à trembler dans le sillage du héros, un agent du Mossad pourchassant d'anciens SS au cœur de la jungle amazonienne dans les années 60. 

Patrick Galliano a corsé le tout en mettant l'intrigue principale en abime dans un futur proche apocalyptique, au dérèglement climatique catastrophique. Joseph Adams, sous couvert d'une mission de recherche archéologique, a pour mission d'éliminer un dignitaire nazi, sorcier ayant conseillé Hitler jusqu'aux derniers jours de la guerre. Il a trouvé refuge dans une tribu qui pratique toujours les sacrifices humains. Joseph Adams qui, en route, tombera dans les bras de Maria, une belle métisse ayant des pouvoirs surnaturels. 

Dessinée par Mario Milano, cette BD 100 % aventure et action a des petits airs de Manara. Notamment quand la belle et lascive Maria est un peu dénudée (en gros, du début à la fin des 52 pages...)

« La compagnie des ténèbres » (tome 1), Glénat, 13,50 € 

vendredi 3 décembre 2010

BD - Choron story

Daniel Fuchs, bouquiniste de son état, a longtemps été un des piliers des éditions du Square. La maison d'édition créée par Georges Bernier, alias Professeur Choron, a connu son heure de gloire avec le succès de Charlie Hebdo. Daniel Fuchs a raconté ses années « bêtes et méchantes » (le slogan de Hara-Kiri) à Joub et Nicoby qui ont transformé ce long témoignage en un roman graphique quasi historique. 

On croise dans ces pages Reiser, Cabu, Siné, Gébé, Chenz et autres Wolinski. Mais le véritable héros reste Choron, génial éditeur, piètre gestionnaire. Daniel Fuchs se souvient de ses débuts. Il a prêté sa bouille ronde et barbue pour quelques fausses pubs et autres romans-photos en plus de chapeauter les ventes. Il ressort de cette épopée un incroyablement bouillonnement, entre génie créatif et destruction de tous les tabous. Hara-Kiri allait très loin dans ses satires, les auteurs encore plus loin en coulisses. Ils prenaient du bon temps, profitant complètement de la libération des mœurs héritée de mai 68. 

Cela donne envie de retrouver cette ambiance insouciante et surtout met en exergue les limites de notre époque redevenue très pudibonde et politiquement correcte.

« Mes années bêtes et méchantes », Drugstore, 17 € 

jeudi 2 décembre 2010

Roman - Champignons polynésiens

Passionné par les champignons, Arnold Trevellyan quitte les brumes londoniennes pour un lagon polynésien. Un roman déroutant et inventif.

Si vous aimez les champignons, plus spécialement le plus recherché des gourmets, l'oronge vraie, vous savourerez ce roman de Giles Milton avec délectation. Car il est beaucoup question de champignons dans cette fantaisie entraînant le lecteur sur une petite île polynésienne en passant par des carrières dans le Morvan et le Londres de la fin des années 80.

Un iconoclaste. Arnold Trevellyan est assurément un iconoclaste. Ce commissaire-priseur s'épanouit dans son métier. Il vit heureux en compagnie de sa ravissante femme, Flora. Et il a une passion : les champignons. Une vie somme toute rangée, et pourtant, dans les premières pages du roman, quand on rencontre pour la première fois Arnold, il se prélasse sur une plage de sable blanc, au bord du lagon de Tuva, une petite île perdue dans le Pacifique. Ce n'est pas un simple touriste. C'est le roi. Souverain d'un petit paradis tropical. Comment en est-il arrivé là ? On le découvre en même temps que Tobias, un journaliste enquêtant sur cet étonnant sujet de sa gracieuse majesté bombardé roi d'un pays minuscule, du jour au lendemain.

Cavernes et ordre secret

Tout a commencé quand Flora a voulu casser le quotidien du couple. Elle pousse Arnold a prendre un an de congé sans solde et à se consacrer entièrement à sa marotte, les champignons. Arnold et Flora louent une maison, perdue dans les bois au centre de la France et se lancent à la recherche des amanites, toxiques ou comestibles. Un isolement qui sera fatal. Flora quitte Arnold alors que ce dernier vient de découvrir l'entrée de vastes carrières. Son existence va alors basculer. Cette véritable ville souterraine est le repère de l'Ordre, une société secrète qui œuvre depuis des siècles à préserver et restaurer les monarchies partout sur le globe. C'est là qu'il rencontre Lola, la reine de Tuva. Coup de foudre, mariage : le roi Arnold va pouvoir régner.

Le roman de Giles Milton est construit comme un puzzle énigmatique. Le journaliste, en interviewant Peter un ami d'Arnold puis Flora, reconstitue cet incroyable parcours. Mais en parallèle, Arnold, dans des cassettes audios, raconte son étonnante aventure, avec grandiloquence et fougue. Car Arnold a un réel talent de conteur, doublé de celui d'un séducteur irrésistible. Pour preuve, quand il faisait des conférences sur les champignons, le public était surtout féminin, « un auditoire presque exclusivement féminin. Des centaines de femmes qui bavaient devant lui. Il les tenait sous son charme. Et quand il a parlé des propriétés aphrodisiaques de la vesse-de-loup, on a presque entendu les phéromones entrer en ébullition. »

Banquet royal

Champignons et sexe, ils font parfois bon ménage. Arnold va d'ailleurs se distinguer en permettant à l'Ordre de disposer de quantité suffisantes d'oronges (appelées également amanites des Césars) pour un banquet organisé tous les 7 ans. En bon Anglais, Giles Milton met la royauté au centre du roman. La royauté et surtout la façon de la préserver dans ce monde où la démocratie semble ne pas avoir encore dit son dernier mot. En lisant les tribulations des différents protagonistes, on se croit parfois dans un sketch des Monty Python. Complètement loufoque parfois, romantique à souhait par moment, ce roman est avant tout un regard décalé sur notre monde. Arnold est-il un doux rêveur génial ou le simple pion d'une histoire encore plus complexe ?

« Le monde selon Arnold », Giles Milton, éditions Buchet-Chastel, 21 €

mercredi 1 décembre 2010

BD - Un enquêteur old school


Fabien Vehlmann, avant d'être le repreneur de Spirou et le scénariste de la série à succès « Seuls », a débuté par des histoires courtes. La première de Green Manor a vu le jour en 1998. Plus de 10 ans plus tard, les 16 « charmantes historiettes criminelles » sont reprises dans une luxueuse intégrale à la finition soignée. Hommage aux ambiances à la Conan Doyle, cette série est dessinée par Bodart. A la base, c'était pour se « distraire » de ses autres productions. Il y a visiblement pris beaucoup de plaisir. 

Ce gros album de 160 pages est complété par un cahier graphique présentant les crayonnés de certaines planches et des croquis de recherche de personnages. Une virtuosité exceptionnelle : par moment, la spontanéité du trait de Bodart fait penser à Alexis.

« Green Manor » (intégrale), Dupuis, 35 € 

mardi 30 novembre 2010

BD - Un migrateur dans des "Terres lointaines"

Pas facile de se retrouver seul sur une planète inconnue. Quand Paul Clauden débarque sur Altaïr-3 en compagnie de sa mère et de sa jeune sœur, il ne se doute pas que son père ne serait pas au rendez-vous. Malgré l'adversité, il va tenter de le retrouver, se lançant dans un long périple sur ce monde étrange du à l'imagination de Léo. 

Ce troisième épisode permet à Paul de croiser de nouveaux personnages, d'un chercheur en biologie à une candidate à la députation en passant par le tenancier d'un tripot qui propose des shows holographiques érotiques. 

Sans oublier quelques monstres extraterrestres dessinés par Icar qui a la lourde charge d'animer graphiquement les inventions de Léo. Dans le genre, les porquereaux sont aussi originaux que hideux. Rien que pour eux, l'album vaut le détour.

« Terres lointaines » (tome 3), Dargaud, 10,95 €