jeudi 12 mars 2009

Polar - Cœurs de flics

Deux policiers tombent sous le charme d'un témoin et d'un suspect, transformant une enquête criminelle en affaire très personnelle.



Les flics aussi ont un cœur. Mais il est souvent difficile de concilier vie sociale et affective équilibrées avec un métier où l'on est toujours sur la brèche. Le commissaire Martin et son adjointe Jeannette vont en faire les frais dans ce polar d'Alexis Lecaye. Cet auteur français a déjà signé « Dame de cœur » et « Dame de Pique » avec les mêmes personnages. On les retrouve donc, avec leurs soucis quotidiens.

Martin vient de se faire plaquer par sa jeune compagne, Marion, avec qui il vient d'avoir un enfant. Le flic bourru prend presque comme un soulagement ce départ. Cela signifie dans les faits qu'il n'aura pas à assumer ses devoirs de père.

Enlevée et relâchée

Jeannette est elle aussi séparée du père de sa fille. Une enfant qui passe beaucoup de temps chez sa grand-mère car la policière est du genre stakhanoviste. Ces deux écorchés vifs, en pleine crise existentielle, se raccrochent donc à leur métier, leur devoir. Agressions dans la rue, femme battue... du menu fretin jusqu'à ce qu'une belle blonde d'une trentaine d'année, Véronique, vienne déposer plainte pour enlèvement. Un homme l'a kidnappée à son domicile. Il l'a attachée, dans un lieu clos, l'a déshabillée, l'a caressée et l'a finalement relâchée sans la blesser ni la violer. Des circonstances étonnantes qui interpellent Martin.

Jeannette, elle, se plonge dans les archives et fait un travail de fourmi de comparaison et de recoupement. Elle découvre qu'au cours des cinq dernières années six autres jeunes femmes blondes ont disparu, probablement enlevées alors qu'elles étaient seules chez elles. Le premier enlèvement aurait eu lieu dans les environs de Bordeaux. Le duo descend dont au Sud et rencontre le mari de la disparue. Un premier entretien qui sera suivi par ceux des proches des autres disparues, dans l'Est de la France et à Paris.

Ambiguïté

Petit à petit Martin et Jeannette se persuadent qu'ils ont affaire à un même criminel. Ils progressent lentement mais sûrement. Leur vie sociale s'étant considérablement réduite, il n'est pas étonnant qu'ils tombent sous le charme de certaines de leurs rencontres professionnelles. Ainsi Martin craquera pour Véronique alors que Jeannette ne sera pas insensible à la mélancolie du mari de la première disparue, ce médecin bordelais passionné de voile.

Mais comment ne pas provoquer de conflit d'intérêt quand le chef de l'enquête couche avec un témoin que le meurtrier tente d'assassiner et que son adjointe finit sa nuit dans les draps du médecin girondin, par ailleurs suspect idéal ? Alexis Lecaye a construit tout son roman sur cette ambiguïté. Sans cesse, les deux enquêteurs, qui ont aussi un cœur, sont à la limite du hors jeu. Un thriller qui va aller en s'accélérant au fur et à mesure des découvertes du duo policier. L'un comme l'autre vont se retrouver en porte-à-faux, risquant même leur carrière et leur vie pour une enquête hors normes se transformant en affaire personnelle. Un roman policier français parfaitement maîtrisé par un auteur qui aime donner de l'épaisseur à ses personnages principaux.

« Dame de Carreau », Alexis Lecaye, Editions du Masque, 20 €

mercredi 11 mars 2009

BD : Les copains selon Yomgui Dumont


Raphaëlle, Raph' pour les amis, est un véritable garçon manqué. Cette adolescente urbaine est obligée de vivre à la campagne. Un mode de vie parfois déroutant pour cette enfant du bitume. Elle a en plus un boulet à trainer : Potétoz, son chien. Fainéant, gaffeur, il parle et rarement pour briller...

 Un duo imaginé par Yomgui Dumont, découvert dans les pages d'Okapi et qui en est déjà à son troisième recueil de gags et d'histoires courtes. Un univers très contemporain : les scénarios tournent autours des blogs, de la presse people, la vie du lycée et autres technologies modernes. 

Sans oublier la drague. Raph' est mignonne et ne manque pas de charme.

« Raph' & Potétoz » (tome 3), Glénat, 9,40 € 

mardi 10 mars 2009

BD - Jumeaux turbulents


Signe des temps, la famille modèle des BD humoristiques évolue. On est loin du classique Boule et Bill. Dans le genre, Edwin et les twins fait encore reculer les limites. 

Edwin est un père célibataire, encore très ado dans sa façon de vivre. Mais il a la charge de deux bébés, des jumeaux, véritables catastrophes ambulantes prêts à tout pour l'empêcher de passer une nuit devant sa télé à regarder des films d'horreur ou d'atteindre le niveau 7 de son jeu vidéo favori. Edwin qui n'est pas insensible au charme de Zoé, mais comment la draguer sans dévoiler l'existence des deux petits monstres ? 

Ecrite par Falzar, dessinée par E411, cette série est prépubliée dans le Journal de Mickey.

« Edwin et les twins » (tome 1), Vents d'Ouest, 9,40 € 

lundi 9 mars 2009

BD - Encore des bêtises avec le Petit Spirou


Imaginé comme une récréation entre les aventures du grand Spirou par Tome et Janry, le Petit Spirou a connu un tel succès qu'il est devenu un des personnages essentiels de l'hebdomadaire. 

Ce 14e titre débute comme d'habitude par une histoire complète (Mon mariage avec ma prof de calcul) et voit l'apparition d'un nouveau compagnon de jeu, un chaton qui sera baptisé « Bien fait pour toi ! ». Toujours aussi inventifs, sans tabou tout en offrant parfois de superbes plages de poésie, ces gags feront la joie des petits et des grands. 

A noter que la créativité des auteurs ne s'essouffle pas, vous pourrez lire dans ce recueil le 500e gag de la série.

« Le Petit Spirou » (tome 14), Dupuis, 9,45 € 

dimanche 8 mars 2009

Mes BD souvenirs (3)


Lire des BD est devenu pour moi une véritable drogue. Notamment les BD franco-belges. Et en bon camé, je me souviens parfaitement de mon premier "fix". C'était aux Nouvelles Galeries de Langon, magasin peu sympathique et vieillot mais qui avait un petit rayon livres. Toujours fasciné par mon premier album de Tintin, je remarque dans le présentoir un gros album de Tintin. Mais pas des aventures du héros de Hergé. Un recueil de l'hebdomadaire. En couverture, la photo de Belmondo devant une vieille Rolls, dans le coin en bas à gauche un dessin de Michel Vaillant de Graton. A l'intérieur, ce sont une dizaine de numéros permettant de lire quatre grandes histoires à suivre. Une de Ric Hochet : "Le signe de la peur", Luc Orient : "Le 6e continent", Olivier Rameau : "L'oiseau de par-ci par-là" et Michel Vaillant. C'est surtout l'histoire de Luc Orient qui me marquera. Le héros était capturé par des hommes robots vivants au cœur d'une montagne comme des fourmis. Je me régalais également des gags. Robin Dubois était mon héros préféré (j'adorais les chevaliers teutoniques) avec Cubitus. Les récits complets complétaient mon bonheur, notamment ceux de Dani Futuro de Gimenez et Mora. Ce duo espagnol m'a initié à la science-fiction, genre que je ne connaissais pas du tout. Autre découverte, les histoires de Korrigan, dessiné par Franz dans sa période comique. Un immense dessinateur qui a mis du temps à s'affirmer, de Jugurtha aux Fous de Kaboul.


J'ai passé des heures et des heures à lire ce recueil, le 6e de la série Hebdoptimiste. J'ai même réussi à persuader mes parents d'acheter le 7e. Avec là aussi quelques belles découvertes de Tounga à Rififi. Cette dernière série de Mouminoux m'a longtemps interpellé dans un gag que j'ai mis des années à comprendre. Rififi, toujours geignard et malheureux, acceptait de jouer à pile ou face. Et il perdait tout le temps. Car on lui annonçait : "Pile je gagne, face tu perds". J'étais naïf, pas très dégourdi. Et c'est en lisant ces BD que je me suis petit à petit ouvert au monde. Mon imaginaire s'est formé, s'est enrichi. Ces deux recueils étaient le début de ma collection. J'arrivais à argumenter pour que l'on m'abonne. Ce fut fait durant l'année 1975. Depuis je n'ai jamais cessé de recevoir Tintin chez moi chaque semaine jusqu'à la disparition de ce journal qui aura marqué bien des générations, dont la mienne.

Mais comme tout lecteur de Tintin, un jour j'ai été tenté de regarder ce que faisait le grand concurrent, Spirou. Pas de chance, j'ai adoré et doublé ma dose de drogue hebdomadaire.

(A suivre dimanche prochain)

PS : Je n'ai plus mes deux recueils de Tintin. Je raconterai par ailleurs comment je les ai "perdus"... Je me suis rafraîchi la mémoire grâce au site "BDoubliées" qui est la première adresse internet que je regarde chaque matin, pour la couverture du jour, celle d'un Tintin ou d'un Spirou, souvent des années 80. Un site idéal pour les nostalgiques et les collectionneurs. 

samedi 7 mars 2009

BD - Garrot gorille


La collection "Job" de chez Bamboo offre l'opportunité à de nombreux auteurs de créer des séries certes sans prétention mais qui leur permettent quand même de montrer toute l'étendue de leur talent. 

Derrière "Les Vétos", on retrouve un scénariste pro du gag, Gilson, et un dessinateur qui est longtemps resté dans l'ombre, simple assistant, Péral. Le premier signe les scénarios de Mélusine, Garage Isidore ou du défunt et très regretté Cactus Club. Le second a repris le dessin de Billy the Cat. 

Ils proposent donc aux lecteurs de rire aux exploits de deux vétérinaires au quotidien souvent agité et stressant. Dan et Nath vont croiser dans ces 46 gags en une planche beaucoup de chiens et de chats, quelques vaches, un gorille (qui donne son titre à l'album, "Garrot gorille" et non "Vétos zozos" comme on peut le lire sur la première version de la couverture), une mygale, deux chevaux, des singes, un canari et même une mouflette. Pour cette dernière, heureusement que l'album n'est pas en odorama. 

Péral, dans un style très franco belge, semble apporter plus d'attention aux caricatures des animaux que des humains. Un album qui regorge de clins d'œil au monde de la bande dessinée, de la bestiole de monsieur Malik (le dessinateur de Cupidon et d'Archie Cash est un passionné d'insectes et de reptiles) en passant par la une d'une revue people révélant quelques secrets inavouables concernant des dessinateurs de la collection. En scrutant bien les planches vous aurez droit à quelques sourires en bonus.

"Les Vétos" (tome 1), Bamboo, 9,45 euros 

vendredi 6 mars 2009

BD - Vampire et guerrier


Pietro Battagila (Bataille en italien) est soldat. En 1917, il est sur le front italien. Au fond d'une tranchée. Malgré une infériorité numérique évidente, les gradés décident de lancer l'offensive contre les Autrichiens, à la baïonnette. Un véritable massacre. Pietro est abattu, une balle en pleine tête.  

Quelques heures plus tard, Pietro se relève au milieu d'un monceau de cadavres. Pietro est un vampire, il en faut beaucoup plus pour l'empêcher de nuire. Pietro Battaglia retrouvera les gradés et les saignera, littéralement. Ce héros de BD italien a été créé il y a une dizaine d'années par Roberto Racchioni (scénario) et Leomacs (dessin). 

Cet album de 150 pages en noir et blanc propose deux aventures du héros sanguinaire. On le retrouve également dans les années 50. Dans un petit village italien, il se mettra au service des différents candidats aux élections locales. Les communistes contre la démocratie chrétienne. Pietro, en bon anarchiste, ne fera pas de jaloux...

« Batailles », Emmanuel Proust Editeur, 16,90 € 

jeudi 5 mars 2009

BD - Les Porphyre, une famille tourmentée


Hyacinthe Porphyre a semé la terreur et la mort durant toute son existence. Ce naufrageur breton a mal fini. Pendu haut et court. Il laisse une veuve enceinte. Elle sombre dans la folie, tuant le dernier rejeton de cette sombre lignée. Du moins c'est ce que tout le monde croit. En fait, il resterait deux fils Porphyre, Konan et Gwémon. 

Le premier revient au village après des années de bagne. Le second a vécu caché, avec sa mère, dans les ruines de la propriété familiale. La violence des Porphyre va revenir sur le devant de la scène car tous cherchent à s'approprier le trésor du vieux Hyacinthe. Une meute déchaînée à laquelle se joint des bagnards évadés, des villageois rancuniers et une donzelle, noble et arrogante. 

Ce mélodrame imaginé par Balac permet à Joël Parnotte, le dessinateur, de coucher sur papier une splendide côte bretonne, sauvage et tout aussi violente que la population qu'elle abrite. Un troisième tome qui n'est pas avare en révélations sur les véritables filiations des uns et des autres.

« Le sang des Porphyre » (tome 3), Dargaud, 13,50 €  

mercredi 4 mars 2009

BD - Fabrique de malades


Magique, fantastique, effrayante : le troisième et dernier opus de la série « Le Mal » tient toutes ses promesses. Avec explication de l'origine de la mystérieuse maladie, tout en laissant une ouverture sur un monde féérique pouvant parfois interférer dans notre quotidien. Le petit village de Saint-Antoine est toujours sous le choc. 

Du suicide de la vieille Yvonne mais aussi des conséquences du Mal, une maladie s'apparentant à la lèpre et qui frappe durement les couches les plus populaires. Ces événements, le lecteur les découvre en même temps qu'un simple maçon, vivant à Saint-Antoine et bien décidé de découvrir ce qui se trame en coulisse. Il trouvera une partie de la solution à Lyon, un historien lui racontant comment les Allemands, à la fin de la seconde guerre mondiale, ont tenté de mettre au point une arme bactériologique. 

Olivier Py est le scénariste de cette bande dessinée illustrée par André Houot. Dans un style réaliste qui fait la part belle aux trognes de seconds rôles, il dessine également quelques monstres et chimères du plus bel effet.

« Le Mal » (tome 3), Glénat, 13 € 

mardi 3 mars 2009

Polar - Vieilles recettes dans "L'eau qui dort..."

Le serial killer de ce roman policier très british de Nigel McCrery est une personne âgée, experte en décoctions mortelles à base de plantes.



Tous les polars ne sont pas rythmés par des bagarres, coups de feu, courses-poursuites et déductions rapides et géniales. Ce roman de Nigel McCrery semble l'antithèse du genre. Héros policier acariâtre contre tueuse qui parvient à ses fins en obtenant la confiance de ses victimes, tel est le duel passionnant proposé dans « L'eau qui dort... ».

Violet Chambers est une personne dévouée. La soixantaine active, cela fait des mois et des mois qu'elle donne de son temps pour aider Daisy. Cette vieille dame, de plus en plus impotente, doit beaucoup à Violet. Cette dernière lui fait les courses, s'occupe de son compte en banque. Aujourd'hui cela va changer. Violet sent que sa proie est prête. Elle prépare le thé de Daisy. Un thé amélioré. A la rose de Noël. Une plante qui contient un violent poison. L'auteur décrit la lente agonie de Daisy qui se vide littéralement dans son petit salon. Une scène d'une rare intensité qui ne perturbe pas du tout Violet, tueuse sans cœur, sans sentiment, si ce n'est de la haine pour cette personne âgée. Tout ce qu'elle voit dans ce meurtre, ce sont les conséquences ménagères : « Elle décida de ne plus jamais avoir recours à la rose de Noël. Certes, la préparation était aisée et l'effet rapide, mais cela faisait trop de saletés. Le ménage n'était pas chose agréable, même sans tous ces fluides corporels. » On retrouvera Violet quelques mois plus tard. Elle a pris l'identité de Daisy (et tous ses biens), et se met en chasse d'une autre victime dans une petite localité en bord de mer.

Un cadavre rempli... de cadavres

Un chapitre pour décrire les agissement de Violet-Daisy, un autre pour suivre l'enquête de l'inspecteur Lapslie. Ce policier en arrêt maladie, souffre d'une maladie rare. Il est synesthète. En clair, ses sens se mélangent. Un bruit se transforme en goût dans sa bouche. Son adjointe, quand elle parle, à goût de citron, le légiste au coca-cognac. Parfois c'est très désagréable : les cris de ses enfants lui provoquent d'irrésistibles nausées.

Ce flic en détresse ne peut quasiment plus avoir de vie sociale. Il est pourtant choisi pour aller sur une scène de crime en pleine campagne. Un accident tout bête. La voiture rate le virage, le conducteur est tué dans le choc. Mais un second mort fait son apparition. La voiture a déterré un cadavre. « Là, dans un tas de terre, de feuilles et de fougères, il y avait un cadavre. Un vrai cadavre, plus un squelette auquel on aurait ajouté des choses qu'un corps auquel on en aurait soustrait. » Cette mort (c'est une femme) livrera une partie de ses mystères en salle d'autopsie. « Sur la table en acier inoxydable, étaient déposés les débris que le docteur avait ôtés du ventre du cadavre : cinq corps desséchés de ce qui ressemblait à des campagnols plus deux rats et une bête plus grosse du genre putois ou furet. » Ils sont morts en mangeant l'estomac du mort. Le meurtre par empoisonnement devient évident, Lapslie se lance aux trousses de cette empoisonneuse.

Cet affrontement fait tout le sel de ce roman policier donnant la part belle à la psychologie complexe des deux protagonistes.

« L'eau qui dort... », Nigel McCrery, Pygmalion suspense, 20,90 €