dimanche 7 février 2010

BD - Dieu trop puissant


« Genuine City » d'Igor Dedic offre l'avantage de toucher à tous les genres possibles et imaginables en 48 pages. Cela commence comme de l'héroic fantasy, puis cela dévie vers la mythologie, le péplum, la piraterie pour finir dans de la science-fiction pure et dure. Un mélange assez déroutant car le lecteur est balloté d'un univers à un autre, d'une réalité à un imaginaire. 

Mais l'ensemble passe comme une lettre à la poste grâce au dessin de Dedic. Cet auteur, vivant à Montpellier, après des années à travailler dans le milieu du dessin animé, a décidé de proposer aux lecteurs de BD son propre univers. Son dessin, réaliste et précis, prend toute son ampleur avec l'entrée en scène de Léonidas, le Dieu tout puissant de cet univers. Il a une tête de lion et fait ce qu'il veut de ses sujets. 

Notamment de Polak, un blond guerrier au passé mystérieux. Il est beau, courageux, loyal mais pas très futé. Au grand désespoir de Léonidas. 

Le Dieu-lion va s'amuser avec ce jouet humain mais à ses risques et périls, quelques souvenirs de Polak vont remonter à la surface.

« Genuine City » (tome 1), Drugstore, 13 € 

samedi 6 février 2010

BD - Campagne adorée


Un couple de citadins décide de refaire sa vie à la campagne. Ils débarquent donc dans une maison entourée de verdure. Cela fait la joie de leur petite fille, Annaëlle, qui va se faire de nouveaux amis : poules, canards, chèvre, cochon... 

Le premier tome de cette série jeunesse de Nicolas Jarry (scénario) et Paolo Deplano (dessin) s'intitule « L'odeur du foin ». Cette série de gags a des airs de « Retour à la terre » de Larcenet et Ferry. Mais avec moins d'acuité et plus de légèreté. On découvre le nouvel environnement de la famille grâce aux yeux de la petite fille. Si elle croit que la voisine, une vieille dame peu bavarde, est une sorcière, elle ne croit plus aux loups et aime à se promener dans la forêt. 

Le portrait du père est lui aussi très abouti. Dans un corps massif et derrière une barbe fournie se cache un cœur tendre se demandant s'il a fait le bon choix pour les siens. 

Une bande dessinée humoristique sans prétention, véritable bouffée d'air frais qui ne caricature pas complètement la campagne et ses habitants, même si l'image donnée des chasseurs est parfois discutable.

« Un coin de ciel bleu » (tome 1), Delcourt, 9,95 €

vendredi 5 février 2010

BD - Magouilles à l'Elysée


Envie de savoir ce qui se trame exactement dans les entrailles du Palais de l'Elysée ? Cette nouvelle série tente de donner une réponse. Plus exactement, Benec, le scénariste, imagine ce que peut être le rôle d'un service action entièrement dévoué au président (le Pacha dans l'album) et totalement affranchi des lois et de la morale. Sisco est le personnage principal. 

On ne peut pas véritablement parler de héros car il est tout sauf exemplaire. Il vient de recevoir un nouvel ordre de mission. Il franchit quelques portes et se retrouve dans le bureau d'un conseiller du président. Ce dernier a des ennuis judiciaires. Il a l'intention de raconter quelques secrets à une journaliste avant de se retrouver derrière les barreaux. 

Sisco lui explique que cette décision n'est pas la bonne avant de lui loger une balle dans la tête. Parfait pour faire croire à un suicide. Problème : un laveur de carreaux a vu la scène et parvient à prendre la fuite. 

Le reste de l'album raconte la chasse de cet homme avant que le service et le Pacha ne soient éclaboussés. De la politique fiction, inspirée d'un véritable fait divers, dessinée par Thomas Legrain.

« Sisco » (tome 1), Le Lombard, 10,95 € 

jeudi 4 février 2010

Roman - Dérive africaine

Un bateau de croisière sur un fleuve africain est capturé par des rebelles. Une prise d'otages sur fond de confrontation de civilisations.

Tourisme et exotisme. Tel était le programme de cette croisière à bord du Katarina sur un fleuve africain. Le luxueux bateau embarque dans ses cabines un groupe de riches occidentaux. Toute une palette représentative de ce monde aux certitudes bien ancrées. Il y a des Américaines, « deux bigotes évangélistes », Nagimpaul, un écrivain alcoolique, provocateur et obèse, deux Italiennes douces et charmantes, Louis, un ami du narrateur, le docteur Saulnier, Marie, la femme de compagnie d'un vieillard qui se meurt dans le lit de sa cabine, Dasqueneuil, « homme gras et rougeaud » au « verbe haut ». Et puis le narrateur. Un journaliste et cinéaste qui ne fait pas du tourisme mais des repérages pour un film qu'il compte réaliser sur une région particulière de ce pays à la faune riche et typique.

La croisière suit son cours, lentement, rythmée par les repas et les soirées au bar. Mais déjà les premiers signes du bouleversement à venir apparaissent. Il est de plus en plus question de Elimane Ba, le chef de la rébellion. Une révolte qui prend un peu plus de réalité quand les touristes apprennent dans un texto : « Ils ont pris la télévision ».

Enfants soldats

Mais tout le monde n'a pas la même perception de la réalité. Alors que certains commencent à s'inquiéter, d'autres n'ont qu'un but : profiter de leur coûteuse croisière. C'est le cas de Nagimpaul découvrant, gourmand, que trois belles et jeunes autochtones ont réussi à monter à bord. Elles sont entrées « dans la salle à manger du bateau avec leurs airs candides, leurs jupes satinées moulantes et leur démarche vacillante à cause des chaussures à talons aiguilles ». Un petit scandale qui offusque les Américaines et les Italiennes. Le lendemain, le brouhaha est encore plus grand quand on découvre dans la cabine de Nagimpaul une des Africaines, nue et morte. L'écrivain, lui, cuve ses alcools forts dans un fauteuil du solarium.


Ce fait divers sordide vient encore plus plomber l'ambiance. Le bateau a sauté une escale, pour raison de sécurité, et quelques heures plus tard un groupe armé parvient à monter à bord et à s'emparer du navire. Les touristes deviennent otages... Le narrateur explique parfaitement le changement d'état d'esprit : « Jusque-là je m'étais senti protégé par un sentiment d'irréalité, d'incrédulité, l'idée, la relative certitude que notre statut d'étranger nous garantissait à jamais contre les périls, les fléaux, les guerres. Mais écrasé contre le métal graisseux avec au-dessus de moi le bourdon du haut-parleur, je découvrais que ma vie ne tenait à presque rien : une rafale de fusil-mitrailleur, un doigt d'enfant sur une gâchette. »

Le roman de François Emmanuel raconte ces huit jours particuliers. Comme un condensé de toutes les émotions possibles dans une existence. Certains ne s'en sortiront pas, d'autres auront la chance de survivre. Le narrateur, avec sa caméra, deviendra un témoin privilégié de l'histoire en mouvement. Loin du thriller à l'américaine au rythme échevelé et au suspense allant crescendo, le texte de cet écrivain belge ayant déjà signé une quinzaine d'ouvrages est dense, cérébral, introspectif. Il ne décrit pas l'action mais nous laisse la deviner. Comme un hommage à cette malédiction africaine entre fatalisme et résignation.

« Jours de tremblement », François Emmanuel, Seuil, 16 € (Photo John Foley)

mercredi 3 février 2010

BD - Inquiétantes bestioles


Si le monde d'Avatar vous a émerveillé, vous apprécierez aussi cette BD au dessin rond et enfantin, au message assez similaire, le politiquement correct en moins. Hubert (scénario) et Ohm (dessin) ont imaginé ce monde si différent. Les habitants des îles ont décidé de laisser le continent à l'état sauvage, pour ne pas détruire le fragile équilibre naturel. 

La jeune pilote de montgolfière, Luanne, flanquée d'un commandant alcoolique et d'un stagiaire fils à papa, se crache dans la jungle. Immédiatement ils sont pris à partie par les milliers de bestioles autochtones qui considèrent cette intrusion comme une agression. 

Déroutant dans les premières pages, ce gros album de 72 pages devient rapidement passionnant. Assurément une des révélations du festival d'Angoulême qui s'est déroulé le week-end dernier et qui a couronné Baru (Grand Prix) et Riad Satouf (meilleur album avec Pascal Brutal).

« Bestioles », Dargaud, 19 € 

mardi 2 février 2010

BD - Un lémurien en colo


Fabrice Tarrin, dessinateur surdoué digne héritier de Franquin (il vient d'ailleurs de « toiletter » quelques cases des Spirou du maître belge), semble vouloir s'éloigner des série classiques. Il fait partie de ces créateurs qui ont découvert toutes les possibilités offertes par les blogs-BD. 

Régulièrement, il racontait son quotidien dans des histoires courtes où il se mettait en scène sous la forme d'un lémurien prénommé Maki. Le personnage a séduit les éditions Dupuis et devient héros de BD à part entière. 

Son premier album est basé sur des anecdotes vécues par l'auteur. Maki tombe dans une colonie de vacances dont le budget est détourné par le directeur, où les moniteurs sont des tire-au-flanc alors que trois racailles sèment la terreur. 

Heureusement, il rencontre la sublime Alice...

« Maki » (tome 1), Dupuis, 10,95 €

lundi 1 février 2010

BD - Diamants glacés


La mode, dans la BD adulte, est aux séries concept. Ce ne sont plus des personnages récurrents mais des situations. Ainsi les éditions Delcourt ont demandé à plusieurs équipes de plancher sur un casse, un hold-up. 

Première livraison, « Diamond », de Christophe Bec et Dylan Teague. L'action se déroule en Sibérie. Une petite équipe de malfrats va tenter de dérober une cargaison de diamants fraîchement extraits des mines de la région. On suit la mise en place du casse, de l'infiltration de la société par un comptable véreux à l'action sur un lac gelé. 

C'est du grand art, tant dans le scénario que dans l'exécution. Bec semble avoir pris un malin plaisir à faire que la machine bien huilée se grippe au plus mauvais moment.

« Le casse, diamond », Delcourt, 14,95 € 

vendredi 29 janvier 2010

BD - Gitans intergalactiques


Dans un futur très lointain, quand les voyages intergalactiques seront aussi communs que d'aller acheter son pain chez le boulanger, les Gitans n'ont pas changé. Ils ont le sang chaud et ont troqué leurs caravanes pour des vaisseaux aux soutes souvent pleines de marchandises issues de différents trafics. 

Des gitans qui comme aujourd'hui ont régulièrement des démêlés avec la justice. Dans les premières pages de cette nouvelle série de SF écrite par Lupano et dessinée par Cauuet, Toni Tzarom, le patriarche de cette famille, reçoit la visite de Gabriel Sauzé, avocat au barreau de Prétonia. Il a été commis d'office pour défendre les intérets de Lubna, la compagne de Toni. Elle est accusée d'avoir volé un alien. 

Toni nie en bloc. Mais il n'a pas trop le temps de s'étendre car sa fille, la belle et volcanique Rona, arrive sur les chapeaux de roues après avoir dérobé quelques futs de gaz toxique à des poulpes assez énervés. 

On ne s'ennuie pas une minute dans cette BD truffée de gags et d'aliens bizarres, sans oublier ces gitans intergalactiques, caricatures bien sympathiques d'une communauté trop souvent décriée.

« L'honneur des Tzaroms » (tome 1), Delcourt, 12,90 €

jeudi 28 janvier 2010

BD - Mère de substitution


Cette BD, à la croisée d'Alice au Pays des Merveilles et du David Copperfield de Dickens, est une œuvre très personnelle de deux auteurs, Bouton et Fortier, prenant le risque, pour leurs débuts, d'imposer un monde et un style très personnels. 

Au début du siècle dernier, dans une rue commerçante, deux jeunes orphelins, Janus et sa petite sœur Prune, viennent de chaparder des pommes. Ils vivent libres jusqu'au jour ou Janus, renversé par un cheval, perd la vue. La liberté aussi puisqu'ils sont placés dans un orphelinat. Mais une nuit, un mystérieux chat, Braise, les invite à visiter son pays « suprafantasmallégorique » et de rencontrer la reine qui se propose de devenir leur maman, à tous. 

Le petit groupe suit le félin, dans un cimetière puis effectivement dans une ville qui ressemble à une fête foraine. Si Janus est sous le charme, Prune est réticente. Elle sent que tout sonne faux. Et c'est elle qui découvre, la nuit venue, que le joli pays a des côtés plus sombres et dangereux. 

Un premier tome enchanteur, très prenant, aux dialogues poétiques et aux dessins ressemblant à des enluminures de contes de fées peuplées de monstres hideux.

« Braise » (tome 1), Dargaud, 10,95 € 

mercredi 27 janvier 2010

BD - Le vampire de Düsseldorf


La série « Assassins » écrite par Rodolphe et dessinée par Jeanne Puchol c'est un peu la version BD de « Faites entrer l'accusé », mais sans Christophe Hondelatte, heureusement. Le concept de la série surfe sur cette mode de l'utilisation à l'excès des grands faits divers. 

Après avoir retracé les exploits du docteur Petiot, les auteurs s'intéressent au Vampire de Düsseldorf qui a terrorisé une bonne partie de l'Allemagne à la fin des années 20. Le tueur, quadra gentil et attentionné avec les jeunes femmes, se révèle un abominable boucher quand il sait que ses proies ne pourront plus se défendre. Violées, éventrées, égorgées : ce sont dix femmes qui périront sous ses coups. 

Il avouera, après avoir été capturé suite à une dénonciation anonyme (les nazis commençaient à mettre leur emprise sur le pays) qu'il aimait entendre le bruit du sang qui coule... 

Un récit froid qui, tout en présentant le tueur, donne quelques clés pour comprendre cette Allemagne en pleine mutation. Le dessin de Jeanne Puchol a un petit air rétro qui s'accorde parfaitement avec l'époque.

« Assassins » (tome 2), Casterman, 10,40 €