A presque 50 ans, Antoine, psychiatre, décide de s'inscrire en fac d'histoire à la Sorbonne. Et entraîne Félix, son ami, dans la galère.
Le quotidien nous bouffe. Quel qu'il soit, brillant ou misérable. Antoine Saint-Bernard, psychiatre à Paris, marié, deux enfants, à 48 ans, décide de changer de vie. L'enseignement le tente. Il décide donc de s'inscrire à la Sorbonne, en histoire. Cette remise en cause radicale d'une situation bien établie va avoir de redoutables conséquences sur son couple et sa vie de tous les jours. Seul son ami d'enfance, Félix, accepte de le suivre, décidant lui aussi d'assister aux cours. La trame du roman, l'auteur, Antoine Sénanque semble l'avoir testée puisque dans la courte présentation de l'éditeur il est précisé que ce « médecin spécialisé en neurologie » a obtenu sa « licence d'histoire à la Sorbonne en 2007/2008. » Mais que les lecteurs craignant l'autofiction, ce genre à la mode et souvent profondément dépressogène, ne fuient pas ce roman. La raison, c'est Antoine Sénanque qui la donne : « J'avais pris une décision. J'allais écrire mon premier livre gai ». Et effectivement, l'autodérision est omniprésente dans ces pages brillantes, très enlevées, pleines de formules choc et bien senties pour brocarder les petits travers des hommes et femmes, jeunes ou vieux.
Vie et mœurs des étudiants
Sur la famille, le narrateur admet que sa relation avec ses enfants laisse à désirer. Notamment quand il faut les aider à faire leurs devoirs. « Le travail des enfants est pour le père ou la mère une de ces corvées sournoises qui se cachent, comme un impôt indirect. Une taxe qui double les prix mais qui ne s'affiche pas. Elle est si bien incorporée qu'on ne pense pas à se plaindre, d'ailleurs, nous n'en avons pas l'autorisation. » Une corvée d'autant plus fastidieuse qu'elle est demandée par l' instituteur de vos enfants qui se trouve être, par ailleurs, l'amant de votre femme...
Moments de franche rigolade également quand nos deux quadra décident de s'inscrire à la Sorbonne et qu'ils redécouvrent un monde incompréhensible qu'ils ont quitté depuis longtemps. « Les étudiants communiquent entre eux comme des sourds-muets. Par signes ou par ondes » Et les deux anciens de se sentir totalement ignorés, comme absents. « La raison est que vous n'êtes pas là. Vous êtes différent. Vous êtes vieux. Les étudiants vous sourient aimablement, mais vous n'êtes pas là. Vous croyez entrer dans leur monde, vous restez dehors, pas loin, mais dehors. Ils ont cet esprit grégaire qui ne vous agrège pas. »
Mauvaise note et explications
Malgré les difficultés (adultère, frère ruiné s'installant chez vous en même temps que la belle-mère), il faut passer les premiers partiels. Et là, c'est la grosse déception. Un 4, la plus mauvaise note de toute la faculté. Antoine demande à rencontrer le correcteur. Une correctrice, Charlotte. « Elle n'est pas précisément belle, imprécisément plutôt. Il y a quelque chose d'harmonieux qui ne se livre pas d'emblée, qui demande de l'attention. La quarantaine, le visage osseux, les cheveux tirés en arrière, pas maquillée, un regard doux que je ne soutiens pas. » Le roman oblique alors sur cette relation entre l'élève et son examinatrice. Antoine, sous le charme, la persuade de dîner avec lui. En pleine bérézina conjugale, il a des doutes sur sa capacité de charmer. « Ce soir, je n'ai pas le cœur à paraître. J'ai décidé de risquer le naturel avec Charlotte. Ce qui n'est pas mon meilleur atout en règle générale. Mais il faut de la gaieté pour feindre. J'en manque. »
Très bonne surprise de cette rentrée littéraire, « L'ami de jeunesse » parvient à allier un ton léger avec une histoire puissante, agrémentée de quelques personnages secondaires d'anthologie comme ce fameux ami de trente ans, Félix, ou la fille de Charlotte, Clara, adolescente gothique de 14 ans trois quart, petit rôle parfait pour dédramatiser les péripéties des dernières pages.
« L'ami de jeunesse », Antoine Sénanque, Grasset, 17,90 € (disponible aussi au Livre de Poche)
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