mercredi 10 septembre 2008

BD - Le fantôme de Mimsy


Troisième et dernier tome du premier cycle des aventures de Double Gauche. Dustin, né avec deux mains gauches, découvre que cette seconde main a des pouvoirs extraordinaire. Si au début il changeait tout ce qu'elle touchait en bois, il est parvenu, à force de concentration, a transformer le bois en or. Résultat, Dustin est devenu Goldfinger, riche magnat à la fortune colossale et semblant sans fin. Il conquiert la ville de Sinistropolis. 

Mais en rencontrant Mimsy, la seule femme qui l'ait aidé quand il était un orphelin battu, il comprend que son pouvoir est vain. Il se jure de ne jamais plus utiliser les pouvoirs de sa main gauche et part à la recherche de Mimsy. Il l'avait déjà fait, quelques années auparavant. Une quête qui l'avait conduit à Paris, dans l'atelier de Rodin. La belle Américaine lui sert de modèle. Dustin achète un buste inachevé, tente de la séduire mais sans résultat. Déçu, c'est après cette expérience qu'il s'est abimé dans le luxe et la débauche.

Dans ce troisième volet, toujours dessiné par Formosa qui signe avec cette série son retour à la BD après quelques années d'absences, Corbeyran dévoile d'où vient le pouvoir de Dustin. Une révélation qui n'empêche pas le héros de douter de sa réelle « chance ».

« Double gauche » (tome 3), Dargaud, 13 € 

mardi 9 septembre 2008

BD - Énorme erreur


Racontée à la première personne, cette BD parue dans la collection Grand Angle de chez Bamboo est particulièrement noire. Le héros explique comment il a passé sa carrière professionnelle à côtoyer des monstres. 

Dessinateur judiciaire, il a « crobardé » les pires tueurs de ces 20 dernières années. Un job comme un autre jusqu'au jour où sa fille, Caroline, est violée dans un train de banlieue. Quelques semaines plus tard, elle se suicide par pendaison. Le dessinateur troque son crayon pour un pistolet et abat un premier criminel qui vient juste d'être libéré. Le premier d'une liste qui s'annonce sans fin. 

Premier album de Trolley au dessin aidé par deux scénaristes très expérimentés : Erroc et Dimberton.

« Le dessinateur » (tome 1), Bamboo, 12,901 € 

lundi 8 septembre 2008

BD - Petite vengeance


Mauvais temps pour Ben Koch. Dans le New York de 1939, un homme habillé en rouge est à ses trousses. Il vient d'Espagne. Il aurait connu Ben durant la guerre, quand il faisait partie des brigades internationales parties au secours des Républicains acculés par les Franquistes. L'homme en rouge descend dans une pension dont le propriétaire, Red, était un ami de Ben. 

Par son intermédiaire, les deux auteurs, Cava (scénario) et Segui (dessin), retracent le premier séjour de Ben, son engagement dans le parti communiste clandestin et comment il s'est embarqué vers l'Europe. De grands chapitres pour un récit infernal avec au final un fantastique coup de théâtre.

« Les serpents aveugles », Dargaud, 15 €

dimanche 7 septembre 2008

BD - Minuscules vies racontées par Gibrat et Durieux


Philippe a 53 ans. Ce père de famille reçoit un vélo tout terrain pour son anniversaire. Et un coup de fil de sa boite. Il est viré. Victime de la mondialisation et des pratiques peu orthodoxes de son patron. Rapidement il se retrouve à la rue sans indemnité ni chômage. Il va sombrer dans la dépression et l'alcoolisme. 

Mais avec l'aide d'un ami toubib, il va trouver l'occasion de rebondir. Pour une fois il ne sera pas du côté des gens honnêtes... 

Gibrat a signé un scénario sensible et ancré dans la triste réalité de notre pays. Il l'a confié à Durieux qui, avec simplicité et élégance, fait vivre ces personnages attachants dans lesquels on peut si facilement se reconnaître.

« Les gens honnêtes » (tome 1), Dupuis, 14 € (Il existe une édition limitée avec un cahier graphique supplémentaire en fin de volume à 18 €) 

samedi 6 septembre 2008

BD - La fille d'Alain Bignon sur la route du bonheur

Traverser l'Amérique du Sud en vélo, profitant du périple pour rencontrer des auteurs de BD locaux. Ce pari fou, c'est Pauline Bignon qui l'a relevé. Cette jeune étudiante est la fille d'Alain Bignon, dessinateur trop tôt disparu. En plus de raconter son périple, elle a sollicité des dessinateurs européens, ayant connu son père, et les auteurs américains sur ce thème simple mais pas évident à illustrer : « Dessine-moi le bonheur ». 

L'ensemble de cette démarche se retrouve dans cet album souple de 48 pages avec un générique francophone prestigieux, de Juillard à Lepage en passant par Léo et Cabanes. 

Sans vouloir classer ces histoires courtes de quatre pages, celle de Lepage, notamment le passage sur la naissance de son premier enfant, respire effectivement le bonheur. Emmanuel Lepage qui signe également la couverture. 

La version de Léo et Rodolphe (qui ressuscitent au passage le personnage de Trent) plus classique n'en reste pas très humaine. Côté américain, c'est une véritable découverte qui est proposée aux lecteurs. Celle de Pablo de Santis (scénario) et Juan Saenz Valiente (dessin) émerge nettement du lot. L'histoire d'un romancier en panne d'inspiration, qui finalement rencontre le succès en achetant « la plume des histoires tristes ». Il sombre dans la dépression et la solitude, mais avoue au final qu'il « n'y a pas de plus grand bonheur que d'écrire des histoires tristes ».

« Dessine-moi le bonheur », Dargaud, 10,40 € 

vendredi 5 septembre 2008

BD - Il n'est jamais trop tard pour reprendre ses études ?

A presque 50 ans, Antoine, psychiatre, décide de s'inscrire en fac d'histoire à la Sorbonne. Et entraîne Félix, son ami, dans la galère.


Le quotidien nous bouffe. Quel qu'il soit, brillant ou misérable. Antoine Saint-Bernard, psychiatre à Paris, marié, deux enfants, à 48 ans, décide de changer de vie. L'enseignement le tente. Il décide donc de s'inscrire à la Sorbonne, en histoire. Cette remise en cause radicale d'une situation bien établie va avoir de redoutables conséquences sur son couple et sa vie de tous les jours. Seul son ami d'enfance, Félix, accepte de le suivre, décidant lui aussi d'assister aux cours. La trame du roman, l'auteur, Antoine Sénanque semble l'avoir testée puisque dans la courte présentation de l'éditeur il est précisé que ce « médecin spécialisé en neurologie » a obtenu sa « licence d'histoire à la Sorbonne en 2007/2008. » Mais que les lecteurs craignant l'autofiction, ce genre à la mode et souvent profondément dépressogène, ne fuient pas ce roman. La raison, c'est Antoine Sénanque qui la donne : « J'avais pris une décision. J'allais écrire mon premier livre gai ». Et effectivement, l'autodérision est omniprésente dans ces pages brillantes, très enlevées, pleines de formules choc et bien senties pour brocarder les petits travers des hommes et femmes, jeunes ou vieux.

Vie et mœurs des étudiants

Sur la famille, le narrateur admet que sa relation avec ses enfants laisse à désirer. Notamment quand il faut les aider à faire leurs devoirs. « Le travail des enfants est pour le père ou la mère une de ces corvées sournoises qui se cachent, comme un impôt indirect. Une taxe qui double les prix mais qui ne s'affiche pas. Elle est si bien incorporée qu'on ne pense pas à se plaindre, d'ailleurs, nous n'en avons pas l'autorisation. » Une corvée d'autant plus fastidieuse qu'elle est demandée par l' instituteur de vos enfants qui se trouve être, par ailleurs, l'amant de votre femme...

Moments de franche rigolade également quand nos deux quadra décident de s'inscrire à la Sorbonne et qu'ils redécouvrent un monde incompréhensible qu'ils ont quitté depuis longtemps. « Les étudiants communiquent entre eux comme des sourds-muets. Par signes ou par ondes » Et les deux anciens de se sentir totalement ignorés, comme absents. « La raison est que vous n'êtes pas là. Vous êtes différent. Vous êtes vieux. Les étudiants vous sourient aimablement, mais vous n'êtes pas là. Vous croyez entrer dans leur monde, vous restez dehors, pas loin, mais dehors. Ils ont cet esprit grégaire qui ne vous agrège pas. »

Mauvaise note et explications

Malgré les difficultés (adultère, frère ruiné s'installant chez vous en même temps que la belle-mère), il faut passer les premiers partiels. Et là, c'est la grosse déception. Un 4, la plus mauvaise note de toute la faculté. Antoine demande à rencontrer le correcteur. Une correctrice, Charlotte. « Elle n'est pas précisément belle, imprécisément plutôt. Il y a quelque chose d'harmonieux qui ne se livre pas d'emblée, qui demande de l'attention. La quarantaine, le visage osseux, les cheveux tirés en arrière, pas maquillée, un regard doux que je ne soutiens pas. » Le roman oblique alors sur cette relation entre l'élève et son examinatrice. Antoine, sous le charme, la persuade de dîner avec lui. En pleine bérézina conjugale, il a des doutes sur sa capacité de charmer. « Ce soir, je n'ai pas le cœur à paraître. J'ai décidé de risquer le naturel avec Charlotte. Ce qui n'est pas mon meilleur atout en règle générale. Mais il faut de la gaieté pour feindre. J'en manque. »

Très bonne surprise de cette rentrée littéraire, « L'ami de jeunesse » parvient à allier un ton léger avec une histoire puissante, agrémentée de quelques personnages secondaires d'anthologie comme ce fameux ami de trente ans, Félix, ou la fille de Charlotte, Clara, adolescente gothique de 14 ans trois quart, petit rôle parfait pour dédramatiser les péripéties des dernières pages.

« L'ami de jeunesse », Antoine Sénanque, Grasset, 17,90 € (disponible aussi au Livre de Poche) 

jeudi 4 septembre 2008

BD - Printemps nauséabond


Se déroulant à Paris fin 1941 et début 1942, les événements décrits dans « Opération vent printanier » sont véridiques. Philippe Richelle, le scénariste, a souhaité leur donner une âme en les racontant à travers les regards de personnes banales, des Français moyens, aux attitudes parfois extrêmes mais tout à fait plausibles. 

Dans ce Paris occupé, le petit peuple est essentiellement tracassé par le rationnement. Le marché noir se met en place, mais un autre phénomène est en train de modifier le paysage économique du pays. Alors que le gouvernement fixe les prix au plus bas, des officines allemandes font des offres d'achat aux industriels français deux à trois fois supérieures au marché. Reste le plus difficile : accepter de commercer avec l'occupant. Et alors que certains s'enrichissent très vite, d'autres ne sont pas insensibles au sort réservé aux juifs, de plus en plus montrés du doigt. 

Pierre Wachs, le dessinateur, va animer ces hommes et femmes à un tournant de leur existence. 60 pages pour mieux connaître l'industriel ruiné, l'apprentie secrétaire, le jeune commercial et le policier obligé d'obéir aux ordres de René Bousquet, le préfet de Paris qui va mettre en place l'opération « Vent printanier », rafle de 13 000 juifs dont 4 000 enfants, tous livrés aux Allemands.

« Opération vent printanier » (tome 1), Casterman, 15 € 

mercredi 3 septembre 2008

BD - Carmen Cru, dernières sorties


Carmen Cru, la vieille acariâtre ayant erré plusieurs années dans les pages de Fluide Glacial, est de retour. Il ne s'agit pas d'une reprise des personnages imaginés par Lelong mais de l'exhumation de quelques planches inédites, retrouvées dans le bureau du dessinateur mort en 2004. Car Jean-Marc Lelong a eu la mauvaise idée de mourir alors qu'il n'en était encore qu'au début de sa carrière. 

Dessinateur pointilleux, à la précision caricaturale, il avait imaginé ce personnage improbable. En fin de volume, il est reproduit la « bible » des protagonistes de la série. Il définissait Carmen ainsi : « Elle est très âgée, a amplement dépassé l'âge de la retraite mais méprise la carte Vermeil et les faiblesses des « petits vieux ». Elle est vêtue comme elle est meublée, comme ça vient. Elle se déplace à vélo, plus une remorque parfois chargée de sacs, cabas, cageots, mais pour quoi faire ? C'est son problème. Mystère. Elle n'a confiance en personne, se méfie de tout le monde. » 

Dans ce huitième tome (les sept autres titres ont été réédités pour l'occasion), elle est aux prises avec un corbeau qui l'accuse d'avoir fricoté avec les boches. Sa réponse sera cinglante... « Thriller », un récit complet d'une vingtaine de pages qui donne son nom à l'album.

« Carmen Cru » (tome 8), Fluide Glacial, 9,95 € 

mardi 2 septembre 2008

BD - La bourse ou l'habit pour la reprise de Robin Dubois


Passation de pouvoir au dessin de Robin (anciennement Robin Dubois). Si Bob de Groot reste au scénario (il reconnaît d'ailleurs un nouvel enthousiasme à faire évoluer ces personnages plus anciens que Léonard), Turk a laissé ses pinceaux à Diaz et Borecki. Ces deux dessinateurs ont fait leurs armes au Studio Peyo. Ils ont appris à se couler dans le trait de l'inventeur des Schtroumpfs et de Johan et Pirlouit. 

Un savoir-faire qu'ils ont transposé avec le dessin de Turk. Et il faut avouer que seule la signature permet au lecteur de faire la différence. Ce n'est pas à proprement parlé un travail de création, mais ils ont su s'approprier ces personnages tout en y restant très fidèles. Des reprises de ce niveau, on en rêve parfois pour des personnages moins difficiles à dessiner... 

Côté gags, de Groot parvient à varier les situations tout en gardant un minimum de personnages. Il y a Robin, le brigand débonnaire qui dévalise à tour de bras. Mais le ressort comique de la série doit beaucoup aux frasques du shérif. Avare, prétentieux, il se retrouve pourtant souvent en posture difficile, incapable de résister au rouleau à pâtisserie de son épouse, la ronde Cunégonde qui ne supporte pas qu'il aille en cachette boire des bières avec ses copains.

« Robin Dubois » (tome 21), Le Lombard, 9,25 € 

lundi 1 septembre 2008

BD - Écrits irrévocables


Parmi les nouveaux scénaristes de BD, Alcante s'st immédiatement distingué avec une série au long cours, Pandora Box, illustrée par divers dessinateurs. Une histoire réaliste et futuriste aux intrigues fortes et fouillées. Après cette première expérience originale, il signe sa première série classique. Tout en gardant sa pâte si personnelle. 

Il y a donc un héros, Jason Brice. Ce premier tome en annonce d'autres, sans que cela soit une histoire à suivre. Mais quand on a refermé l'album, on se demande si Jason est véritablement taillé pour être héros. A Londres, dans les années 20, ce jeune détective fait la chasse aux charlatans alors que la mode est aux tables tournantes et autres pratiques occultes. Plein de certitudes, il démystifie facilement les escrocs. 

Jusqu'au jour où la jeune et belle Theresa Prendergast lui demande d'enquêter sur la provenance d'un manuscrit qui décrit comment elle va mourir dans les prochaines semaines. Suspectant une machination de l'entourage de la riche héritière, Jason devra quand même admettre la réalité de faits très troublants. Jusqu'à un final où il tiendra le premier rôle, comme c'était écrit dans la dernière page que Theresa avait caché. 

Très bons débuts d'une série dessinée par Jovanovic, très à l'aise dans ces décors fouillés et foisonnants.

« Jason Brice » (tome1), Dupuis, 13 €