Ce roman passant au crible les relations entre mère et fille se déroule dans le milieu de la mode qui ne laisse pourtant que peu de place aux sentiments.
Quels liens unissent une mère à sa fille ? Des liens si forts qu'ils résistent aux années, aux mariages et grossesses. Eliette Abécassis, en 170 pages écrites avec les tripes, tente de trouver des réponses dans ce miracle de la maternité. Mais ce sont avant tout des sentiments qu'elle met en lumière, souvent contradictoires, ambivalents, jamais simples. Nathalie est la fille de Sonia. Sonia qui est à la tête d'un empire. Elle a révolutionné la mode à ses débuts. A fait prospéré son entreprise. Nathalie est naturellement en train de prendre la relève.
La romancière, pour faire passer les doutes et déchirement des deux femmes, les plonge dans un milieu artistique et culturel aisé. Même si ce n'est pas évident, Eliette Abécassis étant parfois très dure pour cette activité plus économique que créative. « La mode, écrit-elle. Le milieu le plus superficiel qui soit, le plus frivole, le plus aléatoire, le plus léger. La mode, le lieu sans signification. Passer des heures à discuter d'une longueur, d'un bouton, d'un pli ; quelle importance ? Chercher, traquer la beauté, mais pourquoi ? Pour quelle obscure raison poursuivre le règne de l'apparence ? »
Tristes mannequins « squelettiques »
La description de ce milieu parasite parfois le fond du roman. Sonia, rousse, fantasque, entreprenante, fière d'être Juive et Française, parfois imbue de son succès, mène la vie dure à sa file. Nathalie est longtemps restée la technocrate. Certes, comme sa mère, elle a participé à des défilés, les mettant même en scène, mais sa véritable efficacité a toujours été dans les alcôves financières.
Des défilés que Nathalie apprécient peu, encore moins les mannequins désincarnés qui marchent au pas sur les podiums : « A les regarder de près, aucune n'est vraiment belle, de celles qui représentent la beauté idéale. Traits anguleux, jambes maigres, silhouettes squelettiques, extrême maigreur, effrayante, angoissante, car elle signifie le contrôle, le jeûne, la privation. La beauté, l'insaisissable beauté, où est-elle ? Dans la femme maigre, androgyne, longiligne ou dans la femme opulente ? Qui le décide, et pourquoi ? »
Grossesse inversée
Aujourd'hui Nathalie voudrait reprendre l'affaire à son compte. C'est presque la guerre avec sa mère qui ne veut pas céder les rênes créatrices de la maison de couture. Le roman va reculer dans le temps, chaque chapitre verra les deux protagonistes rajeunir. On comprendra pourquoi Sonia est à la tête de son empire, comment Nathalie a gravi les échelons sans jamais pouvoir se débarrasser de l'influence de la femme qui l'a mise au monde.
Un long cheminement qui a donc commencé quand Sonia était enceinte. Et tout le dilemme de ce roman se retrouve dans ce passage, quand Nathalie s'interroge : « Ma mère, mon miroir. Mon souci de chaque instant. Je suis pleine de toi comme tu étais pleine de moi. » Une grossesse inversée, fil conducteur de ce roman qui, tout en se passant dans un milieu superficiel, n'en aborde pas moins une thématique de fond qui ne peut que concerner toutes les mères, filles, pères et fils de la planète, depuis que le monde est monde.
« Mère et fille, un roman », Eliette Abécassis, Albin Michel, 15,90 €
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