vendredi 26 mars 2010

BD - Moissons rouges


Régis Hautière est le scénariste qui monte. Après de nombreux albums chez Paquet, il a multiplié les projets chez divers éditeurs. « Vents contraires » dessinée par Ullcer, est un polar contemporain. 

Le héros, ancien militaire reconvertit dans la photographie animalière, se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. En pleine nuit, alors qu'il espérait surprendre un renard en forêt, il tombe sur une jeune femme, quasi nue, pourchassée par une bande de tueurs. Etonnamment, la séquence action ne débute qu'a la 28e page. 

La première partie, uniquement psychologique, présente le héros, un solitaire en quête d'absolu. Cela donne une étrange ambiance et renforce le tempo quand cela commence à canarder à tout-va.

« Vents contraires » (tome 1), Delcourt, 12,90 € 

jeudi 25 mars 2010

BD - Congo en devenir


Série ambitieuse, « Africa Dreams » entend raconter la véritable histoire du Congo belge, comment un roi très ambitieux, Léopold II, a construit de toute pièce un pays en « rachetant » des terres et en y implantant des comptoirs et plantations. 

Jean-François et Maryse Charles ont écrit ce scénario pour Frédéric Bihel qui semble avoir pris un immense plaisir (communicatif au lecteur) à dessiner ces vastes étendues vierges, moites et envoutantes. La grande Histoire, le lecteur la découvre par l'intermédiaire de la vision personnelle de Paul Delisle, un jeune séminariste envoyé pour évangéliser les populations locales. 

Mais sa venue est surtout motivée par sa volonté de retrouver son père, présenté comme un démon ayant abandonné sa famille. Ce dernier est à la tête d'une plantation et n'est pas aussi terrible. Au contraire, il lutte pour dénoncer les pratiques violentes des sbires de Léopold II.

« Africa Dreams » (tome 1), Casterman, 12,50 € 

mercredi 24 mars 2010

BD - Homme et gibier


Cette BD écrite par Bourhis et dessinée par Spiessert se déroule à Paris à la fin du XIXe siècle. Mais la capitale parisienne n'est pas tout à fait identique à celle que nos ancêtres ont connu. Dans cette uchronie, les animaux sont intelligents et les hommes sont redevenus sauvages vivant nus dans les bois alentours. 

Le braconnage des hommes peut se révéler être une activité très lucrative. Deux petits viennent d'être capturés : Feuille et son frère Source. Alors que Feuille est vendue à un tigre, Léopoldine, une femelle cochonne étudiante, découvre que la fillette peut parler. 

Elle va tenter de la protéger et l'étudier, mais dans l'ombre un certain « Comité de vigilance sur la question humaine » tente d'éliminer les derniers représentants de cette espèce considérée comme très nuisible. 

Très étonnant, ce conte philosophique inversé donne à réfléchir sur les discriminations et les risques entraînés par l'hégémonie d'une race sur une autre.

« Hélas », Dupuis Aire Libre, 15,50 € 

mardi 23 mars 2010

BD - Gags historicomiques


Comment avoir de bonnes notes en histoire ? Facile pour Adèle et Marvin, il suffit de voyager dans le temps. Avec leur téléphone portable dernière génération, il peuvent avoir des renseignements de première main pour leurs exposés. 
Rencontre avec Robin des Bois ou Jésus, télescopage avec H. G. Wells : les raisons d'éclater de rire ne manquent pas dans ce troisième recueil des aventures des « Chronokids » de Zep (scénario) et Stan et Vince (dessin). 
Les deux jeunes héros sont parfois très terre à terre (aller au Klondike avant la ruée sur l'or) mais aussi pleins de bonne volonté comme empêcher les guerres et tentant de distraire Nobel alors qu'il est sur le point d'inventer la dynamite. 
Cela donne un ensemble très drôle, plein de clins d'œil, le tout remarquablement dessiné par un duo d'illustrateurs ayant parfaitement digéré le passage du réalisme au comique.

« Chronokids » (tome 3), Glénat, 9,40 € 

lundi 22 mars 2010

Polar - Médecine expéditive

Si vous êtes malade, évitez de tomber entre les mains de Peter Brown, le médecin de ce polar de Josh Bazell. Auparavant, il était tueur à gages...

La mort est souvent omniprésente dans les hôpitaux. Le Manhattan Catholic Hospital, établissement où officie le docteur Peter Brown, héros du roman de Josh Bazell, n'échappe pas à la règle. Et Peter Brown, la mort, il connait bien. Cet interne vit sa deuxième existence officielle. Précédemment, il était tueur à gages pour la mafia. Soigner ou tuer : il n'y a souvent qu'une infime frontière. Il a fait le grand saut. Dans les premières pages de ce polar, on ne connait rien du passé du docteur. On le suit allant au travail. Et déjà on comprend qu'il n'est pas exactement comme les autres praticiens. Plus proche du Dr House que de votre médecin de campagne.

En chemin il corrige un olibrius qui le braque, puis s'envoie en l'air dans l'ascenseur avec une gentille représentante pharmaceutique. Quand vient l'heure de sa tournée, il prend quelques précautions. Comme gober un cachet de Moxfane. « Le Moxfane est un médicament qu'on donne aux pilotes de bombardier qui décollent du Michigan sans escale pour bombarder l'Irak et rentrer au Michigan sans escale. On peut soit l'avaler, soit le mettre dans le moteur en guise de carburant, au choix. »

Le retour de Griffe d'ours

Les dix premières pages donnent le ton du roman qui rapidement ne sera pas que médical. Car Peter raconte, entre ses consultations et quelques opérations, comment il est devenu mafieux. A la base, la mafia ne l'intéressait que pour retrouver deux petits truands qui avaient assassiné ses grands-parents. Pour ce faire il s'est littéralement fait adopter par un avocat véreux. Il est devenu tueur à gages en flinguant les meurtriers de sa famille. Un très bon tueur répondant au pseudo de « Griffe d'ours ».

Mais tout cela c'est du passé. Aujourd'hui Peter est un médecin, pas spécialement honorable, mais qui a tiré un trait sur cette période de sa vie. On apprend même un peu plus loin dans le roman qu'il est sous la protection du Witsec, le programme de protection des personnes qui témoignent contre le crime organisé.

Et Peter, justement, a rudement besoin du Witsec ce matin car un de ses nouveaux patients, un certain LoBrutto en le voyant l'accueille avec effroi : « Oh putain ! Crie-t-il en se recroquevillant comme pour me fuir, mais entravé par ses perfusions et les fils qui le relient aux moniteurs. Griffe d'ours ! Ils t'ont envoyé pour me buter ! ». LoBrutto est en réalité Squillante, un mafieux atteint d'un cancer et qui n'a plus que trois mois à vivre. Mais c'est certainement suffisant pour qu'il prévienne tous ses collègues qui tentent de mettre la main sur Griffe d'ours. Le docteur Brown va devoir agir vite. En quelques secondes il imagine trois façon différentes pour assassiner Squillante : de l'air dans le cathéter (mais il en faudrait trop), un bouchon bloqué dans le larynx, « les bois légers n'apparaissent pas aux rayons-X » ou le shooter au potassium, « son cœur s'arrêtera sans faire de pics sur son électrocardiogramme ». Une urgence l'entraîne à l'autre bout de l'hôpital. Ce n'est que partie remise, mais rapidement les affaires se compliquent pour le docteur Brown.

Ce roman, le premier de Josh Bazell, lui-même médecin, semble tout à fait immoral. Mais on apprend pourquoi le docteur, dont le véritable nom est Pietro Browna, avait tant de haine à une certaine époque de sa vie. Cela ne l'excuse pas, mais on le comprend mieux. Et au fil des pages il s'humanise, quand il devient le chaperon de Skinfilk, son frère d'armes, puis quand vient l'amour et la rencontre de la belle Magdalena, musicienne roumaine. Mais il n'a pas le temps d'être nostalgique. Quatre comprimés de Moxfane et direction le bloc opératoire... Ça tombe bien, c'est Squillante qu'il faut « ouvrir ».

« Docteur à tuer », Josh Bazell, Lattès, 20 € 

samedi 20 mars 2010

BD - Drôles de gamins


La BD américaine a trop longtemps été réduite à des aventures de super héros. C'est oublier la principale catégorie, la plus dynamique : les strips publiés dans les quotidiens. Les Peanuts ou Calvin et Hobbes ont prouvé au fil des décennies que tout en étant court, le strip permet de dire beaucoup de chose. Et la relève est là quand on découvre les bandes de ce « Cul-de-sac » signées Richard Thompson. 

Alice Otterloop est une petite fille américaine typique. On suit ses découvertes en compagnie de ses copains de classe ou de son frère Petey. Interviennent également la mère et le père. Des gamins en pleine exploration de la vie et de ses incohérences. 

Que cela soit à l'école, au cinéma, au repas où dans leur chambre à coucher : tout est prétexte à gag et réflexion. Un monde enchanteur servi par un dessin qui semble enfantin au premier abord mais qui se révèle en réalité particulièrement élaboré et expressif. 

A ne pas manquer parmi les personnages secondaires, le cochon d'inde de l'école, Sanders, paniqué à l'idée de retrouver la liberté...

« Cul de sac » (tome 1), Delcourt, 12,95 € 

vendredi 19 mars 2010

BD - Vierge Marie moderne


Jennifer, 16 ans, vierge et enceinte. Le pitch de cette série tient en ces quelques mots. De nos jours, donc, une jeune fille se retrouve enceinte par l'opération du Saint-Esprit. Les deux auteurs, Barbara Abel au scénario et Gérard Goffaux au dessin, ont imaginé ce qui pourrait arriver à cette adolescente dans notre société actuelle. 

Et très vite ce qui aurait pu être une réécriture de la naissance du christianisme se transforme en polar. Car à la fin du premier tome, le père de Jennifer est assassiné. Dans les premières pages de ce second opus, Jennifer et sa mère trouvent refuge dans la ferme habitée par les grands-parents de la nouvelle « vierge Marie » comme la nomment certains journaux. 

Dans une ambiance détestable Jennifer va faire connaissance avec cette grand-mère qu'elle n'a jamais rencontré auparavant et qui ressemble à une sorcière échappée du Moyen âge. De lourds secrets familiaux vont alors faire dévier l'intrigue vers le drame psychologique. 

Très actuel, ce récit semble truffé de fausses pistes, jusqu'au coup de théâtre de la dernière page relançant l'intérêt pour le troisième tome.

« Je vous salue Jennifer » (tome 2), Soleil Quadrants, 14,30 € 

jeudi 18 mars 2010

Fantastique - Petit démon deviendra grand

Clive Barker signe son retour dans la littérature fantastique avec ce récit ayant pour héros Jakabok, le démon de Gutenberg.

Fantaisie littéraire, exercice de style ou simple roman d'épouvante : difficile de ranger « Jakabok, le démon de Gutenberg », écrit par Clive Barker, dans une case précise. Il est vrai que son auteur a toujours aimé les diagonales. Ecrivain, il a également beaucoup signé de scénarios de films d'épouvante et a même réalisé plusieurs long-métrages dont le fameux « Hellraiser ». Ce roman marque un peu son retour aux origines, l'horreur et le fantastique sur papier.

Jakabok est un jeune démon vivant sur une montagne d'immondices dans le neuvième cercle de l'enfer. Il vit sous la férule de son père, Gatmuss, un démon violent et autoritaire. Jakabok a un secret. Il écrit. Assemblant des mots pour en faire des phrases, il conserve précieusement sa production dans sa chambre, cachée sous une latte du plancher. Dans ces écrits, il prend sa revanche, associant son père aux pires insultes et infamies. Quand son secret est éventé, la colère de Gatmuss est effroyable. Le démon se saisit de tous ces papiers et les brûle sur un énorme bûcher. Et pour couronner le tout, il plonge son fils dans les flammes.

Jakabok en ressortira vivant, mais horriblement brûlé, totalement défiguré. Le jeune démon, qui parle à la première personne dans ce livre, se décrit : « Mon corps reptilien n'est plus qu'une masse de tissus chéloïdiens brillants et boursouflés. Ma face était – et est toujours – un chaos e cloques, de petits dômes rouges et durcis partout où ma graisse a été frite. Mes yeux ne sont que deux cavités sans cils ni sourcils. Ce qui s'applique également à mes fosses nasales. Du mucus gris-vert suinte constamment des globes oculaires et de l'emplacement que mon nez occupait autrefois. » Par contre, sa double queue est sortie intacte du brasier.

Capturé par des humains

La grosse crise entre Jakabok et son père se prolonge par une course poursuite dans les montagnes d'immondices. Mais les deux démons stoppent net les hostilités quand ils découvrent, accrochés à des cordes, de grosses côtes de bœuf et des bouteilles de bière. Ils font la paix et dégustent tranquillement ce qui se révèle être un piège. Capturés dans de grands filets, ils sont remontés vers la surface, vers le monde des humains. Une lente ascension, où Clive Barker décrit les différents cercles traversés. Et plus la surface approche, plus Jakabok comprend que ce piège risque de lui être fatal tant la colère de son père augmente. 

Le jeune démon décide alors de s'affranchir totalement. Il coupe la corde remontant son père. Ce dernier chute mortellement jusqu'au 9e cercle. Le tout frais démon orphelin découvre la surface de la terre et les humains. Des hommes bien décidés à l'écorcher, le dépecer et faire bouillir sa chair. Il s'échappe donc et va, au gré des rencontres et des découvertes, se forger cette réputation de démon implacable, celui de Gutenberg. Le démon des livres, un livre démoniaque...

« Jakabok : le démon de Gutenberg », Clive Barker, Denoël collection Lunes d'encre, 19 €

mercredi 17 mars 2010

BD - Tueur futuriste


Eberoni, illustrateur rare, a été découvert dans les pages de Métal Hurlant dans les années 80. Il s'est ensuite fait plus discret, ses images léchées et futuristes semblaient le destiner à une carrière de peintre. Il revient au 9e art dans cet album hommage au « Samouraï », film de Melville. 

Dans un Paris futuriste où les images pornographiques foisonnent dans la rue, un homme se rend à un rendez-vous que l'on sait dramatique. Il marche dans cette capitale cauchemardesque en rêvant à des femmes lascives et voluptueuses. 

Si l'histoire est microscopique, les dessins méritent que l'on s'attarde dessus. Il faut savourer chaque courbe, chaque effet de relief et autre trouvaille architecturale.

« Samouraï », Futuropolis, 16 € 

mardi 16 mars 2010

BD - Guerrier médiéval


Récit médiéval et fantastique, « Le Banni » permet de découvrir Tarumbana, un dessinateur virtuose, dans la lignée d'un Rosinski. Ses planches, en couleurs directes, semblent être une succession de peintures. Or, il fait tout en numérique. 

Il semble être le premier à exploiter à ce point les nouvelles technologies. L'histoire, signée Henscher, est dramatique et violente. Cinq guerriers ont pris le pouvoir. Leur chef est devenu roi. Mais l'un d'entre eux a trahi. 

C'est devenu le Banni. Alors que les complots se multiplient, le Banni revient au pays pour tenter de réécritre sa légende.

« Le banni » (tome 1), Le Lombard, 13,50 €