lundi 12 avril 2010

BD - Bienvenue sur la Lune russe


Avec des si... Si la mission Apollo 11 avait été un échec, les Russes auraient été les premiers à marcher sur la Lune. Jean-Pierre Pécau et Fred Duval, les deux scénaristes de cette série concept intitulée « Jour J » imaginent une autre histoire. 

A l'orée des années 80, la guerre froide fait rage. Sur terre mais également dans l'espace. Russes et Américains ont chacun construit des bases lunaires permanentes. La tension est à son comble mais un événement imprévu survenu sur la Lune pourrait faire basculer l'avenir de l'Humanité. 

Dessinée par Philippe Buchet (Sillage) ce premier titre est passionnant. Entre fiction et réalité il n'y a souvent que l'épaisseur de deux lettres : si...

« Jour J : les Russes sur la Lune ! », Delcourt, 13,95 € 

dimanche 11 avril 2010

Roman - "Le Suaire" symbole de la folie


Frère Bartolomeo est un homme de foi, au cœur du XIVe siècle. Devenu responsable du monastère bénédictin du Trastevere à Rome après une épidémie de peste dévastatrice, sa soif d’idéal va le conduire à l’irréparable. Une descente aux enfers pour purifier les âmes, racontée par Agnès Michaux avec un rare brio dans "Le Suaire".

La peste fait des ravages. Partout la mort noire frappe, laissant quantité de cadavres sur son passage. Même dans la communauté religieuse « le Mal s’immisçait. Dans la ville et dans le cœur des hommes. Dans les corps moribonds et hideux des pestiférés ». Persuadé qu’il faut lancer un message fort à toute la population, il va imaginer un stratagème pour frapper les esprits. Découvrant les catacombes abandonnées, premier cimetière des Chrétiens, il entraînera ses moines dans une falsification historique de grande ampleur. Il va confectionner de toute pièce une nouvelle relique, le suaire du Christ. Pour ce faire il va procéder à la crucifixion d’un innocent, son fils Gentile, jeune muet qu’il est allé chercher à Venise.

Ce roman assez mystique vous entraînera dans les dédales du fanatisme. Bartolomeo, rendu totalement aveugle par son but, ne verra pas sa déchéance morale, ni l’amour qui unit Gentile à une religieuse, Arcangela.

On sort de cette fiction bouleversé, forcément interpellé par les symboles que toutes les religions se fabriquent au fil des siècles pour convaincre les nouveaux fidèles.

« Le suaire », Agnès Michaux, Calmann-Lévy, 15 €


jeudi 8 avril 2010

BD - Au bout de la crise


Superbe album signé du duo Jaime Martin et Wander Antunes. En pleine crise de 1929, des milliers d'Américains n'ont plus rien. Sans travail, maisons saisies, ils se retrouvent sur les routes, à mendier ou chercher un meilleur avenir à l'Ouest. 

Tom fait partie de ces hommes désespérés. Il est doublement touché par la crise car en plus d'avoir perdu tous ses biens matériels, il a également du faire le deuil de sa femme qui a préféré le suicide à la pauvreté. Tom croise la route d'un gamin passionné de Jack London. Il veut devenir marin. Ce gamin, son père le recherche. Tom va l'aider dans sa quête. 

Une intrigue simple, donnant l'occasion aux auteurs de décrire cette société américaine devenue folle. Assassinats impunis, justice expéditive : il ne faisait pas bon de vivre dans ce pays à cette époque.

« Toute la poussière du chemin », Dupuis Aire Libre, 15,50 € 

mercredi 7 avril 2010

BD - Alice virtuelle


Dans ce récit complet de 46 planches, Alice est une fillette curieuse qui va tenter de voir ce qui se cache derrière le miroir. De ce thème déjà brillamment exploré par Lewis Carroll, Frédéric Lhomme (scénariste) et Jean-François Cellier (dessinateur et coscénariste) vont en faire une histoire en forme de parabole, décortiquant les réalités virtuelles et l'asservissement de l'homme par la machine. 

Sur Mars, dans le futur, Alice rencontre Catherine, une jeune femme grande fan de jeux vidéos. Elle interprète Jeanne d'Arc dans le jeu « Guerres Médiévales », programme géré par l'ordinateur central totalement autonome et répondant au nom de Sorcière. Les relations entre Catherine, Alice, Sorcière sont au centre de ce récit jouant aussi sur l'avenir écologique de la Terre, Mars étant en pleine mutation due à sa terraformation. 

Parfois pointue, cette BD vaut surtout pour les superbes images de Jean-François Cellier, peintre plus que dessinateur de bande dessinée.

« Alice », Soleil, 12,90 € 

mardi 6 avril 2010

BD - Duel de fées


Elle est véritablement de plus en plus sympa cette petite fée qui vit dans un cartable. Sybil a été envoyée sur terre pour veiller sur Nina. La fillette commence à apprécier cette aide magique. Notamment quand il faut ranger sa chambre ou répondre à une interrogation écrite surprise. Mais il y a des règles qu'il ne faut pas transgresser. 

Sybil avait pourtant prévenu Nina : ne jamais la remercier. La fillette, polie, passe outre et Sybil disparaît. La vie devient rapidement terne pour Nina. Et de plus en plus périlleuse car la chipie de la classe, Lorie, a décidé de la faire souffrir. Lorie qui a de plus reçu l'aide d'Amanite, une méchante fée qui va tenter dans ce second tome de capturer Nina. 

Cet univers enfantin et fantastique a été imaginé par Michel Rodrigue (dessinateur de Cubitus). Pour dessiner les fées, très sexy, ce sont Antonello Dalena et Manuela Razzi qui ont été choisis. Cela donne une BD sucrée, qui plaira aux fillettes et grandes adolescentes.

« Sybil, la fée cartable » (tome 2), Le Lombard, 9,95 €

lundi 5 avril 2010

Roman français - Rêveur et explorateur

Avec « Le papillon de Siam », Maxence Fermine nous entraîne dans le sillage de Henri Mouhot, explorateur français du 19e siècle.


Qui n'a pas rêvé, un jour, d'enfiler un costume d'explorateur et de découvrir des contrées encore préservées ? Certes, de nos jours, il n'existe quasiment plus de terre vierge. Mais il y a 150 ans, les cartes du monde étaient encore pleines de trous. Ce sont ces zones inconnues qui ont poussé Henri Mouhot à quitter son milieu de petit bourgeois de Montbéliard, en Franche-Comté, pour le royaume de Siam. Cette vie, marquée par une quête et une découverte, Maxence Fermine la raconte dans ce roman à la facture classique, comme un peu datée mais totalement en osmose avec l'air du temps d'époque.

Le jeune Henri s'est mis à rêver d'explorations en fréquentant les rayons poussiéreux de la bibliothèque de son école. Il s'ouvre de nouveaux horizons et se promet de quitter dès que possible son petit quotidien pour courir le monde. Il s'imagine notamment en train de parcourir les forêts du Siam, un pays d'Asie qu'il ne connaît qu'à travers le livre écrit par un religieux, Mgr Jean-Baptiste Pallegoix. Il se jure d'aller lui aussi dans ce pays où tout semble différent et merveilleux.

Partir. Facile à dire. Moins à faire. Cette opportunité de quitter le cocon familial il l'a en devenant professeur de français pour un diplomate russe. Il découvre Saint-Pétersbourg et à la fin de sa mission débute un tour d'Europe. C'est en Italie qu'il rencontre sa future femme, une écossaise, nièce d'un explorateur. Un signe.

Papillon insaisissable

Pourtant ce mariage va le sédentariser quelques années. Mais le démon du voyage va le reprendre et avec beaucoup de culot, après avoir essuyé un refus du gouvernement français, il va proposer ses services aux Anglais pour explorer ce Siam qui le fait toujours rêver. Il aura gain de cause avec cependant une priorité : capturer un Papillon de Siam.

C'est lord Rosse, président de l'Académie royale des sciences de la couronne britannique qui lui décrit cet insecte rarissime « De taille gigantesque, aux couleurs mêlées d'or, de bleu et de vert, c'est une variété nouvelle et inconnue, véritable merveille de la nature. » Henri Mouhot embarque en 1858 pour un voyage qui sera l'aboutissement de sa vie.

Maxence Fermine raconte avec une forte empathie ce périple, à croire que le romancier était dans les bagages de l'explorateur. Henri retrouve sur place Mgr Pallegoix, l'écrivain et inspirateur de sa jeunesse. Durant des années, inlassablement, le Français va sillonner les forêts, vallées impénétrables et montagnes vertigineuse à la recherche de ce papillon. Il le croisera une fois, mais sera incapable de la capturer.

Désespéré, prêt à abandonner, il va par hasard découvrir les ruines d'une ville inconnue. Une seconde fois sa vie va basculer. « Il se trouve au cœur d'une cité bâtie par une civilisation disparue depuis des siècles. Une ville à la fois minérale et végétale, dont il ne subsiste qu'un amas de ruines, un cimetière de grès envahi par la végétation. Une cité de silence et de mystère. C'est là, dans ce lieu hors du temps, alors qu'il cherche désespérément un papillon qui se dérobe à lui, qu'Henri Mouhot parvient au cœur du tombeau d'une race disparue. » Henri Mouhot n'a pas trouvé son papillon, mais il a révélé au monde entier Angkor, ville-temple considérée par certains comme la 8e merveille du monde...

« Le papillon de Siam », Maxence Fermine, Albin Michel, 14,50 € 

dimanche 4 avril 2010

BD - L'étoile du Katanga


Les diamants ont toujours fait rêver. Ils ont aussi provoqué des milliers de morts violentes. Ces pierres précieuses sont au centre d'un commerce très réglementé, de plus en plus florissant malgré la crise. Bartoll, le scénariste, a imaginé comment quelques arrivistes tentent de s'accaparer une part du gâteau. 

Pour l'instant, c'est la World Diamond Co qui a le quasi monopole. Son président, Charles Jr Van Berg, devra déployer des trésors de ruse pour contrecarrer ses rivaux. 

Dessinée par Köllé, qui avoue son admiration de Francq et Denayer, la série « Diamants » nous entraîne du Congo au Canada en passant par Israël et la Russie. Ce troisième tome se déroule en grande partie à Kinshasa. 

L'étoile du Katanga, une pierre de 849 carats va passer de main en main, faisant couler beaucoup de sang au passage. Regrettons simplement que cette série d'action ne fasse intervenir que des protagonistes tous plus détestables les uns que les autres, avides de pouvoir et d'argent. Mais c'est certainement le milieu qui veut cela.

« Diamants » (tome 3), Glénat, 9,40 € 

samedi 3 avril 2010

BD - La nébuleuse Roxana


Qui est All Watcher ? Cette question, Larry B. Max, le héros de la série IRS se la pose toujours dans le second tome de ce spin-off dessiné cette fois par Daniel Koller. Il est sur sa piste, ou plus exactement sur celle d'un Français qui est peut-être en relation avec ce personnage qui serait l'homme le plus riche de la planète car exploitant toutes les failles du système monétaire mondial. 

Vincent Coutelier est un escroc de grande envergure. Il peut changer d'apparence en quelques secondes et lancer des arnaques à très grande échelle. Cette fois il a été contacté par Roxana Wilson-Habib, agent immobilier qui lui propose une affaire en or. Acheter des terrains pour 100 millions de dollars. 

Des terrains qui en vaudront, dans peu de temps, 1000 fois plus. Larry parvient à se faire passer pour Coutelier. Mais il est moins bon en comédie et le rendez-vous tourne mal. 

Aussi passionnante que la série mère écrite par Desberg, « All Watcher » comptera 7 tomes, tous dessinés par des auteurs différents.

« All Watcher » (tome 2), Le Lombard, 10,95 € 

vendredi 2 avril 2010

BD - Petits riens essentiels


Chabouté, après quelques récits au long cours, revient à ses premières amours, la nouvelle. Ce recueil, petit format, en noir et blanc, propose une dizaines d'histoires courtes sur la vie de tous les jours. Intitulé « Fables amères, de tout petit riens », il brosse le portrait de notre société, de plus en plus solitaire, intolérante et inégalitaire. 

Chaque récit est comme un coup de poing au foie. Il semble anodin, mais après coup il vous casse en deux. Comme cette fillette dans un avion qui tente désespérément de discuter avec le monsieur assis à côté d'elle, malgré les remontrances de sa mère. Une fillette qui n'a jamais pris l'avion. Elle en est très fière, de même que de ses bons résultats à l'école. Elle le raconte durant tout le vol. 

A l'arrivée, elle et sa mère sont remises aux autorités locales par le monsieur peu bavard : un fonctionnaire français consciencieux qui vient d'expulser deux sans papiers. 

D'une force incroyable, cette BD nous fait réfléchir, culpabiliser aussi, parfois...

« Fables amères », Vents d'Ouest, 12 € 

jeudi 1 avril 2010

San-Antonio - Neige, boules et bévues

Patrice Dard, pour le 20e titre des nouvelles aventures de San-Antonio, s'essaie au format poche.


Cela fait dix ans que Frédéric Dard a quitté ce monde. Le créateur de San-Antonio et de tout son petit monde (Bérurier, Pinaud, Berthe, Félicie...) est pourtant toujours présent dans le coeur de millions de lecteurs. Ce dixième anniversaire est l'occasion pour les éditions Fleuve Noir de ressusciter quelques romans devenus rares, tout en poursuivant la réédition, avec des couvertures inédites de Boucq, des premières aventures du célèbre commissaire de police, grand tombeur de ces dames. Premières car depuis dix ans, Patrice Dard, le fils de Frédéric, a repris en main la maison San-Antonio pour les éditions Fayard. Il publie en ce mois de mars 2010 la 20e enquête de la nouvelle série. Et pour la première fois, le roman est publié en poche, ce format économique, souvent décrié par les « grands auteurs », mais qui a assuré une popularité inégalée à l'oeuvre de Dard père.

Béru en ski

« Ça sent le sapin » est un roman d'hiver. Il se déroule essentiellement dans une station de sports d'hiver, aux alentours de Noël. Cela donne d'entrée une scène comme les fans en raffolent : Béru et madame sur des skis : « Le Gravos des cimes et sa Baleine des neiges, une grosse bobonne en doudoune d'un vert dégueulis d'épinard. » Le couple n'est pas là pour s'adonner aux joies des sports d'hiver (bien que Berthe ait accepté de prendre, dixit Béru, « des cours de surf avec Frédo, le grand moniteur blond qu'a un regard d'angelot et des biscoteaux de lutteur de foire. Attention, pas un risque-tout, le zigue. Il l'a convoquée dans son studio. »)

Béru est en service commandé. Il était chargé de protéger un certain Pipo, ancien skieur alpin qui pourrait bien être assassiné ce 23 décembre. Il semble être la prochaine victime d'un serial killer ayant déjà à son actif un kayakiste, un alpiniste et un golfeur.

La mission foire lamentablement mais San-Antonio ne lâche pas l'affaire. Il va remuer ciel et terre pour retrouver le tueur et comprendre les motifs de sa folie meurtrière. Au passage il emballera une certaine Dominique Patrault, médecin légiste de son état. Il croisera aussi une ancienne connaissance policière, un malfrat reconverti, une vendeuse de lingerie, une vieille bique mauvaise langue et une avocate fiscaliste. Un défilé savoureux de second rôles faisant tout le sel de ces aventures de San-Antonio.

Reste le meilleur, les interventions de Bérurier, toujours aussi gras du bide, ordurier et obsédé. L'auteur, dans la bouche de San-Antonio, lui rend un long hommage dont voici un extrait : « Écoute-moi bien, Alexandre. Tu incarnes sans doute le personnage le plus répugnant de toute la littérature française. Tu es rustaud, trivial et aussi mal embouché qu'un chiotte à la turque. Chacune de tes phrases est un attentat contre la grammaire. Tu tourmentes le vocabulaire, persécutes la syntaxe, martyrise le subjonctif. (...) Ton haleine ferait avorter une couvée de vautours. Mais je dois humblement reconnaître que tu es un flic hors-pair ! » Patrice Dard a lui aussi compris que les enquêtes de San-Antonio, les intrigues et tout le rituel du polar ne sont que des prétextes pour mettre en scène le personnage ultime : Bérurier. Les second rôles ne sont rien sans les héros. Mais dieu que ces héros seraient fades sans leurs acolytes.

« Ça sent le sapin », San-Antonio, Patrice Dard, Fayard, 6,90 €